AccueilModernité et imposition du sens

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Publié le mardi 18 décembre 2007

Résumé

Appel à contributions pour un colloque international à Hammamet, du 18 au 20 avril 2008

Annonce

La modernité - euphémisme pour désigner l’économie du marché - s’est édifiée autant par ce qu’elle a construit que par ce qu’elle a détruit. Marx lui-même, ce critique radical, a déjà décrit avec beaucoup d’enthousiasme et d’admiration ce côté révolutionnaire du capitalisme, coté qui à été porteur, à plusieurs égards, de ce qu’on appelle le progrès. Mais ce progrès économique, industriel, scientifique, technique, politique et social à été suivi et accompagné par son cortège habituel de vol, de viol, d’agression et de destruction généralisée. On ne dira jamais assez combien l’économie marchande à été inventée, instituée, constituée est assise sur les ruines, dans la démolition et par les débris des autres manières de produire, de faire, de voir et de penser.

En effet, la domination néolibérale à été tellement massive, tellement lourde, brutale, est corrosive qu’elle à réussi, au bout d’un processus lent et douloureux, à transformer l’interrogation et la critique radicale en nihilisme : entendons par nihilisme ce travail systématique et continu d’imposition du sens qui tend non seulement à altérer, à détraquer, à mettre en panne, à oblitérer, à détourner et à dénaturer les valeurs de l’Autre et en l’occurrence les valeurs de l’économie de subsistance de l’Homme premier, de l’artisan et du paysan mais aussi à produire, sous les bruits et les fracas des destructions, des inventions fabuleuses et bâtardes : aussi invente-t-on, sous les débris d’une paysannerie qui a déjà donné sa démission, les figures du paysan dépaysanné, du prolétarisé, de l’indigène, de l’immigré, du bougnoule, du nègre, du barbare, du sauvage, du mal développé, du sous-développé, du non développé etc.... Travail de totalisation dont l’objectif est de nier purement et simplement la diversité et la différence au profit du culte narcissique du même dont on suspend l’interrogation.

Cette culture du même en tant que construction idéologique de la domination néolibérale, en tant que mythe investi par un pouvoir qui tend à l’expansion a pu défaire le monde, exclure les autres manières de faire et construire, sous les ruines d’un monde détruit, une réalité à son image. Un vaste travail est à conduire en ce sens pour étudier l’emprise de ce mythe sur les manières de faire et de dire autres que celle de l’économie du marché. Mythe de l’Homme universel, de l’Homme identique à lui-même en tout lieu et en tout temps.

C’est, en effet, au nom de cette culture universelle, culture du progrès, de l’égalité et de la démocratie qu’on a mis fin à la vision de l’Autre en disloquant d’une façon spectaculaire ses pratiques culturelles devenues subitement, aux yeux des conquérants et des vainqueurs, des pratiques rétrogrades arriérées, stériles et abracadabrantes d’indigènes peu actifs d’un monde sous-développé et paresseux.

Quand ce processus d’homogénéisation a été mené à sa fin et quand on est parvenu réellement à briser la culture de l’Autre et à mettre en panne, une fois pour toute, ses manières de faire et de dire, les vainqueurs assurés de leurs victoires commencent dès lors à parler de la culture de l’Autre, du droit à la différence et à inventer les stéréotypes de la Bretagne, du fête au village etc. L’intention de ce « langage à double pensée », comme disait Orwell, est claire : faire de la représentation imposée de la culture de l’Autre la culture de l’Autre elle-même. Pour toutes ces raisons, il ne devient plus possible, aujourd’hui, d’écrire un autre Tristes tropiques, un autre Derniers rois de Thulé, un autre Cheval d’orgueil ou un autre Chébika. Le langage authentique des Bororos, des Inuit, des Aborigènes d’Australie ou des paysans bretons ou maghrébins fiers et orgueilleux est à jamais perdu. L’anthropologie qui a toujours été l’anthropologie de l’Autre est désormais quelque chose du passé étant donné qu’une culture autre, radicalement autre que celle de l’économie du marché est tombée depuis longtemps en désuétude et en ruine même dans les coins les plus reculés, même dans le désert et la toundra, même dans les grottes et les forêts profondes que l’ethnologue romantique aime revisiter.

On ne dira jamais assez combien il est urgent d’entreprendre des enquêtes non pas d’anthropologie mais d’enthropologie science vouée, disait Lévi-Strauss, à étudier les manifestations les plus hautes du processus de désintégration. En effet rien n’est plus urgent pour les sciences sociales que de prêter au discours l’usure des choses et de trouver, comme disait Artaud, les mots justes pour dire et verbaliser ce processus muet de mise en panne et de démolition massive afin que les mots inventés puissent avoir le pouvoir d’interroger le sens du progrès ; l’interroger et le faire parler dans une triple direction.

Dans un premier moment, il s’agit du dresser l’inventaire, autant que faire se peut, de ces différentes formes de violences. Tout notre travail consiste ici à enregistrer et à inventorier, à montrer et à faire voir, à rendre compte et à décrire les différentes manifestations de disfonctionnement, d’anomie et de déviance tels que le suicide, la délinquance, les maladies mentales, ou toutes autres sortes de dérèglement, de désintégration ou de rupture avec le lien social dont sont victimes, principalement, les déracinés, les marginalisés et les exclus.

Dans une deuxième direction, il s’agit de mesurer l’écart et d’esquisser les limites entre les identités imposées et les identités produites par les agents sociaux dans la lutte sociale. Aussi devons-nous étudier cet interminable travail de nomination et de dénomination, de définition et de redéfinition, de signature et de contre signature, de dramatisation et de mise en scène, des jeux et des enjeux qui se font et se défont comme un sable mouvant porté par le vent en plein désert.

Dans un troisième moment, il s’agit d’enquêter sur les conditions de production, de réalisation et d’utilisation de l’imposition du sens et corrélativement des identités invoquées convoquées et revendiquées. Il y a là à interroger et à comprendre, à étudier et à analyser, à inventer et à construire les conditions historiques et sociologiques de dérèglement et de mise en panne.

Autant le monde est mondialisé sous l’effet de la circulation des capitaux, des biens et des informations de toute sorte, autant des identités se replient et s’enferment dans maintes formes d’extrémismes, tout en créant des altérités aussi rigides qu’elles soient insupportables, barbares, odieux et invivables. On n’arriverait jamais à comprendre ce phénomène et à remédier à cette violence tapie dans les plis et les creux du présent maghrébin, violence tapageuse, hystérique et assourdissante ou souterraine, rauque et murmurante, si on ne portait pas l’enquête pour poursuivre les travaux remarquables de Samir Amin, d’Abdallah Laroui, de Mostapfa Lachraf, de Paul Sebag, de Jean Duvignaud, de Frantz Fanon et de bien d’autres et si on ne réécrivait pas le déracinement d’une manière aussi éloquente si ce n’est pas plus éloquente que celle de Bourdieu et de Sayad.

Le colloque international "Modernité et imposition du sens" sur le processus de déracinement au Maghreb et son emprise sur la construction sociale des identités est organisé par l'Association Tunisienne de Sociologie (ATS) les 18-19-20 avril 2008 à Hammamet (Tunisie).

Si vous souhaitez y participer, envoyez un résumé de votre communication avant la fin du mois de janvier à :

hassanmouri@hotmail.com
ou /et
Jalel Tlili, 11 rue Carthage Denden 2011 Tunis
E-mail : jalel_tlili07@yahoo.fr
Fax : 70 614 775
Tél. Mobile : 97 605 498 / Fixe : 71 720 044

Lieux

  • Hammamet (Tunisie)
    Hammamet, Tunisie

Dates

  • jeudi 31 janvier 2008

Mots-clés

  • violence, culture

Source de l'information

  • Liens socio
    courriel : Pierre [dot] Merckle [at] ens-lsh [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Modernité et imposition du sens », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 18 décembre 2007, https://doi.org/10.58079/epk

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