Announcement
Perspectives médiévales n°39
Argumentaire
« On est revenu au Moyen Âge[1] » ; « ces actes sont médiévaux, moyenâgeux, barbares » : douloureusement réactivées par les attentats récents, ces formules ont été largement utilisées par les médias ces derniers mois. Or, elles posent problème à maints égards, car tout en désignant le « Moyen Âge » comme « barbare » et « archaïque », elles associent des événements difficilement pensables et rejetés dans la sphère de l’altérité à une période qui appartient pourtant à une histoire et à un patrimoine hérités. De ce point de vue, le Moyen Âge semble servir d’écran pour dire un impensé qui est celui de la violence de notre propre société. À l’inverse, « revenir au Moyen Âge », entre séries et jeux de rôles, c’est parfois jouer ou rejouer celui-ci, le plus souvent pour l’encenser, dans une démarche où la nostalgie prend le pas sur la connaissance.
Le Moyen Âge : modèle ou repoussoir ? Au plan idéologique, ce sont parfois les mêmes discours qui utilisent le Moyen Âge comme référence pour désigner une altérité honnie, et qui par ailleurs l’invoquent pour justifier une identité (les « racines chrétiennes de l’Europe ») ou une unité culturelle (l’Occident chrétien), face à une Europe qui serait fragmentée, et dangereusement multi-culturelle. Au plan économique, le Moyen Âge sert parfois aussi de paradigme à une pensée de l’autarcie, sur la base d’un modèle pré-industriel adossé sans précaution à l’omniprésence de l’ordre et du pouvoir. Le Moyen Âge apparaît donc comme le porte-étendard d’une protestation qui s’élève contre la crise actuelle du politique et du modèle européen.
Telle est l’ambiguïté de la manipulation des mots « Moyen Âge », « médiéval », « moyenâgeux » dans les discours actuels, manipulation qui est peut-être aussi instrumentalisation du passé. C’est une définition de la politique mais aussi du politique qui est en jeu, dans la détermination de cette notion par le passé médiéval et dans son articulation au présent.
Quelle peut être la position de la recherche, du monde académique mais aussi plus largement des intellectuels et des artistes vis-à-vis de ces représentations du Moyen Âge, de sa pensée politique et de son fonctionnement ? À partir d’un travail épistémologique sur les notions les plus fréquemment rattachées ou opposées au Moyen Age, et qui permettent sa mise en accusation ou son idéalisation, ce numéro de Perspectives médiévales invite à s’interroger sur les usages politiques actuels du Moyen Âge. Le Moyen Âge peut-il être aujourd’hui autre chose qu’un fantasme, un prétexte pour justifier toutes sortes de discours, en dehors de toute connaissance réelle et profonde de cette période ? Peut-il encore servir de référence positive pour penser le présent ? La définition de l’homme mise au point et cultivée par les pensées et pratiques du Moyen Âge est-elle d’un quelconque secours pour éclairer un monde qui se réfère et se compare sans cesse à lui, au prix de nombreux malentendus, intentionnels ou non ?
Nous proposons ici quelques pistes de réflexion, non limitatives :
- Face à l’image d’une période repliée sur elle-même et théocentrique, existe-t-il ou non un universalisme hérité du Moyen Âge, et qui se prolongerait jusqu’à nous, parallèlement à l’universalisme hérité de la Révolution française ? L’idée d’un progrès perpétuel hérité des Lumières, largement contestée et battue en brèche, peut-elle être refondée ou réélaborée à partir d’une pensée qui a été largement bannie par ces mêmes Lumières ?
- Le Moyen Âge est-il porteur d’un humanisme ? Si oui, quel rôle a joué l’historiographie postérieure (renaissante, classique, romantique, moderne) pour occulter cet humanisme médiéval ?
- Le Moyen Âge a-t-il été barbare – rejetant dans la violence, hors de sa langue et de son monde, ses ennemis ? Peut-il servir d’exemple ou d’épouvantail à ce qui aujourd’hui est parfois annoncé comme le début d’un naufrage de la civilisation ?
- Comment s’expliquent les mises en fiction actuelles du Moyen Âge et la nostalgie sous-jacente qui les accompagnent ? Et la recherche elle-même, médiéviste ou médiévaliste, par effet de retour, ne contribue-t-elle pas à la création d’un Moyen Âge édulcoré et fantasmé, voire du renouveau d’un folklore médiéval ?
C’est donc à une réflexion sur les usages politiques contemporains du Moyen Âge et de leurs impensés qu’invite le prochain numéro de Perspectives médiévales.
Chercheurs, intellectuels, artistes et autres acteurs que la présence du Moyen Âge dans la société actuelle intéresse sont donc conviés à contribuer au numéro de 2018 de notre revue.
[1] Par exemple : « La Grèce est revenue au Moyen Age ! », article de Dominique Alberti, du 16 février 2012 dans Libération ou bien « L’Europe d’aujourd’hui est revenue au Moyen Âge », article du 16 janvier 2016 paru dans sputniknws.com.
Modalités de soumission
Les propositions d’article (avant-projet d’une page avec bibliographie) sont à adresser conjointement à Sébastien Douchet (sebastien.douchet@univ-amu.fr) et à Véronique Dominguez (veronique.dominguez@u-picardie.fr)
avant le 31 décembre 2016.
Le calendrier est le suivant :
- Jusqu’au 31 décembre 2016 : remise du projet.
- 15février 2016 : avis du comité scientifique de la revue.
- 1er juillet 2017 : remise de l’article qui sera soumis au comité scientifique pour correction.
- 1er décembre 2017 : remise de la version définitive de l’article.
- 15 janvier 2018 : publication du numéro en ligne (peme.revues.org).
Comité scientifique de la revue
Le comité scientifique de Perspectives Médiévales est composé de 15 membres. Cinq sont issus du conseil d’administration de la SLLMOO et 10 sont des membres extérieurs à la Société, pour moitié exerçant en France, pour l’autre moitié exerçant à l’étranger. La représentation internationale est ainsi assurée au sein du comité scientifique.
Membres du Conseil d’administration de la Société des Langues et Littératures Médiévales d’Oc et d’Oïl
- Dominique Boutet – Professeur à l’université de Paris-Sorbonne
- Florence Bouchet – Professeur à l’université de Toulouse Le Mirail
- Joëlle Ducos – Professeur à l’université de Paris-Sorbonne
- Armand Strubel – Professeur à l’université Montpellier III
- Fabio Zinelli – Directeur d’études à l’École pratiques des hautes études
Membres extérieurs au Conseil d’administration
- Catherine Croizy-Naquet - Professeur à l’université Paris-Sorbonne Nouvelle
- Élisabeth Gaucher-Rémond – Professeur à l’université de Nantes
- Sylvie Lefèvre – Professeur à l’université de Paris – Sorbonne
- Géraldine Veysseyre – Maître de conférences à l’université de Paris – Sorbonne
- Michel Zink – Professeur au Collège de France
Membres étrangers
- Craig Baker – Professeur à l’université libre de Bruxelles, Belgique
- Yasmina Foehr-Janssens – Professeur à l’université de Genève, Suisse
- Maria Meneghetti – Professeur à l’université de Milan, Italie
- Jane Taylor – Professeur émérite à l’université de Durham, Grande-Bretagne
- Richard Trachsler – Professeur à l’université de Zürich, Suisse
Argument
“We have returned to the Middle Ages”;1 “These acts are medieval, moyenâgeux (worthy of the Dark Ages), barbaric”: painfully revived by the recent terrorist attacks, these expressions have found widespread use in the media over the past few months. They are problematic in many respects: though they describe the “Middle Ages” as “barbaric” and “archaic”, they associate events that are hard to envisage and that are rejected into the sphere of otherness with a period that is nonetheless part of a common history and heritage. In this regard, the Middle Ages seem to act as a filter through which we can express an “unthought known” – the violence of our own society. Conversely, “returning to the Middle Ages”, in TV series or roleplaying games, sometimes means playing/playacting or replaying the period, often in a laudatory manner, through a process that replaces knowledge with nostalgia.
Are the Middle Ages a model or an anti-model? On an ideological level, the same discourses will sometimes use the Middle Ages as a means to designate a despised otherness, while simultaneously invoking them to justify an identity (the “Christian roots of Europe”) or a cultural unity (the Christian West) in contrast with a Europe perceived as fragmented or dangerously multicultural. On an economic level, the Middle Ages may serve as a paradigm for theories of autarky, on the basis of a preindustrial model incautiously associated with the omnipresence of order and power. The Middle Ages thus appear to be the standard-bearer of a rising protest against the current crisis of politics and of the European model.
This underlines how ambiguous the usage of words such as “the Middle Ages”, “medieval” or “moyenâgeux” can be in modern day discourses, not least because such usages can also be a way of exploiting the past. What lies at stake is not only our definition of political action but of the concept of politics itself, by determining this notion through the medieval past and its connection to the present.
What can be the position of researchers, of the academic world and, more generally, of intellectuals and artists regarding these representations of the medieval period, of its political thought and of its processes? On the basis of an epistemological investigation of the notions most commonly defined in relation or in opposition to the Middle Ages, through which we both criticize and idealize the period, this issue of Perspectives médiévales would like to investigate the current political uses of the Middle Ages.
Can the Middle Ages today be anything else than a fantasy, a pretext for justifying all sorts of discourses, far from any real and profound knowledge of the period? Can it still act as a positive point of reference nowadays? Is the definition of man elaborated and cultivated by medieval thought and practice in any way helpful in better understanding a world that constantly refers to the Middle Ages and compares itself to them, at the cost of numerous misunderstandings, both intentional and unintentional?
The following lines of approach are non-exclusive:
- Against the image of a period that is theocentric and turned inward, is there such a thing as a medieval universalism, in continuous existence to this day, running parallel to the universalism inherited from the French Revolution? Can the Enlightenment notion of perpetual progress, widely criticized and eroded, be cast anew or rebuilt on the basis of a worldview that was mostly banished by the very same Enlightenment?
- Did the Middle Ages develop a form of humanism? If so, what role did subsequent (Renaissance, classic, romantic, modern) historiography play in minimizing this medieval humanism?
- Were the Middle Ages barbaric, i.e. did the period violently expel its enemies from the limits of its language and of its world? Can they serve as an example or a spectre for what is sometimes announced today as a collapse of civilization?
- How can the current fictionalizations of the Middle Ages and the underlying nostalgia be explained? Do medieval and medievalist studies contribute to the creation of a watered down or fantasised vision of the Middle Ages, perhaps even to a renewal of medieval folklore?
The next issue of Perspectives médiévales therefore invites its contributors to reflect upon the contemporary political uses of the Middle Ages, both conscious and unconscious.
1 For instance : « La Grèce est revenue au Moyen Age ! », article by Dominique Alberti published on 16 February 2012 in Libération or « L’Europe d’aujourd’hui est revenue au Moyen Âge », article published on 16 January 2016 in sputniknews.com.
Submission guidelines
Scholars, intellectuals, artists and all others who are interested in the presence of the Middle Ages in today’s society are welcome to contribute to the 2018 issue of our journal.
Article proposals (a page-long abstract and a bibliography) must be jointly addressed to Sébastien Douchet (sebastien.douchet@univ-amu.fr) and Véronique Dominguez (veronique.dominguez@u-picardie.fr)
before 1st October 2016.
The calendar is as follows:
-
Until 31st December 2016: proposal submissions.
- 15th February 2016: evaluation by the scientific committee of the journal.
- 1st July 2017: articles submitted to the scientific committee for correcting.
- 1st December 2017: final versions submitted.
- 15th January 2018: issue published online (peme.revues.org)
Argomento
« On est revenu au Moyen Âge1 » ; « ces actes sont médiévaux, moyenâgeux, barbares » : tornate dolorosamente di attualità a momento dei recenti attentati, queste frasi sono state ampiamente utilizzate dai media in questi ultimi mesi. Di fatto, risultano problematiche da molti punti di vista, dal momento che, definendo il «Medio Evo» come «barbaro» e «arcaico», esse associano degli avvenimenti impensabili e collocati nella sfera dell’alterità ad un periodo che appartiene viceversa alla nostra storia e al nostro patrimonio culturale. Da questo punto di vista, il Medio Evo sembra servire da schermo per esprimere qualcosa di impensato: la violenza della nostra società. Peraltro, «tornare al Medio Evo», tra serie televisive e giochi di ruolo, può significare a volte giocare al Medio Evo o recitarlo, spesso per celebrarlo, secondo una pratica in cui la nostalgia prevale sulla conoscenza.
Il Medio Evo: modello o contromodello? Sul piano ideologico, spesso gli stessi discorsi utilizzano il Medio Evo come riferimento per designare un’alterità disprezzata, e lo invocano per giustificare un’identità (le «radici cristiane dell’Europa») o un’unità culturale (l’Occidente cristiano), di fronte ad un’Europa che si presenterebbe frammentata, e pericolosamente multiculturale. Sul piano economico, il Medio Evo serve a volte anche come paradigma di un pensiero dell’autarchia, sulla base di un modello preindustriale rischiosamente accostato all’onnipresenza dell’ordine e del potere. Il Medio Evo appare così come il porta-bandiera di una protesta che si innalza contro la crisi attuale della politica e del modello europeo.
Così si presenta l’ambiguità della manipolazione dei termini «Medio Evo» e «medievale» nei discorsi attuali, manipolazione che è forse anche strumentalizzazione del passato. È una definizione della politica, ma anche del politico che è in gioco, nella determinazione di questa nozione attraverso il passato medievale e nella sua articolazione con il presente. Quale può essere la posizione della ricerca, del mondo universitario, ma anche, più ampiamente, degli intellettuali e degli artisti riguardo a queste rappresentazioni del Medio Evo, del suo pensiero politico e del suo funzionamento? Sulla base di un lavoro epistemologico sulle nozioni più spesso collegate o opposte al Medio Evo, e che giustificano la sua messa sotto accusa o la sua idealizzazione, questo numero di Perspectives médiévales invita ad interrogarsi sugli usi politici attuali del Medio Evo. Il Medio
Evo può essere oggi qualcosa di diverso da un fantasma, un pretesto per giustificare discorsi di ogni sorta, al di fuori di ogni conoscenza reale e approfondita di questo periodo? Può ancora servire come un punto di riferimento positivo per pensare il presente? La definizione dell’uomo elaborata e coltivata dal pensiero e dalle pratiche del Medio Evo può aiutare in qualche modo per illuminare un mondo che si riferisce e si paragona continuamente ad esso, pur a prezzo di molti malintesi, intenzionali o no?
Proponiamo alcuni punti di riflessione, non esclusivi:
- A fronte dell’immagine di un periodo ripiegato su se stesso e teocentrico, esiste o no un universalismo ereditato dal Medio Evo e che si prolungherebbe fino a noi, parallelamente all’universalismo ereditato dalla Rivoluzione francese? L’idea di un progresso continuo ereditato dall’Illuminismo, ampiamente contestata e demolita, può essere rifondata o rielaborata a partire da un pensiero che è stato fortemente messo al bando dallo stesso Illuminismo?
- Il Medio Evo è portatore di un umanesimo? Se sì, quale ruolo ha svolto la storiografia posteriore (rinascimentale, classica, romantica, moderna) per occultare questo umanesimo medievale?
- Il Medio Evo è stato barbaro – respingendo nella violenza, al di fuori della sua lingua e del suo mondo, i suoi nemici? Può servire da esempio o da spauracchio per quello che oggi è talvolta presentato come l’inizio di un naufragio della civiltà?
- Come si spiegano le rappresentazioni (cinematografiche / televisive) attuali del Medio Evo e la nostalgia che le sottende? E la ricerca stessa, medievista o medievaleggiante, non contribuisce per parte sua, quasi di rimbalzo, alla creazione di un Medio Evo edulcorato e immaginato, o addirittura al rinnovamento di un folklore medievale? È quindi ad una riflessione sugli usi politici contemporanei del Medio Evo e dei loro «impensati» che invita il prossimo numero di Perspectives médiévales.
1 Per esempio : « La Grèce est revenue au Moyen Age ! », articolo di Dominique Alberti, 16 febbraio 2012 in Libération, oppure « L’Europe d’aujourd’hui est revenue au Moyen Âge », articolo del 16 gennaio 2016 pubblicato su sputniknws.com.
Modalità di partecipazione
Ricercatori, intellettuali, artisti e altri attori interessati alla presenza del Medio Evo nella società attuale sono invitati a contribuire al numero del 2018 della nostra rivista.
Le proposte di un articolo (progetto di una pagina con bibliografia) dovranno essere inviate congiuntamente a Sébastien Douchet (sebastien.douchet@univ-amu.fr) e a Véronique Dominguez (veronique.dominguez@upicardie.fr)
entro il 1° ottobre 2016.
Il calendario previsto è il seguente:
-
Entro il 31 dicembre 2016: consegna del progetto.
- 15 febbraio 2016: risposta del comitato scientifico della rivista.
- 1°luglio 2017: consegna dell’articolo, che sarà sottoposto al comitato scientifico per correzione.
- 1° dicembre 2017: consegna della versione definitiva dell’articolo.
- 15 gennaio 2018: pubblicazione del numero on-line (peme.revues.org).