Accueil2016, l'eau ne coule plus de source

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2016, l'eau ne coule plus de source

2016 - water has stopped flowing from the spring

Les Reclusiennes 2016

Les Reclusiennes 2016

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Publié le mardi 23 février 2016

Résumé

Et si au XXIe siècle, l’eau ne « coulait plus de source » ? Depuis toujours considérée comme génératrice de vie par excellence, l’eau tend aujourd’hui à être banalisée sous certains horizons, tandis qu’elle est toujours plus précieuse et jalousement disputée sous d’autres. Omniprésente dans nos vies quotidiennes, moteur de synergies sociales et de convivialités, elle recèle par ailleurs bien des secrets que s’attache à élucider la recherche scientifique.

Annonce

Argumentaire

Rencontres scientifiques et citoyennes, destinées à faire se rencontrer de larges publics de la façon la plus ouverte possible, les Reclusiennes ont choisi le thème de l’eau pour leur édition 2016. L’hommage à Elisée Reclus, auteur de l’« Histoire d’un ruisseau » et natif de la ville renforçait ce désir, en même temps que la présence si tangible de la Dordogne au bord de la bastide de Ste Foy la Grande, en Gironde, où se déroule cette manifestation. Le fleuve sera d’ailleurs le lieu de rencontres et de découvertes, suscitées par Epidor, Etablissement Public Territorial du Bassin de la Dordogne qui travaille à la fois à sa préservation, sa mémoire et sa valorisation.

Et si au XXI°siècle, l’eau ne « coulait plus de source »?

Depuis toujours considérée comme génératrice de vie par excellence, l’eau tend aujourd’hui à être banalisée sous certains horizons, tandis qu’elle est toujours plus précieuse et jalousement disputée sous d’autres. Omniprésente dans nos vies quotidiennes, moteur de synergies sociales et de convivialités, elle recèle par ailleurs bien des secrets que s’attache à élucider la recherche scientifique. Elle représente aussi un enjeu écologique majeur pour la planète, tant du point de vue de la préservation de sa ressource1, des problèmes que pose sa pollution, que des inégalités liées à sa répartition ou des risques générés par les perturbations de son cycle (sécheresses, pluies torrentielles, inondations) aggravées par le changement climatique. Enfin, cette « eau nourricière » fertilise les imaginaires poétiques, inspire les mythologies et s’invite dans les liturgies de toutes les traditions religieuses. Ainsi, si l’eau se fait rare, donc précieuse, elle apparaît plus que jamais comme une préoccupation et une source d’inspiration intarissables.

L’eau suscite le plus vif intérêt des physiciens ou des hydrogéologues : l’étude de la composition de l’eau, jusque dans ses contours les plus mystérieux, ne cesse de passionner les chercheurs, en quête de propriétés physico- chimiques toujours nouvelles. La controverse sur l’éventualité d’une « mémoire de l’eau » en est l’un de ses exemples les plus polémiques2 (Kaufmann, 1993). L’eau comme objet d’étude scientifique interroge autant qu’elle échappe, à l’image de sa composition fluide, insaisissable. Mais l’eau a tendance à n’être souvent considérée par les sciences qu’en tant qu’élément H2O, dissimulant les multiples facettes de la relation ancestrale que l’homme entretient avec elle, pour elle et à travers elle. Ce n’est que depuis deux courtes décennies que les sciences sociales décident de lui consacrer un champ de recherche à part entière, d’explorer  la richesse des rapports sociaux qui s’organisent autour d’elle au sein des communautés humaines. Les géographes, anthropologues et sociologues mettent ainsi à jour la « matérialité de l’eau » (Aubriot, 2013)3, au-delà de son existence liquide et mouvante. Ils observent et décrivent les pratiques quotidiennes liées à l’eau, les mécanismes de pouvoir qui s’élaborent pour son accaparement, son partage ou sa gestion, dépeignent les innombrables lieux de sociabilité qui s’organisent autour d’elle: les villes érigées le long des rivages fluviaux et côtiers en sont l’un des exemples les plus éloquents, mais aussi les oasis installées le long des grandes routes commerciales en Afrique saharienne, au Moyen-Orient ou en Asie centrale. Depuis la préhistoire, les sociétés humaines se sont rassemblées au bord de l’eau : des fleuves, des lacs, des étangs ou des marais, fondant ainsi les premières cités lacustres. Les grandes civilisations de l’antiquité s’épanouissent dans cette proximité avec l’eau : celle égyptienne le long du Nil, « en raison de ses crues régulières et fertilisantes »4, celles de Mésopotamie, entre le Tigre et l’Euphrate, de la Rome et de la Grèce antiques respectivement sur les rives ou les pourtours du Tibre et de la Mer Méditerranée. Par la suite, le rôle de l’eau n’a cessé de s’intensifier, les villes cherchant à jouir de son caractère nourricier (jardins et zones maraîchères, etc.) et protecteur, en tant que frontière par exemple, ou au contraire des circulations qu’elle permet, à travers les activités sociales et marchandes qu’elle facilite via  la navigation. Les puits, les bornes fontaines5, mais aussi les rivages et les ports sont autant de lieux caractérisés par une intense sociabilité, théâtre où se tissent les relations, s’entretiennent les rapports de voisinage, se retrouvent les plaisanciers (qu’ils soient en famille, touristes ou sportifs), mais aussi l’espace scénique où se trament les scénarios d’alliance et de rivalités6.

Car cette eau si convoitée peut aussi aisément devenir « source de discorde », à l’échelle locale ou selon les régions du monde. Non pas tellement parce que l’eau potable viendrait à manquer sur la surface du globe, ou dans les profondeurs de ses nappes, mais parce qu’elle est inégalement répartie selon les aires géographiques   :

« il n’y a pas de problème mondial de l’eau mais des drames régionaux » remarque Suzanne Dionet-Grivet dans la synthèse qu’elle consacre à la géopolitique de l’eau (2014 : 3)7. Tandis qu’une dizaine de pays se partagent 60 % des ressources mondiales, certains autres souffrent d’un stress hydrique chronique ou saisonnier. Ainsi, parle- t-on d’un « triangle de la soif » en évoquant l’Afrique du Nord, le Moyen-Orient et l’Asie centrale. L’Inde, l’Amérique du Sud, l’Afrique sahélienne ou même la Californie sont également cruellement touchées par des crises de l’eau à répétition (Blanchon, 2013)8. Sa pénurie, mais aussi les problèmes liés à sa pollution et à ses défauts d’assainissement sont à l’origine de maladies, de conflits et de migrations forcées, qui représentent un enjeu écologique, économique, politique et tout simplement humain de la première importance.

En outre, si l’eau est indispensable à la vie, sa qualité de « bien commun »9 inaliénable tend pourtant  aujourd’hui à être concurrencée par sa marchandisation croissante. La gratuité de l’eau, tenue pour acquise pendant des siècles et ce jusqu’à une période récente, est de plus en plus contestée par les multinationales. L’argument clé est sa nécessaire mise à disposition autant que le contrôle de sa qualité en termes sanitaires. Ces  impératifs  soulèvent  alors  la  question  cruciale  de  la  gestion  de  l’eau.  Les  Reclusiennes  proposent  de s’intéresser à cette question à la fois sur le territoire français, en revenant sur les polémiques concernant la gestion en régie publique ou au contraire sa délégation privatisée (par Véolia ou la Lyonnaise des Eaux notamment10), aussi bien que dans d’autres contextes, au Nord comme au Sud. Car cette « tragédie des biens communs »11 qu’incarnent les inégalités générées par cet accaparement ou gestion commerçante de la  ressource en eau met également en lumière un problème qui lui est étroitement corrélé : comment accéder à l’eau potable quand celle-ci est confisquée par des entreprises ou autres groupes multinationaux qui vendent leurs services à un prix beaucoup trop élevé pour les populations locales ? L’une des alternatives imposées à ces populations, y compris les plus vulnérables, par le « juteux marché de l’eau » n’est autre que la vente d’eau en bouteille12. Ainsi, tandis que dans les pays pauvres un litre d’eau peut revenir plus cher qu’un litre d’essence13, la bouteille, en plastique ou en verre, est devenue dans les pays riches un marqueur de distinction sociale (Wateau 2015)14.

C’est d’ailleurs sur ce dernier aspect de nature symbolique que nous nous attarderons : car à l’évocation de l’eau, encore davantage que de techniques, c’est aussi et peut-être surtout de symboles dont il est question. Depuis toujours, l’eau est humainement incarnée par une vague d’appropriations métaphoriques, artistiques et religieuses. Symbole de la fertilité des êtres vivants (c’est dans l’eau que la gestation se fait), animaux ou végétaux (l’irrigation est l’un des thèmes clés de l’anthropologie des techniques), de purification et de régénérescence, l’eau est au centre d’un grand nombre de récits, de pratiques liturgiques et de pèlerinages religieux à travers le monde : fonts baptismaux, eaux du Gange, eau de Lourdes ou « fontaine de jouvence »  sont autant d’exemples de sa présence incontournable dans les imaginaires et les croyances. Enfin, l’eau est aussi charnelle, sensuelle, elle fascine par la capacité de sa consistance liquide à se couler le long des corps et des paysages. Les peintres, écrivains, musiciens ou cinéastes se sont immergés dans son invitation aux images et aux sensations.

Notes

1 Ce problème est étroitement lié à celui de l’agriculture, qui représente à elle seule 70% de la consommation mondiale en eau (contre 20% pour l’industrie et 10% pour les particuliers).

2 Kaufmann Alain, « L’affaire de la mémoire de l’eau. Pour une sociologie de la communication scientifique », in Réseaux, Vol.11,  n°58, pp. 67-89, 1993.

3 Aubriot Olivia, « De la matérialité de l’irrigation », in Le Journal des  Anthropologues, 2013. 

4 Agence de l’eau Adour-Garonne : http://www.coursdeau.com/junior_2/connaissance/index.php?fiche=15

5 Salem Gérard, « Crise urbaine et contrôle social à Pikine, bornes fontaines et clientélisme », in Politique africaine, n°45, 1992.

6 Singleton Michael, Histoires d’eau, Louvain-la-Neuve, Academia Bruylant, Anthropologie prospective, 2010.

7 Dionet-Grivet Suzanne, Géopolitique de l’eau, 2° édition, Paris, Ellipses, 2014.

8 Voir par exemple : Blanchon David, Atlas mondial de l’eau, Paris, Autrement, 2013.

9 Voir les ouvrages de l’économiste américaine Elinor Ostrom, notamment: Governing the Commons: The Evolution of Institutions for Collective Action, New York, Cambridge University Press, 1990.                                         

10 Se reporter aux travaux de Jean-Luc Touly, de Marc Laimé ; ou encore de Riccardo Petrella : L’eau, res publica ou marchandise ?, Paris, La dispute, 2003.

11 Hardin Garrett, « The Tragedy of the Commons », Science, 1968 ; Ostrom Elinor (et al.), The Drama of the Commons,

National Academy Press, 2002.

12 Voir le documentaire « Nestlé et le business de l’eau en bouteille », Arte, 2012.

13 Exemple du Nigéria, pays ouest-africain producteur de pétrole connaissant d’importantes disparités sociales, dans « Nestlé et le business de l’eau en bouteille », Arte, 2012, op.cit.

14 Wateau Fabienne, « L’eau des riches. Perrier, le cosmopolitisme et les buveurs d’eau en bouteille », in Ateliers d’anthropologie, LESC, n°41, 2015.

Propositions d'ateliers thématiques

I. L’eau H2O : approche par les sciences et techniques

  • L’eau comme objet d’étude scientifique
  • L’eau comme enjeu écologique.

II.L’eau au jour le jour : pratiques quotidiennes autour de l’eau

L’eau comme source de sociabilité, qui « fait société » : Exemples :

  • les villes et les campagnes, riverainetés, les bornes fontaines, les puits… L’eau des marins et des ports : circulation, découvertes, transports marchands, croisières, etc.
  • L’eau de la mer à la plage (stations balnéaires), l’eau loisir, sports d’eau
  • L’eau comme cure thérapeutique : ex. des stations balnéothérapeuthiques.

L’eau comme objet de gestion : la gestion de l’eau en France

L’eau en Régie, l’eau en gestion privée (Véolia, Lyonnaise des eaux) : l’eau, bien commun ou marchandise ?

III. L’eau source de discorde : géopolitique de l’eau ou « quand l’eau ne coule plus de source »

  1. Source tarissable, inégalement répartie, « polluable » : enjeu du 21 ° siècle : COP 21, Forum mondial de l’eau, etc.
  2. Géopolitique de l’eau dans le monde : conflits de l’eau, etc.
  3. Les grands barrages à travers le monde

IV. Poétique et sacralité de l’eau

  1. Poétique de l’eau : quand l’eau nourrit les imaginaires poétiques et mythologiques.
  2. Sacralité de l’eau : dans les spiritualités et les liturgies religieuses.

V. « Histoire d’un ruisseau » : Eau et anarchisme

  • L’eau dans l’œuvre Elisée Reclus
  • L’eau, l’esprit  et la pratiques libertaires
  • Relecture de La Civilisation et les grands fleuves historiques de Léon Metchnikoff, géographe libertaire
  • Validité de la théorie du despotisme hydraulique
  • Les grands fleuves débouchent sur la Méditerranée : l’approche d’un « continent liquide » chez Elisée Reclus et Albert Camus
  • L’irrigation et le communisme libertaire pendant la Révolution espagnole
  • Les espaces du bord de l’eau, encore des espaces de liberté ?

Comité scientifique

  • Sophie Moulard (Laboratoire des Afriques dans le Monde, Sciences-Po Bordeaux),
  • Thierry Oblet (Centre Emile Durkheim, NUB),
  • Raphaël Michau (EPIDOR),
  • Thierry Boissières (Institut Français du Proche-Orient –IFRE),
  • Gilles Boëtsch (Environnement, Santé, Sociétés à Dakar, CNRS ),
  • Philippe Pelletier (Lyon 2),  Katiana Lementec (Centre d’études sur la Chine moderne et contemporaine),
  • Anne-Elène Delavigne (MNHN, CNRS),
  • Jean-Christophe Chadanson (A’Urba),
  • Marie-Christine Boutheau (Grande Région Aquitaine),
  • Pascale De Robert (Patrimoines Locaux et Gouvernance, IRD/MNHN).

Formats et Calendrier

Cet appel à communication s’adresse à la communauté scientifique française et internationale, et par extension, à l’ensemble des acteurs qui, réfléchissant à la problématique de l’eau, souhaiteraient intervenir dans nos journées en tant que chercheurs et doctorants, élus, responsables associatifs et citoyens. Il sollicite des travaux de recherche, achevés ou en cours, ainsi que des relations critiques d’expériences de projet et de terrain, sous forme de communications.

Les propositions seront formulées sous la forme d’un texte de 1 500 signes précisant l’atelier dans lequel elles souhaiteraient s’inscrire (voir rappel des propositions d’ ateliers ci-dessous), le titre de la proposition, le nom et l’appartenance institutionnelle de l’(ou des) auteur(s) et le format de la communication. Ce texte sera accompagné de références bibliographiques (5 au maximum) et d’une biographie synthétique de l’(ou des) auteur(s) de 400 signes.

Il sera transmis avant le 15 avril 2016

sous forme de pdf à l’adresse suivante : conf@lesreclusiennes.fr et sophiemoulard7@gmail.com

Le comité scientifique donnera sa réponse pour le 15 mai 2016 au plus tard.

Les résumés retenus feront l’objet d’une communication de 20 minutes lors de l’une des différentes sessions des Reclusiennes 2016 en fonction du thème abordé.

Après sélection par le comité scientifique les communications proposées sous forme de communication pourront faire l’objet d’une publication.

Organisation pratique

Le programme des Reclusiennes débute le 5 juillet 2016 et se termine le dimanche 10 juillet 2016 à Sainte-Foy- La-Grande, bourg de Gironde situé entre Saint-Émilion et Bergerac. Les conférences et soirées thématiques se dérouleront les 6, 7, 8 et 9 juillet 2016 à partir de 10h.

L’hébergement sera assuré pour tous les intervenants du lundi au dimanche, soit chez l’habitant, soit en chambre de 2 à 4 lits. La restauration sera assurée du lundi au samedi (les billets restent à charge de chaque chercheur-e-).

Il s’agit d’un festival populaire mêlant les habitants et des personnes venues de partout, à visée d’animation sociale et culturelle et d’éducation populaire et artistique. Le contexte et la forme des communications, tout en restant de qualité scientifique, ne sont donc pas celles d’un colloque « classique ». Auront également lieu des manifestations artistiques et festives.

Lieux

  • Sainte-Foy-la-Grande, France (33220)

Dates

  • vendredi 15 avril 2016

Mots-clés

  • eau, espace, science, géopolitique, pratique, art, environnement, risque, climat

Contacts

  • Chantal Crenn
    courriel : chantal [dot] crenn [at] univ-montp3 [dot] fr
  • Sophie Moulard
    courriel :

URLS de référence

Source de l'information

  • Sophie Moulard
    courriel :

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« 2016, l'eau ne coule plus de source », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 23 février 2016, https://doi.org/10.58079/uiw

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