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Ombres et transparences

Shadows and transparencies - young researchers' day, SELF XX-XXI

Journée Jeunes chercheurs de la SELF XX-XXI

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Publié le mardi 26 juin 2018

Résumé

Plusieurs indices permettent de constater dans le monde contemporain la puissance symbolique et opératoire accordée à la transparence, associée aux valeurs de visibilité, de clarté, de vérité, et souvent envisagée comme un idéal devant guider notre rapport au monde et aux autres. Le champ littéraire semble opposer aux excès possibles de la transparence des zones d’ombre et des réserves, qu’elle fait valoir à travers l’attention portée aux non-dits, la tentation de l’illisibilité, la défense de l’invisibilité ou encore l’exploration du silence. Ce sont ces choix tout à la fois esthétiques et éthiques qu’il s’agira d’analyser au sein des différents supports et formes d’écritures narratives, théâtrales et poétiques de la littérature française et francophone du XXème et du XXIème siècle.

Annonce

Journée Jeunes chercheurs de la SELF XX-XXI : Ombres et transparences

Maison de la Recherche, Sorbonne, le 10 novembre 2018

Argumentaire

Plusieurs indices permettent de constater dans le monde contemporain la puissance symbolique et opératoire accordée à la transparence, associée aux valeurs de visibilité, de clarté, de vérité, et souvent envisagée comme un idéal devant guider notre rapport au monde et aux autres. En témoignent par exemple le succès des architectures urbaines qui rappellent le Panoptique, la restriction de la vie privée à l’âge du numérique, les discours politiques érigeant l’exigence de transparence en principe éthique, ou encore, dans le champ médical, l’ambition de voir en transparence totale le corps humain et, partant, d’élucider son fonctionnement, notamment dans les recherches récentes en neurosciences sur les différentes fonctions du cerveau.

Présent dans les imaginaires politiques de la Révolution française, encouragé par les progrès techniques au fil du XIXe siècle, redoublé par la naissance de la psychanalyse et de la radiographie à l’aube du XXe siècle, le désir de transparence n’a cessé de gagner en ampleur durant le XXe siècle jusqu’à aujourd’hui. Le domaine contemporain de la « communication », qu’elle soit entendue comme fait – c’est-à-dire une interaction, médiatisée ou non, à l’échelle individuelle ou institutionnelle – ou, dans son emploi le plus usuel, comme compétence, confirme que la transparence ne relève plus seulement d’un imaginaire mais d’une véritable idéologie.

Cette journée d’études invite à examiner la manière dont la littérature s’est saisie de cet imaginaire du XXe siècle jusqu’au XXIe siècle. Mise en forme dans l’esthétique romantique, la transparence semble connaître une nouvelle fortune littéraire au tournant des années 1920, comme en témoignent la « maison de verre » rêvée par Breton dans Nadja en 1928 et la création par Valéry de « l’homme de verre », Monsieur Teste, en 1926. Ces deux œuvres font écho aux réalisations architecturales contemporaines mettant le verre à l’honneur mais réinvestissent le motif de la transparence à travers la figuration d’un sujet qui se dérobe à la visibilité totale.

Dans la seconde moitié du siècle, le développement des technologies de la communication et la mise en place progressive d’une injonction à la transparence dans le champ juridique ou politique coïncident avec une méfiance accrue des écrivains envers les mythes de la transparence. Édouard Glissant plaide ainsi en faveur d’une « pensée de l’opacité », envisagée comme un rempart aux « vérités absolues », aux « voies univoques » et aux « choix irréversibles[1] ». On voit que l’évolution des discours littéraires sur la transparence est étroitement corrélée à l’évolution des mentalités au fil du siècle. En mettant en scène ses dangers ou ses dérives et en révélant sa part fantasmatique, les œuvres littéraires ont ainsi prêté une attention particulière à ce qui trouble, relativise ou conteste les valeurs accordées à la transparence dans le champ social ou politique. Le concept de « matité » développé par Roland Barthes dès 1970 indique d’ailleurs que la réflexion sur les limites de la transparence concerne aussi bien la production littéraire que le discours critique. Par ailleurs, certaines logiques émergent, dégagées notamment par Jay David Bolter et Richard Grusin, dans leur ouvrage Remediation. Le concept d'immediacy que l’on peut traduire par « immédiacie » suppose l’effacement du médium offrant une mimésis qui se veut totale, transparente. Néanmoins, cette illusion esthétique est mise à mal et à l’heure du XXIe siècle et ses avancées technologiques, il serait, en ce sens, intéressant d’interroger les rapports entre transparence et médium, notamment concernant les écritures numériques.

Le champ littéraire semble ainsi opposer aux excès possibles de la transparence des zones d’ombre et des réserves, qu’elle fait valoir à travers l’attention portée aux non-dits, la tentation de l’illisibilité, la défense de l’invisibilité ou encore l’exploration du silence. Ce sont ces choix tout à la fois esthétiques et éthiques qu’il s’agira d’analyser au sein des différents supports et formes d’écritures narratives, théâtrales et poétiques de la littérature française et francophone du XXe et du XXIe siècle.

Axes de réflexion

  1. La transparence à soi et à l’autre dans la relation intersubjective : les modes de figuration de l’intériorité interrogent la possibilité de tout dire, qui supposerait une adéquation exacte entre pensées et paroles. Une telle transparence de la parole est-elle possible ou relève-t-elle d’un leurre, voire d’une aliénation ?
  2. Formes et enjeux des écritures « transparentes » : quels sont les principes défendus dans ces poétiques ? En quoi la transparence permet-elle de repenser le rôle de la simplicité ou de l’intuition dans l’écriture ?
  3. Au contraire, on pourrait questionner les discours critiques et les œuvres qui mettent à mal ce fantasme de la transparence et notamment les relations entre refus de la transparence du médium et exhibition du médium et des (re)médiations à l’œuvre dans les créations littéraires et poétiques.
  4. Les usages de la transparence comme impératif moral ou politique : l’utopie de la transparence totale met-elle en péril toute possibilité d’individuation ? Comment la littérature interroge-t-elle le rapport entre secret et surveillance ?

Indications bibliographiques

Barthes, Roland, Le Degré zéro de l’écriture [1953], Paris, Éd. du Seuil, 1988.– L’Empire des signes [1970], Paris, Éd. du Seuil, 2005.

Ben Soussan, Patrick et Gori, Roland (dir.), Peut-on vraiment se passer du secret ? L’illusion de la transparence, Toulouse, Éres, 2013.

Bolter, Jay David et Grusin, Richard, Remediation. Understanding New Media, Cambridge, MIT Press, 2000.

Bougnoux, Daniel, La Crise de la représentation, Paris, Éd. La Découverte, 2006.Breton, Philippe, L’Utopie de la communication. Le mythe du village planétaire, Paris, Éd. La Découverte, 1995.

Brunel, Pierre, Transparences du roman. Le romancier et ses doubles au xxe siècle, Paris, J. Corti, 1997.– L’Imaginaire du secret, Grenoble, ellug, 1998.Byung-Chul, Han, La Société de transparence, Paris, PUF, 2017.

Chrétien, Jean-Louis, Conscience et roman, i, La conscience au grand jour, Paris, Éd. de Minuit, 2009.

Cohn, Dorrit, La Transparence intérieure. Modes de représentation de la vie psychique dans le roman, Paris, Éd. du Seuil, 1981.

Duby, Georges (dir.), Histoire de la vie privée [1987], Paris, Éd. du Seuil, 1999.

Glissant, Édouard, Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990.

Jenny, Laurent, La Fin de l’intériorité. Théorie de l’expression et invention esthétique dans les avant-gardes françaises (1885-1935), Paris, puf, 2002.

Sennett, Richard, Les Tyrannies de l’intimité [1978], Paris, Éd. du Seuil, 1995.Starobinski, Jean, Jean-Jacques Rousseau. La Transparence et l’obstacle [1957], Paris, Gallimard, 1976.

Tisseron, Serge, L’Intimité surexposée [2001], Paris, Hachette littératures, 2002.

Modalités de soumission

Les communications dureront entre 20 et 25 minutes et seront suivies d’une brève discussion. Les propositions de communication, d’une vingtaine de lignes, accompagnées d’une courte présentation bio-bibliographique, sont à envoyer avant le 8 juillet 2018, à Solenne Montier (solenne.montier@unicaen.fr) et à Anysia Troin-Guis (anysia.troinguis@gmail.com). Elles seront soumises au comité scientifique, et les réponses seront adressées avant la fin du mois de juillet.

Organisation

  • Aude Leblond
  • Solenne Montier
  • Anysia Troin-Guis 

Comité scientifique 

  • Frédéric Martin-Achard (Université Jean Monnet Saint-Etienne)
  • Béatrice Bloch (Université Bordeaux Montaigne)
  • Anne Gourio (Université Caen Normandie)
  • Philippe Ortel (Université Bordeaux Montaigne)
  • Claude Perez (Université Aix-Marseille)
  • Anne-Christine Royère (Université Reims Champagne-Ardenne)
  • Bernard Vouilloux (Université Paris IV Sorbonne)

[1] Poétique de la relation, Paris, Gallimard, 1990, p. 206.

Lieux

  • Maison de la Recherche, Sorbonne
    Paris, France (75)

Dates

  • dimanche 08 juillet 2018

Mots-clés

  • littérature, transparence, médium, idéologie, savoir, esthétique

Contacts

  • Anysia Troin-Guis
    courriel : anysia [dot] troinguis [at] gmail [dot] com
  • Solenne Monnier
    courriel : solenne [dot] montier [at] unicaen [dot] fr

Source de l'information

  • Anysia Troin-Guis
    courriel : anysia [dot] troinguis [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Ombres et transparences », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 26 juin 2018, https://doi.org/10.58079/10hu

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