AccueilUrbicides, destructions et renaissances urbaines (XVIe-XXIe siècle)

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Urbicides, destructions et renaissances urbaines (XVIe-XXIe siècle)

Urbicide - urban destruction and renaissance (16th-21st centuries)

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Publié le mardi 03 avril 2018

Résumé

Ce colloque se propose d'aborder les différents aspects des destructions urbaines : guerres, catastrophes naturelles ou industrielles, accidents majeurs, « villes-fantômes », opérations radicales de remodelage urbain, etc. Outre sa large envergure chronologique, il couvre aussi une vaste aire géographique, les études portant sur des situations extra-européennes étant particulièrement attendues. On traitera aussi bien des causes et modalités de l'urbicide, que des réactions des populations urbaines confrontées à ce phénomène ou encore de l'« après » urbicide.

Annonce

Date de tenue du colloque : 12 septembre 2018

Argumentaire

La notion d’urbicide est complexe et peut désigner plusieurs réalités selon les personnes considérées, ce qui rend ce concept particulièrement intéressant. Il pourrait trouver son origine dans une nouvelle de 1963, de l’écrivain d’heroic fantasy, Mickael Moorcock, mais il fut employé, sur le plan académique, à la fin des années 1960 et au début des années 1970 pour qualifier la destruction des vieux quartiers des villes américaines (plus particulièrement New-York) pour faire place à des développements modernes (gratte-ciels, voies express, centres commerciaux, etc.) Au même moment, l’historien français Louis Chevalier utilisait une rhétorique similaire (L’Assassinat de Paris) dans sa charge contre certaines opérations urbanistiques parisiennes comme le Front de Seine (qualifié de Manhattan-sur-Seine par la presse).

Cependant, c’est dans le cadre du dramatique contexte de la guerre de Yougoslavie que Bogdan Bogdanovic, architecte et urbaniste serbe, maire de Belgrade de 1982 à 1986, forge, à partir de la notion de génocide, le concept d’urbicide, pour désigner le « meurtre rituel des villes ». Cette destruction répond dès lors moins à un objectif stratégique qu’identitaire, car la ville serait ici le symbole du vivre-ensemble. Cette notion a été réactivée lors de la flambée de violence provoquée par l'essor de Daech au Moyen-Orient et par la répression du régime de Bachar El-Assad en Syrie ; la destruction du patrimoine culturel et cultuel de villes comme Mossoul a ainsi été interprétée au prisme de l’urbicide. Bogdanovic associe cette notion à celle de « spaciocide », dans une acception plus large : la ville n’a pas à être détruite entièrement, mais seulement les éléments ayant une forte charge symbolique ou emblématique (on pensera à l’incendie de la bibliothèque nationale de Sarajevo par les Serbes en 1992).

Villes détruites, assiégées, martyrisées, fantômes… L’histoire est jalonnée de ces drames urbains et humains, depuis le sac de Rome par les troupes de Charles Quint en 1527 jusqu’à la destruction de Mossoul en 2014-2017. Concept de géographie et de géopolitique, cette notion mérite donc d’être aujourd’hui soumise au prisme de l’histoire, dans une perspective diachronique (XVIe-XXIe siècles), et pour mieux la cerner, on se propose de l’inclure dans le phénomène, plus large, des destructions et des renaissances urbaines, afin de mieux mettre en lumière la spécificité de l’urbicide. Sur le plan géographique, les communications portant sur des situations extra-européennes sont particulièrement attendues.

Quelques perspectives de recherches seront privilégiées

Urbicides et destructions urbaines : causes et modalités.

Ce qui distingue l’urbicide de la « simple » destruction urbaine serait son intentionnalité, sa volonté d’infliger des dommages qui dépassent largement le champ du matériel. Il sera donc pertinent de replacer l’urbicide au sein de la problématique des causes et des modalités de la destruction urbaine. On portera un intérêt particulier aux destructions voulues – la ville-cible – notamment dans le cadre des guerres, des sièges, ainsi qu’aux destructions par risque, de quelque nature qu’il soit : risque naturel (tremblements de terre, éruption volcanique, inondation, ensablement…) mais aussi risque industriel et technologique (catastrophes minières, comme celle de Centralia en Pennsylvanie, catastrophes nucléaires, de Tchernobyl à Fukushima) ou encore incendies, comme ceux de Londres en 1666 ou de Rennes et Châteaudun en 1720. Mais on souhaiterait aussi considérer, afin de cultiver la dimension comparatiste, les abandons urbains, consécutifs, par exemple, à des crises économiques.

Ces éléments sont étroitement liés aux modalités de mise en œuvre d’un urbicide : comment « tuer » une ville ? Le siège ou la mise à sac, formes anciennes de la « guerre pour la ville », se retrouve à l’époque contemporaine, comme en témoignent les batailles de Madrid, de Barcelone ou de Stalingrad, et renvoie à la dialectique de la guerre « pour la ville »/ « dans la ville », tandis que les progrès technologiques font émerger de nouveaux moyens d’urbicides (destructions nucléaires d’Hiroshima, Nagasaki).

Une attention particulière sera portée à la temporalité de l'urbicide et de la destruction urbaine, puisque cette dernière peut s’opérer aussi bien en quelques instants qu’en plusieurs années. On s’interrogera sur les formes et l’ampleur de l’urbicide. Si la traduction la plus visible en est la disparition pure et simple de tout ou partie du paysage urbain, il faut aussi prendre en compte les mécanismes démographiques, qu'il s'agisse du décès d’une partie de la population, d’un déclin démographique, d’une émigration massive.

Faire face à l’urbicide et aux destructions urbaines.

Faire face à l’urbicide et à la menace de destruction conduit à prendre en compte les stratégies de résistance des villes. On s’intéressera notamment à la poliorcétique, tant à l’époque moderne que contemporaine, aux modalités de réaction des populations urbaines face à l’urbicide, de la fuite à la résistance, sans oublier, en cas de risque naturels ou technologiques majeurs, la question de la vulnérabilité des sociétés urbaines et de leurs capacité à prévenir le risque ou, au contraire, à le sous-estimer.

De fait, une attention particulière doit être portée à la manière dont les populations furent affectées. L’une des dimensions de l’urbicide est la recherche d’une blessure psychologique infligée à l’ennemi, mais la violence de la destruction n’affecte pas que les victimes et les adversaires, comme en témoignent par exemple les réactions outragées de l’Europe devant le sac du Palatinat mené par Louis XIV. Des communications sont donc attendues sur la réaction des victimes. On s’attachera au témoignage des survivants et des témoins, à la manière dont le choc a été vécu et transcendé – ou non. Quelles furent les attitudes : le départ définitif ou la volonté de revenir et reconstruire ? Mais on s’intéressera plus largement à l’impact psychologique des urbicides sur les populations du temps. Au lendemain de Hiroshima, si quelques journaux célèbrent la puissance nucléaire, Camus, dénonce, dans Combat, « la civilisation mécanique [qui] vient de parvenir à son dernier degré de sauvagerie ». Dès lors, l’urbicide peut se retourner contre ceux qui le perpétuent. Ainsi, le sac d’Anvers (aussi appelée furie d’Anvers) contribua-t-il durablement à la légende noire espagnole.

Après l’urbicide. Entre renaissance et mémoire.

L’analyse des réactions des populations conduit à étudier l’urbicide comme enjeu mémoriel. On s’intéressera à la manière dont la mémoire d’un urbicide se construit et aux différentes formes qu’elle peut prendre : commémoration, instrumentalisation, etc. Le cas de six communes « mortes pour la France » lors de la Première Guerre mondiale, dévastées lors de la bataille de Verdun en 1916 et jamais reconstruites, est emblématique de cette volonté de patrimonialiser la ville martyrisée, et l’on pensera aussi au cas archétypal d’Oradour-sur-Glane.

Se pose aussi, rapidement, le problème du retour – ou non – des populations. On portera une attention particulière à la gamme des attitudes : abandon pur et simple de la ville, qui donne lieu à des phénomènes de villes fantômes et pose la question de l’entretien et de l’usage du territoire ; réimplantation dans un espace voisin ; retour sur les lieux et réhabilitation du territoire ; reconstruction, à l’identique comme à Dresde, ou selon des principes totalement nouveaux, la destruction étant ici l’occasion de mettre en œuvre de nouvelles règles d’urbanisme, comme à Londres ou Rennes. Une fois encore, la dialectique de la temporalité sera au cœur de la démarche, pour saisir le temps qu’il faut aux populations pour se réapproprier un territoire martyrisé.

On examinera notamment ces questions au prisme du droit et des multiples problèmes juridiques que posent les urbicides et les destructions urbaines. Qui est responsable de la catastrophe ? Qui doit payer pour la reconstruction ? Quels droits pour les populations ?

Cette approche juridique conduit à s’attacher aux acteurs de ces renaissances urbaines. Qui sont les particuliers qui occupent désormais le territoire : anciens occupants de retour, nouvelles populations, cohabitation des bourreaux et des victimes ? Dans ce processus, le rôle des autorités politiques – état central, institutions régionales, pouvoirs municipaux – est souvent essentiel, qu’il s’agisse de débloquer des crédits, d’indemniser les victimes, d’impulser les retours, de superviser voire encadrer la reconstruction. On n’oubliera pas, enfin, que la reconstruction urbaine est aussi un enjeu économique et un marché pour des architectes et des entrepreneurs.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (300 mots/1500 signes + bref CV) sont à envoyer en même temps aux trois membres du Comité d’organisation

avant le 1er mai 2018.

Les acceptations par le conseil scientifique du colloque seront notifiées au 1er juin au plus tard.

Droits d’inscription pour les intervenants : 50 € (les doctorants en sont exemptés), pour contribuer à financer les coûts du colloque.

Les organisateurs prendront à leur charge les frais d’hébergement, de restauration, voire une partie des frais de transport, mais les participants sont encouragés à solliciter un financement auprès de leurs laboratoires.

Un formulaire d’enregistrement sera envoyé après le 1er juin 2018 pour les interventions retenues.

Comité organisateur

  • Philippe Chassaigne, Professeur des universités, UBM (philippe.chassaigne@u-bordeaux-montaigne.fr)
  • Christophe Lastécouères, Professeur des universités, UBM (christophe.lastecoueres@u-bordeaux-montaigne.fr)
  • Caroline Le Mao, Maître de conférences habilitée, UBM (caroline.le-mao@u-bordeaux-montaigne.fr)

Comité scientifique 

  • Dr. Youri Carbonnier, Université de l’Artois
  • Pr. Philippe Chassaigne, Université Bordeaux-Montaigne
  • Pr. Gilles-Antoine Langlois, professeur à l’Ecole nationale supérieure d’architecture et  de paysage de Bordeaux
  • Pr. Christophe Lastécouères, Université Bordeaux-Montaigne
  • Dr. Caroline Le Mao, Université Bordeaux-Montaigne
  • Pr. Louis Sicking, Université de Leiden, Pays-Bas
  • Dr. Danièle Voldman, CNRS/Paris 1

Lieux

  • Maison des Sciences de l'homme d'Aquitaine - Domaine universitaire
    Pessac, France (33600)

Dates

  • mardi 01 mai 2018

Mots-clés

  • études urbaines, destruction, catastrophe, résilience, commémoration

Contacts

  • Philippe Chassaigne
    courriel : philippe [dot] chassaigne [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr
  • Caroline Le Mao
    courriel : Caroline [dot] Le-Mao [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr
  • Christophe Lastecouères
    courriel : christophe [dot] lastecoueres [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Source de l'information

  • Philippe Chassaigne
    courriel : philippe [dot] chassaigne [at] u-bordeaux-montaigne [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Urbicides, destructions et renaissances urbaines (XVIe-XXIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 03 avril 2018, https://doi.org/10.58079/zw0

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