Targeting, producing, mobilising, and governing public of public action
Cibler, produire, mobiliser, gouverner les publics de l'action publique
Published on Wednesday, February 12, 2014
Abstract
Announcement
Organisée par le CEJEP (Université La Rochelle), PACTE (Université/IEP de Grenoble), et le Réseau « Publics, then, now and beyond » (Open University) avec le soutien du groupe de projet de l’AFSP PopAct « Opinion publique & Action publique ».
Argumentaire
Au sein de la littérature sur l’action publique, les références aux publics de l’action publique sont à la fois omniprésentes et invisibilisées par l’extrême fragmentation des travaux. D’innombrables termes désignant la population et les individus qui composent l’action publique circulent autant dans les sphères académiques que professionnelles : ressortissants, bénéficiaires, cibles, usagers, clients, victimes, protestataires sont autant de noms attribués aux individus intégrant, de manière plus ou moins passive, la production des politiques publiques. Les travaux empiriques ont mis en évidence le fait que ces publics de l'action publique ne sont pas nécessairement pré-constitués mais qu'ils sont, au moins en partie, le résultat d'opérations de catégorisation, de mobilisation voire d'équipement, propres à la mise en œuvre de politiques publiques. Pour autant, en l'absence d'analyse comparative et systématique, ce travail de production et de mobilisation des publics reste mal informé.
Si toute politique publique « véhicule implicitement ou explicitement une segmentation des publics », c’est-à-dire « cible des ressortissants » (Thoenig, 2010, p. 423), cette dimension est souvent considérée comme un aspect technique, lié à l’opérationnalisation de l’action publique. Pourtant, plusieurs travaux ont proposé de problématiser du lien entre politiques publiques et production des publics, dépassant les seules considérations opérationnelles de la constitution des publics. Les travaux d’inspiration socio-historique ont ainsi montré la manière dont l’assignation d’identité par l’action publique constituait un ressort de gouvernement, permettant au pouvoir public de cadrer son rapport avec des individus lié à des problèmes publics tels que le chômage (Topalov, 1994), la consommation de drogue (Beck, 2005) ou le handicap (Buton, 2009). L’action des pouvoirs publics semblent ainsi un facteur déterminant pour la constitution d’un public de ressortissants, l’Etat pouvant aller jusqu’à stimuler les mobilisations de ressortissants pour parvenir à mener ses politiques publiques (Huyard, 2011). L’opération de découpage du public peut également être abordée sous l’angle d’une individualisation croissante de la gestion des politiques publiques, visant à responsabiliser les bénéficiaires dans l’objectif d’un meilleur « management » des politiques publiques. Lié au néolibéralisme, cette responsabilisation/activation des individus bénéficiaires de l’intervention publique (Dubois, 2005), valorisant la parole « ordinaire » et donc dépolitisée de ces derniers (Clarke, 2013), relèverait alors d’une technique gouvernementale, puisque « sous couvert de donner le « choix » aux individus d’adopter une solution qui leur apparait comme la plus satisfaisante, il s’agit en réalité de les inciter à opter pour une solution en particulier, dont on attend ensuite un effet vertueux à l’échelle collective » (Guiraudon, Borraz, 2010, p. 14). Les politiques publiques apparaissent alors comme le moyen de modeler le corps social dans l’objectif de l’enrôler dans une rationalité gouvernementale.
Toutefois, le « public » n’est pas seulement un produit de l’action publique, il est également le résultat de mobilisations sociales indépendantes, pouvant devenir un frein, une résistance, une pression ou un contre-pouvoir aux velléités de l’action publique. Si les frontières entre les publics issus de ces mobilisations et les acteurs décisionnels sont souvent poreuses (Dupuy, Halpern, 2009), aborder leur construction permet de ne pas limiter la construction des publics à un processus descendant de découpage du monde social. Par exemple, les mobilisations sociales peuvent ainsi s’appuyer sur les catégorisations de l’action publique, pour les détourner et en faire un socle identitaire nécessaire à leur action ; ainsi, revendiquer son statut d’usager (Warin, 1999), de riverain (Fourniau, 2007), ou d’handicapé (Gourgues, 2013) constituerait un moyen efficace d’intégrer les cercles décisionnels tout en défiant en permanence l’assignation du rôle par l’action publique. Enfin, la rationalité gouvernementale est souvent moins mise à mal par les diverses protestations et mobilisations de ces opposants, que par l’absence, le désintérêt du public ciblé par les politiques publiques. Le « non-recours » aux prestations sociales (Warin, 2012), comme l’absence des participants des politiques participatives (Gourgues, Mazeaud, 2013), sont ainsi des exemples de l’incapacité des acteurs publics à enrôler, à chaque fois et dans toutes les conditions, les individus pour qu’ils tiennent les rôles qui leur ont été assignés ; ces derniers peuvent simplement ne pas vouloir de l’offre de politique publique construite en leur nom et à leur bénéfice supposé.
Notre journée d’étude se fixe comme ambition d’interroger le processus de construction des publics dans les politiques publiques, en interrogeant la tension existante entre assignation et mobilisation. Notre ambition est d’interroger ainsi la dimension gouvernementale de l’action publique : au-delà de la prise en charge des problèmes publics, ces dernières peuvent être analysées comme l’épicentre de la production incessante d’un ordre social, reposant sur un classement des individus le composant, lui-même contesté en permanence par ces mêmes individus.
Axes thématiques
Les communications attendues, basées sur des travaux empiriques, pourront se concentrer sur deux axes principaux, mais également proposé un croisement de ces deux axes.
Le public comme assignation
Les politiques publiques, considérées comme le fruit d’un processus historique chaotique et incertain de découpage du monde social et des problèmes à résoudre (Payre, Pollet, 2013), reposent sur un ensemble d’opérations permettant d’assigner des identités collectives. L’action publique classe, nomme, compte, catégorise, divise, subdivise la population, assignant des identités aussi variées que celle de chômeurs, drogués, RMIstes, immigrés, etc. L’action publique est alors considérée comme une matrice de la construction de la citoyenneté (Duchesne, Muller, 2003 ; Jobert, 2008).
Ces opérations de définition et de ciblage des publics s’accompagnent de plus en plus souvent d’opérations matérielles destinées à leur donner une consistance et à assurer ainsi leur mobilisation effective. La formation d’une parole du public est ici l’objet d’un travail de médiation, voire de traduction, au sens que lui donne la sociologie des sciences. On retrouve alors différents dispositifs supportant cette traduction, reposant sur des conceptions parfois antagonistes de ce que le public signifie : les sondages d’opinion, considérant le public comme un « déjà-là » à interroger ; les dispositifs participatifs et délibératifs, considérant le public comme une entité « à former » (rassembler, éduquer, enrôler) sur la base de méthodologies de plus en plus sophistiquées (Felt, Fochler, 2010). On peut alors se demander comment ces instruments permettant la formation d’une « parole » du public, des sondages aux dispositifs participatifs, agissent sur les politiques publiques.
Cette activité de classement et d’assignation d’identité peut-elle être considérée comme l’ambition prioritaire des politiques publiques, bien avant un quelconque objectif de résolution des problèmes publics ? Quelle est la part des logiques politique et gestionnaire dans ce travail de ciblage des publics ? Quels sont les modes opératoires utilisés pour définir les contours et représenter les propriétés, les comportements des publics des politiques publiques ? Jusqu’où peut-on étudier la « domestication » de groupes sociaux porteurs de problèmes par les politiques publiques ? Dans quelle mesure les catégories produites par les politiques publiques – le public comme assignation – sont-elles intériorisées et mobilisées par les individus concernés ? Existe-t-il des différences entre les catégorisations sociologiques classiques (chômeurs, cadres, ouvriers, etc.) et les publics crées par les politiques publiques ?
Le public comme mobilisation
En renversant la dynamique d’assignation, le public de l’action publique se présente également sous les traits d’une subjectivation, c'est-à-dire de la revendication d’une identité au nom de laquelle intervenir dans la gestion des affaires publiques. Le basculement de la figure de l’usager, passant progressivement du statut de « cible » à celui « d’acteur » des politiques publiques au terme d’un travail de revendication et de reconnaissance (Warin, 1999), permet de comprendre comment la construction du public peut être le résultat d’une mobilisation.
La formation du public renvoie d’abord aux logiques de mobilisation et d’affrontement qui alimentent le travail de construction des problèmes publics (Gilbert, Henry, 2012 ; Cefai, 2013). Dans un sens proche de celui proposé par John Dewey, le public apparait comme l’entité parvenant à exister au terme d’un travail d’enquête sociale sur les problèmes traversant le corps social. Des acteurs de toute sorte se constituent alors en « public » au sens de groupes mobilisés, parfois extérieurs aux cercles décisionnels habituels, mais rapidement constitués en acteurs incontournables.
Comment des individus ou des groupes parviennent-ils à revendiquer (et obtenir) le rôle du « public » d’une politique publique ? Quels sont les « publics » qui ne parviennent jamais cette reconnaissance, et pourquoi ? Comment les publics produits s'articulent ils avec des groupes sociaux existants par ailleurs ? Dans quelle mesure les publics créées par les acteurs publics peuvent-ils devenir des supports de l’action collective, et donc des publics tels que les définit John Dewey ?
Bibliographie
- Beck François, 2005, « Dénombrer les usagers de drogues : tensions et tentations », Genèses, 58, p. 72-97.
- Buton F., 2009, L’administration des faveurs. L’État, les sourds et les aveugles (1789-1885), Rennes, PUR.
- Cefai Daniel, « L’expérience des publics : institution et réflexivité », EspacesTemps.net, Travaux [en ligne]
- Clarke John, 2013, « L’enrolement des gens ordinaires. L’évitement du politique au cœur des stratégies gouvernementales », Participations, 6 (2), 167-189.
- Dubois Vincent, 2007, « État social actif et contrôle des chômeurs : un tournant rigoriste entre tendances européennes et logiques nationales », Politique européenne, 1 (21), p. 73-95.
- Duchesne Sophie, Muller Pierre, 2003, « Représentations croisées de l’Etat et des citoyens » in Favre Pierre et al. (dir), Etre gouverné., Paris, Presses de Sciences Po, 35-51.
- Dupuy Claire, Halpern Charlotte, 2009, « Les politiques publiques face à leurs protestataires », Revue française de science politique, 59 (4), 701-722.
- Felt Ulrike, Fochler Maximilian, 2010, « Machineries for Making Publics: Inscribing and De-scribing Publics in Public Engagement », Minerva, 48 (3), p. 219-238.
- Gilbert Claude, Henry Emmanuel, 2012, « La définition des problèmes publics : entre publicité et discrétion », Revue française de sociologie, 53 (1), p. 35-59.
- Gourgues Guillaume, 2013, « Les personnes handicapées font-elles de « gentils » participants ? Genèse et réforme d’une instance consultative en Ile-de-France », Terrains & travaux, 23 (2), 179-195.
- Gourgues Guillaume, Mazeaud Alice, 2013, «Quantifier la démocratie régionale. Pratiques et usages de la mise en chiffres de la démocratie participative par les conseils régionaux français », communication lors du colloque PMP « Numbers, policies, politics ».
- Guiraudon Virignie, Borraz Olivier, 2010, « Les publics des politiques », in Guiraudon Virginie, Borraz Olivier (dir.), Politiques publiques. 2. Changer la société, Paris, Presses de Sciences Po,
- Huyard Caroline, 2011, « Quand la puissance publique fait surgir et équipe une mobilisation protestataire », Revue française de science politique, 61(2), 183-200.
- Jobert Bruno, 2008, « Postface : des référentiels civils », in Giraud Olivier et Warin Philippe (dir.), Politiques publiques et démocratie, Paris, La Découverte, 407-423.
- Payre R., Pollet G., 2013, Socio-histoires de l’action publique, Paris, La Découverte
- Thoenig Jean-Claude, 2010, « Politiques Publiques », in Boussaguet Laurie, Jacquot Sophie, Ravinet Pauline (dir.), Dictionnaire des politiques publiques, 3ème édition, Paris, Presses de Sciences Po, 420-427.
- Topalov Christian, 1994, Naissance du chômeur, 1880-1910, Paris, Albin Michel.
- Warin P., 2012, « Le non-recours aux droits », SociologieS, Théories et recherches [En ligne]
- Warin, P., 1999. « Les « ressortissant s» dans les analyses des politiques publiques », Revue française de science politique, 49 (1), 103-121.
Modalités de soumission
Les propositions de communication, d’une longueur d’une à deux pages, devront être envoyées simultanément aux deux organisateurs de la journée d’études :
Guillaume Gourgues : guillaume.gourgues@hotmail.com
et Alice Mazeaud : alicemazeaud@yahoo.fr
au plus tard le 1er mars 2014.
Les réponses seront communiquées au plus tard le 1er avril et les communications définitives sont attendues pour le 1er juin.
La journée d’études sera organisée le 13 juin 2014 à la Faculté de droit, de science politique et de gestion de l’Université de La Rochelle.
Responsables scientifiques
- Alice Mazeaud (Université de La Rochelle)
- Guillaume Gourgues (Université de Franche-Comté)
Contact : guillaume.gourgues@hotmail.com et alicemazeaud@yahoo.fr
Subjects
- Political studies (Main category)
- Society > Political studies > Governance and public policies
Places
- La Rochelle, France (17000)
Date(s)
- Saturday, March 01, 2014
Attached files
Keywords
- politiques publiques, publics, gouvernement, mobilisations
Contact(s)
- Alice Mazeaud
courriel : alicemazeaud [at] yahoo [dot] fr - Guillaume Gourgues
courriel : guillaume [dot] gourgues [at] hotmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- Guillaume Gourgues
courriel : guillaume [dot] gourgues [at] hotmail [dot] com
License
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To cite this announcement
« Targeting, producing, mobilising, and governing public of public action », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, February 12, 2014, https://doi.org/10.58079/peq