AccueilLe bien-être à l’école : un processus de production du bien-être ?

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Le bien-être à l’école : un processus de production du bien-être ?

Well-being at school: a process of production of well-being?

Revue Recherches et Éducations

Recherches et Éducations journal

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Publié le vendredi 30 octobre 2015

Résumé

Actuellement, le bien-être est une préoccupation majeure des politiques, en matière de santé public et plus particulièrement des politiques éducatives à l'école. Il s'inscrit dans la tendance générale – mais encore timide et en construction – à privilégier davantage l'approche salutogène que l'approche par facteurs de risques et la santé négative (souffrance, stress, burnout, ennui à l'école, décrochage scolaire). À l'appui de ce changement de paradigme, une discussion scientifique sur le bien-être à l'école nécessite une contextualisation du sujet, une interrogation sur les fondements et modèles théoriques, permettant de dégager à la fois une épistémologie du sujet, des méthodologies d'études innovantes, ainsi que des modèles émergents du traitement du bien-être à l'école, le concept restant assez flou, inspiré des modèles en santé et associé à la notion de bonheur ou de satisfaction de vie.

Annonce

Argumentaire

Nous présentons ici une synthèse liée aux différentes étapes qui ont construit notre cheminement réflexif autour du bien-être à l’école, notamment suite à la journée d’étude consacrée aux regards scientifiques croisés sur le sujet susvisé (Bordeaux, 14 mai 2014). Cette synthèse se présente en deux parties: la première révèle l’état des lieux de la recherche sur cet objet; la seconde partie interroge comment déconstruire et dépasser l’existant pour tenter de révéler les conditions et capacités des acteurs de l’école à produire du bien-être. Cet aspect prospectif et interrogatif pourrait trouver des réponses dans un appel à contributions pour la Revue Recherches & Éducations sur le thème du bien-être à l’école.

Actuellement, le bien-être est une préoccupation majeure des politiques en matière de santé public, et plus particulièrement des politiques éducatives à l’école. Il s’inscrit dans la tendance générale - mais encore timide et à construire- à privilégier davantage l’approche salutogène que l’approche par facteurs de risques (souffrance, stress, ennui à l’école, le passage du décrochage scolaire à la persévérance scolaire relevant du même changement de paradigme). Pourtant, dès 1946, le bien-être est déjà un élément constitutif de la santé: « La santé est un état de complet bien-être physique, mental et social, et ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité» (Organisation Mondiale de la Santé, 1946 ; Charte d’Otawa, 1986 ; Déclaration de Jakarta, 1997).

Au cours du temps, médecins, philosophes, économistes, psychologues ou autres sociologues s’emparent du concept. De même les tenants des sciences cognitives, jusqu’à une approche bio - psychosociale de la santé et du bien-être préconisent de tenir compte des différentes facettes de la vie et de l’environnement d’un individu pour améliorer son quotidien. Mais le bien-être est aussi subjectif, relatif et non absolutiste. Il se situe aussi dans un corps vécu, ressenti, dans une totalité agissante; ce changement paradigmatique et des méthodes associées fondent une approche réflexive prospective, riche de résonance pour le bien - devenir des individus. Bref, peut - on aller vers une école bienveillante, vers une communauté éducative dont les ressources internes et externes seraient tournées vers leurs capacités (voire capabilités) à produire du bien-être à l’école ?

Tour de l’existant et questions-guide pour la réflexion

Voici un demi-siècle que le modèle d’une école démocratisée et massifiée s’est imposé dans la plupart des systèmes éducatifs occidentaux, rompant ainsi avec une école organisée en réseaux ou en ordres socialement homogènes. Dés lors, sous l’impulsion décisive des grandes organisations internationales telles l’OMS ou l’OCDE, apparurent les enjeux aussi bien de la coexistence de publics scolaires hétérogènes dans une institution scolaire unifiée, que de l’efficacité de cette institution. Se sont ainsi développées à partir des années 70 les écoles efficaces (effective school), qui ont entraîné dans leur sillage des études sur la qualité de vie à l’école recommandées par l’OCDE, puis les écoles promotrices de santé. Cependant, la question du bien-être a des origines bien antérieures, envisagée sous un angle pédagogique et social. En effet, Dewey (1907) avait déjà imaginé une école fondée sur un esprit de solidarité, donnant ainsi à l’enfant les moyens de choisir sa voie, dans l’idée de garantir une société noble, paisible et harmonieuse («a larger society which is worthy, lovely, and harmonious»). On pouvait également trouver dès 1920 un livre intitulé School Health Services (konu, Rimpelä, 2002) dont s’inspira aux USA le mouvement pour le programme de santé à l’école dans les années 80.

On voit bien à travers ce très succinct tour d’horizon que l’idée du bien-être à l’école n’est pas nouvelle. Pour autant, il convient de replacer la montée d’une préoccupation croissante pour le bien-être des personnes dans l’institution scolaire, dans le contexte, partagée par la plupart des systèmes éducatifs, d’une résistance croissante des élèves à la forme scolaire. Cette résistance est à la fois la conséquence d’une rentabilité sociale de l’école moins assurée et de la présence dans l’école et dans les classes de « nouveaux publics » qui entretiennent une proximité variable avec les savoirs scolaires, publics plus «difficiles», plus rétifs à la culture scolaire et à l’autorité. Les rapports entre adultes et adolescents se sont modifiés, les derniers développant, dans et hors l’école, une culture propre, difficilement compatible, et encore moins soluble, dans la culture scolaire. Or, la récente revue de question sur le sujet réalisée par Soutter (2011) montre que l’approche du bien-être s’est faite du point de vue des résultats académiques, de la réussite des élèves et de leur engagement. De même, Berger et Lenoir (2007), dans leur étude exploratoire en collège, montrent que « sans formation, la communauté éducative pense essentiellement au bien-être de l’élève sous son versant matériel et organisationnel en le rattachant à une définition hygiéniste de la santé ». Ces évolutions des publics, associées au développement de nouvelles instances de production et de diffusion des connaissances, questionnent les contenus de l’enseignement autant que la construction du lien social dans les établissements scolaires, en particulier dans des contextes nationaux – comme en France – marqués par une tradition éducative de type encyclopédique fondée sur le rationalisme (McLean, 1990), moins préoccupée de l’utilité pratique des savoirs et de l’épanouissement de l’enfant (child-centered education plus marquée dans les îles britanniques et les pays scandinaves), que par la transmission des savoirs disciplinaires et de la culture.

On peut donc avancer qu’une discussion scientifique sur le bien-être à l’école nécessite aujourd’hui une contextualisation du sujet, une interrogation sur les fondements et modèles théoriques, permettant de dégager à la fois une épistémologie du sujet, des méthodologies d’études innovantes, ainsi que des modèles émergents du traitement du bien-être à l’école, le concept restant encore assez flou, inspirée des modèles en santé et associée à la notion de bonheur ou de satisfaction de vie.

Projections et proscriptions dynamiques du bien-être à l’école

Depuis cette journée d’étude et le tour de l’existant (recherches, travaux, méthodologies), notre réflexion se veut prospective, novatrice : quelles sont les recherches qui peuvent révéler la capacité à produire le bien-être? Comment aller au-delà des constats et résultats d’enquêtes et d’entretiens (victimation, stress, risques, épuisement, violences, harcèlement etc.) pour être acteurs du bien-être? À l’instar des élèves qui doivent identifier leurs erreurs, on peut identifier aussi ses réussites; dans le cadre d’une politique éducative ambitieuse, on se doit d’impacter sur le bien-être, donc sur le bien-devenir des élèves, du processus à la production, vers une réalisation individuelle et groupale.

Cette vision demande, de façon novatrice sur le plan scolaire, de ne pas rester figer dans le schéma étroit de ce que l’on doit enseigner (« prescription »), mais privilégier ce qu’il n’est pas interdit de faire (« proscription » au sens de Varela) pour produire du bien-être. Tout ce qui n’est pas interdit est possible (groupe ressource « plaisir & EPS » de l’AE-EPS, Éric Dugas et al., 2014), osons donc… De ce point de vue, on se situerait sur un versant hédoniste du bien-être (l’héritage aristotélicien, où le plaisir peut être considéré comme un indice de compétences, plus que l’héritage taylorien de l’école et des compétences attendues). Sur un autre plan, mieux que prévenir pour guérir, on peut promouvoir la santé des individus, par exemple en suivant la perspective salutogènèse de la santé (vs pathogénèse). Ainsi, la dévolution aux élèves pour un construit de sens du bien-être, demande de tenir compte de leurs capabilités (Sen), qui se préoccupent de la «mise en capacité» des personnes, car nous sommes ce que nous faisons. Alors faisons bien (enseignants et élèves). Et ce, en laissant les enseignants évoluer dans un espace de liberté qu’offre la vision proscriptive, en leur redonnant du pouvoir d’agir (Clot, 2008).

Tout en interrogeant les différents paradigmes qui traversent la question du bien-être (le paradigme hédoniste et humaniste, le paradigme de la rationalité, le paradigme de la dialectique sociale, le paradigme écologique), on portera un intérêt particulier aux travaux et recherches qui ouvrent la voie aux capacités des êtres humains à produire du bien-être, sans oublier que le bien-être est étroitement lié à l’expérience corporelle et émotionnelle (Kitayama & Markus, 2000). Ces éléments de cadrage liminaires font émerger trois questions articulées logiquement et qui fondent les axes de cet appel à communication :

Axe 1 : Pourquoi s’intéresser aujourd’hui dans le monde scolaire au bien-être, partant de l’histoire du concept et de son utilisation pour l’école ?

La question de la possibilité même de la relation éducative est posée dans une École qui peine à renouveler sa culture face à la diversité des publics qu’elle accueille, face à son incapacité à actualiser l’idéal égalitaire sur lequel elle s’est construite, face, enfin, à l’interpénétration des mondes qui remet en cause la figure fondatrice et instituée de l’élève dans une école qui se veut démocratique. Les travaux, entre autres, sur la violence à l’école témoignent de cette anomie plus ou moins grande selon les établissements, possible indicateur de la confrontation des normes et des valeurs, questionnant les finalités de l’éducation mises en tension entre normalisation et émancipation, entre adaptation individuelle à l’ordre social en place et construction partagée de nouvelles manières de faire et de vivre ensemble (Verhoeven, 2012). De plus, la centration sur les seules disciplines à transmettre tend à se déplacer vers une approche intégratrice de la complexité dans une vision holistique de l’enfant. En effet, la promotion très récente du socle de connaissances et compétences, qui s’inscrit dans une évolution curriculaire européenne voire internationale (OCDE), renvoie à la question de l’être et réintroduit la personne et le groupe dans un apprentissage commun.

Pour cet axe, des textes questionneront l’histoire de la notion de bien-être, au travers de son apparition dans les recherches sur l’école et dans les politiques d’éducation. Dans le même sens, ils pourront donner un aperçu des approches scientifiques de la question: dans quels paradigmes s’inscrit le concept de bien-être autour de l’éducation? Par quelles instances est-il porté et dans quels objectifs et cadres de pensée (éthique, idéologique, politique, anthropologique)?

Axe 2 : Quelles sont les démarches innovantes de recherches, tant sur les plans méthodologiques et épistémologiques que conceptuels ?

Une attention portée au bien-être pourrait servir une vision réductrice et rationnelle d’un élève qu’on devrait conduire à une seule réussite académique, mesurable dans les bulletins scolaires ou par des évaluations normatives aux critères de réussite parfois inatteignables pour certains élèves (Antibi, 2003). À l’opposé, le bien-être pourrait tout autant nourrir un idéal ou un simplisme béat d’un être bien en dehors de toute considération d’apprentissage et de progression sur le chemin du savoir. Au mieux ce bien-être conduirait à rendre possible la relation sociale, à « acheter » en quelque sorte la paix scolaire.

Entre ces deux approches, quelle voie médiane emprunter? Il paraît pertinent de considérer le bien-être à l’École dans sa dimension de développement personnel et social, processus dans lequel l’apprentissage de savoir - faire et savoir - être reste central, projetant et accompagnant l’individu ou le groupe dans un devenir fait de tous les possibles.

Il s’agit pour cet axe de dépasser les modèles descriptifs et classiques du bien-être, les constats, pour proposer de nouvelles problématiques et méthodologies cherchant des modélisations aux perspectives épistémologiques innovantes. Au regard de la littérature scientifique et de ces différentes perspectives, les contributions mettront en discussion les études et approches contemporaines de la question, qui renouvellent la vision politique de l’élève dans la société et l’école du XXIème siècle en prenant en compte la communauté scolaire dans son ensemble (élèves, enseignants et autre personnel, parents, partenaires). L’apport des contributions pourra en conséquence aussi bien être conceptuel qu’empirique, se situer dans le premier et/ou le second degré, prendre pour cadre quelques établissements ou bien s’inscrire dans une perspective internationale et comparatiste. La dimension internationale et comparatiste des recherches sur le sujet s’est en effet fortement développée au cours des deux dernières décennies, parfois impulsées par les organisations internationales (OCDE 2009, UNICEF 2007), véhiculant des enjeux de connaissance aigus par un éclairage contrastif des cultures scolaires, des pratiques enseignantes, du métier d’élève, de la place plus ou moins acceptée de l’enfant – et non seulement de l’élève – dans les pratiques et les interactions sociales dans l’école (Bradshaw et. al 2011; Land 2007, Pollard et. al. 2000, Raveaud 2006).

Axe 3 : Quels sont les modèles émergents du traitement du bien-être à l’école ? Comment promouvoir le bien-être à l’école ?

Nous avons aujourd’hui une large connaissance des facteurs contributifs au bien-être à l’école: l’expérience positive de l’école, considérée comme une ressource de santé et de bien-être, protège les élèves du risque de décrochage et de désordre psychologique (HBSC Survey, 2009/10). Les études sur les programmes éducatifs centrés sur le bien-être et la promotion de la santé sont également en nombre dans les bases de données (Mason et Rowling, 2005; revue de question de O’Brien, 2008), tout comme les mesures du bien-être à l’aide d’échelles aux qualités psychométriques attestées. En revanche, on notera un manque de recherches sur le lien entre le bien-être des personnels des écoles et celui des élèves, la focale étant mise sur l’une ou l’autre des catégories séparément.

On s’intéressera donc particulièrement aux propositions nouvelles qui, dans une approche écologique, interrogent les ressources nécessaires à la communauté éducative pour promouvoir non seulement la réussite scolaire mais aussi l’épanouissement des élèves sur les plans social, affectif, et émotionnel. Enfin, des textes traitant des effets du bien-être/mal-être des enseignants sur le travail des élèves et leur bien-être sont attendus.

Conditions de soumission

Les communications à expertise devront donc être envoyées à Alix Garnier alixgarnier64@yahoo.fr

au plus tard le 31 mai 2016

Les articles feront l'objet d'une double expertise à l'aveugle (1 mois en principe)

Les auteurs seront informés de la recevabilité ou non de leur proposition, ou de la correction et type de correction de celle-ci mi-juillet 2016.

Les corrections pourront être apportées aux communications le nécessitant au plus tard jusqu'à fin août 2016.

Elles devront – être envoyées à alixgarnier64@yahoo.fr pour une première navette corrective.

Les corrections suscitant analyse au cas par cas pourront faire l'objet de deux navettes correctives.

La publication de l'ouvrage Bien – être à l'Ecole est arrêtée en juin 2017

Nous vous remercions de respecter cette progression de travail commun dans le temps, afin que nous puissions opérer au montage final de ce travail dans les temps avant les délais d'impression.

Responsables scientifiques

  • Laurence Bergugnat, Laboratoire Cultures Éducations Sociétés, Université de Bordeaux
  • Éric Dugas, Laboratoire Cultures Éducations Sociétés, Université de Bordeaux
  • Régis Malet, Laboratoire Cultures Éducations Sociétés, Université de Bordeaux
  • coordination scientifique : Alix Garnier

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • mardi 31 mai 2016

Mots-clés

  • bien-être à l'école, approche salutogène, méthodologie, concept

Contacts

  • Séverine Parayre
    courriel : collectionharmattanfacef [at] icp [dot] fr
  • Alix Garnier
    courriel : alixgarnier64 [at] yahoo [dot] fr

Source de l'information

  • Alix Garnier
    courriel : alixgarnier64 [at] yahoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le bien-être à l’école : un processus de production du bien-être ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le vendredi 30 octobre 2015, https://doi.org/10.58079/tp2

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