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La fabrique de l'aumônerie musulmane des prisons

The making of Muslim chaplaincies in prisons

Approches comparées

Comparative approaches

*  *  *

Veröffentlicht am Dienstag, 09. August 2016

Zusammenfassung

L’aumônerie pénitentiaire connaît en France une actualité inédite dans le domaine de l’action publique de même que dans le champ académique. Ce regain de curiosité pour cette institution qui paraissait prête de tomber en désuétude il y a à peine deux décennies s’explique par les bouleversements que connaît depuis trois ou quatre décennies le profil religieux de la population carcérale. Mais ceci résulte surtout de l’intérêt que les pouvoirs publics portent à cette institution comme d’un moyen potentiel de lutte contre la radicalisation. Dans un contexte où chacun s’interroge sur le rôle que les aumôniers pourraient tenir dans la lutte contre les dérives vers l’extrémisme violent, l’objectif de ce colloque serait de faire le point sur la manière dont, en France et dans d’autres pays, les acteurs musulmans s’approprient cette institution, étrangère à leur tradition religieuse.  

Inserat

Argumentaire 

L’aumônerie pénitentiaire connaît en France une actualité inédite dans le domaine de l’action publique de même que dans le champ académique. Les recherches pionnières de Jim Beckford et de Sophie Gilliat-Ray (1998) sur la gestion de la pluralité religieuse dans les prisons anglaises ont ouvert la voie à des travaux dans différents contextes nationaux : Allemagne (Becci, 2012 ; Harms, 2014) ; Canada (Gagnon, 2008 ; Beckford & Cairns, 2015) ; Espagne (Martinez-Arino, Garcia-Romeral, Ubasart-Gonzalez, & Griera, 2015) ; France (Beckford, Joly et Khosrokhavar, 2005 ; Sarg & Lamine, 2011 ; Sarg, 2016 ; Béraud, Galembert et Rostaing, 2013 et 2016) ; Italie (Rhazzali, 2010 ; Fabretti, 2015) ; Norvège et Suède (Furseth et Kühle 2011) ; Pays-Bas (Ajouaou et Bernts 2015) ; Suisse (Becci Bovay & Kuhn, 2007 ; Schneuwly-Purdy, 2011) notamment.   

Ce regain de curiosité pour cette institution qui paraissait prête de tomber en désuétude il y a à peine deux décennies s’explique par les bouleversements que connaît depuis trois ou quatre décennies le profil religieux de la population carcérale. En effet, il s’est agi en particulier d’offrir un dispositif cultuel aux musulmans, dont la présence est notable dans les établissements pénitentiaires français, comme elle l’est dans les prisons britanniques, allemandes, néerlandaises ou belges (Roy, 2015). Mais ceci résulte surtout de l’intérêt que les pouvoirs publics portent à cette institution comme d’un moyen potentiel de prévenir le basculement de détenus dans l’extrémisme religieux.  Dans le sillage des tueries perpétrés par Mohammed Merah et Mehdi Nemouche ainsi que des attentats de 2015, les aumôniers musulmans ont ainsi en France bénéficié d’importants engagements de l’Etat, jusqu’à devenir en 2016 le premier culte financé en prison.

Dans un contexte où chacun s’interroge sur le rôle que les aumôniers pourraient tenir dans la lutte contre les dérives vers l’extrémisme violent, l’objectif de ce colloque serait de faire le point sur la manière dont, en France et dans d’autres pays, les acteurs musulmans s’approprient cette institution, étrangère à leur tradition religieuse.  En quoi les politiques publiques de lutte contre la radicalisation carcérale accélèrent-elles l’institutionnalisation d’une aumônerie musulmane des prisons ? En quoi la compliquent-elles également ?

Axes thématiques 

Plusieurs axes de questionnement pourraient structurer la réflexion collective.  

(1) Tout d’abord, il s’agira de revenir sur la socio-genèse de l’aumônerie pénitentiaire musulmane en s’interrogeant sur les différents facteurs qui ont conduit à son institutionnalisation. Quand émerge la figure de l’aumônier musulman ? Quelles différences note-t-on en la matière, selon les configurations nationales ? Pourquoi les intervenants musulmans demeurent-ils cantonnés dans certains pays au statut de visiteur ? Pourquoi accèdent-ils dans d’autres à celui d’aumônier ? Comment cette fonction émergente s’invente-t-elle d’un point de vue théologique ? Comment s’élabore au sein de l’islam  une forme de discours doctrinal à son propos ? Par quels emprunts dans le champ religieux, d’une institution publique (armée, hôpital) à l’autre (prison), d’expériences étrangères ? On s’interrogera sur les mécanismes à l’œuvre dans ce transfert d’une institution à l’origine façonnée pour et par le christianisme vers l’islam : formatage par la mise aux normes institutionnelles qui sont celles du modèle chrétien dominant (Roy, 2008) ou « adaptation » et « contextualisation » (Ajouaou & Bernts, 2015) ?  Qui sont les acteurs qui ont favorisé ce transfert  et joué ainsi un rôle de passeurs ? Quel est la part de mimétisme interreligieux, inter-administratif, international dans la fabrique de cette nouvelle institution ? Attention pourra être portée sur la place que tiennent l’administration pénitentiaire et plus largement les acteurs publics dans cette invention. Comment l’émergence de l’aumônerie musulmane s’articule-t-elle avec une politique plus large d’institutionnalisation de l’islam ? Dans quelle mesure est-elle portée par une politique de reconnaissance voire de lutte contre les discriminations ? Quelle est la place que tiennent les attendus sécuritaires ?  Quels sont le facteurs qui ont favorisés ou au contraire freiné cette institutionnalisation ? 

(2) Un deuxième axe d’analyse pourrait concerner plus directement la sociologie des acteurs qui aujourd’hui incarne cette institution. Qui sont les aumôniers musulmans ? Combien sont-ils et comment ont évolué leurs effectifs ? Quels sont leurs propriétés sociales et leur profil ?  Quelles sont les pratiques qu’ils mettent en œuvre auprès des détenus ? Comment s’organisent-ils ? Quelles sont les logiques collectives à l’œuvre dans l’apparition de l’aumônerie pénitentiaire, que celles-ci accompagnent le processus ou au contraire le freine ? Dans cette perspective, il conviendra aussi de faire porter l’analyse sur la manière dont ces acteurs s’approprient et se socialisent à leur rôle, tout en l’inventant en marchant.  Comment opèrent ces apprentissage ? Des savoir-faire et des savoir-être se sédimentent-ils ? Se formalisent-ils ? Quid des formations mises en place au sein des organisations musulmanes et du monde académique ? 

(3) Un troisième axe pourrait être de faire de l’aumônerie musulmane un analyseur du gouvernement public du religieux, autrement dit un miroir donnant à voir l’Etat au concret et en action dans le  domaine religieux. Dans cette perspective, les comparaisons nationales pourraient être privilégiées pour analyser la manière dont différents designs institutionnels en matière de rapport entre pouvoirs publics et religion ont un impact sur les formes prises par l’institutionnalisation de l’aumônerie musulmane ?  Observe-t-on des formes de dépendance au sentier à la faveur duquel le rapport aux anciens cultes majoritaires chrétiens continue d’exercer une forme d’influence sur la manière dont on pense administrativement l’institutionnalisation de ce nouvel entrant qu’est l’islam.  Une attention pourrait être prêtée à la manière dont l’administration opère un filtrage des candidats, à ce qui pourrait être des conceptions plus ou moins formalisés de ce qu’est un « bon » ou un « mauvais » candidat et au-delà des formes légitimes d’islam.   Bien entendu des éclairages sur les usages qui sont fait de l’aumônerie, aussi bien dans la communication politique qu’en contexte et en action en monde pénitentiaire, au niveau de l’administration centrale et des établissements (par la direction mais aussi par les agents et personnels) seront les bienvenus. En quoi ces usages peuvent-ils mettre à mal la confiance des détenus à l’égard des aumôniers musulmans ? 

(4) On s’interrogera aussi sur les logiques d’appropriation, de rejet ou d’indifférence par rapport à cette nouvelle figure du monde carcéral souvent présentée par l’administration comme un moyen de concurrencer les « imams auto-proclamés » et de faire pièce aux formes de leadership religieux qui peuvent s’affirmer au sein des détentions.  Comment s’expriment-elles ?  Dans quelle mesure, les détenus participent-ils à travers leurs attentes et demandes à la co-construction de cette figure à la légitimité encore fragile ? Là aussi, attention doit être portée aux logiques de mimétisme qui conduisent à nourrir des attentes à l’égard de l’aumônier calquées sur les aumôniers des cultes historiques. Quels sont les ressorts de l’autorité (lorsqu’elle s’affirme) des aumôniers ? Il convient aussi d’examiner dans quelle mesure l’implication de l’aumônerie musulmane dans la lutte contre la radicalisation vient perturber la relation avec les détenus.

Modalités de soumission

Les propositions d’intervention de 200 mots (en anglais et français) sont à envoyer aux adresses suivantes : celine.beraud@ehess.fr  et galembert@isp.ens-cachan.fr avant le 10 septembre 2016.  

Les communications pourront être faites en français ou en anglais. 

Calendrier  

Les propositions sont attendues pour

le 10  septembre 2016 au plus tard.

Confirmation des propositions le 16 septembre 2016.

Les textes des communications (30 000 signes maximum) sont attendus pour 1er novembre. 

Les frais de déplacement et de séjour seront pris en charge.   

Date du colloque

jeudi 24 et vendredi 25 novembre 2016 à Paris. 

Organisatrices

  • Céline Béraud (EHESS, Centre d’études en sciences sociales du religieux)
  • Claire de Galembert (CNRS, Institut des sciences sociales du politiques, ENS Cachan) 

Ce colloque est organisé dans le cadre d’une recherche « post-attentats » financée par le CNRS. 

Comité Scientifique 

  • Jim Beckford (University of Warwick),
  • Sophie Gilliat-Ray (Cardiff University),
  • Irène Becci (Université de Lausanne),
  • Franck Frégosi (Institut d’études politiques d’Aix-en-Provence),
  • Mar Griera (Universitat Autònoma de Barcelona),
  • Solenne Jouanneau (Université de Strasbourg).  

Bibliographie indicative  

  • Ajouaou, M. & Bernts, T. (2015), « Imams and Inmates: Is Islamic Prison Chaplaincy in the Netherlands a Case of Religious Adaptation or of Contextualization? », International Journal of Politics, Culture and Society, 28 (1), p. 5-19.
  • Becci, I. (2012), Imprisoned Religion: Transformations of Religion During and After Imprisonment in Eastern Germany, Farnham, Ashgate.
  • Becci, I., Bovay, C. & Khun, A. (2007), Enjeux sociologiques de la pluralisation religieuse dans les prisons suisses. Requête non publiée, Fonds national suisse de la recherche. Programme de recherche n° 58. Collectivités religieuses, État et société.
  • Beckford, J. & Cairns, I. (2015), « Muslim Prison Chaplains in Canada and Britain », The Sociological Review, 63 (1), p. 36-56.
  • Beckford, J. & Gilliat, S. (1998), Religion in prison. Equal Rites in a Multi-Faith Society, Cambridge, Cambridge University Press.
  • Beckford, J., Joly, D. & Khosrokhavar, F. (2005), Les Musulmans en prison en Grande-Bretagne et en France, Louvain, Presses universitaires de Louvain.
  • Béraud, C., Galembert, C. de & Rostaing, C. (2016), De la religion en prison, Rennes, PUR.
  • Fabretti, V. (2015), « Dealing with Religious Differences in Italian Prisons: Relationships betwenne Institutions and Communities from Misrecognition to Mutual Transformation », International Journal of Politics, Culture and Society, 28 (1), p. 21-35.
  • Furseth, I. & Kühle, L. (2011), « Prison Chaplaincy from a Scandinavian Perspective », Archives de sciences sociales des religions, 153, p. 123-141.
  • Gagnon, M. (2008), « Old Structures, New Faces: the Presence of Wicca and Neopaganism in Canadian Prison Chaplaincies », dans L. G. Beaman & P. Beyer (dir.), Religion and Diversity in Canada, Boston, Brill, p. 149-174.
  • Griera, M. & Clot-Garrell, A. (2015), « Banal is not Trivial: Visibility, Recognition, and Inequalities between Religious Groups in Prison », Journal of Contemporary Religion, 30 (1), p. 23-37.
  • Khosrokhavar, F. (2004), L’Islam dans les prisons, Paris, Balland.
  • Martinez-Arino, J. & Griera, M. (2016), « Responses to Religious Diversity in Spain: Hospitals and Prisons from a Comparative Perspective », Interdisciplinary Journal for Religion and Transformation in Contemporary Society, 2 (1), p. 37-592.
  • Martinez-Arino, J., Garcia-Romeral, G. & Griera, M. (2016), « Demonopolisation and Dislocation: (Re-) Negociating the Place and Role of Religion in Spanish Prisons », Social Compass, 62 (1), p. 3-21.
  • Rhazzali, M. K. (2010), L’islam in carcere. L’esperienza religiosa dei giovani musulmani nelle prigioni italiane, Milan, Franco Angelo.
  • Roy, O. (2008), La Sainte Ignorance. Le temps de la religion sans culture, Paris, Éd. du Seuil.
  • Roy, O. (2015), « The Diversification of Chaplaincy in European Jails: Providing Spiritual Support for New Inmates or Countering Radicalism », dans I. Becci & O. Roy (dir.), Religious Diversity in European Prisons, Londres, Springer, p. 187-190.
  • Sarg, R. (2016), La Foi malgré tout. Croire en prison, Paris, PUF.
  • Sarg, R. & Lamine, A.-S. (2011), « La religion en prison. Norme structurante, réhabilitation de soi, stratégie de résistance », Archives de sciences sociales des religions, 153, p. 85-104.
  • Schneuwly-Purdie, M. (2011), « “Silence... Nous sommes en direct avec Allah.” L’émergence d’intervenants musulmans en contexte carcéral », Archives de sciences sociales des religions, 153, p. 105-121.

Orte

  • Paris, Frankreich (75)

Daten

  • Samstag, 10. September 2016

Schlüsselwörter

  • aumônerie, prison, islam

Kontakt

  • Céline Béraud
    courriel : celine [dot] beraud [at] ehess [dot] fr

Informationsquelle

  • Céline Béraud
    courriel : celine [dot] beraud [at] ehess [dot] fr

Lizenz

CC0-1.0 Diese Anzeige wird unter den Bedingungen der Creative Commons CC0 1.0 Universell .

Zitierhinweise

« La fabrique de l'aumônerie musulmane des prisons », Beitragsaufruf, Calenda, Veröffentlicht am Dienstag, 09. August 2016, https://doi.org/10.58079/vkm

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