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Un monde de régions ?

A world of regions?

Échanges et croisements disciplinaires sur l'intégration régionale dans le monde

Interdisciplinary dialogue on regional integration around the world

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Publié le lundi 18 juin 2018

Résumé

Le colloque s’inscrit dans une entreprise initiée en 2016 avec la rédaction d’un dictionnaire critique de l’intégration régionale (à paraître). La rédaction de ce dictionnaire par une équipe de plusieurs dizaines d’auteurs majoritairement géographes faisait suite à plusieurs constats : l’absence d’un dictionnaire dédié à l’intégration régionale alors que les dictionnaires de la mondialisation prolifèrent ; un flou persistant dans la définition des notions ; la discrétion des géographes dans un champ de recherche largement dominé par d’autres disciplines – discrétion étonnante au regard de l’expertise démontrée des géographes dans l’étude du fait régional. Le colloque poursuivra cette discussion entre disciplines et permettra à des économistes, politistes, juristes, sociologues, etc. de présenter leurs définitions et leurs approches de la régionalisation, du régionalisme et de l’intégration régionale.

Annonce

Argumentaire

La recherche sur l’organisation de l’espace mondial et sur la globalisation est en grande partie structurée par des travaux sur les réseaux, les pratiques transnationales, les villes mondiales… Pierre Veltz a proposé dans les années 1990 de parler de l’économie d’archipel, à l’instar d’Olivier Dollfuss qui a parlé d’archipel métropolitain mondial. Dans les lectures académiques de l’espace mondialisé, une attention plutôt faible est accordée aux grandes régions, entendues comme regroupements de pays voisins, caractérisés par l’augmentation des interactions entre des sociétés situées dans la même partie du monde, qu’ils soient ou non accompagnés d’une formalisation institutionnelle (Union européenne, ASEAN, Mercosur…). Les politistes travaillent certes sur les accords régionaux, les économistes discutent certes des limites et des bienfaits – surtout des limites – de ces regroupements régionaux, géographes et sociologues peuvent se spécialiser dans l’étude de telle ou telle région, mais la région (au sens de regroupement de pays voisins) est rarement considérée comme une figure clé de l’organisation de l’espace international. Pour la plupart des auteurs l’hypothèse d’un retour généralisé des logiques de proximité dans des grands ensembles régionaux est une hypothèse faible.

 L’actualité internationale semble conforter cette prévention. On observe ici et là des expériences régionales confrontées à des crises graves, notamment dans l’Union européenne. Ces dernières années, le traitement de la crise économique et financière ou les querelles sur le traitement des flux de réfugiés dans le cadre Schengen révèlent des forces centrifuges qui sont à l’opposé du principe d’intégration européenne. Au-delà de l’UE, la profondeur de la crise politique en Ukraine ou dans le monde arabe atteste l’incapacité des Européens à influer, à travers leur politique de voisinage, sur le cours de la grande région dans laquelle ils se trouvent. A Washington, le nouvel exécutif souhaite renégocier certaines dispositions du traité de l’ALENA. Censée remplacer l’URSS, la CEI n’en finit pas de se désagréger, au gré de conflits nombreux. En Afrique, les expériences régionalistes demeurent en général décevantes. Ailleurs, l’intégration régionale avance en suivant des trajectoires variées, tout en composant avec des conflits ou des tensions entre des nationalismes jaloux (Asie orientale, Amérique latine).

 Faut-il voir dans les régions une organisation spatiale contingente, souvent mal armée face aux enjeux sociaux, économiques, environnementaux et politiques du temps et vouée à l’échec ? Ou faut-il y voir au contraire une forme clé de l’espace mondial d’aujourd’hui et de demain ? Les organisateurs penchent pour la deuxième réponse. Ils estiment que l’espace mondial contemporain ne se comprend que dans la dialectique entre globalisation et régionalisation. Ils font l’hypothèse que les tensions à l’œuvre dans plusieurs des régions du monde attestent non pas leur condamnation à court terme mais au contraire la lente et parfois difficile maturation du passage à une forme territoriale plus appropriée que l’Etat-nation pour faire face aux impératifs de la mondialisation.

Le colloque doit être l’occasion de discuter ces positions. On attend en particulier la confirmation ou l’infirmation que les intégrations régionales sont une réponse aux quatre enjeux : 

Un enjeu économique 

Les entreprises ont d’autant plus de chances de trouver leur place dans la compétition mondiale qu’elles ont un ancrage régional fort. L’intégration territoriale se fait souvent par les firmes et les coopérations fonctionnelles. Les grandes régions seraient en effet un bon compromis territorial entre les exigences de la proximité (circuits plus courts, interactions productives favorables à l’innovation) et les exigences de marchés larges (variété des ressources, économies d'échelle, complémentarité, spécialisations locales ou nationales pertinentes). Elles sont également présentées par les Etats membres comme un outil de croissance économique, de réduction des inégalités et de lutte contre la pauvreté car elles amélioreraient l’attractivité, la connectivité des territoires et l’interconnexion des réseaux, favoriseraient les synergies, les complémentarités et les économies d’échelle et réduiraient les doublons d’investissement.  

Un enjeu social et culturel 

Les préférences collectives, susceptibles de déboucher sur des normes et des valeurs communes dans divers domaines (choix collectif en matière de protection sociale, de rapport au travail, d’environnement…), seraient plus faciles à construire au niveau régional que mondial ; lorsqu’elles sont coconstruites et partagées par plusieurs pays contigus, elles jouent un rôle dans l’intégration régionale. La régionalisation contribuerait aussi à la formation d’une identité régionale et d’un sentiment d’appartenance à une communauté, parfois imaginée, partagés non seulement par les élites politiques mais aussi par l’ensemble des citoyens et la société civile. 

Un enjeu politique et de gouvernance

Il est très difficile de mettre sur pied une régulation mondiale du commerce, de la protection de l’environnement ou encore des migrations. L’échelle régionale permettrait le retour à une régulation publique que l’Etat-nation ne peut plus assurer, et offrirait une réponse à une mondialisation trop libérale et brutale. Les instances internationales et le droit international affirment même la nécessité d’une approche régionale des problèmes communs et favorisent sa mise en œuvre : la Convention cadre des Nations Unies sur le changement climatique de 1992 a ainsi explicitement inscrit la nécessité d’appréhender les activités marines en associant étroitement les questions mondiales et régionales. La région est appréhendée comme une échelle intermédiaire entre celle des règles nationales et celle des conventions internationales. Elle favoriserait une gouvernance associant plus étroitement les institutions internationales et les Etats partenaires ainsi que les communautés locales et la société civile.

Un enjeu géopolitique 

La régionalisation pourrait ordonner le monde multipolaire, contribuerait à pacifier les relations internationales, constituerait un scénario crédible pour le monde post-unipolaire de l’après hégémonie américaine. De grandes régions pourraient prendre part à la gouvernance de la mondialisation, équilibrer la puissance des Etats-Unis et de la Chine. Pour les pays en développement, la régionalisation permet d’accéder à une plus grande visibilité sur la scène internationale en mettant fin à leur isolement diplomatique tout en leur donnant accès aux forums et aux organisations internationales et à une nouvelle capacité d’influence. Par ailleurs, la multiplication des propositions d’ensembles régionaux, à géométries variables et souvent concurrents, apparait comme le reflet de nouvelles rivalités et d’enjeux de pouvoirs. Enfin, les dialogues interrégionaux, comme l’ASEM (Asia Europe Meeting), seraient de nouveaux forums des relations internationales renforçant l’identité de chaque région.

Le colloque sera l’occasion de confronter les connaissances à plusieurs défis :

  • Un défi conceptuel, car le sens des mots n’est pas stabilisé : on ne sait pas toujours exactement ce que désignent les auteurs qui utilisent les notions de régionalisation, de régionalisme et d’intégration régionale ; les liens entre elles ne sont généralement pas explicités. Ce flou sémantique est accentué par une terminologie anglophone prolifique sur ce sujet et parfois différente de celle utilisée en français.
  • Un défi disciplinaire, car les géographes demeurent trop discrets dans ce champ de recherche. Leurs contributions sont dispersées et n’ont pas encore donné lieu à un effort de généralisation et encore moins de théorisation. Les juristes et les politistes ont pu proposer une théorisation du fait régional (voir notamment les travaux de Jacques Ténier ou encore de Björn Hettne et Fredrik Söderbaum) ; depuis les travaux de Bela Balassa les économistes se sont saisis de cette question. En revanche, les géographes ne l’abordent qu’à travers des occurrences particulières, restant dans le sillage d’une des grandes familles historiques de la discipline : la « géographie régionale », sans monter en généralité. La difficulté tient aussi à la multiplication des formes et des échelles spatiales d’intégration : régions transfrontalières et transnationales ou macro-région, villes doublons et métropoles transfrontalières, mers régionales, grands écosystèmes marins, écorégions marines  et zones communes de développement ou encore triangles de croissance et corridors économiques et de développement.
  • Un défi interdisciplinaire, car il est essentiel que les géographes contribuent à l’étude de ce champ de recherche sans ignorer les apports de l’économie, de la science politique, du droit international ou encore de la sociologie. Le colloque permettra  à des économistes, politistes, juristes, sociologues, etc. de présenter leurs définitions et leurs approches de la régionalisation, du régionalisme et de l’intégration régionale.
  • Un défi méthodologique, car la littérature scientifique est souvent silencieuse à propos des méthodes qui permettent d’appréhender, de mesurer et même de représenter l’intégration régionale. De cette clarification des méthodes dépend la possibilité d’établir une grille d’analyse comparant les formes et les différents processus, tant spatiaux, temporels qu’institutionnels, de la régionalisation.

Ce colloque s’inscrit dans une entreprise initiée en 2016 avec la rédaction d’un dictionnaire critique de l’intégration régionale (coordonné par Nora Mareï et Yann Richard) qui sera publié en 2018. La rédaction de ce dictionnaire par une équipe de plusieurs dizaines d’auteurs majoritairement géographes faisait suite à plusieurs constats : l’absence d’un dictionnaire dédié à l’intégration régionale alors que les dictionnaires de la mondialisation prolifèrent ; un flou persistant dans la définition des notions ; la discrétion des géographes dans un champ de recherche largement dominé par d’autres disciplines –  discrétion étonnante au regard de l’expertise démontrée des géographes dans l’étude du fait régional. Le colloque poursuivra cette discussion entre disciplines.

Les communications seront faites en français et en anglais par des géographes et par des spécialistes d’autres disciplines afin de présenter leurs travaux dans un esprit d’échange et de décloisonnement. Les communications peuvent proposer des approches théoriques, empiriques et méthodologiques ou des cas d’étude choisis dans toutes les parties du monde, à toutes les échelles régionales (de la région transfrontalière à la grande région) et être appliquées à tous les objets de la régionalisation (environnement, énergie, transports, mobilités et circulations, culture, commerce, investissement, aménagement, sécurité…).

Les actes du colloque seront mis en ligne (recueil de toutes les propositions de communications retenues avec leurs résumés). Certaines communications seront sélectionnées pour proposer un numéro thématique dans une revue à comité de lecture.

Télécharger l'appel à communication

Calendrier

  • Date limite d’envoi des propositions de communication au comité d’organisation : 15 juillet 2018

  • Réponse du comité d’organisation aux auteurs : 15 octobre 2018
  • Dates du colloque : 21 et 22 mars 2019 à Paris

Modalité des réponses à l’appel :

  • Chaque proposition de communication doit être rédigée en français ou en anglais (6 000 signes espaces compris).
  • Elle doit être précédée d’un titre et de 3 à 5 mots-clés. Le titre et les mots-clés doivent être fournis en français et en anglais.
  • Elle doit être accompagnée de 5 références bibliographiques.
  • Chaque auteur fournira aussi une courte fiche biographique de 500 caractères maximum.
  • Les résumés doivent être déposés en ligne sur le site de la conférence : https://mondederegions.sciencesconf.org

Comité scientifique

  • Nacima Baron, PR, Université Paris Est, UMR LVMT
  • Pierre Beckouche, PR, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR Ladyss
  • Anne Bouhali, post-doctorante, Labex Dynamite, UMR PRODIG
  • Nathalie Fau, MCF, Université Paris-Diderot, UMR CESSMA
  • Sylvain Kahn, docteur, Sciences Po Paris, EA Centre d'histoire
  • Nora Mareï, chargée de recherche CNRS, UMR PRODIG
  • Yann Richard, PR, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne, UMR PRODIG
  • Frédéric Santamaria, MCF HDR, Université Paris-Diderot, UMR Géographie-cités
  • Hervé Théry, directeur de recherche émerite au CNRS, UMR Creda, Université de Sao Paulo

Lieux

  • Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 15 juillet 2018

Mots-clés

  • monde, région, intégration

Contacts

  • Anne Bouhali
    courriel : anne [dot] bouhali [at] u-picardie [dot] fr

Source de l'information

  • Anne Bouhali
    courriel : anne [dot] bouhali [at] u-picardie [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Un monde de régions ? », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 18 juin 2018, https://doi.org/10.58079/10g7

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