Organisation
Colloque organisé par ARENES (CNRS UMR 6051)
Contacts : Béatrice Damian-Gaillard (beatrice.damian@univ-rennes1.fr) et Sandy Montanola (sandy.montanola@univ-rennes1.fr)
Argumentaire
Passer des critiques…
Des critiques contre les médias et les journalistes sont régulièrement publiées. Cette remise en question constante de leur légitimité informationnelle et professionnelle, au-delà du marronnier, est le signe d’un questionnement profond du métier et de sa place dans un contexte de profondes mutations. Interrogation ultime, chaque année, les journaux publient un baromètre sur la confiance des Français dans les médias (http://www.la-croix.com/France/La-confiance-dans-medias-plus-2017-02-02-1300821928).
Ces critiques se déploient sur plusieurs points. Certaines questionnent l’impact des processus de concentration, financiarisation et d’industrialisation sur les conditions de travail des journalistes et sur les messages produits. D’autres pointent du doigt les relations de connivence et de dépendance des professionnels de l’information avec les acteurs politiques, institutionnels et économiques. Ces critiques dénoncent une logique de marchandisation de l’information (http://www.lepoint.fr/medias/aude-lancelin-l-obs-est-un-petit-poumon-malade-encore-necessaire-a-la-gauche-13-10-2016-2075574_260.php), soumise à un impératif de profit aux dépens de la valeur éditoriale. Comment ? Par l’absence de pluralité de sources, de sujets et d’angles (http://www.liberation.fr/france/2017/07/14/c-est-les-medias-qui-imposent-les-discussions_1583986), la reprise des communiqués de presse, l’absence de vérification des sources, la course à l’audimat, la mise en valeur de sujets sport ou people (comme l’affaire Neymar à l’été 2017) plutôt que géopolitiques, le traitement par l’émotion et non par la réflexion, l’absence de neutralité ou d’objectivité, le recours incessant aux stéréotypes au lieu d’observations sur le terrain (http://www.acrimed.org/-Les-medias-et-les-quartiers-populaires-). Ces critiques dessinent un portrait type de journaliste ignorant des réalités de la vie quotidienne du quidam, peu concerné par son audience, privilégié car issu de la classe moyenne supérieure, connivent avec les sources, réalisant des ménages, acceptant des voyages ou cadeaux, ainsi que des rédactions reproduisant les inégalités sociales (http://www.courrierinternational.com/article/royaume-uni-parite-salariale-la-bbc-mieux-vaut-etre-un-homme et http://www.telerama.fr/television/presence-des-femmes-a-l-antenne-teles-et-radios-peuvent-encore-et-toujours-mieux-faire,155128.php/).
…A l’analyse de terrain des conditions de production
Ces critiques rendent toutefois difficiles dialogue et réflexion, renvoyant rapidement aux excuses des uns, et aux accusations des autres. Elles touchent pourtant des points sensibles dont l’enjeu nous semble essentiel, l’information, et la communication configurant les débats et les problèmes publics (Gilbert Claude et Henry Emmanuel, 2012).
Car les profondes mutations qui affectent aujourd’hui les médias — concentration, financiarisation, internationalisation, numérisation — changent l’organisation de la production de l’information et le système de relations auquel le journaliste participe (https://www.contrepoints.org/2017/03/17/284241-lindustrie-medias-a-lere-numerique). L’identité et l’action des sources se transforment. De nouveaux acteurs participent au processus, de nouvelles modalités de communication de l’information se développent, et des opportunités nouvelles apparaissent, avec les réseaux sociaux numériques notamment. Les frontières entre les territoires d’activités des acteurs deviennent mouvantes, notamment sur le web, où coexistent avec des pure players et des médias en ligne clairement identifiés comme relevant de l’espace journalistique, des sites spécialisés sur la production de contenus sportifs, culturels, etc., aux statuts et à l’organisation opaques. Celles-ci sont exacerbées par un marché de l’emploi qui fragilise davantage les professionnels de l’information avec la multiplication des contrats précaires (CDD, piges), et le recours au statut d’intermittent du spectacle ou d’auto entrepreneur, dans le web et l’audiovisuel notamment (http://www.lcdpu.fr/livre/?GCOI=27000100722250&fa=description). Ceux-ci se trouvent donc au milieu d’injonctions diverses, de contraintes multiples (économiques, symboliques, organisationnelles, …), d’autant plus fortes par le contexte de concurrence exacerbée, de fragmentation des pratiques, des contenus et des modes de consommation (https://rsf.org/fr/le-journalisme-fragilise-par-lerosion-democratique).
Ce colloque étudie les modalités de la production journalistique de l’information sportive télévisée, à savoir les micros décisions, les opérations successives qui, imbriquées les unes aux autres, définissent et construisent le produit éditorial. Il s’agit aussi, lors des échanges, de repositionner les chaînes de télévision et les journalistes dans un écosystème, au sein d’une chaîne de production et d’un système de pression et de contraintes qui se transforment en choix éditoriaux sans être formulés comme tels. Nous postulons, en effet, que les journalistes ne sont pas les seuls responsables de l’information produite, de ses angles, de ses sources, de discours rapportés, des formes et des formats d’écriture, des modes de diffusion, de présentation, etc.
Programme
Mercredi 11 octobre 2017
13H Accueil
13H30 Ouverture du colloque
14H- Atelier 1 – Cadrage général
Diversité de l’information : des entreprises médiatiques aux téléspectateurs
En réponse aux injonctions des instances de régulation (dont le CSA), des instances sportives (fédérations sportives, instances olympiques) et politiques, ainsi qu’aux critiques récurrentes, les directions des chaînes de télévision ont développé des politiques et des dispositifs “diversité”. La promotion de cette diversité emprunte des voix multiples : managériale par le recrutement de journalistes aux origines diversifiées (ethniques, de sexe, de classe, d’âge) ; éditoriale par la recherche d’une plus grande pluralité des personnes interviewées (“plus de femmes, plus de personnes de classes populaires…”). Les chaînes exploitent également, dans le cadre de politique de communication, cette mise en valeur de la “diversité”, via des communiqués, dossiers de presse, opérations spéciales.
Discutante : Christine Larrazet, Centre Emile Durkheim, Université Bordeaux, France
Présentations (14H15H) :
- Réjane Sénac, Cevipof, Paris, France
- Tristan Mattelart, Institut Français de Presse, CARISM, France
- Jacco van Sterkenburg, Université d’Anvers, Pays Bas
15H15-15H30 Pause
Discussion (15H30-17H30)
A quels enjeux et conceptions idéologiques et politiques renvoient cette notion de diversité ? Pourquoi cette notion émerge-t-elle aujourd’hui dans l’espace public et dans les entreprises médiatiques ? Dans quelle mesure, les politiques “diversité” des chaînes de télévision peuvent-elles constituer une ressource pour cibler certains publics (femmes, minorité ethnique…) ? Ces démarches influent-elles le travail des journalistes et les contenus éditoriaux ? Comment cette notion circule-t-elle de l’espace du management des médias, à celui de la réception par le public, en passant par celui des pratiques journalistiques ?
- Rédacteur en chef TV
- Journaliste TV
- Mémona Hintermann-Afféjee, Ex grand reporter – Membre du Conseil supérieur de l’audiovisuel
Jeudi 12 octobre 2017
8H30 Accueil
9H – Atelier 2 – Les spécificités (économiques et éditoriales) de l’information sportive
L’information sportive télévisée au cœur des injonctions à la diversité
Les chaînes de télévision sont aujourd’hui confrontées à la concurrence d’autres acteurs sur le terrain de la médiatisation du sport (télécommunications, clubs sportifs, sites d’amateurs, GAFAM, etc). Cette concurrence se manifeste notamment lors des achats des droits de retransmission des événements sportifs à fort potentiel commercial sur les marchés des audiences et des annonceurs. Simultanément, les éditeurs audiovisuels doivent faire face à une transformation des modes de consommation.
Discutant : Franck Rebillard, Université Paris 3, Sorbonne Nouvelle, France
Présentations (9H-10H)
- Jean-François Diana, université Lorraine, France
- Richard Haynes, University of Stirling, UK
10H00-10H15 Pause
Discussion (10H15-12H15)
Comment favoriser le pluralisme de l’information, notamment quand on ne détient pas les droits de retransmission ? Les contraintes économiques sont-elles un frein à la diversité ou une excuse à son absence ? Comment inventer de nouvelles trames narratives de l’information sportive pour exister sur un marché éclaté en une multitude d’offres et d’usages ? Comment replacer ce phénomène dans l’histoire de l’information sportive à la télévision ?
- Olivier Dufour, consultant sport et médias, Ex responsable du numérique BEIN Média Group
- Journaliste sport
- Responsable service sports
14H – Atelier 3 – La production de l’information sur le terrain : regards croisés Italie, France et Espagne
Quels poids le journalisme et les rédactions ont-ils dans l’éditorial ?
La fabrication de l’information sportive télévisée est une lourde machine. Elle nécessite, lors de la couverture de manifestations sportives nationales ou internationales, des dispositifs techniques de production, des systèmes de captation, de stockage et de transmission des images conséquents. Le processus de production implique non seulement des producteurs de contenus aux statuts, fonctions, et compétences diverses (rédacteurs, preneur de son, JRI, monteur, consultant, réalisateur, scripte, etc.), mais aussi des personnels techniques (informatique, documentation, etc.), et d’autres en charge de la production (chargé de production, régisseur, etc.). La composition des équipes à “envoyer sur place” influe sur les relations de travail, mais aussi sur les représentations médiatiques diffusées.
Discutant : Nikos Smyrnaios, Université de Toulouse, France
Présentations (14H-15H00) :
- Laurent Camus, CEMS, France
- Eugénie Saitta, Université Rennes 1, France
- Sandy Montanola, Béatrice Damian-Gaillard, Université Rennes 1, France
- Guillem Turró, David Puertas, Xavier Pujadas et Pere Masip, Universitat Ramon Llull, Espagne
15H00-15H15 Pause
Discussion (15H15-17H15)
Qui décide de la composition des équipes ? A quel moment sont discutés les choix éditoriaux ? Comment ces derniers sont-ils négociés dans la pratique quotidienne entre rédacteur, JRI, monteur et rédacteur en chef ? Selon quelles contraintes et quels critères ? Quelle place est donnée à l’éditorialité et aux préconisations “diversité” ?
- Olivier Dufour, consultant sport et médias, Ex responsable du numérique BEIN Média Group
- François-Xavier de Chateaufort, RMC/BFM Sport
- Rédacteur
20H30 Atelier 4 – Les médias dans l’écosystème sportif
Les enjeux de la médiatisation des athlètes
La médiatisation des athlètes est un fort enjeu éditorial et commercial pour les chaînes de télévision, de même qu’elle joue un rôle essentiel dans la gestion de carrière des sportifs de haut niveau et dans le développement des sports et de leurs fédérations. Les transformations des économies des mondes télévisuels et sportifs, corrélées avec l’essor des réseaux sociaux ont bousculé les relations entre les journalistes et les professionnels du sport (athlètes, coachs, fédérations, etc.). Les sportifs les plus connus et reconnus dans leur discipline gèrent leur image médiatique, devenue une ressource à marchander auprès des clubs et des sponsors. Ils ont des managers, des agents, suivent des formations en media training, se mettent en scène sur les réseaux sociaux…
Discutant : Frédéric Rasera, Centre Max Weber, Université Lyon 2, France
Présentations – Soirée plénière, Espace Sainte-Anne, Lannion (20H30-23H30)
- Philippe-Antoine Lupien, UQAM, Montréal, canada
- Bachir Sirois-Moumni, UQAM, Montréal, Canada (intervention enregistrée)
- Boris Helleu, CESAMS, Université de Caen, France
- Rory Magrath, Solent Université, Southampton, UK (intervention enregistrée)
Discussion (22H30 – 23H30)
Cette professionnalisation de la gestion des images des athlètes s’est-elle accompagnée de nouvelles représentations des sportifs ? Dans quelle mesure, ces évolutions ont-elles poussé les journalistes à repenser leur traitement de l’information sportive ? Comment intègrent-ils ou non les critiques publiées par les internautes (téléspectateurs ou non des émissions diffusées, journalistes, associations…) sur les réseaux sociaux, notamment sur la thématique de la diversité ?
- Patrick Montel, Commentateur et rédacteur en chef adjoint service des sports, France Télévisions, France
- Romane Enguehard, footballeuse
- Marion Delas, Triathlète
- Marion Le Couls, Chargée de communication de l’équipe cycliste Fortunéo
Vendredi 13 octobre 2017
9H - Atelier 5 – Se former à la diversité ?
De l’école aux premiers pas sur le terrain : l’apprentissage des contraintes
Discutant : Samuel Bouron, Paris Dauphine, France (9 H - 12 H)
- Pascale Colisson, responsable pédagogique, chargée de mission Diversité et égalité des chances, IPJ-Université Paris-Dauphine, France
- Baptiste Morin, Journaliste spécialisé en Sport
- Mathilde l’Azou, Journaliste spécialisée en Sport