HomeLotharingian piety - public faith, inner faith (12th-18th centuries)
Lotharingian piety - public faith, inner faith (12th-18th centuries)
Une piété lotharingienne : foi publique, foi intériorisée (XIIe– XVIIIe siècle)
Published on Thursday, February 16, 2017
Abstract
Ce colloque s'inscrit dans le cadre de l'ANR LoDoCat (Lotharingie dorsale catholique). Il vise à se demander s'il existe des formes spécifiques de dévotion dans cet espace. Quatre axes seront privilégiés : la cour céleste (quelles images de Dieu et des saints ?), les acteurs (qui promeut ces formes de dévotion), les sources de la dévotion (images, médailles, livres, etc.), les lieux (sanctuaires, pélerinages, etc.
Announcement
Argumentaire
Existe-t-il des formes particulières de christianisme dans cet espace médian en Europe de la Lotharingie, éclaté ensuite dans les « pays d’entre-deux médiévaux », de la mer du Nord à la Savoie, puis qui, augmenté du Milanais, constitue à l’époque moderne la « Dorsale catholique », un front de catholicité particulièrement vivant ? Bien des historiens l’ont affirmé, plus que démontré, sauf de manière ponctuelle. L’objectif de ce colloque est d’étudier sur un temps long les différentes formes de dévotion qui caractérisent cet espace.
Le morcellement politique et territorial, avec des formes particulières comme les principautés ecclésiastiques et, à l’époque moderne, l’existence de petits États dans une Europe où de grandes monarchies comme la France s’affirment, a pu permettre le développement de formes de dévotion particulières. Une journée d’études, à Lyon en décembre 2015, a été consacrée aux saintetés politiques, qui semblent particulièrement importantes dans cet espace, des saints évêques aux ducs champions de la chrétienté ou du catholicisme, sous la protection de la Vierge ou de saints spécifiques. La piété fervente du prince ajoute à sa légitimité, surtout dans des périodes d’affrontements confessionnels. C’est dans cet espace que se développe un modèle de monarchie dévote, au contraire de celui qu’adopte la monarchie française marquée par la raison d’État, en particulier à partir d’Henri IV, ce qui n’exclut pas en France sous Louis XIII la coexistence des deux types de monarchie dévote et de raison d’État, en particulier dans la lutte contre les protestants.
À l’époque moderne, les dévotions sont très souvent liées à la défense ou à la promotion du catholicisme – ce qui n’empêche pas une coexistence au quotidien plus paisible qu’on ne le pensait entre membres des diverses confessions. Ce catholicisme est influencé par Rome comme par l’Espagne, très présente de l’Italie du Nord aux Pays-Bas, en passant par la Franche-Comté. C’est à partir de là, par exemple, que s’est répandu le culte de l’ange gardien, étudié lors du colloque de Liège d’octobre 2016, particulièrement développé dans ces territoires d’entre-deux où s’était déjà diffusé dès le VIIIe siècle la dévotion à l’archange saint Michel (Saint-Mihiel en Lorraine, la Cluse en Piémont). En témoigne l’éclatant succès de l’Ange conducteur, abondamment publié dans la région de la fin du XVIIe au milieu du XIXe siècle.
On a là un exemple d’une dévotion, pas forcément spécifique à cet espace, mais qui y est très répandue. On peut en trouver d’autres. La Lotharingie, par exemple, se caractérise notamment par un fort christocentrisme : importance des reliques christiques vénérées (suaire de Besançon et surtout de Turin, dont de nombreuses copies circulent en Europe catholique, sainte tunique de Trèves, reliquaires de la vraie croix à Arras, Saint-Mihiel et de Château-Chalon, de la sainte Épine, sainte Face de Laon…), dévotion eucharistique qui se manifeste par la célébration de la Fête-Dieu mise en place dès le XIIIe siècle dans le diocèse de Liège à l’instigation de sainte Julienne de Cornillon (avant d’être étendue à l’ensemble de l’Occident) et qui connaît ensuite dans l’axe lotharingien un grand développement comme l’attestent les monstrances et les bannières de procession conservées ainsi qu’un certain nombre d’enluminures, gravures, images et tableaux. Une autre caractéristique est le culte de l’Enfant Jésus dont témoignent les Jésuaux ou repos de l’enfant Jésus (sous forme de berceaux décorés dont on relève au moins une quinzaine d’exemples du XIVe au XVIe siècle des anciens Pays-Bas à la Lorraine), les images et statuettes de l’Enfant fréquentes dans les couvents comme à l’époque moderne les chambres de l’Enfant Jésus (exemple des boîtes des Annonciades de Franche-Comté qui préfigurent les crèches) ou les tableaux du Sommeil de l’Enfant Jésus. La naissance du Christ est souvent l’occasion d’une méditation préfigurant la Passion abondamment représentée dans l’espace lotharingien : Crucifix, Christ aux liens, portant sa croix, mises au tombeau et Pietà (dont on dénombre notamment plus de 200 exemples en Lorraine).
On peut aussi s’interroger sur des formes particulières de dévotion mariale caractérisée par la présence de très nombreux sanctuaires de pèlerinage locaux dès XIIe siècle au moins. Plusieurs ont acquis et conservé jusqu’à nos jours un rayonnement important (tels Notre-Dame d’Avioth, de Sion, de Bonsecours à Nancy et à Saint-Avold, de Benoîtevaux en Lorraine). Nés aux Moyen Age, ils font l’objet d’un renouveau à l’époque moderne, période où l’on voit se multiplier des relais de lieux de culte voisins comme Notre-Dame d’Einsiedeln, Notre-Dame de Luxembourg ou Notre-Dame de Montaigu. Des formes spécifiques peuvent apparaître telles les Vierges libératrices qui fleurissent en Franche Comté durant la guerre de Trente Ans (appelé sur place la « guerre de Dix ans ») pour protester contre la violence des troupes françaises. Mais des sanctuaires plus lointains ont également marqué l’espace Lotharingien comme Notre-Dame de Liesse dont le légendaire rapporte la conversion d’une princesse musulmane, et où Marie est invoquée comme « reine de guerre » et sainte « victorieuse », garante du pouvoir des Habsbourg et patronne des villes, dans les villes de Flandres et la cour de Bruxelles, gardienne de l’ordre dans la littérature pèlerine, dévotionnelle et théologique. De même la Vierge noire de Notre-Dame de Montserrat, voyage loin de Catalogne, puisque son culte est installé par les troupes espagnoles à côté de Stenay, mais aussi en Piémont actuel, à Alessandria (alors en Milanais) par le gouverneur Matheo Otanez en 1626, ainsi qu’en Lorraine où elle est bien connue.
Certains saints ont fait l’objet d’une dévotion particulière, à l’instar de saint Nicolas, présent dans l’ensemble de l’axe mais surtout en Lorraine où il devient à partir du début du XVIe siècle le protecteur du duché. Il s’agit d’un saint évêque, comme le sont d’autres figures majeures de la sainteté comme saint Claude, saint Clément, saint Arnoul, saint Lambert, saint Gérard, saint Gauzelin, saint Ours, saint Grat (Piémont), vénérés au Moyen Age et jusqu’à l’époque moderne. D’autres, apparus plus tardivement, sont des saints de la Réforme catholique, comme Pierre Fourier et Charles Borromée particulièrement honoré dans la famille ducale lorraine. D’autres types de sainteté ont joué un rôle dans l’espace lorrain mais aussi, plus généralement, dans tout l’espace considéré, comme les vierges martyres (sainte Catherine, sainte Barbe, sainte Marguerite, sainte Agathe), les autres saints auxiliaires d’origine germaniques mais qui s’y sont bien implantés, les saints invoqués comme la rage (saint Hubert et saint Eustache ) et contre la peste comme saint Roch et saint Sébastien, objets de cultes civiques dès la fin du Moyen Age, importants dans ces zones de passage où se multiplient les épidémies et des saints fondateurs des diocèses (ex. les céphalophores saints Eucaire et Élophe et sainte Libaire dans le diocèse de Toul, qui font même l’objet d’un regain d’intérêt à la fin du XVe siècle, impulsé par le pouvoir épiscopal à la recherche d’une identité chrétienne des origines en lien avec la politique du duc de Lorraine René II.
Par ailleurs, l’opposition au protestantisme a pour conséquence la diffusion d’une littérature de piété particulièrement importante et ayant des caractéristiques propres, d’autant plus répandue que le taux d’alphabétisation est relativement fort. Les livres espagnols sont très nombreux dans les bibliothèques lorraines à l’époque moderne. L’esprit de croisade, qui survit fortement à l’époque moderne en Lorraine comme en Savoie, est peut-être à mettre en rapport avec la proximité des Turcs en Hongrie, et des protestants, vus comme les musulmans de l’intérieur, qu’on rencontre souvent dans dans les récits de miracles des livrets de pèlerinage.
La Lotharingie/Dorsale catholique est-elle terre privilégiée de pèlerinage, de ces dévotions apparues dès le Moyen Age qui reprennent force à l’époque baroque et s’expriment tant dans le cadre privé que dans la sphère publique ? Il est vrai que la vision du monde des pèlerins est à l’opposé de celle du protestantisme : un Dieu proche des hommes, qui manifeste sa générosité par des miracles, présent dans la nature (dans les statues, les reliques, l’eau des fontaines miraculeuses). Au-delà des pèlerinages lointains (Jérusalem, Compostelle, Rome, le Sinaï ou Bari que fréquentent aussi les hommes et femmes de Lotharingie) et dont certaines destinations se trouvent dans notre espace ou à proximité (Einsiedeln), les pèlerinages de proximité semblent particulièrement nombreux, qui constituera une part importante de l’Atlas qui sera réalisé. La dévotion est également visible dans des réalisations comme les chapelles du Saint-Sépulcre et de Mises au tombeau, les chemins de croix, nombreux en Lorraine, les Sacri Monti du Piémont ou le développement d’un certain art baroque.
C’est à partir de ces constats généraux que se bâtit une importante exposition, « L’art chrétien en territoire de frontière », qui se tiendra de mai à septembre 2018 aux musées de la Cour d’Or à Metz, et un colloque, les 8-10 novembre 2017 à Lyon.
Axes thématiques
Ce colloque se déroulera selon quatre axes :
- La Cour céleste. Quelles sont les représentations dominantes de Dieu, de Marie, des saints (et quels saints ?), dans la Lotharingie/Dorsale catholique, et quelles sont les formes de piété qu’elles suscitent ? Y a-t-il des particularités par rapport à d’autres régions européennes ? Comment se diffusent ces dévotions ? Comment se marquent-elles sur le territoire ? On peut songer aux saints suaires, aux chapelles, aux Sacri Monti, etc.
- Les acteurs. Qui promeut ces formes particulières de dévotion ? Une attention particulière devra être portée aux mouvements dévots et notamment, pour les femmes, aux moniales, chanoinesses, ou encore béguines, surtout représentées dans le nord-ouest de notre région. La ferveur est affichée par les autorités politiques et religieuses, d’où des modèles de rois, de ducs, de princes, d’évêques, présentés comme saints, ce qui accroit leur légitimité. On pourra se demander comment se manifeste leur foi, par quelles formes de piété, par quelles réalisations (oratoires, livres de piété, commandes de belles pièces et chapelles privées, etc.). Les villes et les cultes civiques se seront pas oubliés, de même que l’intervention des confréries de métiers et de dévotion. Les formes de dévotion seront également prises en compte : on se demandera notamment s’il y a une gestion particulière de la liturgie, un développement d’une musique religieuse, une organisation spécifique des prédications ? Leur rôle dans l’idéal de croisade devra également être examiné.
- Les sources de la dévotion. La culture catholique est souvent présentée comme une culture « sensible » : le fidèle s’approche de la divinité par les gravures, les statues ou les tableaux qu’on regarde ; par les légendaires ou les exempla qu’on écoute ; par les médailles qu’on touche. Avec l’art tridentin, ces formes évoluent vers la sensibilité baroque, qui diffuse des cultes nouveaux (sainte Famille, dévotion au saint Sacrement). La typographie permet de propager cette culture à un degré jamais égalé dans ces régions qui connaissent un fort taux d’alphabétisation. Vers 1600, la culture baroque est aussi plus rationnelle (voir les enquêtes des procès-verbaux de miracles) ou plus intériorisée (Ange conducteur, communier par des Exercices individuels à la Passion avec le Christ qui donnent lieu à Liesse à des bouteilles à ludions), qu’il serait bon de caractériser.
- Les lieux. Les lieux emblématiques de cette dévotion lotharingienne vécue à la fois sur le plan publique et intériorisée sont multiples. Les sanctuaires à miracles, ou civiques, deviennent nombreux au Moyen Âge pour se réformer au XVIIe siècle, qu’il serait bon de mieux connaître. Avec cela apparaissent les missions et les prédications, surtout des jésuites, qui mènent leurs collégiens dans des sanctuaires à Marie et diffusent une piété catholique réformée, dont l’Atlas Marianus de Guillaume Gumppenberg a rendu compte.
Modalités pratiques d'envoi des propositions
Les propositions de communication sont à adresser
pour le 31 mars 2017
avec un résumé de 5 à 10 lignes à :
- Catherine Guyon : catherine.guyon@univ-lorraine.fr
- Yves Krumenacker : yves.krumenacker@univ-lyon3.fr
- Bruno Maes : bruno.maes@univ-lorraine.fr
Comité scientifique
- Nicole Bériou (EPHE),
- Sylvène Edouard (Université Jean Moulin Lyon 3),
- Catherine Guyon (Université de Lorraine),
- Marie-Élisabeth Henneau (Université de Liège),
- Yves Krumenacker (Université Jean Moulin Lyon 3),
- Bruno Maes (Université de Lorraine),
- Philippe Martin (Université Lumière Lyon 2),
- Catherine Vincent (Université Paris Ouest Nanterre)
Subjects
Places
- Lyon, France (69)
Date(s)
- Friday, March 31, 2017
Keywords
- piété, dévotion, pélerinage, saint
Contact(s)
- Yves Krumenacker
courriel : yves [dot] krumenacker [at] univ-lyon3 [dot] fr - Catherine Guyon
courriel : catherine [dot] guyon [at] univ-lorraine [dot] fr - Bruno Maes
courriel : bruno [dot] maes [at] univ-lorraine [dot] fr
Reference Urls
Information source
- Yves Krumenacker
courriel : yves [dot] krumenacker [at] univ-lyon3 [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Lotharingian piety - public faith, inner faith (12th-18th centuries) », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, February 16, 2017, https://doi.org/10.58079/wyy