AccueilLa communication européenne : vers un tournant agonistique ?

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La communication européenne : vers un tournant agonistique ?

European communication - the agnostic turn

Colloque Protagoras

Protagoras conference

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Publié le mercredi 07 mars 2018

Résumé

Ce second colloque Protagoras se place, à l’instar du premier, à la croisée des disciplines : les sciences sociales et politiques ; les sciences de l’information et de la communication ; les sciences du langage. Il invite à se saisir de la tension consensus / dissensus qui est au cœur de la communication publique et politique européenne et de sa médiatisation. Trois niveaux d’analyse sont suggérés : le niveau linguistique/textuel ; le niveau sémiologique ; le niveau communicationnel et des pratiques.

Annonce

Argumentaire

La reconnaissance du rôle crucial de la communication dans la fabrique symbolique du politique (Aldrin, Hubé, Olliver-Yaniv et Utard, 2014) a profondément nourri et relancé les études en communication publique. Mieux encore, elle les a ouvertes à une démarche transdisciplinaire très riche sur le terrain européen (Foret, 2008).

De nombreux auteurs en philosophie politique (Laclau et Mouffe ; Rancière ; Lyotard), ainsi qu’en rhétorique et en études d’argumentation (Plantin ; Amossy ; Angenot ; Nicolas) se sont intéressés au rôle du dissensus et de sa représentation en démocratie. La confrontation des différends et sa manifestation y sont reconnues comme le ciment même de la communauté politique. Le modèle de démocratie agonistique proposé par Chantal Mouffe repose sur une confrontation politique entre adversaires. Lesquels sont « paradoxalement [définis] comme “ennemis-amis”, c’est-à-dire [comme] des personnes qui sont amies, car elles partagent un espace symbolique commun, mais aussi ennemies, car elles veulent organiser d’une autre manière cet espace symbolique commun » (Mouffe, 2005 : 13 [trad. Libre]).

La résurgence de la conflictualité, analysée dans sa fonction démocratique, fait du consensus européen un objet d’étude d’autant plus fertile que la communication institutionnelle européenne est longtemps demeurée marquée par un double paradigme. De type diffusionniste-pédagogique d’une part, celui-ci envisage la communication de manière unilatérale et descendante. Laquelle est alors essentiellement gérée par des agences et communicants externes. De type procédural d’autre part, la communication sur les dispositifs participatifs « prônant les qualités d’ouverture et de transparence d’institutions à l’écoute des citoyens » y prime sur leur participation effective et son contenu (Aldrin et Utard, 2010). La communication européenne vers le citoyen a, dans un tel contexte, fait l’objet d’une forte centralisation suivant des logiques de « lissage institutionnel » autour d’une « énonciation collective négociée » (Oger et Ollivier-Yaniv, 2006).

Au sein et entre les institutions, la culture du compromis et les processus décisionnels ont contribué à la neutralisation et à l’effacement des dissonances (Bendjaballah, 2016). À l’instar de l’Union européenne, la propension des organisations internationales à lisser leurs discours et à escamoter la conflictualité (Rist, 2002, Launay, 2005) contribue à dépolitiser leurs mises en scène médiatiques dans l’espace public international (Gobin et Deroubaix, 2010). Ce discours institutionnel « d’une seule voix » se trouve aujourd’hui confronté à un vif rejet dans l’opinion publique, à la performance notable de contre- discours nationaux particulièrement clivants et à un traitement journalistique privilégiant classiquement les cadrages conflictuels (Giasson, 2012 ; Burger 2010 ; Burger, Jacquin et Micheli, 2011). La confrontation polyphonique des discours sur l’Union européenne aboutit à la construction tripartite d’un objet-frontière, à mi-chemin entre le politique et le médiatique, se donnant à lire sous la forme privilégiée de la controverse, voire de la polémique.

Ce second colloque PROTAGORAS se place, à l’instar du premier, à la croisée des disciplines : les sciences sociales et politiques ; les sciences de l’information et de la communication ; les sciences du langage. Il invite à se saisir de la tension consensus / dissensus qui est au cœur de la communication publique et politique européenne et de sa médiatisation. Trois niveaux d’analyse sont suggérés : le niveau linguistique/textuel ; le niveau sémiologique ; le niveau communicationnel et des pratiques.

Les propositions devront suivre l’un des trois axes thématiques prioritaires :

Le premier axe – socio-organisationnel – concerne les évolutions de la communication institutionnelle de l’Union européenne et celle de ses acteurs. Ces évolutions engagent une réflexion sur l’interdépendance entre une logique rationnelle-légale, d’une part, et des enjeux individuels-personnels, d’autre part. Outre le processus d’institutionnalisation d’Internet (et les représentations de l’Europe que ce média nourrit), on pourra interroger les inflexions communicationnelles des initiatives issues du Livre blanc sur l’avenir de l’Europe et la voie à suivre, publié par la Commission européenne en mars 2017. Cet axe couvre aussi bien la question de l’incarnation et du leadership organisationnel – la parole des dirigeants de l’Union européenne –, que la coopération inter-institutionnelle entre les différents services de communication (y compris les impulsions plurielles des agences de com’) et la recherche de relais au sein de la société civile.

Le second axe s’intéresse aux mises en scène médiatiques de cette communication, en d’autres termes aux formatages esthétiques et discursifs menés dans et par les médias d’information. Partant du privilège qu’accordent les médias « classiques » aux représentations conflictuelles de la vie publique et politique, cet axe vise les enjeux de cadrage et d’agenda (Scheufele, 2000) propres à façonner la visibilité autant que la lisibilité de la communication institutionnelle de/dans l’Union européenne. Le but est ici de questionner à la fois l’espace consacré dans les rédactions (agenda-building) et les contraintes expressives qui président aux mises en scène médiatiques.

Le troisième axe se propose de regarder l’objet européen dans sa dimension discursive composite – « l’Europe » –, à travers les usages argumentatifs et rhétoriques mobilisés dans les discours politiques nationaux des acteurs individuels et/ou collectifs. Il s’agit de questionner la valeur agonistique et communicationnelle de ces usages dans l’/les espace(s) public(s) médiatique(s) européen(s). Dès lors, on fera l’hypothèse d’un regain de politisation de l’objet européen dans l’offre programmatique des acteurs politiques nationaux. Tout en considérant, à l’inverse, la dépolitisation persistante dont témoignent son édification et sa condamnation au sein des stratégies partisanes et/ou personnelles propices à sa mythification. Cet axe privilégiera les analyses de corpus et de terrain.

Le colloque sera suivi d’une publication dans les « Cahiers PROTAGORAS ».

Bibliographie

  • ALDRIN Ph. et UTARD J.-M., La résistible politisation de la communication européenne – Genèses des controverses et des luttes d’institutions autour d’un Livre blanc. Communication présentée à la journée d’études doctorales du Département de Science politique, 2007.
  • ALDRIN Ph., HUBE N., OLLIVIER-YANIV C., UTARD J.-M. (dir.), Les mondes de la communication publique. Légitimation et fabrication symbolique du politique, Rennes, PUR, 2013.
  • AMOSSY R., Apologie de la polémique, Paris, PUF, 2014.
  • AMOSSY R., La présentation de soi, Paris, PUF, 2010.
  • ANGENOT M., Dialogues de sourds. Traité de rhétorique, Paris, Mille et Une Nuits, 2008.
  • BAYGERT N., « L’Union européenne, vers un récit de marque refondé ? », Communication & langages, n° 183, 2015, p. 133-151.
  • BOUGNOUX D., La communication contre l’information, Paris, Hachette, 1995.
  • CUSSÓ R. et GOBIN C., « Du discours politique au discours expert : le changement politique mis hors débat ? », Mots. Les langages du politique, n°88, 2008, p. 5-11.
  • DACHEUX É., « Action et communication politique : une distinction impossible ? », Communication et organisation, n° 15, 1999.
  • FORET F., Légitimer l’Europe. Pouvoir et symbolique à l’ère de la gouvernance, Paris, Presses de Sciences Po, 2008
  • ROUET G. (dir.), Les journalistes et l’Europe, Bruxelles, Bruylant, 2009.
  • GOBIN C. et DEROUBAIX J.-C., « L’analyse du discours des organisations internationales. Un vaste champ encore peu exploré », Mots. Les langages du politique, n° 94, 2010, p.107-114.
  • LACLAU E. et MOUFFE C., Hegemony and Socialist Strategy: Towardsa Radical Democratic Politics, Londres – New York, Verso, 1985.
  • LAUNAY S., « L’ONU entre mystique et puissance », Cahiers d’histoire sociale, n° 25, 2005, p. 7-18.
  • LEWI G., L’Europe, Une mauvaise marque ?, Paris, Vuibert, 2006.
  • MOUFFE C., The Return of the Political, Londres – New York, Verso, 1993.
  • MOUFFE C., The Democratic Paradox, Londres-New York, Verso, Radical Thinkers, 2005.
  • MOUFFE C., Agonistics: thinking the world politically, Londres – New York, Verso, 2013.
  • NICOLAS L. et ALBERT L., Polémique et rhétorique de l’Antiquité à nos jours, Bruxelles, De Boeck Supérieur, 2010.
  • OGER C. et OLLIVIER-YANIV C., « Conjurer le désordre discursif. Les procédés de “lissage” dans la fabrication du discours institutionnel », Mots, Les langages du politique, n° 81, 2006, p. 63-77.
  • RIST G. (dir.), Les mots du pouvoir : sens et non-sens de la rhétorique internationale, Les Nouveaux Cahiers de l’IUED, Paris – Genève, PUF – Institut universitaire d’études du développement, 2002.
  • RANCIERE J., La mésentente. Politique et philosophie, Galilée, 2000.
  • RANCIERE J., Chronique des temps consensuels, Seuil, 2005.
  • ROZENBERG O., « L’influence du Parlement européen et l’indifférence de ses électeurs : une corrélation fallacieuse ? », Politique européenne, n° 28, vol. 2, 2009, p. 7-36
  • SCHEUFELE D. A., « Agenda-Setting. Priming and Framing Revisited: Another Look at Cognitive Effects of Political Communication », Mass Communication & Society, vol. 3, n° 2-3, 2000, p. 297-316.
  • SIROUX J.-L., « La dépolitisation du discours au sein des rapports annuels de l’Organisation mondiale du commerce », Mots. Les langages du politique, n° 88, 2008, p. 13-23.
  • TRENZ H.-J., (2008) « Understanding Media Impact on European Integration: Enhancing or Restricting the Scope of Legitimacy of the EU? », Journal of European Integration, vol. 30/2, 2008, p. 291-309.
  • WOLTON D., Penser la communication, Paris, Flammarion, 1997.

Associés au programme de ce second colloque PROTAGORAS, plusieurs chercheurs du GRIPIC (Groupe de recherches interdisciplinaires sur les processus d'information et de communication – Paris IV-Sorbonne - CELSA) apporteront leur contribution scientifique au projet d'une approche interdisciplinaire de la communication européenne : la question agonistique sera ainsi envisagée à l'échelle des enjeux spécifiquement communicationnels des stratégies socio-discursives des acteurs institutionnels européens et du formatage politico-médiatique des discours nationaux portant sur l'Europe.

Modalités pratiques d'envoi des propositions

Les propositions doivent nous parvenir

 avant le 15 mars 2018 

par voie électronique aux adresses suivantes : info@protagoras.be et colloque@protagoras.be.

Outre un résumé de 1 000 à 1 500 signes (au format .doc), les propositions devront comporter : le nom, le statut professionnel ou académique, le rattachement institutionnel, les coordonnées du ou des auteurs (adresses électronique et postale), et intégrer, éventuellement, une liste des publications.

Les propositions de communications peuvent se présenter soit comme des analyses réflexivesfondées sur des recherches empiriques récentes et achevées, soit comme des analyses de pratiques professionnelles en communication – témoignages de pratiques et réflexion sur les conditions de l’action, les justifications de l’action et les conséquences sur l’action.

Après un examen des propositions en double aveugle, le comité d’organisation retournera son avis aux auteurs 15 avril au plus tard.

Les frais d’inscription frais d’inscription et de participation s’élèvent à 80€ (ou 50€ pour les chercheurs non financés).

Comité d'organisation

NICOLAS BAYGERT : Docteur en sciences de l’information et de la communication (Université Paris IV-Sorbonne/UCL), Chargé de cours (IHECS, ULB, CELSA, Sciences Po Paris).

  • ESTHER DURIN : Doctorante en Sciences du langage (UPV – Montpellier 3 / Praxiling), Chargée de cours à l’IHECS.
  • ADRIEN JAHIER : Docteur en Sciences de l’Information et de la Communication, Équipe Ternov, Centre d’Étude et de Recherche Travail Organisation Pouvoir (CERTOP) – Conseil National de la Recherche Scientifique (CNRS), Université de Toulouse, Chargé de cours (ULB, Université de Mons, IHECS).
  • ÉLISE MAAS : Docteur en sciences de l’information et de la communication (UVSQ), gestionnaire de la section « Relations Publiques » de l’IHECS, enseignant-chercheur ULB (ReSIC)/IHECS.
  • LOÏC NICOLAS : Docteur en langues et lettres (ULB), Collaborateur scientifique (ULB & PROTAGORAS), Formateur IHECS/Institutions européennes, Speechwriter.

Comité scientifique

  • Elena ABRUDAN, Directrice du département journalisme Faculté des sciences politiques, administratives et de communication
  • Olivier ARIFON, Université libre de Bruxelles, Protocol International
  • Nicolas BAYGERT, IHECS – Protagoras, Université Libre de Bruxelles, CELSA, Sciences Po
  • Rares BEURAN, Docteur et chargé de cours Faculté des sciences politiques, administratives et de communication Université Babeș-Bolyai (Cluj-Napoca)
  • Nadège BROUSTAU, Université Libre de Bruxelles (ReSIC)
  • Dominique BESSIÈRES, Université Rennes-II (PREFics)
  • Patrick CHARAUDEAU, Université Paris XIII (CAD)
  • Anne-Marie COTTON, Haute école Artevelde de Gent, Université Catholique de Louvain (LASCO)
  • Nicole D’ALMEIDA, CELSA (GRIPIC)
  • Thierry DEVARS, CELSA (GRIPIC)
  • Esther DURIN, Université Paul-Valéry (Praxiling) - IHECS – Protagoras
  • Mihaela GAVRILA, Sapienza Università di Roma
  • Adrien JAHIER, Université Libre de Bruxelles, Université ToulouseIII, IHECS – Protagoras
  • Alexander KONDRATOV, Université Libre de Bruxelles /IHECS (ReSIC)
  • Élise LE MOING-MAAS, Université Libre de Bruxelles (ReSIC), IHECS – Protagoras
  • Isabelle LE BRETON FALEZAN, CELSA (GRIPIC)
  • Thierry LIBAERT, membre du Comité Économique et Social Européen
  • Philippe MARION, Université Catholique de Louvain (ORM)
  • Loïc NICOLAS, Université Libre de Bruxelles, IHECS – Protagoras
  • Cristina NISTOR, Docteur, Coordinatrice des études de journalisme en langue anglaise Faculté des sciences politiques, administratives et de communication Université Babeș-Bolyai (Cluj-Napoca)
  • Sandrine ROGINSKY, Université Catholique de Louvain (LASCO)

À propos de PROTAGORAS

Coordonné par l’Institut des Hautes Études des Communications Sociales (IHECS), le laboratoire d’idées PROTAGORAS ouvre un pôle de recherche interuniversitaire et interdisciplinaire en communication publique et politique. Le laboratoire vise à créer des ponts entre la recherche fondamentale et la recherche appliquée, de même qu’entre chercheurs et praticiens de la communication publique et politique.

Lieux

  • IHECS - 58-60 rue de l'Etuve
    Bruxelles, Belgique (1000)

Dates

  • jeudi 15 mars 2018

Mots-clés

  • Europe, Union européenne, conflit, conflictualité, consensus, agon, polémique, rhétorique, communication, politique, institutions européennes

Contacts

  • Loïc Nicolas
    courriel : loic [dot] nicolas [at] ulb [dot] ac [dot] be

Source de l'information

  • Loïc Nicolas
    courriel : loic [dot] nicolas [at] ulb [dot] ac [dot] be

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La communication européenne : vers un tournant agonistique ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 07 mars 2018, https://doi.org/10.58079/zrl

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