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Transitional justice and democratic transition in the Arab countries: politics, history and memory

Justice transitionnelle et transition démocratique dans les pays arabes : politique, histoire et mémoire

"العدالة الانتقالية والانتقال الديمقراطي في البلدان العربية: السياسة، والتاريخ، والذاكرة

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Published on Monday, September 17, 2018

Abstract

Ce congrès a pour but d’établir les fondements politiques et juridiques du système de la justice transitionnelle, et d’étudier les cas qui ont été appliqués en dehors du monde arabe quant à leurs exigences, leurs mécanismes et leurs résultats, et quels sont les leçons que nous pouvons en tirer. Aussi, procèderions-nous à l’étude des expériences et des différentes tentatives arabes à ce sujet, afin de savoir si le système de justice transitionnelle pourrait ou non constituer une partie des entrées pour résoudre les conflits ou remédier aux cas de transition démocratique en difficulté dans plusieurs pays arabes. Le congrès donne un intérêt particulier à l’expérience tunisienne vu son importance et sa spécificité en tirant profit notamment de la participation à ses travaux d’un grand nombre de chercheurs tunisiens.

Announcement

Argumentaire

Nombreuses sont les sociétés, depuis les années 1970 du siècle dernier, qui ont connu diverses expériences de justice transitionnelle. Cela est arrivé suite à des phases de lutte contre un héritage énorme constitué d’atteintes caractérisées  aux droits de l’Homme. Ces atteintes comprennent des crimes de guerre, des crimes contre l’humanité, des assassinats, ainsi que la torture, la disparition des personnes et autres formes de forfaits qui tombent sous la coupe des juridictions nationales, du droit international et des droits de l’Homme. Cet héritage constitue une charge lourde pour la mémoire collective, notamment celle des victimes visées par ces crimes.

Pour faire face à cet héritage, les sociétés se sont trouvées devant plusieurs choix (l’arbitrage, la justice etc.). Elles ont choisi en fin de compte la justice transitionnelle comme la meilleure option pour la réalisation des principaux buts parmi lesquels viennent notamment : en finir avec la culture de l’impunité ; empêcher à ce que les violations des droits de l’homme se répètent dans l’avenir ; réaliser la réconciliation nationale comme garantie de l’unité nationale et la pose des fondements du système démocratique recherché. Ceci sans oublier de reconnaître la dignité de l’homme, réconcilier les peuples et les individus avec leur histoire et leur présent et soigner enfin les blessures de la mémoire en lui apportant un certain apaisement, comme  le dit fort à propos le philosophe français Paul Ricœur qui suggère qu’il ne faut, ni trop s’accrocher à la mémoire pour plonger dans « la boue » du passé en l’invoquant continuellement, ni trop oublier et occulter le passé, ne nous aide à atteindre  ce but.

La justice transitionnelle, qui est à la base une opération politique, est fondée sur les synergies des politiques, des activistes des droits de l’homme et de la société civile, ainsi que grâce à l’aide des organisations non gouvernementales (ONG) et la communauté internationale. Elle possède désormais, des bases connues : le droit à la vérité à travers les commissions de vérité, rendre justice aux victimes, la compensation individuelle ou collective, la réforme des institutions de l’Etat qui sont souvent sujettes aux soupçons hérités de l’époque où les graves violations des droits humains ont été commises et les conflits armés internes faisaient rage ; et ce pour faire en sorte que de telles violations ne se reproduisent plus. Néanmoins, nous avons assisté à plusieurs cas où l’on est parvenu à une réconciliation nationale sans exclusive pour réaliser la transition démocratique et la reconstruction sociale après de longues années de guerre civile et de conflits internes.

Ce type de justice en phase transitoire représente une alternative par rapport à celui de la justice classique qui ne peut être appliquée vu la méfiance de la société à l’égard de l’Etat et de ses institutions juridiques ainsi qu’à l’égard des régimes politiques. Cette approche de la justice dans les phases transitionnelles est une approche holiste qui vise à réconcilier la société avec elle-même et à réaliser une transformation profonde et radicale, non seulement sur le plan juridique, mais aussi et principalement sur les plans politique, culturel, économique et psychologique et ce, contre l’approche individualiste qui préfère traiter du cas par cas et limite le champs de la justice transitionnelle aux crimes, et aux violations perpétrées durant une période qui est généralement de courte durée.

Les pays arabes ont connu quelques expériences de justice transitionnelle inaugurées par le Maroc en 2004 avec l’Instance Equité et Réconciliation. Seulement, il est à remarquer que ces expériences au niveau du monde arabe sont restées limitées parce qu’elles n’ont été accompagnées par aucun changement politique. De plus, elles n’ont pas appliqué toutes les dispositions de la justice transitionnelle, dont la plus importante, est celle de rendre justice aux victimes. Néanmoins, elles ont été tout de même d’une certaine importance aussi bien à l’échelle arabe qu’internationale, pour les réalisations qu’elles ont réussies. En effet, elles sont arrivées à dévoiler la vérité et à lever le voile sur des cas de disparition forcée. Elles ont pu appliquer le concept des réparations individuelles et régionales, et transformer certains endroits en lieux de conscience, comme on les nomme aujourd’hui, et même certaines prisons en des musées. Tout cela a été fait dans le but de garder la mémoire collective vive quant aux violations du passé.

Nous remarquons néanmoins que le besoin d’appliquer la justice transitionnelle, sur les plans politique et juridique dans les sociétés arabes,  n’a fait qu’augmenter, surtout après la vague des révolutions et les réformes que les pays arabes ont vécues en 2011. Dans ce chapitre, la Tunisie a été le premier pays arabe à avoir initié officiellement un processus de justice transitionnelle. Celui-ci s’est concrétisé par la création d’un ministère chargé nommément de la justice transitionnelle, puis par la fondation d’une institution dont le nom est L’instance Vérité et Dignité (I.V. D.). Cette dernière a réussi à organiser un grand nombre des Audiences publiques ouverte aux victimes ainsi qu’aux responsables accusés de violations des droits humains dans le passé. Et malgré le fait que cette instance soit confrontée aujourd’hui à des défis énormes qui tendent à entraver son travail, force est de constater que par le passé, les expériences de justice transitionnelle dans le monde se sont trouvées elles aussi, face à des défis et des difficultés, dont le but était de saper leur travail et ses résultats. C’est pour cela qu’il faut replacer ces défis dans leur contexte historique.

Un processus de justice transitionnelle a également existé en Libye au moment où le Conseil national Libyen était au pouvoir. Il en va de même pour le Yémen après la révolution, au moment du gouvernement provisoire, quand a été créé un ministère portant le nom de ministère de justice transitionnelle, et qui a été stoppé net dans les circonstances de la guerre. Dans d’autres pays arabes comme le Liban, la Syrie, L’Irak et l’Algérie, l’élite politique n’était pas en reste. Elle est entrée dans des débats houleux portant sur les mécanismes de l’application des dispositions de  justice transitionnelle après les périodes de lutte et de guerre endurées par ces pays, à cause du lourd héritage des violations perpétrées  et à propos des moyens juridiques et politiques adéquats qu’il faut mettre en œuvre afin de dépasser ce passé/héritage et de consolider l’Unité de la communauté nationale.

Malgré l’importance et la noblesse de la cause qu’elle défend, la justice transitionnelle n’a pu éviter les embûches, dans de nombreux cas, à cause de contextes difficiles et de mauvais choix imposés par les porteurs du projet comme par leurs ennemis. D’autant plus que cette justice transitionnelle ne peut relever, pour rendre la justice dans sa dimension procédurale, des simples mécanismes juridiques. Car ce type de juridiction a besoin de faire également appel à des mécanismes non juridictionnels qui invoquent souvent des questions touchant aux fondements de la communauté nationale et à la formulation de son identité ; notamment lorsque ces mécanismes questionnent à nouveau la mémoire collective et l’histoire, afin de permettre aux sociétés d’avoir le droit de connaître la vérité, de lever le voile sur les violations cachées et d’établir les responsabilités. Ce sont là des choses qui provoquent le courroux de ceux qui refusent et s’opposent  à ce genre de justice et à ses mécanismes et irritent les poches de résistance qui se trouvent  parmi les élites, les groupes influents, les lobbys et au sein de certains appareils et certaines institutions de l’Etat (L’armée, la police, la justice, les médias…). Cet état de fait pourrait renforcer le sentiment d’injustice et de frustration parmi les victimes et leurs familles. Il pourrait de même approfondir chez elles la peur d’un retour aux pratiques de l’arbitraire, de la marginalisation et de la violation des droits. Cette peur est d’autant plus forte chez ces victimes qu’elles assistent impuissantes aux revers que subit le processus de justice qu’elles appellent de leurs vœux et qu’elles veulent voir aboutir. Elles entendent et voient à leur corps défendant, leurs luttes stigmatisées en les désignant de « victimes » qui ne peuvent prétendre qu’à des réparations, tout au plus. 

Ainsi vu l’importance du thème de la justice transitionnelle et de sa relation avec les processus de transition démocratique dans les pays arabes, le Centre Arabe de Recherche et l’Etude des Politiques (CAREP), organise son huitième congrès annuel sur les questions de la démocratie  et de la transition démocratique autour de : « La justice transitionnelle et la transition démocratique dans les pays arabes : politique, histoire et mémoire » à Tunis durant la période du 27 au 29 septembre 2019. Ce congrès a pour but d’établir les fondements politiques et juridiques du système de la justice transitionnelle, et d’étudier les cas qui ont été appliqués en dehors du monde arabe quant à leurs exigences, leurs mécanismes et leurs résultats, et quels sont les leçons que nous pouvons en tirer. Aussi, procèderions-nous à l’étude des expériences et des différentes tentatives arabes à ce sujet, afin de savoir si le système de justice transitionnelle pourrait ou non constituer une partie des entrées pour résoudre les conflits ou remédier aux cas de transition démocratique en difficulté dans plusieurs pays arabes.

Le congrès donne un intérêt particulier à l’expérience tunisienne vu son importance et sa spécificité en tirant profit notamment de la participation à ses travaux d’un grand nombre de chercheurs tunisiens.

Les axes du congrès

Axe I : Le cadre théorique de la justice transitionnelle

S’adossant aux bases théoriques et conceptuelles ainsi qu’aux expériences historiques de la justice transitionnelle, le présent axe tend à répondre à un certain nombre de questions. Dont l’une des plus importantes pourrait être formulée de la façon suivante : quelles sont les fondements juridiques, moraux et politiques du système de justice transitionnelle ? Quels sont les buts de la justice transitionnelle ? Quelles sont ses bases ? Et quels sont ses processus et ses mécanismes ? Sur quelle littérature internationale se base-t-elle ? Quel rôle, les spécificités locales peuvent-elles jouer dans l’enrichissement de ce système (histoire locale, patrimoine et culture locaux, spécificités ethniques) ? Dans quelle mesure ces spécificités locales ainsi que ces processus sociaux ont-ils contribué au développement de ces mécanismes et de ces méthodes ? Quel est le rôle des leaderships politiques et religieux dans l’adoption et la consolidation de telles expériences ? Existe-t-il des prototypes exemplaires qui pourraient inspirer les différentes expériences de justice transitionnelle ?

Axe II : La justice transitionnelle : mémoire collective, vérité et histoire

Cet axe s’intéresse essentiellement aux problématiques délicates ayant des retombées sur  la paix sociale que les expériences de justice transitionnelle sont susceptibles de provoquer et qui ouvrent parfois la voie à des luttes déclarées ou sous-jacentes entre les partisans et les opposants du processus de justice transitionnelle. Cela arrive surtout lorsque celle-ci se donne pour tâche de « redécouvrir  la vérité », de restaurer la mémoire collective (et même parfois la mémoire individuelle) et d’ « examiner l’histoire et la réorienter ». Le présent axe se pose plusieurs questions dont les plus importantes : peut-on construire, ou reconstruire la mémoire nationale sur la base de la reconnaissance des erreurs et des violations atroces et en partant des responsabilités morales que la société s’impose à elle-même ? Peut-on unir les protagonistes sous le fanion de la communauté nationale et garantir la paix civile à travers la mémoire collective qui triomphe, non pas seulement à partir de ses victoires glorieuses, mais aussi à travers l’ « expiation collective » de ses mauvais actes, et l’engagement de ne point oublier  et de ne plus perpétrer les injustices commises contre les citoyens ? Par quel moyen dépasse-t-on le deuil (chose parfois impossible) et le sentiment d’injustice, qui pourrait alimenter un esprit de revanche tapis dans une mémoire blessée et comment faire que cette dernière ne reste pas confinée dans le passé ? Les différentes expériences de justice transitionnelle, arabes et autres, ont-elles réussi le coup double, celui de réaliser en même temps,  l’apaisement de la mémoire et l’impératif de révéler la vérité et de  rendre la justice ? Y a-t-il un moyen de se soustraire à l’étau des histoires tragiques et des  mauvais souvenirs sans sacrifier la vérité ? Quels sont les impératifs du devoir de mémoire qui nous évitent de tomber dans l’amnésie ou dans les perversions de son utilisation à travers des récits lourds  de souffrance et d’auto flagellation ? L’histoire n’est-elle pas, comme le dit fort à propos Pierre Nora, la propriété de tous ? Qu’est-ce qui garantit que l’histoire révèle la vérité et combat l’amnésie ? N’y a-t-il pas une possibilité que l’histoire ne se transforme en moyen de manipulation et d’occultation monopolisé par les entrepreneurs de la vérité historique, comme l’a évoqué Paul Ricœur ?

Axe III : Les expériences de justice transitionnelle en dehors du monde arabe : étude de cas comparée

Cet axe s’intéresse à l’examen des différentes expériences internationales, à comprendre leurs spécificités et leurs contextes, et à analyser  leurs résultats et leurs influences ; et ce, en Amérique latine (Chili, Argentine, Pérou), en Afrique (Rwanda, Afrique du Sud, Sierra Leone et autres), en Asie (Sri Lanka, Népal, Timor Oriental et autres) et dans d’autres endroits. Il sera utile ici de répondre aux questions qui vont suivre à partir de ces cas d’une manière comparée : quelles sont les institutions à qui on a confié la tâche de la justice transitionnelle ? Quel est sa situation du point de vue de la constitution et de la loi ? Quelle est la forme de sa structure ? Quelles sont ses prérogatives ? De quelles ressources humaines, matérielles et symboliques dispose-t-elle ? Quelles sont les obstacles qui ont entravé la tâche de ces cas ? Quel était le rôle des victimes, de la société civile et des ONG ? Quelle était l’influence des positions internationales et régionales ? Cet axe peut en outre comporter des papiers qui traitent d’une façon comparée des sujets précis, comme : les commissions de vérité et leur influence sur les processus politiques ; les procédures judiciaires et les punitions ; les différentes formes de compensation ; réformes des institutions et aménagements institutionnelles, juridiques, constitutionnelle, et culturelle qui accompagne cette opération ; réalisation de la réconciliation nationale et résolution des différends et réalisation de la réforme politique et de la transition démocratique ; le rôle des médiateurs locaux et internationaux ainsi que des organisations de la société civile locale, régionale et internationale ; l’étude des ressources humaines et matérielles nécessaires à la mise en place du système de justice transitionnelle.

Axe IV : Expériences et cas arabes

On s’intéresse dans cet axe au cas arabe pour mettre l’accent sur la situation inextricable de la justice transitionnelle. Autrement dit, dans les contextes arabes, comme nous le voyons dans les exemples du Yémen, de l’Egypte, de la Syrie, de l’Irak et du Liban, cette justice souffre d’absence, d’ambiguïtés ou se trouve dans l’impasse. C’est donc à ce propos que le présent axe pose les questions suivantes: la justice transitionnelle constitue-t-elle une réponse aux quêtes de réconciliation et la gestion du passé dans ces sociétés ? Cette justice transitionnelle peut-elle aider à mettre fin à la culture de l’impunité qui domine depuis des décennies et mettre à sa place celle de la responsabilité et la comptabilité de ses actes ? Va-t-elle réussir à peser sur le processus politique notamment dans les pays où la transition démocratique est dans l’impasse ? Et l’on peut ici présenter des études de cas à propos des exemples suivants:

  • Le processus de justice transitionnelle au Maroc ; par l’évaluation de l’expérience  de l’Instance équité et réconciliation localement et de son influence sur les plans politique et juridique au Maroc.
  • La tentative de justice transitionnelle au Yémen après la révolution et les possibilités de la mise en place d’un processus de la même justice transitionnelle à l’issue du conflit armé, et les retombées de tout cela sur le processus politique.
  • Face aux violations des droits de l’homme en Egypte, la question est de savoir si la justice transitionnelle constitue bien une réponse aux questionnements quant au passé, à la réconciliation et à la reprise du processus démocratique ?
  • En ce qui concerne la Syrie, les crimes de guerre et les crimes contre l’humanité, la justice transitionnelle va-t-elle se réaliser de telle sorte qu'elle mettra fin à la culture de l’impunité qui prédomine depuis des décennies ? Comment peut-on édifier un système de justice transitionnelle dans le contexte d’un conflit à la fois international et local, et en l’absence de toute idée d’une quelconque forme de fin du conflit armé ?
  • En Irak post-Daech et après l’expérience de l’éradication du Baath et de la réconciliation, est-ce que c’est la justice transitionnelle qui réussira à influencer le processus politique ou bien ce sera de nouveau l’inverse, à savoir la politisation de l’expérience de justice transitionnelle, de telle sorte que celle-ci sera empêchée d’avoir la crédibilité requise pour pouvoir réaliser ses buts socialement et politiquement ?
  • A propos de l’expérience de justice transitionnelle en Libye, comment peut-on la mettre sur place dans un contexte de lutte locale et tribale pour la conquête du pouvoir et du manque d’un consensus politique minimal sur la forme de la période de transition.
  • Le Liban et l’expérience des disparus de la guerre civile ; pourquoi non pas été trouvées des solutions juridiques ni de soutien politique durant des décennies après la fin de cette guerre ?
  • L’Algérie et l’expérience de la guerre civile ainsi que la question des disparus.
  • La Palestine et comment saisir la cour internationale de justice pour condamner les massacres et les agressions israéliens à répétitions, et quels en sont les défis et les obstacles en face.
  • Des études comparées sur des expériences de justice transitionnelle dans plus d’un pays arabe.

Axe V : L’expérience tunisienne

Cet axe s’intéresse à l’expérience de justice transitionnelle tunisienne depuis sa création, en tant que choix national autour duquel il y a eu un consensus entre les élites politiques. Cette expérience a été pilotée par l’Instance vérité et dignité (I.V.D.) qui a vu le jour par le  décret no 53 de l’année 2013, ratifié par l’assemblée constituante. Laquelle constituante a chargé l’I.V.D. de la mission d’enquêter sur les violations énormes et systématiques des droits de l’homme durant la période allant du début juillet 1955 jusqu’au mois de décembre 2013. A cet effet, l’I.V.D. s’est appuyée  sur de nombreux mécanismes, dont la découverte de la vérité, la tenue des auteurs de ces violations pour responsables,  la réparation, et le devoir de mémoire jusqu’à la réussite de la réconciliation nationale.

Cette expérience constitua une base solide dans le processus de la transition démocratique en Tunisie. Pourtant, elle affronta de nombreux obstacles et défis, à la fois subjectifs et objectifs, qui ont perturbé les travaux de l’I.V.D. (Refus de coopération de la part de certaines institutions de l’Etat qui n’ont pas voulu mettre  à sa disposition l’archive indispensable pour finir sa mission de recherche et d’enquête, non versement du budget dans sa totalité pour l’année 2014, refus de voter en faveur de la prorogation de ses travaux, les conflits internes… etc.). Ce processus a souffert également des grandes  difficultés causées par les poches de résistance, innombrables, ainsi que du climat opposé à la thèse de la justice transitionnelle dès sa création. Ces défis ont parfois pesé sur l’avancement des travaux de l’I.V.D. et l’ont empêché de finir sa mission qui lui a été dite par la loi.

Cet axe tend à répondre aux questions suivantes, à travers lesquelles nous pouvons comprendre l’expérience de justice transitionnelle en Tunisie et saisir les défis auxquels l’I.V.D. a été confrontée :

  • Quelles sont les différentes forces politiques et civiles, nationales et régionales, qui ont participé à la formulation de la thèse de justice transitionnelle sous cette forme en écartant les autres choix et thèses. Quels sont les aspects de la loi de justice transitionnelle et la valeur constitutionnelle de cette loi ? Quels sont les aspects les plus importants de la structure organisationnelle de l’I.V.D. ? Quels sont ses prérogatives et à quel point était-elle efficace ? Quels sont les méthodes et les mesures de gestion et de prise de décision ? Quel genre de ressources humaines et financières que l’Etat a mis à la disposition de l’Instance ? Comment a-t-il influencé ses travaux ?
  • Quels sont les positions les plus importantes exprimées par les acteurs politiques et civils, les appareils de l’Etat et les mass-médias vis-à-vis de la thèse de justice transitionnelle et de l’I.V.D. plus précisément ? Comment ces positions ont-elles pesé sur les travaux de cette instance ainsi que sur le processus de justice transitionnelle ? Quels sont les affaires que l’Instance a soulevées en cherchant à découvrir la vérité à travers les séances d’audition publique précisément : (la querelle yousséfiste, l’autonomie tunisienne en 1955, les contestations syndicales, les procès politique qui ont visé toutes les obédiences politiques : la gauche, les nationalistes arabes, les islamistes, les syndicalistes les militants des droits de l’homme …) ? Pourquoi l’élite et certaines catégories (des historiens, des journalistes, des hommes politiques, des associations et des représentants de la société civile ont-elles eu des réactions hostiles à l’I.V.D. et à la justice transitionnelle en même temps ? Peut-on considérer que les méthodes et techniques employées par l’I.V.D. (les témoignages et les séances publiques d’audition…) constituent une nette présomption des violations commises, et quelle valeur donne-t-on à ces témoignages poignants dans le processus d’établissement des faits historiques ? Ces auto-récits n’ont-ils pas contribué, de façon consciente ou inconsciente, à braquer une partie de l’opinion publique contre une autre, ce qui a approfondi définitivement le clivage entre « victimes » et bourreaux » et empêché les blessures de se refermer ? N’est-on pas resté dans la confusion totale et à chacun sa vérité ? La justice transitionnelle a-t-elle réintroduit le mémoire individuelle et catégorielle (la mémoire de groupes politiques, syndicales, militants des droits d l’homme, appartenant à une région…) afin qu’elle devienne une mémoire collective partagée par tous ?
  • Quelles sont les spécificités de la justice transitionnelle en Tunisie par comparaison avec les autres expériences arabes et internationales ? Le processus de justice transitionnelle a-t-il atteint les buts fixés par la loi ? En dressant un bilan objectif, quel est le résultat final de l’action de l’I.V.D. ? A-t-on réformé les appareils de l’Etat, de telle sorte que les violations perpétrées ne se reproduisent plus ? Comment peut-on valoriser cette expérience et accumuler ses acquis malgré les défauts, pour que la justice transitionnelle atteigne ses buts par des mécanismes et des méthodes différentes qui pourraient prendre le relais après la dissolution de l’Instance et la fin de son mandat légal : les politiques de réforme de l’appareil de l’Etat, la mémoire nationale, La pédagogie de justice transitionnelle et la consolidation de ses valeurs ? etc.

Axe VI : La justice transitionnelle : obstacles et défis

Cet axe étudie le phénomène  qui consiste à voir apparaître, simultanément avec le processus de justice transitionnelle, de nouveaux acteurs politiques et sociaux s’opposant bec et ongle à la réalisation de cette justice, défendant par là des intérêts économiques et politiques divergents. Il s’intéresse en cela à des études comparées (tirées des expériences internationales et arabes) qui se posent les questions suivantes : quelles sont les parties qui se dressent contre la justice transitionnelle ? Quelles sont les méthodes qu’elles utilisent pour entraver le travail de cette justice ? Ces positions émanent-elles des caciques de l’ancien régime de peur que la justice transitionnelle ne finisse par les confondre et leur faire porter la responsabilité des violations ? Quel est la position des appareils de l’Etat vis-à-vis de la justice transitionnelle, et spécifiquement les services de sécurité et de l’armée, de la justice et de l’information ? Comment a-t-on procédé pour dépasser ces obstacles et défis, dans les cas réussis ? Quelles leçons peut-on en tirer ? Quelles sont les conditions pour la mise en place d’un système de justice transitionnelle et un Etat de droit, de justice et d’impunité dans les cas arabes ? Comment peut-on établir de larges consensus autour de projets de justice transitionnelle afin qu’ils constituent un support pour la transition démocratique et qu’ils consolident l’unité du groupe national dans les pays arabes ?

Ce sont là un nombre d’axes proposés par le CAREP pour poser, de la manière la plus exhaustive possible, les questions de la justice transitionnelle et ses problématiques diverses. Il est pertinemment sûr pourtant, que ces axes sont liés entre eux et que leur séparation n’est qu’une simple mesure méthodologique.

Les conditions de participation au congrès

Le chercheur doit envoyer une proposition d’un sujet qui est en rapport étroit avec les axes du congrès, ses questions et ses problématiques (entre 700 à 1000 mots), et qui contient 5 points :

  • sujet du papier proposé, sa problématique, ou les questions posées;
  • Les buts de la recherche son importance;
  • La méthode ainsi que les approches théoriques proposées ;
  • Proposition d’une structure du papier ;
  • Une bibliographie préliminaire.

Le chercheur doit en outre envoyer un CV actualisé avec les titres de recherches accomplis dans les domaines proches ou en relation avec le thème du congrès (s’il y en a). Il est enfin prié de remplir le formulaire de participation, disponible sur le lien :

Le comité scientifique du congrès accepte de recevoir les propositions de recherche dans un délai ne dépassant pas le : 01 /10 / 2018.

Les propositions seront soumises à une évaluation pilotée par un comité scientifique spécialisé.

Le papier proposé doit être original, et préparé spécialement et exclusivement en vue de participer au présent congrès. Il ne doit nullement provenir d’un mémoire ou d’une thèse qui a été soutenue, ni ayant fait l’objet d’une quelconque publication électronique ou en papier, ni partiellement ni entièrement, ni d’avoir été présenté dans un autre congrès scientifique.

Le comité scientifique recevra les textes complets des papiers retenus, (de 7000 à 8000 mots, notes de bas de page et bibliographie comprises), au plus tard le 01/03/2019 sous condition de respecter les normes exigées par le CAREP, normes disponibles sur le lien :

L’avis favorable accordé à la proposition du sujet par le comité scientifique ne signifie nullement acceptation de participation au congrès. Celle-ci n’est pas acquise tant que le comité n’a pas donné son accord favorable au papier complet après réception.

Les chercheurs ont la possibilité de présenter leur papier en arabe, en anglais ou en français.

Le congrès se charge de couvrir les dépenses de déplacement et de résidence des chercheurs présents, mais ne donne aucune contrepartie matérielle pour les papiers présentés. Par ailleurs, les recherches présentées sont une propriété du congrès. Ces travaux ont été jusqu’ici, dans la plupart des cas, publiés dans les actes du congrès.

  • tous les articles seront traduits en arabe.
  • Les propositions de participation sont à envoyer à l’adresse email suivante : democracyproject@dohainstitute.org

Comité scientifique

  • Abdelwahab Afendi : Doyen de la Faculté des Sciences Sociales et Humaines de l'Institut des Etudes Supérieures de Doha. Il a été président du Programme de science politique et de relations internationales (2015-2017) et coordinateur du programme Islam et démocratie au Centre d'études sur la démocratie de l'Université de Westminster à Londres depuis 1998.
  • Radwan Ziadeh est un analyste principal au Centre arabe - Washington D.C. Il est également le fondateur et directeur du Centre Damascus pour les études des droits de l'homme en Syrie (www.dchrs.org); et co-fondateur et directeur exécutif du Centre syrien d'études politiques et stratégiques à Washington, D.C
  • Abdelfattah Madhi : Coordonnateur du projet de transition démocratique au Centre arabe de recherche et de l'étude des  politiques et professeur de sciences politiques à l'Université d'Alexandrie (Égypte). Il a été professeur invité au Woodrow Wilson Center de Washington, DC, à l'Université de Denver, en tant qu'expert du Programme des Nations Unies pour le développement à Bahreïn et conseiller politique à la Fondation Cordoba à Genève.
  • Jeremy Sarkin : professeur de droit à l'Université d'Afrique du Sud (UNISA). Il est membre et a été Président-Rapporteur (2009-2012) du Groupe de travail des Nations Unies sur les disparitions forcées ou involontaires.
  • David M. Crane a été nommé professeur de droit à l'Université de Syracuse en 2006. De 2002 à 2005, il a été le procureur en chef fondateur du Tribunal spécial pour la Sierra Leone, un tribunal international pour les crimes de guerre. Professeur Crane a servi plus de 30 ans dans le gouvernement fédéral des États-Unis.
  • Mehdi Mabrouk : Maître de conférence et sociologue chercheur à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis – Université de Tunis.
  • Kchaou Mounir : Professeur d’enseignement supérieur et chercheur en philosophie à la Faculté des Sciences Humaines et Sociales de Tunis – Université de Tunis.
  • Ayari Adel : Maître assistant, sociologue et chercheur en sociologie des entreprises.
  • Drissi Mehrez, Docteur en sciences de l’éducation, directeur au ministère de l’éducation et expert en orientation universitaire.

Places

  • 10 rue Tanit
    Tunis, Tunisia (1082)

Date(s)

  • Monday, October 01, 2018

Keywords

  • justice transitionnelle, démocratie, transition

Contact(s)

  • henda ghribi
    courriel : henda [dot] carep [at] gmail [dot] com
  • henda ghribi
    courriel : henda [dot] carep [at] gmail [dot] com

Reference Urls

Information source

  • henda ghribi
    courriel : henda [dot] carep [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Transitional justice and democratic transition in the Arab countries: politics, history and memory », Call for papers, Calenda, Published on Monday, September 17, 2018, https://doi.org/10.58079/10qq

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