Argumentaire
"Tunisian-Mediterranean Association for Historical, Social and Economic Studies" & "Tunisian World Center for Studies, Research, and Development" organiseront le 29, 30, et 31 octobre 2015 le huitième colloque international sur le thème : Systèmes agraires en crise, insécurité alimentaire et résistances paysannes. Quelles voies pour un authentique développement durable ?
La question alimentaire ne cesse de nourrir angoisses et controverses. A juste titre, car c’est le sort d’une grande partie de l’humanité qui est jeu : le nombre d’êtres humains souffrant de la faim a dépassé le milliard en 2009, ce qui est intolérable, même s’il redescend lentement depuis. De nos jours, il ne s’agit plus de spéculer sur l’accroissement démographique, dès lors qu’il est pratiquement admis que la Terre atteindra au cours de ce siècle un maximum de 10 milliards d’habitants. La question fondamentale est de savoir comment assurer une alimentation décente à l’ensemble de cette population, sur la base de ressources certes globalement limitées, mais surtout très inégalement réparties. La crise actuelle des systèmes agraires à l’échelle du monde est la rançon de plusieurs siècles d’irresponsabilité collective. Au latifundisme colonial a succédé un système insolite dont la logique est celle du capitalisme financier, avec pour stratégie le « hors sol planétaire ». Quelle place reste-t-il pour d’authentiques agricultures paysannes dans un tel contexte ? La reconnaissance tardive des vertus de celles-ci ne répondrait-elle pas au souci d’assurer la reproduction au moindre coût d’une force de travail « flexible » pour des tâches ultra-parcellisées ? Mais les résistances multiformes des paysanneries organisées ne jouent-elles pas de leur côté un rôle croissant ?
Axes thématiques
C’est dans le but d’engager un débat approfondi sur la base de ces questions que "Tunisian-Mediterranean Association for Historical, Social and Economic Studies" (TMA/HSES) & "Tunisian World Center for Studies, Research, and Development" (TWC/SRD) organisent un colloque international ouvert aux chercheurs de toutes disciplines en sciences sociales, lequel s’articulera autour de six axes thématiques.
1. Structures agraires et rapports de production
Toute forme d’activité agricole s’insère dans un contexte économique et social spécifique, assignant aux producteurs des règles précises en matière d’accès/utilisation des moyens de production. L’agriculture dite « paysanne » implique une organisation basée sur le travail « familial » et visant à couvrir l’ensemble des besoins (alimentaires et autres) des membres de chaque cellule domestique ainsi que la reproduction de celle-ci. La mobilisation des moyens de production et de l’énergie humaine renvoie aux rapports de production, eux-mêmes insérés dans le cadre des structures agraires locales, et impliquant une organisation précise des tâches à caractère égalitaire ou au contraire hiérarchisé. Certains producteurs investis de fonctions privilégiées sont en mesure de capter un certain volume de surtravail au détriment des autres[1], sous des formes concrètes très variables. Dans les sociétés « lignagères » d’Afrique subsaharienne, les « aînés », responsables de l’organisation de la production (dont la distribution de terres) et des échanges matrimoniaux, imposent de lourdes prestations de travail gratuites aux « cadets » et surtout aux femmes. Mais dans d’autres sociétés, c’est l’appropriation inégale de la terre qui constitue le principal facteur de différenciation. Le latifundisme (bien connu en Amérique latine notamment) implique une opposition brutale entre une minorité de très grands propriétaires et une multitude de paysans pauvres ou sans terre. Les rapports de métayage entretiennent la surexploitation et la dépendance de larges fractions des producteurs déshérités : tel est le cas du khammassa (métayage au quint) au Maghreb depuis des temps très anciens[2], mais actuellement en voie de disparition. Par contre, certains contrats « associant » de gros exploitants bien équipés en matériel mécanique et de petits propriétaires en perte d’autonomie traduisent en fait un processus inexorable de dépossession des seconds.
Comment définir les conditions de l’autonomie relative de toute unité de production familiale ? La petite production familiale se caractérise en fait par sa capacité à jouer sur les diverses formes de dépendance et s’aménager des espaces autonomes. D’où l’intérêt du concept (peu connu) de « forme de production artisanale » (FPA), du fait de sa précision mais aussi de sa souplesse. La FPA a pour spécificité « la double unité, technique et sociale, du travailleur et des moyens de production »[3]. Cette double unité désigne un ensemble de pratiques et de conditions sociales qui tendent à assurer au petit paysan un contrôle direct des principaux facteurs de production et de la force de travail : processus constamment renouvelé en vue du maintien d’une autonomie menacée.
2. Les paysans dans l’Histoire : entre oppression, résistances et révolutions
Bien qu’ayant constitué jusqu’à une époque toute récente la très grande majorité de l’humanité, les paysans restent les grands « inconnus » de l’Histoire officielle, du fait des immenses lacunes de la connaissance historique comme de la masse de stéréotypes et de parti-pris à leur sujet. Rares sont encore les observateurs qui les considèrent réellement comme sujets historiques. Les modes d’insertion des groupes de producteurs agricoles dans toute formation sociale et politique impliquent des contraintes de nature et d’intensité très variables. Dans les sociétés dites « hydrauliques » (Mésopotamie, Egypte ancienne, Chine, etc.), rassemblant des populations nombreuses sous l’autorité d’un pouvoir étatique très centralisé, les paysans sont soumis à de lourds tributs en travail et en nature au bénéfice (au moins officiel) de la collectivité. Ce système coercitif n’équivaut cependant pas à une oppression systématique comme dans les systèmes esclavagistes ou féodaux. L’esclavage a occupé une place importante mais inégale dans de nombreuses sociétés anciennes : en fait, il est souvent difficile d’identifier avec certitude les sociétés « esclavagistes » au sens strict, c’est-à-dire celles où l’ensemble de la production matérielle repose essentiellement sur le travail servile. Tel fut le cas de diverses sociétés du Bassin méditerranéen, et notamment de l’Empire romain, dont l’effondrement au début de l’ère chrétienne entraîna un recul très sensible de l’esclavage, surtout au niveau de l’activité agricole. Par contre, on assiste bientôt à un essor sans précédent de la traite esclavagiste, d’abord saharienne, puis atlantique. La première, directement liée au développement du commerce caravanier (notamment de l’or), aboutit à des transferts massifs de captifs des pays du Sahel vers le Maghreb (et de là vers l’Orient) entre le VIIe et le XIXe siècle[4]. Mais il est très difficile d’évaluer la proportion de cette main d’œuvre servile affectée à la production agricole dans les principales zones de destination (dont les oasis). La traite atlantique (déportation jamais égalée dans l’histoire humaine) répond quant à elle à l’avidité des grands planteurs du Nouveau Monde. Les conditions d’existence objectives des esclaves varient selon les lieux et les époques, tout comme les formes de résistance qu’ils développent : au Brésil, celles-ci vont de l’insurrection ou établissement de communautés indépendantes (quilombos) à des formes efficaces de contestation du pouvoir des maîtres sur les plantations, mais également à la formation de secteurs de production autonomes[5].
Concernant le système féodal, on sait qu’il a occupé une place dominante au niveau de l’ensemble de l’Europe (et d’une partie de l’Extrême-Orient) sur une très longue période. Si la condition qu’il impose aux producteurs agricoles à travers le servage est bien connue dans son principe, ses formes concrètes varient considérablement, et n’évoluent jamais selon un schéma linéaire. Ce système soumet le serf à de multiples formes de prélèvement (en travail et en nature), sans chercher réellement à élever la productivité. L’asservissement des producteurs est beaucoup plus tardif en Europe orientale et au Japon qu’en Europe occidentale, ce qui se répercute sur les formes de transition du féodalisme au capitalisme[6].
A partir de la révolution industrielle, le système capitaliste étend constamment son contrôle sur l’ensemble de l’activité économique à l’échelle mondiale. D’où une expansion coloniale sans précédent, qui soumet la majorité des peuples des autres continents à la domination (directe ou indirecte) des grandes puissances industrielles occidentales. Cette domination s’exerce surtout sur les populations rurales (très majoritaires), sous les formes les plus diverses, de la dépossession foncière au travail forcé. Celles-ci résistent par tous les moyens, et contribuent souvent de façon décisive aux luttes de libération nationale. D’autre part, les révolutions qui ont lieu dans certains grands pays (Mexique, Russie, Chine…) s’appuient en grande partie sur les paysans.
3. Politiques agraires, organisations paysannes et initiatives collectives autonomes
Les structures agraires et les rapports de production à l’échelle d’un pays donné peuvent connaître des transformations profondes sous l’effet de divers facteurs, parmi lesquels on distingue schématiquement l’intervention de l’Etat et l’action consciente et organisée des producteurs. Toute intervention étatique s’inscrit dans le cadre d’une politique agraire visant des objectifs précis et dotée de moyens adéquats en vue de leur réalisation. Ses orientations varient en fonction du régime politique, du rapport des forces politiques et du poids relatif de l’agriculture dans l’économie nationale. Les politiques agraires peuvent revêtir un caractère incitatif ou contraignant. Dans le premier cas, elles mettent en œuvre un ensemble de mesures destinées à renforcer la viabilité d’un certain modèle de production (par exemple l’exploitation familiale de taille moyenne) : prix agricoles, crédit, subventions, aides pour l’accès au foncier… Cependant, lorsque le principal obstacle au développement agricole réside dans une répartition excessivement inégale de la propriété, il s’avère nécessaire de procéder à des réformes agraires. Contrairement à une idée largement répandue, celles-ci ne s’inscrivent pas obligatoirement dans un processus révolutionnaire : on peut même dire qu’elles sont le plus souvent conçues par les classes dirigeantes, en fonction des intérêts du capital industriel[7]. Le rôle effectif des paysans pauvres est extrêmement variable – même si une forte mobilisation paysanne est la première condition d’une réussite des opérations de redistribution. Mais le plus important (et le plus difficile) est de parvenir à une modification profonde des rapports de production et à la mise en place d’unités de production viables. D’une manière générale, les politiques agraires dans les pays du Sud donnent la priorité aux cultures d’exportation ou à l’approvisionnement alimentaire des grandes villes à bas prix, et très rarement au renforcement des capacités autonomes de petits paysans majoritaires.
Dans les pays du Nord, les pouvoirs publics doivent compter avec des organisations professionnelles agricoles relativement anciennes, constituant des partenaires incontournables – bien que représentant surtout les gros exploitants. Il en va autrement dans la majorité des pays du Sud où, jusqu’à une époque récente, les producteurs étaient très rarement représentés, en dehors des structures d’encadrement officielles. Cependant, on assiste dans certains pays depuis deux à trois décennies à la multiplication de groupements de producteurs ou d’associations villageoises autonomes à fonctions multiples, qui tendent à se fédérer à tous les niveaux. Ce mouvement, d’intensité certes inégale, fait l’objet de débats passionnés, certains observateurs le saluant comme une « révolution silencieuse », tandis que d’autres y voient une stratégie de captation d’aides extérieures. En fait, il importe de s’interroger sur les implications de ce phénomène dans chaque cas précis, compte tenu de la diversité des expériences[8]. D’autre part, on assiste à des évolutions très divergentes : certains mouvements se renforcent constamment, s’imposant comme acteurs de développement, tandis que d’autres périclitent ou tombent dans la dépendance passive à l’égard des structures d’appui.
4. Campagnes et producteurs ruraux face au monde urbain et au marché : complémentarité ou subordination ?
Si l’ancienneté du phénomène urbain est extrêmement variable selon les aires géographiques et les sociétés, l’urbanisation massive du monde est un trait majeur de notre époque, bien que sous des formes contradictoires. Dans les pays industrialisés, le clivage classique rural/urbain tend à s’estomper. Dans les pays du Sud, l’exode rural entretient un afflux incessant (et préoccupant) vers des mégalopoles déjà saturées. Le rythme des mouvements migratoires est rarement en harmonie avec celui du développement économique.
Dans certaines parties du Bassin méditerranéen, l’intensité des liens villes/campagnes reflète le rôle économique et politique des « cités » depuis l’Antiquité. Au Maghreb, à caractère rural plus marqué, Ibn Khaldûn a élaboré au XIVe siècle une théorie de l’articulation villes-campagnes, insistant sur leur unité dialectique[9]. Mais au cours de l’histoire, le rapport de force tend à évoluer en faveur des premières. A l’époque moderne, ces rapports présentent globalement un caractère asymétrique, en dépit de contrastes régionaux souvent frappants : ainsi en Tunisie, l’emprise foncière citadine peut contribuer au dynamisme agricole (Cap Bon) ou à l’inverse prendre des formes parasitaires (Nord-ouest)[10]. Mais la dépendance générale des fellahs tunisiens vis-à-vis des marchés urbains (où ils interviennent autant comme acheteurs que comme vendeurs) se renforce depuis plusieurs décennies[11]. Dans nombre de pays d’Afrique subsaharienne, la croissance urbaine fulgurante suscite une hausse exponentielle de la demande de produits alimentaires de base : ce qui contribue souvent à dynamiser les régions productrices – tout au moins les mieux reliées aux grandes agglomérations. Ainsi, en Côte d’Ivoire, une « étroite osmose » unit les villes et les campagnes les plus densément peuplées, « le dynamisme des unes […] étant étroitement chevillé à celui des autres »[12]. D’où des effets positifs sur tous les plans : amélioration de l’approvisionnement alimentaire des villes et hausse sensible des revenus des producteurs ruraux. Cependant, cette dynamique est souvent analysée en termes réducteurs et biaisés, en privilégiant la satisfaction des consommateurs urbains, abstraction faite des inégalités entre producteurs ruraux. Or un même résultat (en termes de volumes de vivres commercialisés) peut concerner une proportion très variable des producteurs (de moins de 20 % à plus de 60 % par exemple), ce qui a des implications sociales et économiques très différentes.
5. Globalisation, oligopoles et insécurité alimentaire
Si l’histoire de l’humanité a été jalonnée de famines, celles-ci ne sont plus considérées de nos jours comme une fatalité, mais plutôt comme une anomalie ou un scandale, compte tenu des moyens techniques et scientifiques actuellement disponibles, lesquels devraient théoriquement garantir une alimentation correcte à tous les habitants de la planète. Cependant, des controverses persistent quant à la possibilité d’atteindre réellement un tel objectif dans un contexte marqué à la fois par la poursuite de l’accroissement démographique mondial et la tendance à la réduction globale des ressources exploitables (terres cultivables, eaux, etc.) – à quoi s’ajoutent les changements climatiques dont les effets négatifs menaceraient surtout les parties les plus pauvres et les plus peuplées de la Terre. Mais à côté de ces questions d’une redoutable complexité (et qui mobilisent surtout les spécialistes des sciences « dures »), il y a les questions relatives à la circulation (essentiellement commerciale) et leurs répercussions sur les conditions de la production elle-même. Dès l’Antiquité, certaines régions du Bassin méditerranéen (entre autres) exportaient des excédents céréaliers par voie maritime, pendant que des régions voisines souffraient de graves pénuries. Au cours des siècles, le commerce des produits alimentaires a toujours joué un rôle stratégique – en dépit de la réduction constante de leur poids relatif dans la valeur globale des échanges (dominée successivement par les produits manufacturés, puis les produits financiers). Dans le contexte actuel de globalisation, le commerce agro-alimentaire tend à se concentrer aux mains de grands oligopoles qui, par le biais de l’OMC (organisation Mondiale du Commerce), s’efforcent d’imposer leur loi à l’ensemble du monde, notamment par la suppression progressive des barrières douanières et le « brevetage du vivant », etc. Mais le plus lourd de conséquences à moyen et long terme est sans doute l’intervention directe ou indirecte des « empires » agro-alimentaires au niveau des procès de production eux-mêmes, soumis à des normes de plus en plus rigides et arbitraires. En dehors des formes contraignantes d’agriculture sous contrat, les petits et moyens producteurs se voient réduits à la condition d’exécutants sur des « chaînes de montage » le plus souvent invisibles mais fonctionnant selon une logique similaire à celle des grandes industries (notamment de montage automobile). Et ces « chaînes » s’ordonnent en un vaste système reliant le champ de chaque producteur au marché global[13].
Ceci dit, il serait faux d’affirmer que quelques firmes multinationales exerceraient un contrôle exclusif sur l’ensemble du marché mondial de l’alimentation : celui-ci est soumis à des rapports de forces complexes et instables – actuellement à l’avantage de la superpuissance chinoise[14]. Quel que soit le niveau des prix (et leurs fluctuations), il ne peut jamais être favorable à l’ensemble de la population mondiale, et encore moins aux fractions les plus pauvres, dans la mesure où il ne peut au mieux qu’équilibrer l’offre et la demande solvables. Il serait donc irréaliste de compter sur le commerce mondial pour résoudre le problème de l’insécurité alimentaire ; par contre, il peut contribuer à l’aggravation de celle-ci. En 2004, un rapport de la FAO évalue le nombre de personnes souffrant de la faim à 852 millions, soit une augmentation de 37 millions sur 10 ans. Et la hausse brutale des prix mondiaux des principaux aliments de base en 2008[15] affecte durement les classes les plus pauvres de nombreux pays en développement (importateurs nets), conduisant à des « émeutes de la faim »[16] – tandis que la barre du milliard de personnes sous-alimentées est franchie en 2009. Cet épisode tragique ne fait qu’illustrer la dépendance croissante de la majorité des pays du Sud, non seulement du fait d’un déficit « endogène » mais de la concurrence déloyale que subissent les producteurs locaux face à l’afflux de produits importés. On ignore trop souvent l’un des multiples drames de l’Afrique sahélienne : le recul constant depuis plusieurs décennies des cultures de mils et sorghos, céréales très riches sur le plan nutritif, au profit du riz (surtout importé), d’une valeur alimentaire bien plus faible.
6. Gestion des ressources naturelles, facteurs de crise environnementale, montée des inégalités et de la précarité
Toute agriculture « durable » doit s’appuyer à la fois sur une gestion efficace et viable des ressources naturelles et sur une gestion optimale des ressources humaines mobilisant capacités physiques, savoirs et valeurs partagées (solidarité, etc.). S’agit-il là réellement d’exigences nouvelles ? En fait, ces mêmes principes ont régi la quasi totalité des agricultures paysannes pendant des siècles. De tout temps, les paysans se sont efforcés d’adapter leurs pratiques à la conservation des sols, du couvert végétal, des ressources en eau, etc. De même, ils ont veillé à transmettre de génération en génération le capital de connaissances accumulé et à entretenir de solides formes d’entraide et de coopération à tous les niveaux. Certes, des facteurs de nature très diverse les ont fréquemment contraints à modifier nombre de ces pratiques, à introduire des techniques jugées plus productives et « rentables » (du moins à court terme), et à se soumettre progressivement à une autre logique moins soucieuse de la pérennité des écosystèmes et des ressources. L’expérience agricole des pays les plus « avancés » (bien que jamais exempte d’erreurs) a été souvent reproduite de manière artificielle dans les autres, sans égard aux conditions écologiques, sociales et culturelles locales. Ainsi, la mécanisation généralisée dans les régions de grandes cultures au Maghreb – sans intensification – a largement contribué à l’érosion des sols, sans hausse notable des rendements ; mais elle a également conduit à séparer les petits producteurs de leurs moyens de production, les plaçant sous la dépendance des entreprises de travaux mécanisés. En Inde, la « révolution verte » a conduit dans certaines régions du Sud à une crise globale de l’eau. Après une longue période d’exploitation incontrôlée des nappes souterraines, nombre de fermiers aisés se reconvertissent dans le commerce de l’eau, en direction surtout des industries textiles urbaines. Celles-ci rejettent les eaux chargées de déchets toxiques dans les rivières, au détriment des sols, des nappes phréatiques et de la santé de la population rurale – dont la majorité n’a plus d’autre choix que de partir en ville et d’offrir ses bras aux industriels responsables de sa ruine[17] ! Enfin, certaines formes d’agriculture ultra-spéculative apparues tout récemment s’inscrivent clairement dans une gestion « minière » des ressources tant naturelles qu’humaines. Tel est le cas de la production de fraise pour l’exportation dans certaines zones du sud de l’Espagne, où est expérimenté depuis 2004 un dispositif original de recrutement/encadrement de main d’œuvre féminine saisonnière en provenance du Maroc (avec financement européen) – mais s’appuyant sur des contrats précaires bien plus favorables aux employeurs qu’aux ouvrières. En fait, la logique du système consisterait à affecter une « main d’œuvre jetable » à un territoire hors sol[18]. On dispose actuellement d’estimations relativement précises (et alarmantes) à l’échelle mondiale sur les pertes irréversibles causées par les multiples formes de dégradation du milieu naturel (érosion, salinisation des sols, tarissement des nappes souterraines, déforestation, désertification, etc.)[19]. Mais dispose-t-on réellement de données aussi précises quant aux innombrables familles rurales arrachées à leurs terres du fait de conflits armés, de la construction de barrages géants ou autres ?
[1] Ce terme de « surtravail » désigne « la quantité d’énergie disponible au-delà des quantités appliquées à la production des subsistances nécessaires à la reproduction simple de la communauté » (C. Meillassoux, Femmes, greniers et capitaux, Maspéro, 1975, p. 91).
[2] J. Berque soulignait cette « étonnante immutabilité » d’un contrat dont les clauses assignent au producteur un statut original, en s’appuyant sur les témoignages détaillés de divers auteurs musulmans à des époques distinctes, le plus ancien étant celui du tunisois Ibn ‘Arafa au XVe siècle (Opera Minora, Ed. Bouchène, 2001, t. I, p. 237).
[3] P. Castex, “Voie chilienne” au socialisme et luttes paysannes, Maspéro, 1977, p. 63.
[4] Leur nombre total oscillerait selon les sources entre 4,7 et 7,7 millions – avec une très forte concentration des flux sur les XVe et XVIe siècles. (J. Giri, Histoire économique du Sahel, Karthala, 1994, p. 101)
[5] J. Hébrard (dir.), Brésil, quatre siècles d’esclavage, Karthala, 2012.
[6] cf. M. Dobb et P.M. Sweezy (dir.), Du féodalisme au capitalisme : problèmes de la transition, Maspéro, 1977.
[7] « En tant qu’intervention de l’Etat, la réforme agraire n’a de chance d’être pleinement réalisée que si elle est conforme aux intérêts des classes dirigeantes. D’une façon générale, les réformes agraires sont l’expression directe d’une alliance qui s’établit entre ces classes sociales et la paysannerie. » [Ce qui n’exclut pas une opposition active des grands propriétaires fonciers.] (M. Dufumier, Les politiques agraires, PUF, 1986, p. 62)
[8] Parmi les organisations les plus anciennes et les plus importantes en Afrique de l’Ouest, certaines sont nées dans un contexte de résistance aux interventions étatiques (cas de l’Amicale du Waalo dans le Delta du Sénégal). D’autres, comme l’Union des Groupements Naam au Burkina, s’inscrivent dans un processus d’adaptation continuelle (« osmose culturelle ») des formes d’association coutumières (B.L Ouédraogo, Entraide villageoise et développement. Groupements villageois au Burkina-Faso, L’Harmattan, 1990).
[9] « La société rurale et la société urbaine, toutes deux naturellement nécessaires, forment ensemble un système unique de civilisation où elles occupent des positions à la fois opposées et complémentaires. Bien plus, société rurale et société urbaine fonctionnent, selon Ibn Khaldûn, comme un système où l’une ne peut survivre sans l’autre. » (A. Cheddadi, Ibn Khaldûn. L’homme et le théoricien de la civilisation, Gallimard, 2006, p. 284)
[10] H. Sethom, Pouvoir urbain et paysannerie en Tunisie, Cérès, Tunis, 1992, pp. 40-44.
[11] Déjà en 1980 une vaste enquête de l’Institut tunisien de la statistique (INS) avait révélé que plus des trois quarts des produits alimentaires consommés par les ruraux étaient achetés sur le marché (ibid., p. 93).
[12] J.L. Chaléard, Temps des villes, temps des vivres. L’essor du vivrier marchand en Côte d’Ivoire, Karthala, 1996, p. 58.
[13] J.D. van der Ploeg, The New Peasantries: Struggles for Autonomy and Sustainability in an Era of Empire and Globalization, Earthscan, London, 2009, p. 255-6.
[14] comme il ressort du Rapport Cyclope 2014 (sur les prix mondiaux des matières premières pour l’année 2013).
[15] En six mois (d’octobre 2007 à mars 2008), on enregistre une hausse de 80 % pour le riz, 240 % pour le blé et 230 % pour le maïs (F. Ramade, Un monde sans famine ? Vers une agriculture durable, Dunod, 2014, p. 63)
[16] dont certaines seraient au moins en partie à l’origine des soulèvements populaires du « printemps arabe ».
[17] Fred Pearce, Quand meurent les grands fleuves : Enquête sur la crise mondiale de l’eau, Calmann-Lévy, 2006, pp. 57-68.
[18] « Dans le junkspace [espace jetable] de l’agriculture globalisée, peut-il y avoir d’autre condition que celle de junkworker [travailleur jetable] ? » (Djemila Zeneïdi, Femmes/fraises. Import/export, PUF, 2013, p. 156)
[19] cf. F. Ramade, op. cit., 2014, pp. 88-108.
Dates importantes
-
31 mai 2015: Date limite pour les soumissions à l’adresse suivante : tunisian.mediterranean.associ@gmail.com
- 10 juin 2015 : La sélection des communications par le comité scientifique sera rendue publique + information sur les frais d'inscription au colloque.
- 30 septembre 2015 : Date limite pour l’envoi du Texte Final
- 29, 30, et 31 octobre 2015 : Colloque
Modalités de soumission
Les propositions de communication pourront être soumises en arabe, en anglais, en français, ou en espagnol.
Résumé détaillé: une page au minimum (Police : Times New Roman 12 ; Page: Marges 2,5 cm ; Interligne : simple), avec un C.V. scientifique mis à jour
Pour les résumés en français ou en espagnol, une traduction détaillée en anglais est obligatoire (une page au minimum : Police : Times New Roman 12 ; Page: Marges 2,5 cm ; Interligne : simple).
Pour les résumés en arabe, une traduction détaillée en anglais ou en français est obligatoire (une page au minimum).
Le colloque se tiendra à Béja (Tunisie) : 29, 30, et 31 octobre 2015.
Une publication est envisagée à l’issue du colloque après l’évaluation des textes.
Scientific committee
- Ibrahim Muhammed SAADAOUI (Université de Tunisie / T.M.A. for H.S.E.S.),
- Yves Guillermou (Université Toulouse III, France)
- Abdelghani GARTET (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fes. MAROC),
- Antonio Garrido Almonacid (Universidad de Jaén – Espagne),
- Danièle VOLDMAN (CNRS-CHS-Paris1-Panthéon-Sorbonne. France)
- Djanabou Bakary (Université de Maroua. Cameroun),
- Edinam KOLA (Université de Lomé. Togo),
- Elizabeth BISHOP (Texas State University-San Marcos. U.S.A.),
- Eloy Martín Corrales (Universidad Pompeu Fabra de Barcelona – Espagne),
- Habib BELAID (Université de Mannouba. Tunisie),
- Hasan AMILI (Université Hassan II. Mohammedia. Maroc),
- HETCHELI Kokou Folly Lolowou (Université de Lomé. Togo)
- Hichem NAIJA (Université de Sousse. Tunisie),
- Jamil HAJRI (Université de Mannouba. Tunisie),
- John CHIRCOP (University of Malta),
- Khalifa Hammache (Université de Constantine. Algérie),
- Koffi Brou Emile (Université de Bouaké, Côte d’Ivoire),
- Koné ISSIAKA (Université de Bouaké, Côte d’Ivoire),
- Landitiana Soamarina MIAKATRA (Institut d’Etudes Politiques. Madagascar),
- Laurence MICHALAK (University of California, Berkeley. USA)
- Mabrouk BAHI (Université de Sfax. Tunisie),
- Mabrouk CHIHI (Université de Jendouba. Tunisie),
- Minoti Chakravarty-Kaul (University of Delhi, New Delhi. India),
- Moawiyya chaker al ANI, (Université de Dhofar. Oman)
- Mohamed Bidiwi (Université Assiout. Egypte),
- Mohammed ARNAOUT (Université Al- al Bayit, Jordanie),
- Mohammed BEN ATTOU (Université Inb ZOhr, Agadir. Maroc),
- Mohammed RATOUL, (Université Hassiba ben Bouali, Chlef. Algérie),
- Ralph SCHOR (Université de Nice-Sophia Antipolis. France),
- Sami Abdelmalik Al-Bayadhi (Supreme Council of Antiquities. Egypte),
- Salah HARIDY (Université Damanhour. Egypte),
Argument
The "Tunisian-Mediterranean Association for Historical, Social and Economic Studies" (TMA/HSES) & "Tunisian World Center for Studies, Research, and Development" (TWC/SRD) will hold on 29, 30 and 31 October 2015 the eighth international conference on the theme: Farming systems’ crises, food insecurity and peasant resistance. Which ways for an authentic sustainable development?
The food issue keeps feeding concern and controversy. Rightly since the fate of a large fraction of humankind is at stake: the number of people suffering from hunger has exceeded one billion in 2009, which is intolerable, in spite of its slow current reduction. Nowadays speculating about the population growth is rather outdated, since it is practically admitted that the Earth will reach a maximum of ten billion people in the course of this century. The actual question is how to ensure a decent food supply to all of this population, on account of resources that are indeed globally limited and above all most unequally distributed. The current crisis of farming systems throughout the world is a ransom for centuries of collective irresponsibility. Colonial latifundism has been superseded by a strange system whose logic is that of finance capital, and strategy ‘global soilless’. What place is left for genuine peasant farming in such a context? Does the belated recognition of its virtues respond to the concern of ensuring the reproduction at a lower cost of a ‘flexible’ labour force for highly atomized tasks? On the other hand, the ever growing and multifaceted resistance of the organized peasantries must be taken into account.
Main themes
In order to engage a comprehensive debate on theses issues, the "Tunisian-Mediterranean Association for Historical, Social and Economic Studies" (TMA/HSES) & "Tunisian World Center for Studies, Research, and Development" (TWC/SRD) organize an international conference open to scholars from every discipline in social sciences which will focus on six themes.
1. Agrarian structures and relations of production
Any form of agricultural activity is inserted in a specific social and economic environment which assigns producers precise rules about access or use of means of production. ‘Peasant agriculture’ implies an organization based on ‘family labour’ and aiming to meet the basic needs (food and other) of all the members of the domestic cell as well as the reproduction of the latter. Mobilizing means of production and human energy refers to a set of relations of production bound to local agrarian structures and underpinning a given task organisation which can be either egalitarian or hierarchical. Some producers with privileged functions are able to capture a certain amount of surplus labour[1] at the expense of the majority in most variable ways. In sub-Saharan ‘lineage-based’ societies, ‘elders’ in charge of the management of material production (including land distribution) and matrimonial exchanges usually impose heavy provisions of unpaid work to ‘juniors’ and women. But in other societies, it is unequal appropriation of land that is the key divisive factor. Latifundism (well known in Latin America) involves a sharp contrast between a minority of big landlords and a host of poor or landless labourers. Customary forms of sharecropping generate ruthless exploitation and lifelong dependence for large sections of deprived peasants; such has been the case of khammassa (sharecropping on fifth) throughout the Maghreb since old times[2], though currently declining or disappearing. By cons, some contracts linking smallholders in loss of autonomy to mechanized big farmers reflect in fact a process of dispossession.
How to define the terms of the relative autonomy of any family production unit? The small family production is characterized in fact by its ability to play on the various forms of dependency and to develop autonomous spaces. In this sense the (little known) concept of ‘artisan form of production’ (AFP) appears highly relevant because of its precision as its flexibility. The specificity of AFP relies in “the dual unit, both technical and social, of the worker and the means of production”[3]. This dual unit refers to a set of practices and social conditions aimed at ensuring the small farmer a direct control of the main factors of production and labour power: it is a continually reiterated process for the maintenance of a threatened autonomy.
2. Peasants throughout history: Oppression, resistance and revolution
Although having formed until very recently the vast majority of humanity, the peasants remain largely ‘unknown’ of official history, because of huge gaps in academic knowledge as well as the bulk of stereotypes and biases about them. There are still few researchers who actually consider them as historical actors. The insertion of cultivators in any social and political formation entails constraints of variable types and intensity. In so-called “hydraulic societies” (Mesopotamia, ancient Egypt, China…), peasants are subject to heavy tribute in labour or in kind (at least officially) for the common benefit. This coercive system however does not amount to a total oppression as in the slave or feudal systems. Slavery has played an important but unequal role in many ancient societies; in fact it is often difficult to identify “slave-based” societies strictly speaking, i.e. those where material production relies mainly on slave labour. This was the case of several Mediterranean societies, among which the Roman Empire whose collapse in the Christian era led to a drastic decrease of slavery, at least in agriculture. By cons, there is thereafter an unprecedented expansion of the slave trade, first Saharan and then Atlantic. The first one is directly linked to the development of caravan-trade throughout Sahara: it leads to a massive transfer of captives from Sahel countries to North Africa (and thence to the Middle East) between the seventh and nineteenth century[4]. But it is difficult to estimate the share of this servile labour affected to agricultural production in major destination areas (among which the Saharan oases). Atlantic human trade (an unprecedented deportation in all human history) met the greed of great planters in the New World. Actual conditions of subsistence for the slaves varied in time and place, as well as their forms of resistance: in Brazil, these formed a wide spectrum from insurgency or establishing independent communities (quilombos) to effective forms of challenging masters’ power in the plantations, including the formation of autonomous sectors of production[5]. As for the feudal system, it is known to have occupied a dominant place in the whole of Europe and parts of the Far East over a long period. If the condition it imposes on cultivator is well known in its principle, its concrete forms vary substantially and never evolve in a linear pattern. This system submits the serf to multiple forms of levy (in labour or/and in kind) without really seeking to raise productivity. The introduction of serfdom happened much later in Eastern Europe and Japan than in Western Europe, which affects the forms of transition from feudalism to capitalism[6].
From the Industrial Revolution, the capitalist system will constantly extend its control over all economic activity worldwide. Hence a colonial unprecedented expansion that submits the majority of peoples of all continents to direct or indirect domination by the major Western industrial countries. This relentless rule is exerted mainly on the rural populations under the most diverse forms, from land dispossession to forced labour. But they resist by all means and often play a decisive role in the struggle for national liberation. Moreover, revolutions that break out in some big countries (Mexico, Russia, China…) rely for a large part on the peasantry.
3. Agrarian policies, peasant organizations and autonomous collective initiatives
Agrarian structures and relations of production in a given country are subject to deep changes due to various factors ranging from state intervention to conscious and organized action of the producers themselves. Any state intervention is part of an agrarian policy with specific aims and endowed with adequate means for their achievement. Its guidelines vary according to the political system, the balance of forces and the relative weight of agriculture in the national economy. Agrarian policies can be either incentive or binding. In the first case, they will implement a set of measures to enhance the sustainability of a production model (eg average family farm): agricultural prices, loans, grants, assistance for access to land… However, when the main obstacle to agricultural development lies in an excessively unequal land ownership, it is necessary to undertake a land reform. Contrary to a widespread belief, this is not necessarily part of a revolutionary process. One can even say that land reform is most often designed by the ruling classes according to the interests of industrial capital[7]. The actual role of the rural poor is very variable, although a large peasant mobilization is the first condition of a successful land redistribution. But the most important (and most difficult) is a radical change in the relations of production and the emergence of viable production units. Generally speaking, agrarian policies in Southern countries prioritize export crops or food supplies for big cities at low prices, but hardly bother about strengthening autonomous capabilities of small peasants (which form the majority).
In northern countries, the government must deal with rather old famer organizations which are key partners – though predominantly representing big farmers. It is different in most of Southern countries where until recently producers were rarely represented, outside the official support structures. However, for the last two or three decades we have been witnessing in some countries the proliferation of producer groups or autonomous village associations which tend to unite at all levels. This movement, whose intensity is far from equal, is the subject of heated debate, some observers hailing it as a “silent revolution” while others see it as a mere strategy for capturing external aid. In fact, its actual implications must be scrutinized in each case, taking into account the diversity of experiences[8]. Moreover, very divergent trends are to be observed: some movements are regularly strengthening and accessing to the role of development actors, while others are declining or sinking into passive dependence on support structures.
4. Countryside and rural producers facing the urban setting and the market: complementarity or subordination?
If the period of emergence of the urban phenomenon varies according to geographical areas and societies, massive world urbanization is a major feature of our time, albeit in contradictory forms. In industrialized countries, the gap between rural and urban is reducing (or disappearing). In Southern countries, rural exodus maintains a constant inflow of people to already saturated mega-cities. The pace of migratory movements is rarely synchronized with economic development.
In some parts of the Mediterranean, the intensity of rural-urban linkages reflects the economic and political role of “cities” since ancient times. In the Maghreb, marked with a strong rural character, Ibn Khaldûn has developed in the fourteenth century a theory of the articulation between town and country, emphasizing their dialectical unity[9]. But in the course of history, the balance of power tends to change in favour of the former. In modern times, these reports generally have an asymmetrical character, despite striking regional differences. In Tunisia urban land control may contribute to agricultural dynamism (as in Cap Bon) or conversely take parasitic forms (north-west)[10]. The overall dependence of Tunisian farmers about urban markets (where they act both as sellers and buyers) has being reinforcing for decades[11]. In many sub-Saharan countries, the rapid urban growth creates an exponential increase in basic food demand. This stimulates production in rural areas, especially the better connected to major cities. In the Ivory Coast, a “tight osmosis” is linking towns and the most densely populated countryside, “dynamism of each […] being closely pegged to that of others”[12]. The effects are positive on every side: improving urban food supply and substantial increase in the incomes of rural producers… However, this process is often analyzed in rather simplistic and biased terms, the satisfaction of urban consumers being given priority, regardless of the inequalities between rural producers. In fact an identical result (in terms of global marketed volumes) may involve a highly variable fraction of the producers (i.e. from below 20 % to above 60 %), with very different social and economic implications.
5. Globalization, oligopolies and food insecurity
If human history has been marked by famines, these are no longer considered nowadays as a fatality but as an anomaly or an outrage, given the technical and scientific resources that should theoretically ensure proper feeding to all inhabitants of the planet. However, controversies persist about the possibility of achieving such a goal in a context marked by both the continual population growth and the overall reduction of exploitable resources (arable land, water, etc.). In addition the effects of climate change would threaten especially the poorest and most densely populated parts of the Earth. But aside from these highly complex issues (that mobilize mainly ‘hard’ scientists), there are issues related to traffic and trade of food items and their impact on the conditions of production itself. Since ancient times some Mediterranean regions exported grain surplus by sea while neighbouring regions were suffering severe shortages. Food has always played a strategic role over centuries, in spite of its reduction in total value of world trade (successively dominated by manufactured goods, then by financial products). In the current context of globalization, the food trade is concentrating in the hands of large oligopolies that strive to impose their rule to the world through the WTO (World Trade Organization) by the abolition of custom barriers, the “patenting of life”, etc. But the most serious consequence in the medium and long term is probably the direct or indirect intervention of food ‘empires’ at the level of the processes of production themselves, subject to increasingly rigid and arbitrary standards. Outside binding forms of contract agriculture, small and average farmers are reduced to the status of implementers on mostly invisible ‘assembly lines’ operating on a logic similar to that of major industries (especially car assembly plants). And these chains are arranged in a vast system connecting each producer’s field to the global market[13].
Nevertheless, it would be excessive to assert that some multinational firms exert sole control over the entire food world market. The latter is subject to complex and unstable force relationships – currently under advantage of the Chinese superpower[14]. Whatever the price level (and its fluctuations) it can never be favourable to the majority of world population and even less to the poorest fractions, in so far as it can at best balance the solvent supply and demand. It would be quite unrealistic to expect the global market to solve the problem of food insecurity; by cons it can contribute to the worsening of it. A 2004 FAO report estimates the number of people suffering from hunger by 852 million, representing an increase of 37 million over ten years. And the sharp rise in world prices of major food staples in 2008[15] severely affects the poorest classes of many developing countries (net importers), leading to ‘hunger riots’[16], while the billion mark of undernourished people is reached in 2009. This tragic episode illustrates the growing dependence of most Southern countries due not only to an ‘internal’ deficit but to unfair competition imposed to local producers facing the influx of imported food staples. Most of us ignore one of the many tragedies of Sahel Africa: the steady decline for decades of millet and sorghum crops, cereals with high nutritional value, in favour of rice (mostly imported) with much lower food value.
6. Natural resource management, environmental crisis factors, rising inequalities and uncertainty
Any ‘sustainable’ agriculture must be based both on a cautious and efficient management of natural resources and an adequate mobilization of human resources such as physical abilities, knowledge and shared values (solidarity, etc.). Are such requirements really new? In fact, these principles have ruled nearly all types of peasant farming for centuries. Traditionally, farmers have endeavoured to adapt their practices to the conservation of soil, vegetation cover, water resources, etc. Moreover, they cared to transmit their accumulated knowledge through generations and maintain strong forms of mutual aid and cooperation. Certainly, various factors have often forced them to change some of these practices, introduce techniques considered more productive and ‘profitable’ (at least in the short term) and gradually adopt a different logic less concerned about ecosystem and resource perpetuation. The agricultural experience of ‘advanced’ countries (though never free of errors) was often reproduced artificially in others, without regard to ecological, social and cultural conditions. Thus widespread mechanization (without intensification) in major grain regions of the Maghreb has contributed to soil erosion without significant increase in yields ; but it also led to a separation of the small producers from their means of production, since they got dependent on mechanized work contractors. In southern parts of India, the ‘Green Revolution’ led to a global water crisis. After a rather long period of uncontrolled exploitation of groundwater, some well-off farmers are switching to selling water especially to urban textile industries. These in turn reject water laden with toxic waste into rivers, to the detriment of soils, groundwater and health of the rural population – most of whom have then no other choice than leaving for town and offering their labour to the manufacturers who are in fact accountable for their ruin[17]! Lastly, some highly speculative forms of farming that emerged recently fall clearly in a ‘mining’ type of management of both natural and human resources. Such is the case of off-season strawberry production in some areas of southern Spain which have experienced since 2004 an original system for recruiting/coaching female seasonal labour from Morocco (with EU funding), based on temporary contracts much more favourable to the employers than to the workers. In fact the logic of the system amounts to assigning a ‘disposable manpower’ to a ‛soilless territory’[18]. On a global scale, we currently dispose of fairly precise (and alarming) estimates on irreversible losses caused by the most various forms of environmental degradation (erosion, salination of arable land, groundwater depletion, deforestation, desertification, etc.)[19]. But are there really available and reliable data about the countless rural families brutally uprooted from their land due to armed conflicts, giant dam building or other?
[1] This term applies to “the volume of energy available beyond the volume applied to the production of food necessary to bare reproduction of the community” (C. Meillassoux, Maidens, Meals and Money: Capitalism and the Domestic Community, Cambridge University Press, 1981).
[2] J. Berque emphasized the ‘amazing immutability’ of a contract which assigns the producer an original status, basing his assertion on detailed testimony from Muslim authors at distinct periods, the most ancient being Ibn ‘Arafa from Tunis in the fifteenth century (Opera Minora, Ed. Bouchène, 2001, I, p. 237).
[3] P. Castex, ‘Voie chilienne’ au socialisme et luttes paysannes, Maspéro, Paris, 1977, p. 63 [‘Chilean Way’ to Socialism and Peasant Struggles]
[4] Their total number would range (according to sources) from 4.7 to 7.7 millions, with a notable peak on the fifteenth and sixteenth century (J. Giri, Histoire économique du Sahel, Karthala, Paris, 1994, p. 101) [Economic History of the Sahel]
[5] J. Hébrard (dir.), Brésil, quatre siècles d’esclavage, Karthala, Paris, 2012 [Brazil, Four Centuries of Slavery]
[6] Cf. M. Dobb and P.M. Sweezy (dir.), Du féodalisme au capitalisme : problèmes de la transition, Maspéro, Paris, 1977, 2 vol. [From Feudalism to Capitalism : the transition problems]
[7] “As a state intervention, land reform can be fully achieved only if it meets the interests of the ruling classes. Generally speaking, land reforms are the direct expression of an alliance settled between these classes and the peasantry.” [That does not exclude a sharp hostility of big landowners.] (M. Dufumier, Les politiques agraires, PUF, Paris, 1985, p. 62) [The Agrarian Policies]
[8] Among the most ancient and important organizations in West Africa, some emerged in a context of resistance to state intervention (case of the ASESCAW in Senegal’s Delta). Other, as Union of Naam Groups in Burkina, are inserted in a process of regular adaptation (“cultural osmosis”) of customary association forms (B.L. Ouedraogo, Entraide villageoise et développement. Groupements villageois au Burkina-Faso, L’Harmattan, Paris, 1990). [Village Mutual Aid and Development. Village Groups in Burkina-Faso]
[9] “Rural society and urban society, both naturally necessary, form together a unique system of civilisation in which they occupy positions that are both opposed and complementary. Moreover, rural society and urban society function according to Ibn Khaldûn as a system in which one cannot survive without the other.”
(A. Cheddadi, Ibn Khaldûn. L’homme et le théoricien de la civilisation, Gallimard, Paris, 2006, p. 284)
[Ibn Khaldûn. Man and Civilisation’s Theorist]
[10] H. Sethom, Pouvoir urbain et paysannerie en Tunisie, Cérès, Tunis, p. 40-44. [Urban Power and Peasantry in Tunisia]
[11] As soon as 1980 a large enquiry of the Tunisian Institute for Statistics (INS) put in evidence that above three fourth of the food products consumed by the rural population were bought on the market (ibid., p. 93).
[12] J.L. Chaléard, Temps des villes, temps des vivres. L’essor du vivrier marchand en Côte d’Ivoire, Karthala, Paris, 1996, p. 58. [Time of Cities ,Food Time .The Rise of Food Marketing in the Ivory Coast]
[13] J.D. van der Ploeg, The New Peasantries: Struggles for Autonomy and Sustainability in an Era of Empire and Globalization, Earthscan, London, 2009, p. 255-6.
[14] as appears from the Cyclops Report 2014 on world raw material prices for 2013.
[15] In six months (from October 2007 to March 2008) the registered rise is 80 % for rice, 240 % for wheat and 230 % for maize (F. Ramade, Un monde sans famine? Vers une agriculture durable, Dunod, Paris, 2014, p. 63). [A World without Famine? Towards a sustainable Agriculture]
[16] Some of these riots would be partly at the origin of the popular uprisings of the ‘Arab Spring’.
[17] F. Pearce, When the Rivers Run Dry, Eden Project Books, 2007.
[18] “In the junkspace of global food production, is there any possible condition but junkworker?” (D. Zeneidi, Femmes/fraises. Import:export, PUF, Paris, 2013, p. 156). [Women/Strawberries. Import/Export]
[19] Cf. F. Ramade, op. cit., 2014, pp. 88-108.
Scientific committee
- Ibrahim Muhammed SAADAOUI (Université de Tunisie / T.M.A. for H.S.E.S.),
- Yves Guillermou (Université Toulouse III, France)
- Abdelghani GARTET (Université Sidi Mohamed Ben Abdellah, Fes. MAROC),
- Antonio Garrido Almonacid (Universidad de Jaén – Espagne),
- Danièle VOLDMAN (CNRS-CHS-Paris1-Panthéon-Sorbonne. France)
- Djanabou Bakary (Université de Maroua. Cameroun),
- Edinam KOLA (Université de Lomé. Togo),
- Elizabeth BISHOP (Texas State University-San Marcos. U.S.A.),
- Eloy Martín Corrales (Universidad Pompeu Fabra de Barcelona – Espagne),
- Habib BELAID (Université de Mannouba. Tunisie),
- Hasan AMILI (Université Hassan II. Mohammedia. Maroc),
- HETCHELI Kokou Folly Lolowou (Université de Lomé. Togo)
- Hichem NAIJA (Université de Sousse. Tunisie),
- Jamil HAJRI (Université de Mannouba. Tunisie),
- John CHIRCOP (University of Malta),
- Khalifa Hammache (Université de Constantine. Algérie),
- Koffi Brou Emile (Université de Bouaké, Côte d’Ivoire),
- Koné ISSIAKA (Université de Bouaké, Côte d’Ivoire),
- Landitiana Soamarina MIAKATRA (Institut d’Etudes Politiques. Madagascar),
- Laurence MICHALAK (University of California, Berkeley. USA)
- Mabrouk BAHI (Université de Sfax. Tunisie),
- Mabrouk CHIHI (Université de Jendouba. Tunisie),
- Minoti Chakravarty-Kaul (University of Delhi, New Delhi. India),
- Moawiyya chaker al ANI, (Université de Dhofar. Oman)
- Mohamed Bidiwi (Université Assiout. Egypte),
- Mohammed ARNAOUT (Université Al- al Bayit, Jordanie),
- Mohammed BEN ATTOU (Université Inb ZOhr, Agadir. Maroc),
- Mohammed RATOUL, (Université Hassiba ben Bouali, Chlef. Algérie),
- Ralph SCHOR (Université de Nice-Sophia Antipolis. France),
- Sami Abdelmalik Al-Bayadhi (Supreme Council of Antiquities. Egypte),
- Salah HARIDY (Université Damanhour. Egypte),