AccueilDéfis éthiques, émotionnels et pratiques de la recherche de terrain

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Défis éthiques, émotionnels et pratiques de la recherche de terrain

Going to and Coming from the Field: Ethical, Emotional and Practical Challenges

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Publié le mercredi 03 avril 2013

Résumé

L’institut IACCHOS de l’université catholique de Louvain (Belgique) organise une conférence internationale sur les « Défis éthiques, émotionnels et pratiques de la recherche de terrain » à Louvain-la-Neuve. Cette conférence réunira des chercheur(e)s de diverses disciplines en sciences sociales adoptant des méthodes qualitatives comme quantitatives. Il sera l’occasion de discuter des multiples défis, éthiques, émotionnels et pratiques, rencontrés sur le terrain de recherche.

Annonce

Argumentaire

La littérature scientifique prend rarement en compte « l'histoire derrière les résultats', i.e. les défis éthiques et émotionnels rencontrés dans la recherche, avant, pendant et après la présence sur le terrain. Or ces défis ont un profond impact sur le processus de recherche (Ellis, 1995). Ils méritent toute notre attention, non seulement pour sonder les biais inévitables inhérents à la position de recherche sur le terrain et pour évaluer la qualité des données de recherche, mais aussi pour montrer que la façade de « validité et de neutralité scientifique » cache souvent une approche plus pragmatique qui a façonné le processus de recherche empirique. En effet, « à la fois en tant que chercheur en sciences sociales et être humain, nous avons laresponsabilité de dire les choses comme elles se sont passées, plutôt que telles nous aurions aimé qu »elles se passent » (Wilkinson, 2008 :60). Le reconnaître ne dégrade en rien la qualité et la valeur scientifique des données empiriques ; bien au contraire, cela place les résultats du terrain dans une bonne perspective contextuelle.

Plusieurs décisions doivent être prises avant, pendant et après l'engagement sur le terrain. Comment déterminer la méthodologie à adopter ; comment identifier les potentielle personnes informatrices et comment les approcher ; comment protéger les données et en assurer la confidentialité ; et comment respecter le principe éthique fondamental de la recherche empirique consistant à ne pas provoquer de tort ? L'obligation, dans certains projets, de présenter les cadres de la recherche à un comité d'éthique invite à réfléchir au préalable aux défis éthiques que les chercheur–e–s seront amené–e–s à rencontrer sur le terrain. Il est donc tout aussi justifié d'évaluer ex-post comment les défis émotionnels et éthiques du terrain ont influencé le processus de recherche empirique et comment ils ont déterminé la position du–de la chercheur–e dans un environnement complexe.

Cette conférence réunira des chercheur(e)s de diverses disciplines en sciences sociales adoptant des méthodes qualitatives comme quantitatives. Ce sera l'occasion de discuter des multiples défis, éthiques, émotionnels et pratiques, rencontrés sur le terrain de recherche. Toutes les présentations se feront en français ou en anglais ; une connaissance passive des deux langues est nécessaire. En plus des sessions plénières, les participants auront l'opportunité de présenter leurs propres défis en parallèle des sessions. Nous inviton spécialement les jeunes chercheur(e)s à participer. Les meilleurs papiers seront publiés dans des publications avec comité de lecture.

Les présentations seront subdivisées en 5 groupes différents. Nous préférons que les intervenants ne présentent pas tous les types de défis auxquels les chercheur–e–s ont été/ ou peuvent être confrontés, mais se concentrent plutôt en profondeur sur un des aspects suivants :

A. Enjeux de la recherche de terrain dans des environnements polarisés ou de conflit

La recherche peut avoir lieu dans des environnements polarisés ou de conflit, où le–la chercheur–e, son équipe et les personnes informatrices sont confronté–e–s à la peur et l'insécurité, parfois combinées à une violence physique ou symbolique. Quelles stratégies adopter pour accéder à ces terrains et pour gérer ces environnements politiquement tendus ? Comment atteindre les personnes à interviewer, quel rôle pour les intermédiaires et quel impact l'identité du–de la chercheur–e et de ses intermédiaires peut-elle avoir sur les résultats de recherche ? Comment appréhender la surveillance dans de tels environnements? Quelle place pour l' « undercover research » (dissimuler l'objectif réel de la recherche, voire créer une identité fictive) dans ces contextes et quels enjeux cela soulève-t-il ? Comment assurer la sécurité des personnes impliquées dans la recherche? Comment garantir la fiabilité des données ? Nous aborderons également les aspects éthiques de la recherche dans des environnements de conflit. Alors que le–la chercheur–e a ses propres objectifs (intellectuels, académiques, politiques…), comment se présenter et comment assumer son statut d'observateur–rice critique d'une situation à laquelle il ou elle ne prétend pas avoir de solution immédiate ?

B. Interactions Chercheur–e – Informateur–rice - Objet

Cet atelier traite des conditions sociales de la recherche, ainsi que des droits et devoirs des chercheur–e–s sur le terrain.

  • Conditions sociales de la recherche : La subjectivité (identité, position, rôle) modèle la manière dont les chercheur–e–s cadrent leurs thèmes de recherche et dont les personnes informatrices les approchent. Comment la codification et l'interprétation de l'identité et du comportement des personnes informatrices et de celles en charge de la recherche influencent-elles le processus de recherche ? Comment les chercheur–e–s affrontent ils–elles les questions explicites des personnes informatrices ? Qu »advient-il lorsque le–la chercheur–e lui–elle-même tombe dans la confusion quant à son rôle, sa position et son identité ? Comment gérer tous ces défis en cas de recherche en équipe, où plusieurs opinions peuvent ne pas s'accorder à certains moments ?
  • Questions liées au « genre » : l'abondante réflexion présente dans la littérature féministe sur les rapports sociaux de pouvoir sous-jacents à la construction des savoirs (Harding 1994), incluant le questionnement de la posture située du–de la chercheur–e en termes de « genre », a donné lieu à un plaidoyer visant à « dévoiler les biais sexistes' dans le champ de la recherche, dans ses aspects de théorisation comme dans le champ empirique. Quels sont les soubassements « genrés » des techniques de collecte des données ? Comment les chercheur–e–s affrontent-ils–elles ces soubassements dans les théories propres à leur champ? Est-il possible de mettre en place des techniques de collecte de données collaboratives et « non exploiteuses' au diapason du point de vue féministe (Hartstock 1983) ? L'identité et les pratiques des chercheur–e–s en sciences sociales sont marquées par leurs disciplines spécifiques : y a-t-il des approches propres à la démographie, l'histoire, la sociologie ou l'anthropologie dans le recours à la perspective « genre » dans la recherche?
  • Droits et devoirs : Les chercheur–e–s tentent de gagner la confiance de leurs personnes informatrices afin de dépasser la « façade de normalité » d'une situation caractérisée par le silence, le secret et l'auto-censure (Green, 1995). Ils–elles ont alors l'obligation morale de protéger leurs sources d'information contre d'éventuels dommages. Quels droits les chercheur–e–s ont-ils–elles sur les informations qu »ils–elles recueillent, et jusqu »où peut-on aller pour dévoiler des réalités locales potentiellement perturbatrices ? D'un point de vue éthique, quel est l'impact humain et méthodologique des outils de collecte des données (enregistrement, prise de notes, anonymat)? Comment les chercheur–e–s gèrent-ils–elles les attentes de compensations diverses pour la participation des informateurs au processus de recherche ?
  • Comités d'éthique : Dans divers pays comme les USA, le Canada et l'Australie, les chercheur–e–s sont invités à soumettre leurs projets de recherches à l'approbation d'un comité d'éthique. Quel est l'impact de cette procédure sur la liberté des chercheur–e–s et leur capacité à développer des projets innovants ? Ces procédures, souvent inspirées des sciences biomédicales, sont-elles adaptées aux sciences sociales ? Les universités européennes devraient-elles mettre en place un mécanisme qui aide les (futur–e–s) chercheur–e–s à identifier, formuler et répondre aux dilemmes éthiques auxquels ils–elles font face ?

C. L'interprétation de discours

Cet atelier analyse les enjeux auxquels sont confronté–e–s les chercheur–e–s qui sont amené–e–s à interpréter des discours.

  • L'interprétation de discours contradictoires : Comment interpréter des discours subjectifs et potentiellement contradictoires ? Les personnes informatrices peuvent avoir un enjeu à ce que nous adoptions leur vérité (Robben, 1995). Différentes vérités peuvent aussi émerger d'interprétations « basées sur une mémoire et une expérience différentes de mêmes évènements' (Sanfor, 2006 : 28). En outre, les significations changent à travers le temps et leurs contours varient, tant au niveau individuel que collectif. La recherche historique est particulièrement confrontée à ce problème d'interprétation variable dans le temps : comment interpréter des événements ou discours du passé en utilisant avec précaution les informations disponibles aujourd'hui ? Différentes méthodes de collecte de données (quantitatives versus qualitatives) peuvent également mener à différentes interprétations d'un même contexte.
  • Discours publics versus discours cachés : Qu'en estil des contextes caractérisés par une surveillance ou la répression et où les personnes interviewées peuvent se sentir forcées de se conformer au discours public (autorisé) tout en pensant différemment ? Scott (1995) se réfère aux « discours subversifs cachés », permettant aux dominé–e–s d'exprimer une dissidence sous des formes linguistiquement déguisées, révélant une expression dans l'espace public à travers une réelle « infrapolitique », une forme de vie politique demeurant prudente et discrète, presque invisible. Comment pouvons-nous, en tant que chercheur–e, percevoir ces formes tacites de résistance? l'analyse de métadonnées – telles que les rumeurs, les démentis ou les silences (Fujii, 2010) – peut-elle nous aider ?
  • Traduction : Finalement, comment relever les enjeux de la traduction de réflexions orales vers le langage écrit ? Comment interpréter des concepts ou expressions qui ne peuvent être traduits littéralement ? Comment combiner des données quantitatives et des données qualitatives ?

D. Gérer les émotions et les positions, entre distance et engagement

Cet atelier se penchera sur plusieurs aspects qui découlent de la démarche de terrain, mais qui restent cependant largement « non-dits » (Caratini, 2004).

  • L'engagement émotionnel : Tout d'abord, il abordera la question de l'engagement émotionnel dans la recherche. Lee-Treweek (2000 :127-128) postule que les sentiments sont les données en elles-mêmes, que nos réactions émotionnelles face à des contextes particuliers sont des clefs d'interprétation et de compréhension des émotions de nos interlocuteurs de recherche. En effet, nos propres émotions sont souvent le reflet de l'expérience vécue des informateurs, et peuvent fonctionner comme des « marqueurs » de la recherche (Peterson, 2000). L'empathie nécessaire à la démarche de terrain signifie aussi l'acceptation d'être affecté–e par l'autre (Favret-Saada, 1990). Quelles en sont les conséquences ?
  • L'engagement public : En outre, l'implication et l'empathie d'un–e chercheur–e sur le terrain, peuvent notamment l'amener à assumer une position d'engagement publique dépassant le niveau interpersonnel. Dès lors, quels en sont les dangers et en quoi est-il aussi parfois nécessaire ? Comment choisir la position qui convient entre le détachement et l'engagement fort ? Quels sont les moyens de le faire? Comment s'adresser aux interlocuteur–trice–s de recherche, aux personnes directement concernées par la recherche, et / ou faire face à l'opinion publique internationale ? Comment concilier un engagement, une position publique et son rôle de chercheur–e (tenu–e par exemple à la confidentialité) ?
  • La recherche militante : Enfin, comment se positionner comme chercheur–e dans un cadre de la militance et de l'activisme, qui peut en outre revêtir un sens large dès lors qu »on suppose que « toutes les recherches [sont] intrinsèquement politiques » (Sanford & Angel-Ajani, 2006 : 14).

E. Retour du terrain, publication et enjeux éthiques

En sciences sociales, nous ne faisons pas que « décrire » et « expliquer » la réalité, nous contribuons aussi à construire cette réalité. Nous donnons forme à des conceptions du monde et à des référents universaux. Chercheur–e–s et politicien–ne–s, en tant que « conteurs privilégiés de l'Etat » (Dodds, 1993), sont en réalité profondément en inter-connection au travers des visions du monde produites et par leurs agendas politiques, ce qui n'est pas sans conséquences éthiques. En s'engageant sur le terrain, en analysant ses données et en rédigeant ses résultats, le–la chercheur–e est confronté–e à de nouveaux dilemmes éthiques en fonction de la façon dont la recherche est organisée, ce qui renvoie à la question de sa responsabilité vis-à-vis des personnes rencontrées sur le terrain. Comment les informateur–trice–s doiventils –elles être intégré–e–s dans notre production scientifique ? Cela peut se faire par « coconstruction » (Frogneux, 2011), « droit de réponse » (Biseul, 2008) et par diverses implications dans la rédaction du texte lui-même. Quels sont les avantages et limites de telles postures?

Après publication, comment notre public interprètera-t-il les résultats des recherches ? En effet, « une fois publiés, les résultats de recherche mènent leur propre vie tandis que le chercheur a souvent peu de contrôle sur leur interprétation et utilisation » (Lee-Treweek and Linkogle, 2000 : 23). Outre nos pairs, d'autres personnes lisent nos textes, les interprètent et utilisent potentiellement nos données. Comment présentons-nous ces données en nous assurant de la protection maximale des personnes enquêtées? Par ailleurs, les données devraient-elles tomber dans le domaine public, et cela combien de temps après leur collecte ?

Quels garde-fous faut-il prévoir au cas où des bases de données « anonymes » rassemblent une telle richesse de données que cet anonymat ne peut plus être garanti? Qui peut revendiquer la propriété sur les données et publications? Les données et les publications doivent-elles être considérées comme biens publics? Comment nos publications doivent-elles participer aux débats sociaux ? Comment anticiper les réactions auxquelles elles donnent lieu? Au final quels sont les moyens de « restituer » les résultats à la communauté et est-ce toujours possible (Lamphere, 2004 ; Chauvier, 2003 ; Vidal, 2011) ?

Modalités de soumission

Toutes les présentations se feront en français ou en anglais ; une connaissance passive des deux langues est nécessaire.

En plus des sessions plénières, les participants auront l'opportunité de présenter leurs propres défis en parallèle des sessions. Nous invitons spécialement les jeunes chercheur–e–s à participer. Les meilleurs papiers seront publiés dans des publications avec comité de lecture.

Les résumés qui ne font pas plus de 350 mots (en anglais ou en français) peuvent être soumis en ligne. Les auteur–e–s doivent indiquer dans quels groupes ils–elles veulent présenter, et dans quelle langue.

La soumission d'un article complet est facultative ; les articles complets pourraient être postés sur le site internet de la conférence et les meilleurs seront pris en considération pour la publication.

  • Soumission des résumés : 15 Avril 2013

  • Acceptation des résumés : 15 Mai 2013
  • Ouverture des inscriptions : 15 Mai 2013
  • Fin des inscriptions : 15 Septembre 2013
  • Soumission des articles complets (optionnel) : 15 Septembre 2013
  • Date de conférence : 24-25 Octobre 2013

Comité scientifique

Membres de IACCHOS: An Ansoms (DVLP), Philippe Bocquier (DEMO), Sophie Charlier (DVLP), Jean-Michel Chaumont (Chaire Hoover), Florence Degavre (CIRTES), Xavier Dumay (GIRSEF), Julie Hermesse (LAAP), Vincent Legrand (DVLP), Andreia Lemaître (DVLP-CIRTES), Jacinthe Mazzocchetti (LAAP), Laura Merla (CIRFASE-DVLP), Silvia Mostaccio (GECMA), Emmanuelle Piccoli (LAAP), Ester Rizzi (DEMO), Laura Silva (DVLP)

Membres externes

John Eriksen (Nova), Sara Geenen (Université d’Anvers), Pierre Lannoy (ULB), Nicolas Lainez (Singapore University), Nicolas Marquis (FUSL), Jude Murison (Université d’Anvers), Delphine Naudier (CNRS, CSU-CRESPPA/ Paris 8), Valérie Rosoux (ISPOLE-UCL), Magalie Saussey Université de Toulouse 1 Capitole), Susan Thomson (Colgate University)

Comité de patronage

Ralph Deconinck (Co-directeur GECMA), Matthieu de Nanteuil (Directeur CriDIS), Jean-Louis Dufays (Directeur CRIPEDIS), Michel Dumoulin (CEHEC), Vincent Dupriez (Directeur GIRSEF), Catherine Gourbin (Directrice DEMO), Agnès Guiderdoni (Co-directrice GECMA), Ginette Herman (Directrice CIRTES), Pierre-Joseph Laurent (Directeur LAAP), Brigitte Maréchal (CISMOC), Jacques Marquet (Directeur CIRFASE), Jean-Marie Yante (Directeur TES), Isabel Yepez (Directrice DVLP)

Lieux

  • Place de Doyens, 1.
    Louvain-la-Neuve, Belgique (1348)

Dates

  • lundi 15 avril 2013

Mots-clés

  • défis éthiques, recherche de terrain, sciences sociales

Contacts

  • Stéphanie Lorent
    courriel : contact-cirfase-cismoc-dvlp [at] uclouvain [dot] be

Source de l'information

  • Deborah Delgado Pugley
    courriel : deborah [dot] delgado [at] uclouvain [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Défis éthiques, émotionnels et pratiques de la recherche de terrain », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 03 avril 2013, https://doi.org/10.58079/n6l

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