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Professionnalisation(s) et État. Une sociologie politique des professions

Professionalisation and State. A political sociology of professions

(LaSSP, IEP Toulouse)

(LaSSP, IEP Toulouse)

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Publié le mardi 10 décembre 2013

Résumé

Le terme « professionnalisation » renvoie à la fois au processus historique d’autonomisation des professions établies, aux luttes pour faire reconnaître le caractère professionnel d’une occupation ou encore au processus individuel et/ou collectif d’acquisition de compétences et de connaissances spécifiques à une activité. Ainsi, « le consensus lexical n’entame pas, bien au contraire, le dissensus sémantique » et il paraît nécessaire de poursuivre le travail déjà entamé de mise en objet de cette notion. En l’occurrence, cette journée d’étude propose d’interroger la professionnalisation au croisement de la sociologie et de la science politique, et plus précisément, au prisme des logiques de pouvoir qui lui sont consubstantielles.

Annonce

Argumentaire

Les travaux de sociologie des professions ont permis de questionner la manière dont un groupe de travailleurs construit son activité professionnelle et lutte avec les autres acteurs impliqués dans son activité pour imposer sa propre définition du travail. Deux niveaux d’analyse permettent d’appréhender cette distribution du pouvoir dans et autour d’un groupe professionnel : un niveau microsociologique, renvoyant aux luttes de définition en situation de travail, ce qu’Anselm Strauss appelle l’ordre négocié (Strauss, 1992) ; un niveau plus macrosociologique renvoyant à l’action des groupes organisés pour faire reconnaître leur juridiction (Abbott, 1988). Si nombre de travaux en sociologie permettent de replacer les professions dans l’espace social, nous retenons ici plus particulièrement ceux qui envisagent pleinement l’État comme partie prenante du système des professions : c’est le cas notamment des recherches portant sur des professions libérales constituées avec le soutien de la puissance publique pour réaliser des tâches régaliennes (Suleiman, 1987 ; Quemin, 1997 ; Mathieu-Fritz, 2005), ou sur des professions salariales d’exécution « à statut » (Paradeise, 1984 ; Cartier, Retière, Siblot, 2010). Ces approches offrent de nombreuses perspectives, et les récentes recherches sur les « différentes formes d’interpénétration entre l’État et les groupes professionnels » (Le Bianic, 2013, p. 178), sur les professions confrontées au New Public Management (Bezès et al. 2011) et aux transformations de l’action étatique (par exemple en santé publique : Muller, 2008 ; Pierru, 2012) témoignent de la pertinence de ces investigations.

En science politique, la question de la professionnalisation et des logiques de pouvoir est principalement abordée sous deux angles. Le premier est celui de l’étude du personnel administratif et du rôle des agents subalternes exerçant un pouvoir discrétionnaire dans l’application des politiques publiques et contribuant ainsi à les redéfinir (Lipsky, 1980 ; Dubois, 1999 ; Spire, 2005).Le second est celui du rôle des groupes professionnels dans la prise de décision politique. Les relations entre État et professions ont ainsi été traitées dans leur dimension de corporatismes sectoriels (Jobert et Muller, 1987 ; Hassenteufel, 1997) et dans leur dimension pluraliste, mobilisant les acquis des travaux sur les groupes d’intérêts et sur les mobilisations (Offerlé, 1992 ; Neveu, 2005). Cependant, ces recherches sont loin d’épuiser l’analyse des hiérarchies internes aux professions ou des propriétés sociales des acteurs qui s’engagent dans ces groupements, comme celle de l’examen des luttes pour la définition des intérêts à défendre.

A l’instar des travaux et des pistes que nous venons d’évoquer, le croisement des perspectives disciplinaires pourrait permettre de mettre en lumière un ensemble de phénomènes et de logiques à la croisée des arènes professionnelles et politiques. Par des études empiriques mobilisant les apports de la sociologie de l’action publique, de la sociologie des mouvements sociaux, de la sociologie des groupes professionnels et de la sociologie du travail, cette journée d’étude propose donc de développer l’analyse des relations de pouvoir consubstantielles aux processus de professionnalisation :

  • Pouvoir de l’État et de ses agents qui prescrivent des manières de pratiquer et d’organiser le travail, notamment à travers des formes de standardisation des activités (comptables, gestionnaires…) - par exemple sous l’effet du New Management Public - ou à travers la définition de politiques sectorielles (agricoles, sanitaires…). L’État est donc incontournable, à la fois sur le plan symbolique du fait de la reconnaissance institutionnelle accordée à une activité, mais également sur les plans technique, juridique et organisationnel, puisqu’il participe à l’élaboration des critères de professionnalité, légifère, et octroie des « licences » à certaines activités.
  • Pouvoir des acteurs « intermédiaires » (organisations professionnelles, intermédiaires de l’emploi, intermédiaires culturels...) de produire, de s’approprier, et de retraduire des critères de professionnalité, ou encore de définir les frontières du travail et des groupes professionnels (Roueff et Sofio 2013). Ils le font notamment par la mise en place de codifications, que nous pouvons considérer comme des réponses à des injonctions étatiques, et/ou comme des théories en actes.
  • Pouvoir des professionnels eux-mêmes, dont les pratiques et les conceptions du « vrai boulot » (Bidet, 2011), les engagements (Champy et Israël, 2009), les résistances (Pialoux et Corouge, 2010) participent aux productions normatives du travail et à l’élaboration de ses pratiques légitimes.

Journée d’Étude du LaSSP/Institut d’Études Politiques de Toulouse 10 avril 2014

Modalités d'envoi des propositions

Les propositions attendues devront s’inscrire dans ces perspectives, en cherchant à faire varier les échelles d’analyse et/ou en les articulant. Mobilisant différentes traditions scientifiques, les communications demandées pour cette journée d’étude prolongeront le dialogue — peu développé sur l’étude des professions — entre la sociologie et la science politique.

Les membres du comité scientifique privilégieront les communications interrogeant les logiques de pouvoir et de domination inhérentes aux processus de professionnalisation à travers l’analyse des pratiques et des relations ordinaires de travail - y compris au plus haut niveau de l’État (Eymeri-Douzans et Tanguy, 2013). Cela pourra être l’occasion de questionner la notion de professionnalisation pour éventuellement mieux la définir, la problématiser ou lui préférer d’autres notions. Les propositions pourront notamment porter sur :

  • les injonctions à la professionnalisation de l’État, en tant que prescripteur de normes et de réglementations, qu’elles soient ou non propres à un secteur d’activité, et qu’elles émanent ou non des demandes de groupes professionnels.
  • la manière dont les travailleurs, groupes professionnels et intermédiaires, se saisissent, retraduisent ou s’opposent à ces injonctions dans leur activité quotidienne.

Les propositions de communication (5 000 signes) — incluant la présentation du terrain d’enquête — montreront en quoi le dialogue entre sociologie et science politique peut éclairer les logiques de pouvoir à l’œuvre entre État et professions dans les processus de professionnalisation.

Les organisateurs encouragent vivement les contributions de jeunes chercheurs.

Les propositions devront être adressées à : je.professionnalisations.etat@gmail.com.

Calendrier

Envoi des propositions de communication : 15 janvier 2014

Sélection et réponse aux communicant.e.s : 10 février 2014

Date limite d’envoi des communications (50 000 signes maximum) : 31 mars 2014

Comité d’organisation

Flora Bajard (LaSSP/IEP de Toulouse), Bérénice Crunel (LaSSP/IEP de Toulouse), Caroline Frau (LaSSP/IEP de Toulouse), Frédéric Nicolas (LaSSP/IEP de Toulouse), Fanny Parent (LaSSP/IEP de Toulouse).

Comité scientifique

Flora Bajard (LaSSP/IEP de Toulouse), Valérie Boussard (IDHE/Université Paris-Ouest Nanterre-La Défense), Bérénice Crunel (LaSSP/IEP de Toulouse), Didier Demazière (CSO-Sciences Po Paris), Vincent Dubois (SAGE/Université de Strasbourg), Caroline Frau (LaSSP/IEP de Toulouse), Christophe Gaubert (Université de Limoges), Gwénaëlle Mainsant (CURAPP/UPJV), Frédéric Nicolas (LaSSP/IEP de Toulouse), Fanny Parent (LaSSP/IEP de Toulouse), Gildas Tanguy (LaSSP/IEP de Toulouse)

Bibliographie

- Abbott Andrew, The System of Professions: An Essay on the Division of Expert Labor, Chicago, University of Chicago Press, 1988.

- Bezès Philippe, Demazière Didier, Le Bianic Thomas, Paradeise Catherine, Normand Romuald, Benamouzig Daniel, Pierru Frédéric, Evetts Julia, « New Public Management et professions dans l’État: au-delà des oppositions, quelles recompositions ? », Sociologie du Travail, 2011, n°3, vol. 53, p. 293‑348.

- Bidet Alexandra, L’engagement dans le travail. Qu’est-ce que le vrai boulot ?, Paris, Presses universitaires de France, 2011.

- Cartier Marie, Retière Jean-Noël, Siblot Yasmine, Le salariat à statut. Genèses et cultures, Rennes, PUR, 2010.

- Champy Florent et Israël Liora, « Professions et engagement public », Sociétés contemporaines, 2009, n°73, p. 7-19.

- Demazière Didier, Roquet Pascal, Wittorski Richard, La professionnalisation mise en objet, Paris, L'Harmattan, 2012.

- Dubois Vincent, La vie au guichet. Relation administrative et traitement de la misère, Paris, Economica, 1999.

- Eymeri-Douzans Jean-Michel, Tanguy Gildas, « “Saisir l’État” à travers ses écrits ordinaires. Enjeux, méthodes, objets », ST2 Congrès de l’Association Française de Science Politique, IEP de Paris, 9-11 juillet 2013.

- Hassenteufel Patrick, Les médecins face à l’État. Une comparaison européenne, Paris, Presses de Sciences Po, 1997.

- Jobert Bruno, Muller Pierre, L’État en action, Paris, PUF, 1987.

- Le Bianic Thomas, « Une profession balkanisée : les psychologues face à l’État en France (1945-1985) », Politix, 2013, n° 102, Vol. 2, p. 175‑207.

- Lipsky Michael, Street-level Bureaucracy: Dilemnas of the Individual in Public Services, New-York, Russell Sage Foundation, 1980.

- Mathieu-Fritz Alexandre, Les huissiers de justice, Paris, PUF, 1997.

- Muller Séverin, A l’abattoir. Travail et relations professionnelles face au risque sanitaire, Paris, MSH-Quae, 2008.

- Neveu Érik, Sociologie des mouvements sociaux, Paris, La Découverte, 2005

- Offerlé Michel, Sociologie des groupes d’intérêt, Paris, Montchrestien, 1992.

- Paradeise Catherine, « La marine marchande française : un marché du travail fermé? », Revue Française de Sociologie, 1984, n°25, p. 352-375.

- Pialoux Michel, Corouge Christian, Résister à la chaine. Dialogue entre un ouvrier de Peugeot et un sociologue, Paris, Agone, 2011.

- Pierru Frédéric, « Le mandarin, le gestionnaire et le consultant. Le tournant néolibéral de la politique hospitalière », Actes de la recherche en sciences sociales, 2012, n°194, p. 32-51.

- Quemin Alain, Les commissaires-priseurs. La mutation d’une profession, Paris, Anthropos, 1997.

- Roueff Olivier et Sofio Séverine, « Intermédiaires culturels et mobilisations dans les mondes de l'art », Le Mouvement Social, 2013, n° 243, p. 3-7.

- Spire Alexis, Étrangers à la carte : l’administration de l’immigration en France (1945-1975), Paris, Grasset, 2005.

- Strauss Anselm, La trame de la négociation. Sociologie qualitative et interactionnisme, Paris, L’Harmattan, 1992.

- Suleiman Ezra, Les notaires : les pouvoirs d’une corporation, Paris, Seuil, 1987.

Lieux

  • IEP de Toulouse - 2 Ter rue des puits creusés
    Toulouse, France (31)

Dates

  • mercredi 15 janvier 2014

Mots-clés

  • professionnalisation, État, logiques de pouvoir, sociologie, science politique

Contacts

  • Professionnalisation(s) et État JE
    courriel : je [dot] professionnalisations [dot] etat [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Professionnalisation(s) JE
    courriel : je [dot] professionnalisations [dot] etat [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Professionnalisation(s) et État. Une sociologie politique des professions », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 10 décembre 2013, https://doi.org/10.58079/ow4

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