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Paysages Inhumains

Inhuman landscapes

Inhuman Landscapes

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Publié le jeudi 08 novembre 2018

Résumé

Le colloque “Paysages inhumains” se propose d’explorer l’idée d’un paysage qui serait l’antithèse de l’idée que l’on aurait a priori d’un paysage comme “belle” (représentation d’une) nature plus ou moins domestiquée. Il s’agit ici de travailler sur des paysages que nous qualifions de “toxiques”, “meurtris”, ou “ensevelis”. Ce colloque international organisé par un groupe de recherches en humanités environnementales est interdisciplinaire, et il s’ouvre aussi aux praticiens des arts. En effet, les questions de mémoire, mais aussi de modes de représentation de ces paysages seront au coeur des discussions.

Annonce

Chambéry, 17 et 18 octobre 2019 - Université Savoie Mont Blanc (USMB) Laboratoire LLSETI, équipe Humanités environnementales

Argumentaire

Conférenciers invités :

  • Conohar SCOTT, University of Lincoln (UK)
  • Pierre WAT, Université Paris I (France)

La notion de paysage ne se limite pas à la conception de « belle » (représentation d’une) étendue de nature plus ou moins domestiquée, comme le signalait déjà John Brinckerhoff Jackson dans les années 1970 et 1980, lorsqu’il s’intéressait aux paysages d’usage, aux paysages communs, dans le contexte américain. Cela est également apparu lors du récent colloque Corpus de paysages (Chambéry, 4-6 avril 2018), dont les actes sont en cours de publication. Ce colloque a notamment mis en valeur la dimension participative de plusieurs dispositifs numériques consacrés au paysage, qui s'inspirent des préconisations de la Convention européenne des paysages (Florence, 2000) sur l'association des populations à la définition, à l'aménagement et la préservation des paysages.

À l’occasion de ce colloque, nous souhaitons à l'inverse tester l’idée d’un paysage « inhumain », qui serait l’antithèse de l’idée que l’on aurait a priori du paysage : il s'agirait en effet d'analyser des paysages paradoxaux, des paysages habités, ou anciennement habités, mais où le lien d'appartenance entre le paysage et les hommes semble rompu, et de manière plus forte et plus dramatique que dans ces non-lieux évoqués par Marc Augé, autoroutes, salles d'aéroport, et autres lieux fortement formatés par l'échange marchand, où l'on est toujours simplement de passage, mais dans lesquels de nouvelles formes de connexions s’établissent en fait, comme l’a montré Michal Lussault en proposant la désignation d’ « hyper-lieux ».

Ces « paysages inhumains » sont paradoxaux parce qu’ils sont éminemment façonnés par l’homme, à la source de leur dégradation, ou à l’origine de leur occupation contrainte alors même qu’ils ne s’y prêtent pas. Le colloque Paysages inhumains cherche ainsi à interroger plusieurs types de lieux :

  • les paysages de transit (zones d'immigration, campements, bidonvilles...), par exemple les bidonvilles lyonnais des années 1920-1970, étudiés par Olivier Chavanon, ou bien, un peu plus loin de nous, la « zone » des fortifications de l’ancien Paris, ou bien encore, relevant au contraire d’une actualité brûlante, la fameuse « jungle » de Calais et ses analogues européens ou nord-africains. Ces campements précaires, insalubres et pourtant souvent pérennisés, proposent de facto un paysage d'usage très éloigné des représentations consacrées du paysage, et posent la question des implications sociales et politiques du cadre qui s'offre à la perception et à la vie quotidiennes de populations déjà fragilisées par la perte de leur lieu d'origine. Ils invitent en même temps à examiner comment un ancrage peut parfois se reconstituer dans un paysage que rien ne saurait désigner comme désirable ou habitable.
  • les paysages que nous proposons d’appeler paysages « toxiques » : ce sont ces lieux « sacrifiés » pour des entreprises telles que le projet Manhattan d’armement nucléaire à Los Alamos puis qui font parfois, mais pas toujours, l’objet d’une « réinscription territoriale » entreprise par le gouvernement. Il s’agit aussi d’environnements dégradés où les hommes ne peuvent plus vivre, ou bien où ils vivent parfois encore avec de graves conséquences pour leur santé. Ces situations sont décrites et analysées depuis les années 1980 par les chercheurs appartenant au domaine de la justice environnementale, et plus récemment, ils sont devenus l’un des objets du champ de la political ecology. Ces lieux sont décrits en termes de rapports de force liés à la race dans le premier cas et la classe dans le second. Nous proposons ici de les envisager à travers le prisme du paysage, posant ainsi la question du rapport entre esthétique et politique. Conohar Scott interroge par exemple à travers la photographie ce type de paysages, tant pour leur esthétique que pour les enjeux politiques qu’ils soulèvent.
  • il faudra aussi poser la question des « paysages meurtris », anciens théâtres de guerre ou de massacres qu'on n'ose parfois reconvertir (laissant faire la nature, au prix de l'effacement apparent des traces, comme l'évoque le récent livre de Pierre Wat Pérégrinations), ou bien marqués explicitement par le pouvoir politique comme des lieux vidés (à l'instar de Port-Royal des Champs frappé par la damnatio memoriae, ou, plus proche de nous, ces no-man's land que délimitent des zones de conflits...). Le concept d’urbicide, manié dans le champ de la géographie, de la géopolitique et plus récemment de l’histoire, pourrait également être un outil pertinent pour questionner les destructions et effacements affectant l’espace urbain.

La question de la mémoire est donc bien au premier plan dans ces différents types de paysages et parfois il faudrait parler de « paysages ensevelis », quand la volonté de reconstruction est aussi effort pour éradiquer toute trace, à diverses échelles, ghetto de Varsovie ou « village nègre » du Lyon des années 1930. On pourra donc travailler sur ces paysages « meurtris », « toxiques », « ensevelis », en posant la question de l’authenticité et de l'état antérieur des paysages aujourd'hui perçus. Et quel regard est légitime pour imposer son étalon du paysage noble par opposition à l’ignoble ? C'est plus largement un questionnement sur les valeurs associées au paysage, et sur les instances légitimantes du paysage qui sera mené. C’est aussi une interrogation sur les modes d’inscription des hommes dans le paysage in situ et in visu, paysage qu’on occupe, qu’on perçoit (est-ce bien le cas?) et qu’on (se) représente (comment ?) ; comment alors s’y exprime (ou s’y perd) une identité personnelle, politique et sociale ? La question du paysage semble inattendue pour ceux « que la violence sociale contraint à vivre à l'intérieur d'un monde qui n'est pas le leur » (P. Wat). Il est d'autant plus impératif de la poser.

Conformément à la dynamique de l'équipe 2 « Humanités environnementales » du LLSETI, il s'agit de rassembler autour de cette réflexion des chercheurs issus de plusieurs disciplines, notamment l’histoire, l'histoire de l'art, la philosophie, la littérature et la sociologie. Nombre d’artistes s’intéressent également à ces représentations paradoxales que constituent les « paysages inhumains », au sens où nous les entendons ici : Pierre Wat en dessine la lignée ; on songe également aux photographes contemporains rassemblés dans l’ouvrage de Christine Ollier, Paysage cosa mentale, ou convoqués par la récente exposition Paysages français à la BnF. Les croisements de ces regards d’artistes et de chercheurs seront particulièrement les bienvenus. Car le colloque « Paysages inhumains » cherche notamment à questionner les modes de représentation possibles de ces paysages paradoxaux. Faut-il directement montrer des images qui donnent à voir la violence imposée aux hommes et aux paysages ? Celle-ci est parfois invisible sur place, ou noyée dans les flux d’information et d’images-choc. A l’inverse, la dimension esthétique peut être un vecteur efficace de transmission, comme le suggère la récente exposition « Contaminations » de Samuel Bollendorf.

Modalités de soumission

Merci d’envoyer avant le 15 janvier 2019 une proposition de communication de 2500 signes maximum, accompagnée de quelques lignes de bio-bibliographie, à helene.schmutz@univ-smb.frRetour aux participants le 8 mars 2019.

Comité d’organisation

  • Hélène SCHMUTZ, MCF civilisation américaine, USMB, LLSETI
  • Émilie-Anne PÉPY, MCF histoire moderne, USMB, LLSETI
  • Olivier CHAVANON, MCF sociologie, USMB, LLSETI
  • Dominique PETY, PR littérature française, USMB, LLSETI

Comité scientifique

  • Olivier CHAVANON, MCF sociologie, USMB, LLSETI
  • Emeline EUDES, Docteur en Esthétique, Sciences et Technologies des Arts, responsable de la recherche ESAD (Ecole Supérieure d’Art et de Design) de Reims.
  • Alain FAURE, DR UMR PACTE, Université Grenoble AlpesPhilippe HANUS, Docteur en anthropologie historique, UMR LAHRA, Lyon.
  • Bénédicte MEILLON, MCF littérature américaine, Université de Perpignan.
  • Émilie-Anne PÉPY, MCF histoire moderne, USMB, LLSETI
  • Dominique PETY, PR littérature française, USMB, LLSETI
  • Hélène SCHMUTZ, MCF civilisation américaine, USMB, LLSETI
  • Véronique PEYRACHE-GADEAU, directrice-adjointe UMR EDYTEM, USMB
  • Pierre WAT, PR histoire de l’art, Paris I

Catégories

Lieux

  • Campus de Jacob Bellecombette
    Chambéry, France (73)

Dates

  • mardi 15 janvier 2019

Mots-clés

  • paysage; humanités environnementales; histoire des représentations

Contacts

  • Hélène Schmutz
    courriel : helene [dot] schmutz [at] univ-smb [dot] fr

Source de l'information

  • Hélène Schmutz
    courriel : helene [dot] schmutz [at] univ-smb [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Paysages Inhumains », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 08 novembre 2018, https://doi.org/10.58079/119y

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