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Restitution et diffusion des données d’enquête

The restitution and diffusion of research data

Ethnographies plurielles IV

Ethnographies plurielles IV conference

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Publié le vendredi 05 juillet 2013

Résumé

Ce colloque s’inscrit dans la poursuite de la réflexion engagée à la société d’ethnologie française sur les ethnographies plurielles pratiquées dans les sciences sociales aujourd’hui. Après avoir exploré les diverses manières de pratiquer l’ethnographie dans les disciplines, puis avoir suivi le fil des différentes « carrières » d’ethnographes et des premiers pas, nous souhaiterions maintenant aborder la question de la restitution des données d’enquête. La restitution renvoie aussi bien à une forme de réflexivité que l’activité scientifique génère elle-même difficilement, au « retour » des données d’enquête auprès des interlocuteurs sur le terrain qu’à la diffusion des connaissances produites auprès du grand public. Le contexte actuel de la recherche en ethnographie s’avère propice à la conduite d’une réflexion sur la restitution : la reprise de terrains anciens, la numérisation des archives d’une grande enquête comme celle conduite à Minot, le développement d’une ethnologie de commande avec ce que l’exercice suppose d’action culturelle par exemple, les ethnographies multi-situées ou les comparaisons internationales sont autant d’occurrences qui démontrent la pertinence et l’ancrage du sujet tant au niveau local que dans un cadre plus général.

Annonce

Argumentaire

Ce colloque s’inscrit dans la poursuite de la réflexion engagée à la Société d’Ethnologie Française sur les ethnographies plurielles pratiquées dans les sciences sociales aujourd’hui. Après avoir exploré les diverses manières de pratiquer l’ethnographie dans les disciplines, puis avoir suivi le fil des différentes « carrières » d’ethnographes et des premiers pas, nous souhaiterions maintenant aborder la question de la restitution des données d’enquête. Les vertus heuristiques de la réception ne sont plus à démontrer : le chercheur attentif y trouve nécessairement matière à valider ses analyses, à s’ouvrir à de nouvelles perspectives ou à reformuler ses interrogations. En amont, la restitution n’est pas moins productive, même si a priori les questions qu’elle pose sont de l’ordre de la traduction. Il s’agit avant tout de traduire sans trahir le savoir à restituer. De ce point de vue, la restitution renvoie aussi bien à une forme de réflexivité que l’activité scientifique génère elle-même difficilement[1], au « retour » des données d’enquête auprès des interlocuteurs sur le terrain qu’à la diffusion des connaissances produites auprès du grand public. Le contexte actuel de la recherche en ethnographie s’avère propice à la conduite d’une réflexion sur la restitution : la reprise de terrains anciens, la numérisation des archives d’une grande enquête comme celle conduite à Minot, le développement d’une ethnologie de commande avec ce que l’exercice suppose d’action culturelle par exemple, les ethnographies multi-situées ou les comparaisons internationales sont autant d’occurrences qui démontrent la pertinence et l’ancrage du sujet tant au niveau local que dans un cadre plus général.

À l’échelle du terrain, on peut considérer que la restitution est une manière de prolonger l’enquête et l’interaction au fondement de la relation ethnographique. La captation d’images vient renforcer ce processus lorsqu’elle est placée au centre des interactions et qu’il y a don des images produites aux sujets photographiés/filmés par exemple. De ce point de vue, restitution et réception appellent une attention particulière et semblent revêtir en anthropologie un caractère décisif. Elles posent la question de la relation ethnographique entre enquêteur et enquêté, de l’engagement du chercheur et de sa responsabilité sur le terrain, des conséquences que peuvent avoir la réception des connaissances produites auprès des enquêtés comme sur l’enquête elle-même. Ces questions prennent un relief singulier, en même temps qu’elles demandent à être reformulées, à l’heure où s’imposent, sur un certain nombre de terrains, des figures d’ « intellectuels praticiens » qui partagent avec l’anthropologue une certaine capacité d’objectivation et d’expression[2]. Le changement qui préside à l’apparition de ces « informateurs » d’un genre inédit, suppose une redéfinition de l’implication de l’anthropologue sur son terrain[3]. Plus que jamais engagé par le dialogue qu’il noue avec ses interlocuteurs, celui-ci est amené à partager leur posture de « passeur » et à œuvrer à l’élaboration de projets communs. Pareille reconfiguration de l’implication inscrit la restitution dans un nouvel ordre de nécessité en même temps qu’elle induit sa réinvention, sous le signe de la collaboration.

La restitution à l’échelle du grand public interroge tout autrement l’anthropologue. Autant le retour auprès des enquêtés peut être une légitime préoccupation, autant la restitution à une plus large échelle peut sembler superflue. De ce point de vue, l’attitude de l’anthropologue n’a rien d’original. Elle est conforme à celle qui prévaut dans les autres disciplines scientifiques[4]. Le phénomène, du reste, contraste étonnamment avec les mots d’ordre de diffusion de la recherche affichés par les pouvoirs publics qui, depuis les États généraux de la recherche en 1982, ne cessent d’asséner cette injonction. Le peu de reconnaissance, sinon la déconsidération, qui s’attache à la restitution, ne justifie pas seule l’inaction des chercheurs en matière de médiation. À leur décharge, ceux-ci invoquent le plus souvent le caractère fondamentalement antinomique des logiques scientifiques et médiatiques. Quand la science exige problématisation, patience, curiosité et effort, la communication n’a d’autre souci que de simplifier, résumer, séduire, distraire[5].

Il est par ailleurs des difficultés, à commencer par celles qu’inspirent les risques de récupération, d’instrumentalisation, voire de collaboration du savoir dont témoigne l’histoire, notamment celle de la colonisation et de l’Occupation par exemple. Deux attitudes antinomiques en résultent : l’une se garde de toutes formes d’engagement tandis que l’autre prône au contraire une implication et une aide au changement. La relative brièveté de la parenthèse écomuséologique, au cours de laquelle ont été expérimentées certaines formes de restitution et de participation de l’ethnographe à la vie des territoires, ressortit à bien des égards de cette attitude. Comme le montrent Serge Chaumier et d’autres, le musée d’ethnographie adopte aujourd’hui un parti-pris esthétisant et/ou scientifique pour se couler dans le moule du musée classique contre lequel il s’était élevé[6]. Du reste, la traduction muséographique ou expographique ne pose pas problème seulement parce qu’elle suppose une implication sujette à caution. Le musée et l’exposition, modalités quasi « naturelles » de la restitution du savoir, n’apparaissent pas moins suspects de dérapages aux yeux de l’ethnographe conscient des effets patrimonialisants, voire sclérosants, qu’induit toute entreprise de muséification. Enfin, la négligence envers la vulgarisation est sans doute à imputer aux difficultés que peut présenter la réception, difficultés accrues dès lors que l’anthropologue s’adresse à la société dont il a étudié l’une des composantes. Démythifiantes, les déconstructions qu’opère le chercheur suscitent « un dédoublement de la conscience de soi »[7] et ne sont pas aisées à exposer.

La défiance à l’égard de la restitution est loin de constituer un invariant, il est même des traditions nationales qui l’inscrivent dans l’ordre « normal » de la pratique scientifique. L’anthropologie et les sciences sociales brésiliennes par exemple se prêtent particulièrement bien à ce type de comparaison. Leurs intérêts sont prioritairement dirigés vers la société brésilienne qu’elles n’envisagent pas de manière purement scientifique, mêlant à ses interrogations des considérations plus proprement politiques. Il ne s’agit pas seulement de se donner alors les questions nationale, indigène et noire pour objets, mais aussi d’œuvrer à la défense des minorités et de fournir les arguments d’une conception plus intégrée de la nation (cf Gilberto Freyre, Darcy Ribeiro). Cette plus grande porosité des sciences sociales au monde social dans lequel elle prend corps génère fatalement un autre rapport à la restitution. Ainsi dépaysée, la question de la restitution perd du caractère accessoire que nos habitudes professionnelles lui reconnaissent sous nos latitudes. Ne reste plus qu’à interroger nos expériences de retour et à enrichir nos réponses du dialogue avec nos collègues étrangers.

Quels acteurs, aux côtés de l’ethnologue auteur de sa recherche, ces pratiques mobilisent-elles de part et d’autre de l’Atlantique et de l’équateur ? Quelles formes empruntent-elles ? Jusqu’à quel point le discours anthropologique est-il traductible ? En quoi la restitution peut-elle affecter les données de l’enquête de terrain comme les relations entre enquêteur et enquêté ? Quels sont les malentendus possibles provoqués par la réception dans les processus de restitution ? Qu’est-ce que les résultats de l’enquête font aux enquêtés ?Quelles conséquences peuvent avoir la réception sur l’enquête elle-même comme sur les enquêtés ? À quel type d’engagement et de responsabilité doit faire face le chercheur vis-à-vis des populations qu’il étudie comme à celui du grand public auxquels ses travaux peuvent aussi s’adresser ? Un film-recherche fait-il double emploi avec l’enquête elle-même ? Quelles finalités poursuit cette ambition de restitution ? Quels enjeux la motivent-elles ?

Axes thématiques

Les communicants seront invités à répondre à ces questions et à illustrer les thèmes suivants, tant dans leur dimension historique que sociologique et anthropologique :

  • les formes classiques de la restitution (forme de réflexivité de l’activité scientifique, retour des connaissances produites auprès des enquêtés, diffusion au grand public) et les nouvelles formes de restitution (notamment le recours à la fiction).
  • les contextes de la restitution (histoire, évolutions récentes, etc.)
  • la restitution par l’image (photographie, audiovisuel, multimédia)
  • restitution et valorisation du patrimoine (muséologie, patrimoine culturel immatériel, etc.)

Objectifs du colloque

Il s'agit d'aborder la question de la restitution et de la diffusion des données d’enquêtes ethnographiques auprès des enquêtés et du grand public dans un but de valorisation des travaux menés par des chercheurs français et étrangers. Nous souhaitons rendre compte de la variété des formes de restitution pratiquées par les ethnographes aujourd’hui dans les sciences sociales (expositions, productions audiovisuelles et numériques écrits, photographie, images, scénographie, musées…) et interroger les implications à la fois pratiques, épistémologiques, déontologiques et méthodologiques qu’elles suscitent.

Nous attendons de ce colloque international la production d’un savoir renouvelé sur les questions complexes liées à la restitution et au transfert des connaissances, sensibiliser les étudiants et les doctorants à ces interrogations, fédérer un réseau international de chercheurs autour de la thématique.


[1] Jurdant Baudouin, 2006, « Parler la science ? », Alliage, 59.

[2] Voir par exemple le séminaire Production culturelle du patrimoine et du territoire en Languedoc-Roussillon (MSH Montpellier / CERCE, Montpellier, 2008 et 2009), sous la direction de Gaetano Ciarcia, qui prenait acte de ces nouvelles formes de dialogues, tandis qu’il donnait la parole, dans chacune de ses séances, à un anthropologue et à une « personne-ressource » issue du terrain étudié, l’un et l’autre étant invité au même exercice d’objectivation et d’analyse.

[3] Ciarcia Gaetano, (sous la direction de),2011, Ethnologues et passeurs de mémoire, MSH Montpellier, Karthala, Montpellier, Paris.

[4] Jensen Pablo, Croissant Yves, 2007, « Activité de vulgarisation des chercheurs CNRS : un état des lieux », Journal of Science communication, 6 (3).

[5] Chevigné Suzanne de, 1997, « La science médiatisée : les contradictions des scientifiques », Hermès, 21, pp 121-133.

[6] Chaumier Serge, 2000, « Les ambivalences du devenir d’un écomusée », Publics et musées, 17-18, pp 83-113 ; 2003, Des musées en quête d’identité, Paris, L’Harmattan.

[7] Paul Rabinow, 1988 (éd. originale, 1977), Un ethnologue au Maroc : réflexions sur une enquête de terrain, Paris, Hachette.

Propositions de communication

Les propositions de communication (3000 signes maximum, espaces compris) présenteront le ou les thèmes auxquels se rattache leur intervention, l’objet de la recherche, le questionnement et la problématique, le terrain, les catégories et la méthodologie utilisée pour le recueil des données (ou à défaut, les corpus systématiques de sources si ce travail n’est pas lié à un terrain).

Les propositions comprendront les éléments suivants dans l’ordre d’apparition :

  • Nom, prénom du/des auteur-e-s
  • Fonction et institution de rattachement
  • Adresse mail
  • Titre de la communication
  • 5 mots clés
  • Proposition de communication (3000 signes maximum espaces compris)
  • Titre et résumé de la proposition (1500 signes espaces compris)

Les propositions doivent être adressées sous fichier word et rtf à :

pour le 13 septembre 2013.

Nous vous remercions de bien vouloir :

1- indiquer en objet de votre message : Proposition colloque restitution 2014

2- nommer votre fichier de la façon suivante : Nom-colloque restitution 2014.doc

  • Les propositions seront sélectionnées en fonction de leur qualité scientifique et de l’originalité du matériau empirique mobilisé.
  • Les réponses aux propositions reçues seront envoyées début octobre 2013.
  • Les résumés (1500 signes) des propositions acceptées figureront dans le volume édité pour le colloque.

Calendrier 

  • Appel à communications  jusqu’au 13 septembre 2013
  • Réponses aux propositions de communication : 14 octobre 2013
  • Clôture des inscriptions : 6 janvier 2014
  • Colloque du 27 au 29 janvier 2014 à Dijon.
  • Remise des textes définitifs (30 000 signes) pour publication 5 mai 2014

Comité scientifique 

  • Howard S. Becker, Sociologue, San Francisco
  • Philippe Bonnin, AUS/UMR LAVUE, Directeur de recherches, CNRS
  • Sophie Chevalier, MCF, Université de Franche-Comté, PRES Bourgogne- Franche-Comté
  • Sylvaine Conord, Mosaïques/UMR LAVUE, MCF, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
  • Alessia de Blase, LAA/UMR LAVUE, Maître assistante ENSA La Villette, EHESS
  • Agnès de Boulet, CRH/UMR LAVUE, PU, Université Paris 8
  • Cornelia Eckert, Professeur à l'université fédérale de Porto Alegre, Brésil
  • Patrick Gaboriau, AUS/UMR LAVUE, Directeur de recherches, CNRS
  • Aline Hémond, AUS/UMR LAVUE, MCF Université Paris 8
  • Dominique Jacques-Jouvenot, Professeur à l'Université de Franche Comté, directrice du LASA-UFC (EA3189)
  • Marie-Françoise Lacassagne, Professeur à l’Université de Bourgogne, PRES Bourgogne- Franche-Comté
  • Antoine Marsac, MCF, Université de Bourgogne, PRES Bourgogne- Franche-Comté
  • Anne Monjaret, Directrice de recherche CNRS, Présidente de la Société d'ethnologie française (SEF)
  • Gilles Raveneau, MCF, LESC, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
  • Carmen Rial, Professeur à l'Université fédérale de Santa Catarina de Florianopolis, Brésil
  • Sylvie Sagnes, chargée de recherches CNRS, LAHIC/IIAC
  • Florent Schepens, MCF, Université de Bourgogne, PRES Bourgogne- Franche-Comté
  • Jean-Louis Tornatore, Professeur à l’Université de Bourgogne, PRES Bourgogne- Franche-Comté

Organisation

  • Sylvaine Conord, MOSAÏQUES/LAVUE (CNRS, UMR 7218), MCF, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
  • Antoine Marsac, SPMS, (EA 4180), MCF, Université de Bourgogne, PRES Bourgogne- Franche-Comté
  • Gilles Raveneau, LESC (CNRS, UMR 7186), MCF, Université de Paris-Ouest-Nanterre-La Défense
  • Sylvie Sagnes, (LAHIC/IIAC), Chargée de recherche CNRS

Lieux

  • Dijon, France (21)

Dates

  • vendredi 13 septembre 2013

Mots-clés

  • terrain, recherche, réflexivité, restitution, valorisation, chercheur, ethnographies

Contacts

  • Gilles Raveneau
    courriel : gilles [dot] raveneau [at] univ-lyon2 [dot] fr

Source de l'information

  • Gilles Raveneau
    courriel : gilles [dot] raveneau [at] univ-lyon2 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Restitution et diffusion des données d’enquête », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 05 juillet 2013, https://doi.org/10.58079/nyv

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