HomeCulture et contre-culture : genèses, pratiques, conceptualisations
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Published on Thursday, June 09, 2011

Abstract

Appel à contribution pour le colloque international « Culture et contre-culture : genèses, pratiques, conceptualisations » qui se tiendra à l’Université Paris Ouest Nanterre les 21, 22 et 23 mars 2012.

Announcement

Le Groupe d’analyse politique (GAP), le Centre d’études et de recherches sur l’espace germanophone (CEREG) et le Centre de recherches anglophones (CREA) de l’Université Paris Ouest Nanterre, en partenariat avec la chaire d’histoire du temps présent de l’Université de Bielefeld, ainsi que le Centre d’études littéraires Jean Mourot (CELJM) et Interdisciplinarité dans les études anglophones (IDEA) de l’Université Nancy 2 vous invitent à participer au colloque international « Culture et contre-culture : genèses, pratiques, conceptualisations » qui se tiendra à l’Université Paris Ouest Nanterre les 21, 22 et 23 mars 2012. 

La « contre-culture » figure aujourd’hui parmi les notions de référence du vocabulaire intellectuel et historiographique. Elle constitue non seulement un équivalent sémantique extensible des résistances aux cultures dominantes, mais également une périodisation intuitive des contestations de l’ordre social qui ont émergé dans la seconde moitié du 20e siècle. Il suffit peut-être de rappeler, pour évoquer l’évidence apparente de la contre-culture, que celle-ci est devenue une notion pédagogique dans les sciences sociales complétant le diptyque traditionnel culture/sous-culture. Même s’il est le résultat d’histoires différentes, bien qu’en partie enchâssées, son usage à l’étranger n’est pas moins divers et équivoque. Qu’il s’agisse de manuels ou de travaux spécialisés, notamment dans les cultural studies, la contre-culture (counterculture) est régulièrement associée au contexte de sa naissance présumée, la « culture hippie », bien qu’elle soit également mobilisée pour penser des phénomènes aussi larges que ceux des « sous-cultures vagabondes », des « cultures pirate » d’hier et d’aujourd’hui, avec l’émergence des « communautés virtuelles », ou encore des pratiques couvrant le spectre très large des oppositions aux cultures officielles, comme le rock alternatif ou le ragmarket. De même, en Allemagne, des travaux récents semblent ouvrir une perspective attentive à l’histoire vécue des contre-cultures ; ils épousent entre autres la variété des usages concrets du mot Gegenkultur et ses évolutions dans le temps, mais en les pensant notamment à partir de contrastes (Gegenkultur / Popkultur / Alternativkultur) dont la pertinence reste à démontrer. L’histoire croisée des contre-cultures – particulièrement pertinente dans le cas de la RFA et de l’aire communiste – serait ici un moyen pour mettre au jour des décalages rarement explorés.

C’est pourquoi seraient bienvenues les propositions relatives à la chronologie des contre-cultures et aux problèmes qu’elle pose, dans la diversité des géographies et des contextes où elle prend sens. Ces propositions pourraient interroger aussi les dynamiques contestataires des années 1960-1970, essentielles semble-t-il en ce qu’elles enferment des questions pratiques et théoriques dont la connaissance des contre-cultures est indissociable. Il reste que l’historicité des contre-cultures est faite de processus nationaux et transnationaux imbriqués et qu’elle superpose des ordres de réalité en partie différents. Les mots et les mots d’ordre, les mobilisations et les formes de regroupement, les mécanismes collectifs de lutte, les stratégies de renoncement ou de reconversion feraient ainsi aisément l’objet d’études de cas. Les approches pourraient finalement prendre en compte ces différentes dimensions de la contre-culture à partir des entrées suivantes :

- Les hiérarchies culturelles. Le langage des contre-cultures et les alternatives qu’elles mettent en forme sont inséparables des luttes de redéfinition des hiérarchies culturelles et de leur légitimité. Plus concrètement qu’on ne pourrait le penser a priori, les contre-cultures des années 1960 et 1970 ne sont pas une « révolte » contre des « valeurs traditionnelles », mais des ensembles d’opérations de requalification des références culturelles légitimes et de déplacement des frontières entre ce qui tient lieu de culture et fait autorité, et des répertoires culturels réputés impurs. C’est ainsi que, dans le vaste ensemble de publications couvert par le réseau de l’underground press syndicate, on observe non seulement un travail de subversion artistique dans le contenu plus ou moins revendicatif des textes et du graphisme, mais aussi la recherche d’un lien avec des traditions littéraires et artistiques hétérodoxes bien qu’en partie consacrées (dada et les surréalistes, Henry Miller ou Cecil Taylor). L’examen des pratiques de déplacement des frontières de la légitimité culturelle a aussi l’intérêt, pour la période des années 1960-70, de montrer ce que sont les systèmes de références pratiques des acteurs et les conditions d’imposition d’un art d’inventer et de se réinventer plus ou moins difficiles selon les moments et les lieux. Ces efforts ne sont pas compréhensibles en dehors des rapports au sein de l’espace culturel au sens large entre des acteurs aussi différents qu’artistes ou écrivains d’avant-garde, consacrés « prophètes » des mouvements contestataires, sans oublier certaines figures du champ intellectuel (Foucault ou Marcuse), ou « bohème » culturelle en quête de reconnaissance et rédacteurs de journaux auto-édités de contre-information.

- Les trajectoires conceptuelles. La mise en évidence des usages du mot « contre-culture », de ses significations dans les différentes langues, mais aussi des mots et des mots d’ordre de la contre-culture (underground, beat, hippie, en anglais, alternativ, autonom en allemand), révèle à la fois les enjeux de qualification de phénomènes présentés comme nouveaux et certains mécanismes de circulation et de vulgarisation (la télévision, la radio, la presse nationale, spécialisée ou généraliste). Si l’usage et la valeur d’usage des mots sont un indicateur particulier de la consolidation des groupes et de la transformation des structures, suivre leur trajectoire permet de situer les moments où des labels comme « Beat generation » ou « underground » deviennent des outils de désignation apparemment neutre des phénomènes que ces labels recouvrent, contribuant ainsi à les détacher de leurs raisons et de leurs conditions initiales. Ces processus d’officialisation, qui ne sont pas compréhensibles en dehors de l’action des entrepreneurs culturels, font partie intégrante de l’histoire des contre-cultures, de leur « récupération » et de leur routinisation.

- Les dynamiques contestataires. La présence de phénomènes collectifs apparemment nouveaux (les « communes d’artistes », les « cultures alternatives », les « squats/Hausbesetzungen », les « communautés alternatives » etc.), de dispositifs plus ou moins inédits (circuits d’information parallèles, écoles itinérantes, pédagogies parallèles) qui reposent parfois sur des formes de rassemblement déjà inventées comme le familistère à la Godin, doit être pensée à travers ses conditions de possibilité. Ces dynamiques collectives, qui mettent en jeu le rapport passé/présent, s’observent aussi dans la continuité des mouvements politiques des années 1960 et 1970 à nos jours, comme le montre l’exemple de die Grünen. Les débats historiographiques sur la genèse sociale des contestations des années 1960-1970 – en particulier les mobilisations et mouvements étudiants, féministes, gays et lesbiens – doivent ici retenir l’attention pour éclairer certaines raisons « structurelles » trop souvent négligées. Il semble ainsi pertinent de revenir sur les causes sociales de la contre-culture, que celles-ci renvoient, comme l’a montré Dick Hebdige, à des phénomènes de circulation des personnes donnant lieu à des appropriations ou des emprunts culturels ou, comme l’ont montré différentes enquêtes sociologiques à partir des années 1970, à l’apparition de nouvelles contraintes collectives (la dévaluation des titres scolaires, le chômage, l’organisation du travail salarié) qui cessent d’être vécues comme des épreuves individuelles de milieu. L’étude de ces raisons structurelles pourrait mettre en lumière l’existence de convergences transnationales du phénomène. 

Ce colloque international se déroulera à l’Université Paris Ouest Nanterre, les 21, 22 et 23 mars 2012. Les communications écrites devront être remises à l’avance et être rédigées dans la perspective d’une publication. Les propositions de communication (une à deux pages), comportant les nom, prénom, affiliation(s)institutionnelle(s) et coordonnées électroniques des auteurs, sont à envoyer

pour le 15 septembre 2011

à l’adresse e-mail du colloque : colloquecontreculture@gmail.com.

Les communications pourront se faire en français, allemand et anglais. Les communications en allemand ou anglais devront faire l’objet d’un résumé envoyé à l’avance.

Les réponses concernant l’acceptation des communications seront envoyées d’ici le 15 octobre 2011. 

Comité scientifique d’organisation :

Ingrid Gilcher-Holtey, Bernard Lacroix, Xavier Landrin, Anne-Marie Pailhès, Caroline Rolland-Diamond. 

Eléments bibliographiques :

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  • Kristina Schulz, Der lange Atem der Provokation, Frankfurt am Main, Campus Verlag, 2002.

Subjects

Places

  • 200, av. de la République (Université Paris Ouest Nanterre)
    Nanterre, France

Date(s)

  • Thursday, September 15, 2011

Keywords

  • contre-culture, mouvements sociaux, militantisme, underground, transferts culturels, mai-juin 68

Information source

  • Xavier Landrin
    courriel : xavier [dot] landrin [at] yahoo [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Culture et contre-culture : genèses, pratiques, conceptualisations », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 09, 2011, https://doi.org/10.58079/im7

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