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Séries Mania

Series mania - critical analysis and the challenge of televised series

Le geste de l’analyse à l’épreuve des séries télévisées

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Publié le mercredi 06 février 2019

Résumé

Cette journée d'étude a pour ambition de réfléchir au geste de l'analyse dans les séries télévisées. Un corpus filmique aussi insolite dans le champ de la recherche scientifique que familier dans l’expérience privée d’un spectateur de la télévision. Il s'agira pour nous de mettre l'accent sur des questions d'esthétique de l'image, une approche souvent négligée devant ce type de corpus. Cette journée d’étude entend moins faire un état exhaustif de la question que de tenter d’établir de nouvelles grilles de lecture pour l’analyse des séries télévisées de fiction. En d’autres termes, le problème de la méthode d’analyse doit permettre de prendre en charge la complexité de l’objet série.

Annonce

Journée d'étude – 27 mars 2019 - Université de Picardie Jules Verne - Amiens

Argumentaire

Cette journée d’étude interdisciplinaire propose d’interroger un corpus filmique aussi insolite dans le champ de la recherche scientifique que familier dans l’expérience privée d’un spectateur de la télévision. Dans son article « Des images en série », Dork Zabunyan propose une explication à cet abîme étonnant entre l’attrait voire la passion du public pour les séries télévisées et leur résistance à l’analyse filmique. Une première explication possible consisterait dans l’intérêt trop important accordé au « devenir d’un personnage », aux « rebondissements de l’intrigue », à « l’attente insupportable de la saison suivante ». Autant d’éléments narratifs qui éclipseraient la valeur des « jeux de lumières à l’intérieur d’un salon », des « détails vestimentaires qui définissent le caractère d’un protagoniste », d’« un mouvement de caméra qui fait basculer le récit dans une autre dimension ». Cette dynamique d’enchaînement des épisodes « qui crée une attente nous propulsant en avant d’une saison à l’autre[1] » dont parle Zabunyan apparaîtrait alors comme un frein méthodologique au travail de l’analyse nécessitant une démarche de revisionnage, de description, d’étude formelle. Pourtant, il existe depuis les années 1980, des universitaires de plus en plus nombreux qui se sont intéressés aux séries télévisées, particulièrement dans les universités anglophones. Il va de soi que les séries télévisées constituent un phénomène culturel important, aussi bien du point de vue quantitatif (beaucoup de téléspectateurs, beaucoup d’impact) que qualitatif (l’indéniable amélioration stylistique et thématique depuis les années 1990). Bien évidemment, ces deux paramètres ne fonctionnent pas toujours ensemble et ce ne sont pas les mêmes séries qui suscitent l’attention, selon que l’on cherche à étudier les séries les plus regardées ou les séries les plus remarquables du point de vue de l’art ou de la technique. En tant qu’objet culturel de masse, la série télévisée ne revêt jamais un caractère d’évidence au sein du milieu universitaire. Celles et ceux qui les analysent doivent donc déployer des outils spécifiques à la discipline à partir de laquelle ils exercent. Aussi diverses soient-elle, les approches concernant les séries télévisées restent trop souvent cantonnées à des études de réception oubliant de fait les questions esthétiques.

De plus en plus de séries proposent des exploits filmiques qui en font non seulement une attraction narrative mais aussi formelle et sensorielle : le long plan séquence d’action dans True Detective, les plans séquences enchaînés de The Haunting of Hill House, les séquences expérimentales de Twin Peaks ou de Hannibal, les ralentis transcendants dans Leftovers, les scènes de batailles prodigieuses dans Game of Thrones ou d’horreur inédite dans Walking dead. Une autre explication possible à cette marginalisation des séries dans le champ des études cinématographiques est avancée par Guillaume Soulez dans son article « La double répétition ». Selon l’auteur, la série serait « [t]rop souvent associée à la répétition stérilisante ("pattern", stéréotype, formule...) ou à la répétition qui s'épuise (variation sur le même thème) ». Or, comme l’avait montré Gilles Deleuze à partir du concept nietzschéen, « la répétition sérielle peut être envisagée dans les termes d'une répétition productive, voire créative, qui seule, sans doute, peut expliquer la qualité des séries des vingt dernières années[2] ». Deleuze définit la répétition comme « une singularité contre le général, une universalité contre le particulier, un remarquable contre l’ordinaire, une instantanéité contre la variation, une éternité contre la permanence[3] ». Dynamique de résistance par rapport à un état, motrice d’incessantes nouveautés, la répétition relève de la transgression et de la liberté. L’ancrage d’une série télévisée dans la durée d’une saison et dans une dynamique de la répétition semble précisément être une condition d’innovation formelle qu’il s’agit d’étudier à l’occasion de cette journée d’étude. Au-delà de l’étude des thèmes, des genres ou des modèles économiques, il s’agira de s’approprier la série télévisée comme un objet d’analyse filmique à part entière. Et c’est justement à partir d’une mécanique stylistique visant la lenteur, la répétition, le peu de suspense ou d’amorces que des séries comme Les Sopranos, Six Feet Under, The Wire ou Breaking Bad ont incontestablement renouvelé l’écriture, le storytelling et la façon de filmer ses personnages dans un temps long. À défaut d’une mécanique de suspense jouant sur la surenchère (on pense à 24 heures chrono), ces séries postulent l’idée d’un plaisir principalement intellectuel et esthétique revendiquant sa part d’ennui et de monotonie. Devant ce type d’objets visuels tout à la fois très référencés (les questions de style, la reconstitution d’une époque, l’hyper-documentation sociologique, le discours méta-critique) et singuliers (la recherche d’une forme adéquate qui passe par une gestion spécifique de l’espace), il serait intéressant d’ouvrir un terrain de réflexion mettant les séries télévisées à l’épreuve de l’analyse. Dans son ouvrage Éléments pour l’analyse des séries, Jean-Pierre Esquenazi s’intéresse particulièrement à deux grands arcs qui commencent par une première hypothèse : « le développement de son monde caractérise une série, telle est la première conviction qui étaye la première. Et ce développement, sa densification pour le dire à la façon des études sur les mondes possibles, suit une logique temporelle : il est dépendant d’une certaine conception du temps, d’une perspective que j’appelle souvent image du temps[4] ». Quant à la seconde hypothèse elle concerne « les instruments qui mettent en œuvre l’idée temporelle propre à la série : la conviction selon laquelle la conjugaison du montage narratif (ou montage des arcs narratifs) et du montage des images audiovisuelles donne forme au développement de l’univers fictionnel, oriente l’analyse[5] ». Mais l’ambition de son auteur va plus loin en proposant de réfléchir aux éléments qui permettent de qualifier une série comme une œuvre achevée alors qu’elle est par définition morcelée.  

Hypothèses et pistes de lecture 

Plusieurs pistes de réflexions peuvent être abordées par les chercheurs de différentes disciplines. Elles sont données à titre indicatifs et peuvent ouvrir à d’autres questionnements non posés en ces termes. Cette journée d’étude entend moins faire un état exhaustif de la question que de tenter d’établir de nouvelles grilles de lecture pour l’analyse des séries télévisées de fiction. En d’autres termes, le problème de la méthode d’analyse doit permettre de prendre en charge la complexité de l’objet série.

  • Questions de méthodes : une étude de cas autour d’une série télévisée de fiction : analyse esthétique, historique, psychanalytique, figurale, géopolitique, etc., visant à ouvrir des perspectives théoriques et méthodologiques.
  • Questions théoriques : interroger voire élaborer des outils d’analyse spécifiques à l’objet singulier qu’est la série télévisée de fiction.
  • Questions philosophiques : la question du plaisir esthétique, le rapport entre le format sériel et le temps, les questionnements autour de l’espace perçu, du rapport entre notre monde et l’élaboration de mondes possibles, les rapports entre normalité, ordinaire et communauté…
  • Questions d’aura : l’extension de l’univers d’une série sur une autre série (Breaking bad/Better call Saul ; Big bang theory/Young Sheldon ; Friends/Joe…)
  • Analyse à partir du canal de diffusion : chaînes de télévision vs plateformes de streaming (Netflix, Amazon Prime…).
  • Langue de la journée d’étude : Français, Anglais

Comité scientifique

  • Sébastien Denis (Université de Picardie Jules Verne)
  • Benjamin Léon (Université de Lille, Université Libre de Bruxelles)
  • Macha Ovtchinnikova (Université de Picardie Jules Verne)

Modalités de soumission

Les propositions de communication d’environ 1500 signes (espace compris), accompagnées d’un titre provisoire (avec deux ou trois références bibliographiques) et d’une biobibliographie de 5-6 lignes sont à faire parvenir

avant le 24 février 2019

aux adresses suivantes : benj.leon@gmail.com - macha.ovtchinnikova@hotmail.fr - sebastiendenis@free.fr  

[1] Dork Zabunyan, « Des images en série », Artpress2 N°32 « Séries télévisées : formes, fabriques, critiques », pp. 54-58

[2] Guillaume Soulez, « La double répétition », Mise au point [En ligne], 3 | 2011, mis en ligne le 01 avril 2011, consulté le 16 juillet 2018. URL : http://journals.openedition.org/map/979 ; DOI : 10.4000/map.979.

[3] Gilles Deleuze, Différence et répétition [1968], Paris, PUF, coll. « Épiméthée », 2003, p. 283.

[4] Jean-Pierre Esquenazi, Éléments pour l’analyse des séries, Paris, l’Harmattan, 2017, p. 10-11.

[5] Ibidem

Lieux

  • Amiens, France (80000)

Dates

  • dimanche 24 février 2019

Mots-clés

  • Cinéma; Séries télévisées; Esthétique; Forme; Figure; Temps; Espace

Contacts

  • Sébastien Denis
    courriel : sebastiendenis [at] free [dot] fr
  • Benjamin Léon
    courriel : benjamin [dot] leon [at] univ-lille [dot] fr
  • Macha Ovtchinnikova
    courriel : macha [dot] ovtchinnikova [at] hotmail [dot] fr

Source de l'information

  • Benjamin Léon
    courriel : benjamin [dot] leon [at] univ-lille [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Séries Mania », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 06 février 2019, https://doi.org/10.58079/11wt

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