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De la vigilance ethnographique

Ethnographical vigilance

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Publié le mardi 05 février 2013

Résumé

La démarche ethnographique suppose de composer avec les singularités et contingences du terrain d’enquête. Ce colloque vise à ouvrir le débat sur la vigilance forte qu’appelle l’ethnographie, à travers des récits d’enquête critiques et réflexifs qui éclairent la manière selon laquelle la démarche se construit dans les interactions entre le chercheur et son terrain, par tâtonnements successifs.

Annonce

Argumentaire

L’ethnographie est une démarche d’enquête au service d’une multiplicité de disciplines. Elle ne se réduit pas à un ensemble de techniques et d’instruments, mais renvoie à une démarche globale qui rend cohérent un travail de terrain, un questionnement de recherche progressif et la production de connaissances (Pepin, 2011). Son intérêt est peu contesté et, mieux, sa plus value méthodologique est largement reconnue, notamment parce qu’elle articule, selon des combinaisons variables, observations, entretiens et recherches documentaires. De fait, l’ethnographie est généralement valorisée depuis les grandes enquêtes des chercheur(e)s attaché(e)s à la tradition de Chicago: elle a fait ses preuves sur de nombreux terrains, où elle a permis de produire des résultats stimulants et de renouveler interprétations et théorisations. Plus récemment, elle a fait l’objet d’un intérêt renouvelé en raison de la position privilégiée de l’ethnographe sur le terrain qui lui permet de repenser les catégories qui ont traditionnellement dominé, pour mieux comprendre et expliquer les phénomènes relevant de la modernité (Weber, 2009). Nonobstant les vertus qu’on lui reconnait, il semble que les chercheur(e)s s’investissent peu dans ce type de démarche, exception faite de certains domaines dont l’anthropologie. Sans doute les freins à un investissement plus important des chercheur(e)s dans cette pratique d’enquête sont-ils liés aux exigences de la démarche en elle-même, parmi lesquelles la présence prolongée sur le terrain est probablement la plus difficile à négocier.

Par ailleurs, et c’est là l’hypothèse de travail de ce colloque, la démarche ethnographique appelle également une vigilance forte. Car si elle est balisée par certains préceptes et recommandations méthodologiques (par exemple, Peretz, 2004), elle ne peut être réduite à un modèle à mettre en œuvre ou à un ensemble de normes codifiées à appliquer : elle suppose de « coller » aux aspérités du terrain, à sa singularité et à ses contingences. La démarche doit être construite dans les interactions entre le chercheur et son terrain, par tâtonnements successifs et abandons de pistes, en réaction aux découvertes, surprises, imprévus et obstacles qui marquent le travail ethnographique (Demazière, Horn & Zune, 2011). De ce fait, la démarche se nourrit aux doutes, s’adapte, se (re)négocie au fil de l’expérience incertaine et déroutante du chercheur, source de questionnements nouveaux et provisoires. Pour le dire autrement, en empruntant la métaphore de Blanchet et Gotman (1992), la démarche ethnographique est un parcours, et le chercheur en dresse la carte au fur et à mesure de ses déplacements, dans une série d’ajustements et adaptations au terrain; il invente sa démarche en progressant, il la « bricole » – au sens ingénieux du terme.

Ce colloque est donc l’occasion d’ouvrir le débat sur cette pratique d’enquête, sous l’angle particulier de la vigilance ethnographique. Cette question est en général escamotée dans les publications, qui sont prioritairement tournées vers l’appréhension des mondes sociaux. En proposant une démarche inverse, nous n’entendons pas seulement inviter à réfléchir aux aspects les plus problématiques de l’enquête, nous voulons aussi améliorer notre compréhension des « épreuves ethnographiques » (Fassin & Bensa, 2008). Les contributions s’appuieront sur des récits d’enquêtes ethnographiques, mettant en évidence la façon dont s’est construite la démarche et la justification des choix effectués pour la faire progresser. Car la vigilance ethnographique engage la capacité du chercheur à argumenter ses choix vis-à-vis de la communauté scientifique, et donc à décrire sa pratique d’enquête de manière critique et réflexive. C’est, par exemple, ce que fait valoir Bizeul (1998), pointant l’importance de la restitution des conditions de l’enquête et des conséquences en découlant sur les informations obtenues : « C’est par l’indication du contexte de tel propos ou de tel acte, par la mention du type de relation existant à un moment donné avec un interlocuteur ou avec l’ensemble d’un groupe, plus globalement par le récit de son enquête, que le chercheur va s’efforcer de montrer la valeur de ses informations et le bien-fondé de son analyse » (p. 753). Ce sont ainsi des récits d’enquête argumentés qui sont attendus, jetant une lumière sur la relation d’enquête, c’est-à-dire sur les façons par lesquelles le chercheur s’est ajusté aux « incidents de terrain » (Malinowski, 1963) qui ont surgi pendant la démarche, ainsi que sur les influences réciproques qui l’ont lié aux personnes concernées par l’investigation. En somme, il ne s’agit pas de faire un compte rendu à prétention exhaustive de la démarche ethnographique dans sa globalité, mais plutôt de tirer profit de certains événements ou particularités du terrain, de certaines surprises ou zones d’incertitude, pour mettre en évidence la manière dont s’exerce la vigilance ethnographique.

Plus précisément, les communications pourront s’articuler autour de trois types de rapport:

  • Le rapport à l’enquête : qu’implique le fait de ne pas verrouiller à l’avance les choix méthodologiques, de ne pas adopter une vision descendante de l’enquête qui imposerait une grille de lecture préétablie ? Comment le chercheur négocie-t-il le jeu des appuis théoriques – qui jouent le rôle de prismes et non de canevas – et les « aspérités » / singularités du terrain ? Quels sont les processus d’ajustement récurrents qui permettent de s’inscrire dans une démarche qui se veut évolutive? Comment se gère l’incertitude permanente qui caractérise la démarche ? Quels sont les coûts d’une posture de flexibilité et de compromis (Morrissette, 2011) ?
  • Le rapport aux acteurs et au terrain : comment se négocie sur le terrain une posture qui vise à comprendre un phénomène sans [trop] le déranger (Lapassade, 2001), alors que les personnes concernées, qui sont liées par des intérêts et enjeux différents, ont des attentes – explicites ou non – envers le chercheur et sa production de savoirs? Comment ne pas se faire « enrôler » dans des jeux d’intérêts qui ne sont pas ceux du chercheur (Demazière & al., 2011) ? Comment gérer les distances sociales, culturelles, symboliques entre chercheur(e)s et personnes concernées par l’enquête (Payet, Rostaing & Giuliani, 2010) ? Quelle est la marge de manœuvre du chercheur dans sa façon d’apparaitre et de se lier à ces personnes (Bizeul, 1998) ?
  • Le rapport à l’objet : comment se (re)définit l’objet de recherche en cours de démarche et quels types de phénomènes, de contingences, etc., participent de cette évolution ? Par quels processus émergent les questionnements nouveaux autour de l’objet ? Comment tenir compte du flou et du discontinu qui caractérisent les phénomènes singuliers du terrain dans la construction de l’objet ? Comment légitimer les interprétations sur l’objet en maintenant une distance critique, en d’autres mots, comment produire la preuve ?

Modalités de soumission

Si vous êtes intéressé(e) à soumettre une proposition de communication (titre et résumé de1 500 caractères espaces comprises), veuillez télécharger le formulaire que vous trouverez sur le site de l’ARQ et le retourner dûment rempli

au plus tard le mardi 12 février 2013

à l’adresse suivante : Karine.Messiernewman@uqtr.ca

Responsables scientifiques

  • Joëlle Morrissette (Université de Montréal, Montréal)
  • Didier Demazière (Centre de sociologie des organisations, Paris)
  • Matthias Pepin (Université Laval, Québec)
  • Karine Messier Newman (Université du Québec à Trois-Rivières, Trois-Rivières)
  • Jean-Pierre Dupuis (HEC Montréal, Montréal).

Lieux

  • Université Laval
    Québec, Canada (G1V 0A6)

Dates

  • mardi 12 février 2013

Mots-clés

  • ethnographie, vigilance, démarche d'enquête, qualitatif

Contacts

  • Joëlle Morrissette
    courriel : joelle [dot] morrissette [at] umontreal [dot] ca

Source de l'information

  • Joëlle Morrissette
    courriel : joelle [dot] morrissette [at] umontreal [dot] ca

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« De la vigilance ethnographique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 05 février 2013, https://doi.org/10.58079/msr

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