Published on Friday, February 05, 2010
Abstract
Announcement
Colloque 2010 : Argumentaire et appel à contribution
Le prochain colloque du Centre de Recherche Européen sur la Diffusion et l’Inculturation du Christianisme (CREDIC) aura lieu à Brive-la-Gaillarde (Corrèze – France) du 30 août 2010 en fin d’après-midi au 3 septembre en début d’après midi.
Le thème retenu est : Concurrences en mission : propagandes, conflits, coexistences (XVIe-XXe siècles). Un argumentaire et un appel à communication figurent ci-dessous.
Merci de transmettre, d’ores et déjà, vos propositions avant le 15 mars 2010 :
- à Salvador EYEZOO : seyezoo@yahoo.fr et
- à Jean-François ZORN : jean-francois.zorn@univ-montp3.fr
1. Le thème du colloque et ses champs sémantiques
L’objectif de ce colloque est de réfléchir aux différentes formes de concurrences dans les missions outre-mer, de la période moderne à la période contemporaine : concurrences entre organisations missionnaires puis entre Eglises. La concurrence avec d’autres religions (islam, hindouisme, etc.) et d’autres idéologies (communisme, fascisme, etc.) à visée expansionniste, sera aussi envisagée dès lors qu’elle est une variable pouvant intervenir dans la concurrence entre chrétiens.
Trois termes, propagandes, conflits, coexistences permettent de parcourir diachroniquement et d’interpréter synchroniquement le thème des concurrences en mission.
- Propagandes : est entendu dans son sens technique actuel comme « ensemble de méthodes utilisées par un pouvoir politique et religieux en vue d’obtenir des effets idéologiques ou psychologiques »[1]. Mais il convient de rappeler que la diffusion du christianisme, inscrite dans le titre même du CREDIC, peut se référer au sens de propagande comme propagation de la foi depuis la création de la Sacra Congregatio de Propaganda Fide en 1622, pour dilater la foi catholique aux dimensions du monde. Cette définition induit la concurrence avec les autres confessions chrétiennes (orthodoxie, protestantisme) pour les périodes moderne et contemporaine retenues pour le colloque (XVIe-XXe siècles). Dans le champ religieux, le terme propagande passe rapidement d’une confession chrétienne à l’autre et prend alors le sens de la pratique concurrentielle de « l’autre » confession[2]. Ce n’est qu’au XXe siècle, suite aux révolutions politiques totalitaires (bolchevique et fasciste), que le terme tend à se détacher du champ religieux pour se déployer dans celui de la politique comme ensemble de moyens de communication de masse en vue de la manipulation de l’opinion et de l’endoctrinement des consciences. Mais avec les nouveaux radicalismes religieux qui s’emparent aussi du christianisme la question d’une possible « propagande chrétienne » doit être prise en compte.
- Conflits : est entendu dans un sens herméneutique, mais pourra aussi être étendu au domaine de la contrainte morale, voire physique. Les concurrences relèvent du combat argumentatif, autrement dit de l’apologétique visant à défendre 1) des doctrines et une confession contre les autres ; 2) des méthodes et des stratégies en vue de l’endoctrinement et de la confessionnalisation (terme préférable ici à conversion) des autres ; 3) des espaces culturels (art, éducation, santé) et matériels (territoires, institutions) à conquérir pour implanter le christianisme. En effet, outre-mer plusieurs christianismes qui se disputent le leadership doctrinal et confessionnel entrent en compétition, en termes de concurrence doctrinale, de conflits stratégiques d’occupation de l’espace, de dissensions internes ou externes en lien avec le contrôle ou la passation du pouvoir au sein de l’appareil missionnaire (oppositions entre acteurs missionnaires étrangers et locaux) pouvant déboucher sur des scissions. Le conflit herméneutique initial se transforme en conflit de stratégie auquel peut se mêler la violence à tous niveaux (symbolique, politique, physique). Les « missionnés » autochtones intériorisent et instrumentalisent à leur propre compte, en fonction de leurs convictions et leurs intérêts, cet héritage de séparations importé d’Occident.
- Coexistences : est entendu comme le résultat soit d’un constat soit d’une volonté des protagonistes en conflit, d’un dépassement ou d’une traversée de la concurrence dans une perspective pacifiée. Rapidement, à l’intérieur de chaque confession, spécialement au niveau des organisations missionnaires, la nécessité d’élaborer des principes et de mettre en œuvre des pratiques s’est faite jour en vue de ne pas nuire à l’action missionnaire globale du fait que la tâche avaient été le fait de plusieurs acteurs quelquefois sur le même territoire. Les jeunes Eglises ont quelquefois anticipé le mouvement en critiquant le fait que les divisions dénominationnelles (surtout protestantes) ont été importées et leur ont été imposées. Entre les confessions, c’est évidemment l’esprit œcuménique qui a soufflé en mission à compter du début du XXe siècle : il a permis d’envisager l’apaisement des conflits et le dépassement de la concurrence. De l’évitement à la collaboration, dans des Conseils d’Eglises chrétiennes par exemple, le champ missionnaire chrétien s’est trouvé « assaini » des conflits importés. Enfin, entre religions, un dialogue s’est instauré ici ou là ; à l’instar du mouvement œcuménique qui l’a précédé, il a pu faire advenir la coexistence interreligieuse.
2. Périodisation
Dans la période retenue pour le colloque, plusieurs césures apparaissent :
- Période moderne (XVI-XVIIe siècles) : les concurrences en mission se déroulent essentiellement en Europe de l’Ouest entre catholiques et protestants. Ce n’est pas l’objet premier du colloque, même si des aspects confessionnels dudit conflit s’exporteront outre-mer. On pourra cependant ne pas négliger les quelques points de contacts névralgiques des deux confessions dans le Nouveau Monde (Brésil, Floride).
- Période des Lumières et du Réveil (XVIII-XIXe siècles) : la concurrence entre les deux confessions s’engage outre-mer et elle est vive du fait de son lien avec le nationalisme colonial (cf. « qui dit catholique dit Français, qui dit protestant dit Anglais ») ; elle s’installe également à l’intérieur de chaque confession entre congrégations et sociétés missionnaires de sensibilité ou de spiritualités différentes.
- XXe siècle : la mission chrétienne tend à s’inscrire dans une perspective dialogique nouvelle visant à surmonter l’aspect polémique des concurrences jugé compromettant pour la crédibilité du christianisme dans son ensemble vis-à-vis du « monde à évangéliser ». Cette orientation générale – que des études de cas pourraient cependant nuancer – tient à une triple évolution.
- Après la Première Guerre mondiale, dans certaines régions, le mouvement œcuménique a commencé à apaiser les conflits interconfessionnels, principalement entre protestants et catholiques, mais on ne négligera pas les conflits entre l’Occident et l’Orient chrétiens plus anciens. L’unité des chrétiens et des Églises peut-elle alors devenir l’un des objectifs de la mission parmi d’autres (cf. le thème de la commission VIII de la conférence universelle des missions d’Edimbourg en 1910) ?
- Dans l’Entre Deux Guerres, les études ethnologiques se sont développées dans de nombreux pays. Souvent initiées par des missionnaires, ces études ont permis de renouveler le regard sur l’autre et sa culture là où, souvent mais pas toujours, les missionnaires, avait négligé le contexte culturel des évangélisés. L’indigénisation et l’adaptation avant l’inculturation et la contextualisation sont devenues des perspectives incontournables de la mission : elles déplacent les conflits interconfessionnels vers les défis de l’altérité culturelle.
- Après la Deuxième Guerre mondiale, du fait du brassage mondial de l’humanité, la mission a commencé à envisager ses relations avec les autres religions, non plus en termes de destruction, ni même de concurrence, mais de dialogue, voire de complémentarité. Le dialogue interreligieux semble aujourd’hui être devenu un acquis ; certes il ne remplace pas l’annonce du message chrétien, mais peut s’articuler à lui.
Cette triple évolution connaît aujourd’hui des revers :
- On parle de « gel œcuménique » du fait d’une relecture à la rigueur des textes fondateurs de l’œcuménisme contemporain qui indique que chaque confession n’a pas totalement renoncé à polémiquer avec l’autre.
- Certaines confessions chrétiennes (évangélique conservatrice / catholique intégriste) ne sont pas entrées dans le projet œcuménique ni du Conseil œcuménique des Eglises (COE) ni de Vatican II, préférant constituer leur propre réseau interconfessionnel relativement hostile tant au COE qu’à Rome. Cette opposition entre partisans et adversaires du COE et de Rome s’exporte hors d’Europe. Elle entraîne des dissensions voire des scissions au sein des Eglises indigènes (cas du Cameroun) ;
- Le dialogue interreligieux ne se généralise pas du fait que toutes les religions ne vivent pas au même âge : certaines sont conquérantes et prosélytes, alors que d’autres ont renoncé à ces stratégies. L’apologétique missionnaire doit donc se repenser en cette fin du XXe siècle. Tant du côté du COE que de Rome c’est la catégorie du témoignage et de la reconnaissance de l’autre qui l’emporte, posture nouvelle qui permet à chaque confession d’être authentiquement elle-même sans agresser l’autre. Après des phases « fusionnelle », puis « glaciale » de l’œcuménisme et du dialogue interreligieux, on serait en train de passer à une phase « différentielle ».
3. Quelques axes pour des communications
Sans préjuger du programme définitif du colloque qui se fera à partir des offres de communications, on peut cependant dégager quelques axes pour les communications correspondant à des disciplines avec des croisements interdisciplinaires possibles et souhaitables :
1 – Langage et moyens de la concurrence
- La vision de l’autre comme objet (cible) de conflit : stéréotypes simplificateurs et globalisants produisant images déformées et préjugés simplistes.
- La mise en mots de la propagande : élaboration d’un vocabulaire de combat et de concurrence.
- L’argumentation de la polémique : émulation et/ou discrédit, virulence du discours à l’encontre des rivaux présentés comme dangereux, etc.
- Les moyens de la propagande : presse, tracts, ouvrages, revues, images, prédications, catéchismes, films, technologies nouvelles de communication, etc.
2 – Concurrences « intra-chrétiennes »
- Les logiques internes de fragmentation du christianisme missionnaire.
- Divers aspects du conflit catholiques / protestants, catholiques / orthodoxes, protestants / évangéliques, etc.
- L’anticléricalisme et regards croisés sur le conflit Églises missionnaires / Églises autochtones (affirmation des identités chrétiennes autochtones, propagandes autonomistes et passation des pouvoirs).
- Les stratégies d’influence et d’occupation de l’espace :
- aspects théologique et missiologique ;
- aspects anthropologiques (en pays de mission : conflits culturels ou inter ethniques sur fonds d’appartenance religieuse : adhésion à une confession comme facteur décisif de renforcement d’un groupe social) ;
- aspects linguistiques (choix linguistiques et traduction de la Bible et de la littérature comme facteurs de divisions, de rivalités et d’affrontements) ;
- aspects juridiques : Jus commissionis et Comity Agreement ;
- aspects géographiques : la cartographie missionnaire comme instrument de façonnement des espaces confessionnels conflictuels ;
- aspects historiques : zones d’influence confessionnelle : mythes ou réalités ? Mutations et permanences (zones de force ou de faiblesse et zones de mixité confessionnelle ou hybrides) ; accords de répartition des territoires missionnaires.
3 – Concurrences « extra-chrétiennes »
- Les discours anti-esclavagistes et humanitaires comme arguments de stratégies missionnaires concurrentes.
- La propagande politique comme adjuvant de la concurrence en mission : anti-colonialiste et pro nationaliste / anti ou pro-communiste / anti ou pro-capitaliste / anti-nazisme / lutte contre apartheid.
- Le rapport à la laïcité, l’anticléricalisme et le cléricalisme en compétition comme éléments d’instrumentalisation de la concurrence en mission.
- Rapports des missions à d’autres figures idéologiques telles que le modernisme, la libre-pensée, l’athéisme, comme facteurs d’activation de la concurrence en mission.
4 – Les stratégies de rétention des conflits
- Le rôle de la papauté dans la régulation des conflits intra-missionnaires catholiques.
- Le rôle des conférences inter missionnaires protestantes, une forme « d’entente cordiale entre sociétés de missions protestantes » ?
- L’œcuménisme en mission : fin des conflits religieux, marche vers l’unité ou maintien du statu quo religieux ?
- Les Eglises unies en régime protestant, les Conseils d’Eglises chrétiennes : expériences, réussites et échecs.
- Le dialogue interreligieux en mission : protagonistes, expériences, réussites et échecs.
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[1] Jacques Ellul, Histoire de la propagande, Paris, PUF, Que sais-je ? n°1271, 1967, p.6.
[2] Dans une brochure intitulée Les Missions protestantes à la fin du XIXe siècle, le Père P. Pisani écrit à propos de de la London Missionary Society [protestante] et de la Church Missionary Society [anglicane] fondées respectivement en 1795 et 1799 : « Ce qui caractérise ces deux groupements et ce qui caratérise en partie l’importance de leurs recettes, c’est l’extraordinaire activité de leur propagande », Paris, Blod, 1908, p. 37.
Subjects
- Religion (Main category)
- Mind and language > Religion > History of religions
- Mind and language > Religion > Sociology of religion
- Society > History
Places
- Grottes de Saint Antoine, 41 avenue Edmond Michelet
Brive-la-Gaillarde, France
Date(s)
- Monday, March 15, 2010
Attached files
Contact(s)
- Jean-françois Zorn
courriel : jeanfrancois [dot] zorn [at] orange [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Caroline Sappia
courriel : chairesingleton2017 [at] gmail [dot] com
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To cite this announcement
« Concurrences en mission : propagandes, conflits, coexistences (XVIe-XXe siècle) », Call for papers, Calenda, Published on Friday, February 05, 2010, https://doi.org/10.58079/fsq