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L'attitude prospective selon Gaston Berger, une philosophie de l'anticipation pour le XXIe siècle ?

The prospective attitude according to Gaston Berger, a philosophy for anticipation for the 21st century?

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Publié le mardi 03 mars 2015

Résumé

Vers la fin des années 1950, dans le contexte de la reconstruction européenne et au milieu des Trente Glorieuses, Gaston Berger avait été à l’initiative d’un vaste mouvement de reconfiguration des réflexions et attitudes en matière d’anticipation collective. Avec son concept d’anthropologie prospective et grâce à la mise en place du Centre d’études prospective, il avait été à l’origine de quelques idées novatrices et percutantes qui ont mobilisé intellectuels, entrepreneurs et hommes politiques autour d’une réelle volonté d’anticipation collective, volonté matérialisée notamment dans l’élaboration de lourds projets concertés d’infrastructure.

Annonce

Dans le cadre de l’école doctorale Paris IV, section Philosophie

Equipe de recherche : Rationalités contemporaines

Direction 

Professeur Jean-Michel Besnier

Animateur

Jean-François Simonin

Objectif

  • Analyser la capacité de la prospective, entendue comme discipline qui se propose de faire de l’avenir son objet de réflexion, à éclairer la civilisation occidentale vis à vis de ses principaux enjeux contemporains.
  • Apprécier comment une réflexion sur l’anticipation peut ou non guider les décideurs politiques et économiques dans les choix stratégiques qu’ils opèrent au jour le jour.
  • Mesurer à quelles conditions une réflexion structurée sur l’anticipation pourrait ou non permettre d’éviter les impasses stratégiques qui semblent se dresser sur le chemin de l’avenir des sociétés occidentales.

Problématique

Vers la fin des années 1950, dans le contexte de la reconstruction européenne et au milieu des Trente Glorieuses, Gaston Berger avait été à l’initiative d’un vaste mouvement de reconfiguration des réflexions et attitudes en matière d’anticipation collective. Avec son concept d’anthropologie prospective et grâce à la mise en place du Centre d’Etudes Prospective, il avait été à l’origine de quelques idées novatrices et percutantes qui ont mobilisé intellectuels, entrepreneurs et hommes politiques autour d’une réelle volonté d’anticipation collective, volonté matérialisée notamment dans l’élaboration de lourds projets concertés d’infrastructure. Dans la décennie suivante plusieurs personnalités fortes ont pris le relais de cette ambition de concevoir de façon concertée ou au moins coordonnée, les perspectives technologiques, économiques, anthropologiques et politiques des sociétés occidentales en régime démocratique : B de Jouvenel, H Kahn, D Bell, A Peccei entre autres ont apporté de solides pierres à cet édifice, qui a abouti à une sorte de monument avec la publication du premier rapport du Club de Rome en 1971, premier exercice de modélisation des perspectives mondiales de la civilisation occidentale.

Ce rapport a suscité un intérêt immédiat et planétaire. Il appelait ouvertement à une retenue en matière de développement économique car il pointait des risques d’effondrement de la civilisation pour cause d’incompatibilité entre les croissances exponentielles de la démographie et de l’économie industrielle des sociétés occidentales d’un côté, et les ressources naturelles limitées de la planète de l’autre côté. Mais tout se passe comme si la prospective ne s’était jamais remise de cet étrange succès – un succès qui lui a apporté une brusque notoriété mondiale mais qui a également signé son arrêt de mort. D’un côté la réflexion prospective dévoilait l’apparition d’une véritable problématique mondiale, mais d’un autre côté cette découverte invitait la société occidentale à sacrifier certaines de ses plus belles ambitions de court et moyen terme pour sauvegarder ses perspectives à long terme : la réaction violente des milieux technico-économiques néo-libéraux dans les années 1970 a réussi à étouffer rapidement ces appels à la réflexion, à la retenue et à l’anticipation collective : intellectuels, ingénieurs, économistes et politiques ont de concert majoritairement opté pour la confiance les yeux fermés dans les capacités du progrès technologique et économique à nous mettre à l’abri de toute déconvenue.

Dans ce contexte la prospective a dû opérer une mutation : elle a abandonné toute ambition de réflexion trop profonde ou étendue et s’est éparpillée dans une myriade de petites cellules d’analyse au service d’une entreprise, d’une filière industrielle, d’une nation ou d’un territoire pour y chercher les opportunités de construire çà et là quelques avantages compétitifs pour ses donneurs d’ordre.

Entre temps la population mondiale a doublé et a vieillit, le mur de Berlin est tombé (sans qu’aucun prospectiviste ne l’ait anticipé), les technologies ont accru l’écart entre notre capacité à mettre au point des outils puissants et à maitriser les conséquences de ces outils, plusieurs crises ont illustré la fragilité des systèmes d’échanges financiarisés et mondialisés, des options stratégiques d’envergure planétaire se décident sur les marchés financiers, le climat se réchauffe, la biodiversité est en contraction, le concept d’Anthropocène est apparu et s’impose comme horizon coercitif indépassable pour l’humanité… Les mythes du progrès technique et de la croissance économique sont sérieusement mis en doute, mais il n’existe toujours aucune pensée alternative organisée : la prospective ayant clairement abandonné l’idée de se constituer en discipline autonome dont l’objectif serait d’appréhender les perspectives globales de la civilisation, c’est le vide en matière d’anticipation collective. Il n’existe aucune discipline capable de faire de l’avenir un sujet d’étude suffisamment établi et reconnu pour nourrir des stratégies et politiques adaptées à nos sombres perspectives. En l’absence d’un tel cadre et devant certaines échéances climatiques, génétiques, énergétiques, écologiques, et démographiques, l’éventualité d’un effondrement devient chaque jour notre perspective la plus rationnelle.

Nous sommes donc au début du XXIe siècle dans une situation tout à fait inédite depuis l’aube de l’humanité : nous disposons d’un pouvoir d’agir qui dépasse notre capacité d’imagination et de contrôle, nous nous heurtons aux limites physiques de la biosphère et nous ne disposons pas d’outil théorique ni politique nous permettant de gérer cette situation de façon sécurisée pour l’avenir de l’humanité. Il s’agit d’une situation véritablement critique, face à laquelle nos outils de gestion sont obsolètes, nos systèmes de sécurité inexistants, notre culture non préparée : c’est l’ensemble de nos catégories classiques de réflexion et d’action collective qui sont inopérantes. Nous pouvons, pour garder le moral et c’est peut-être mieux ainsi, faire semblant de croire que le progrès technologique nous apportera quelques nouveaux miracles, que la main invisible du marché rétablira tous les équilibres nécessaires à la poursuite de l’aventure humaine dans les meilleurs conditions, que les peuples au pied du mur sauront bien opérer les correctifs politiques nécessaires en temps utiles. Mais qui peut penser que l’avenir est encore rose ? Qui peut raisonnablement penser que ses petits enfants auront une vie paisible et un avenir ouvert, qu’ils franchiront sans encombre le seuil du XXII è siècle ? En fait, sauf erreur de diagnostic nous sommes au cœur d’une situation comportant de gros risques d’effondrement, potentiellement explosive, vis à vis de laquelle nous devons redoubler d’imagination pour identifier les voies de sortie souhaitables et celles qui ne le sont pas.

D’où l’intérêt de réinterroger ce qui avait pu constituer un début de philosophie de l’anticipation chez les pères fondateurs de la prospective, et surtout chez G Berger. Est-il réellement impossible de renouer avec les ambitions initiales de la prospective ? Peut-on imaginer reprendre l’élan de leurs réflexions, les expurger de toutes leurs scories héritées de l’idéologie des trente Glorieuses et le confronter à nos enjeux stratégiques du XXIè siècle ? Est-il possible de reprendre la main sur des orientations de civilisation qui semblent nous échapper, et peut-être nous condamner ? Quelles seraient les conditions à réunir pour aboutir à une théorie de l’anticipation pertinente à l’échelle de la planète ? Est-on capable d’imaginer un cadre de réflexion qui s’impose sans violence aux principaux décideurs de la planète ?

Le séminaire du 09 avril 2015 cherchera à réunir philosophes, historiens, prospectiviste et dirigeants autour des questions suivantes :

En complément des sujets qui vous ont été proposés dans le prolongement ou le contexte de vos propres travaux, vous trouverez ci-dessous une liste non exhaustive des sujets qui pourraient utilement faire l’objet d’une présentation dans le cadre de ce séminaire :

  • Pertinence et fécondité de la pensée prospective de Gaston Berger au début du XXIe siècle
  • Généalogie de la prospective : quelles origines profondes avant le milieu du XXè siècle ?
  • Nietzche, véritable inventeur de la prospective ?
  • Bilan des réflexions en matière d’anticipation collective : rétrospective de la prospective
  • Sur la possibilité ou non d’infléchir le cours de l’histoire : quels points de vue aujourd’hui ?
  • Quid de l’anticipation à l’ère de l’Anthropocène ?
  • La prospective de G Berger : terminus de la pensée en matière de projection ou ébauche d’une philosophie de l’anticipation ? Introduction ou clôture pour une philosophie de l’avenir au XXIe siècle ?
  • Les successeurs de G Berger : B de Jouvenel, A Peccei, P Massé, H Kahn, D Bell : que reste-t-il de leurs idées ? Pourquoi si peu de traces d’analyses pourtant aussi pénétrantes ?
  • Modélisation, scénarios, expertise : de réelles avancées en matière d’anticipation ?
  • Tendances lourdes et incertitudes majeures ; prévision, prospective, futurologie : quel bilan après un demi-siècle d’existence ?
  • Réflexions autour des principaux chantiers de prospective mondiale. Club de Rome, Interfutur, Giec… Pourquoi si peu d’intérêt de la part des historiens, des philosophes ?
  • La philosophie de G Anders. Pourquoi « la fin du futur a déjà commencé » ? Comment « vivre dans un délai » ? Conséquences opérationnelles en matière d’anticipation.
  • Pourquoi aucun lien n’a été effectué entre les concepts d’anthropologie prospective de G Berger et de responsabilité de H Jonas
  • Les travaux du Giec : un modèle pertinent pour traiter les enjeux actuels de civilisation ?
  • Prospective et anticipation en 2015 : devoir, objectif, illusion ou enterrement définitif ?
  • Rationalité et prospective : complémentarité ou antagonisme ?
  • La catastrophe comme perspective rationnelle : quelles conséquences politiques en matière d’anticipation ? Qu’elles antidotes au XXIè siècle ?
  • La gestion du long terme dans les démocraties libérales. Comment « donner du poids » à l’avenir dans les choix politiques du présent ?

Organisation

Le séminaire se déroulera sur la journée du 14 avril 2015, à partir de 9h30. Huit exposés seront organisés. Chaque sujet sera présenté en 30 mn, suivi d’un échange de 15 mn avec les participants.

La participation à ce séminaire sera également ouverture à quelques professionnels de la prospective et/ou de la stratégie d’entreprise.

A noter qu’aucun budget n’est prévu de rémunérer les participations à ce séminaire.

Un repas sera organisé sur place. Vous y serez chaleureusement invités

Plusieurs communications sont en cours d’organisation. Le programme complet de la journée vous sera communiqué mi-mars.

Les contributions des participants pourront faire l’objet d’une publication selon un dispositif qui reste à définir.

Modalités de soumission

Les contributions feront entre 20 000 et 40 000 signes, soit entre 8 et 15 pages et seront à envoyer à l'adresse jfsimonin@gmail.com.

La date limite de réception est le 20 mars 2015.

Comité scientifique

  • Jean-Michel Besnier
  • Jean-François Simonin

Lieux

  • Institut des sciences et de la communication, 20, rue barbier du Mets
    Paris, France (75013)

Dates

  • vendredi 20 mars 2015

Mots-clés

  • anticipation, Gaston Berger

Contacts

  • Jean-François Simonin
    courriel : jfsimonin [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Jean-François Simonin
    courriel : jfsimonin [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« L'attitude prospective selon Gaston Berger, une philosophie de l'anticipation pour le XXIe siècle ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 03 mars 2015, https://doi.org/10.58079/s5z

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