HomeCritical alternation and ordinary domination in Latin America -crises, resistance, continuity

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Critical alternation and ordinary domination in Latin America -crises, resistance, continuity

Alternances critiques et dominations ordinaires en Amérique latine

Crises, résistances et continuités

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Published on Wednesday, March 06, 2019

Abstract

L’objet de ce colloque est de saisir comment les alternances critiques s’articulent à la reproduction des dominations ordinaires en Amérique latine. Plus précisément, nous nous questionnons sur la manière dont ces alternances s’accommodent, se nourrissent, invisibilisent et redéploient sous d’autres formes, des structures sociales inégalitaires et excluantes, bien que leurs partisans et adversaires les envisagent généralement comme synonymes de changement social.

Announcement

Argumentaire

Les évolutions politiques récentes de l’Amérique latine suscitent, des deux côtés de l’Atlantique, une très large gamme de productions d'informations et de savoirs, tant académiques stricto sensu qu'à cheval sur des registres plus journalistiques[1], militantes[2] et/ou experts. Aujourd'hui, nombreuses sont les analyses qui tentent de donner un sens aux transformations vécues à la tête des gouvernements de la région depuis quelques années, entre bilans plus ou moins définitifs du « virage à gauche » des années 2000[3], et interprétations plus ou moins alarmistes du « virage à droite » en cours[4]. Dans ce contexte, la recherche en sciences sociales semble suivre deux tendances fortes, avec chacune des avantages et écueils qui leur sont propres.

Une première dynamique analytique est celle qui donne une place centrale à la caractérisation des régimes politiques latino-américains afin d’en saisir le fonctionnement interne. Les transitions démocratiques et les sorties de conflit des différents pays de la région depuis les années 1980 ont fait l’objet de travaux qui traitent des évolutions des institutions qui accueillent ces transitions[5], la qualité ou stabilité de leurs performances[6], et les adaptations des populations au rôle de citoyen actif dans de nouvelles démocraties plus au moins libérales[7]. Il s’agit d’une série d’analyses « par le haut » qui, à partir des années 2000, se sont penchées sur les changements politiques vécus dans le continent et les cadres sociaux produits par les gauches[8], les « populismes »[9], ou encore les modes de gouvernement de moins en moins pluralistes[10]. Si ces travaux nous informent sur les variables et tendances macrosociologiques qui traversent les sociétés latino-américaines, ils peuvent écraser, sous le poids de catégories générales (notamment celles mobilisées pour la classification des régimes), la complexité de phénomènes sociaux dont les logiques dépassent celles des seuls soubresauts conjoncturels du pouvoir politique.

Une deuxième perspective de recherches explore les différentes évolutions politiques, économiques et sociales des sociétés latino-américaines à partir de l’observation d’acteurs non-institutionnels au moyen d’une approche « par le bas ». Si ces analyses ne prétendent pas faire l’économie du champ politique et de son influence sur la société, elles se préoccupent d’observer de près des dynamiques construites par ces autres types d’acteurs, en général sous les angles de la « participation »[11] et des mobilisations collectives protestataires, notamment féministes[12], paysannes[13], syndicales[14], écologiques[15] ou indigènes[16]. Il s’agit là d’un éventail large et pluriel de travaux qui s'emploient à saisir le gouvernement du social, ses résiliences et mutations, à partir de ses différentes expressions dans l'expérience concrète des groupes dominés. Ces analyses tendent toutefois à ne pas prendre parti (ou seulement implicitement) sur le terrain de la théorisation de l'évolution générale des structures de domination (matérielles et symboliques). La montée en généralité est d’autant plus difficile – et plus ou moins autocensurée – que les terrains dits subalternes sont souvent cantonnés à des productions monographiques.

Ainsi, s’il nous apparaît nécessaire de prendre appui sur ces traditions de recherche, c’est avec l’objectif de les questionner, croiser et approfondir conjointement. On constate en effet que les sociétés de la région font régulièrement l’expérience d’alternances gouvernementales que l’on peut qualifier de critiques. Ce, au sens où celles-ci sont communément assimilées à des ruptures plus au moins radicales avec le passé, qu’elles prennent la forme de « refondations », de « durcissements » de « régime » (ou d’État), voire de « révolutions » ou de « contre-révolutions ». Or, quelle que soient les formes qu'elles aient revêtues, ces alternances critiques n'ont que (très) marginalement affecté les logiques ordinaires d'exploitation et de domination dans la région. De diverses façons, il est possible de constater la reproduction de structures économiques et sociales profondément inégalitaires, où l’accumulation de richesses des uns produit l’exclusion (par l’appartenance de classe, de race, de genre) des autres. Ces continuités prennent place au sein de cadres politiques tout aussi producteurs d’exclusion, passant par la restriction du pluralisme politique, la mise sous tutelle des pouvoirs législatif et judiciaire par l’exécutif, la répression plus ou moins légale ou clandestine des mobilisations protestataires et les coups de force institutionnels[17].

Partant de ces constats, l’objet de ce colloque est de saisir comment les alternances critiques s’articulent à la reproduction des dominations ordinaires en Amérique latine. Plus précisément, nous nous questionnons sur la manière dont ces alternances s’accommodent, se nourrissent, invisibilisent et redéploient sous d’autres formes, des structures sociales inégalitaires et excluantes, bien que leurs partisans et adversaires les envisagent généralement comme synonymes de changement social[18].

Pour mieux cerner la problématique qui inspire le colloque, nous proposons quatre axes de recherches thématiques indicatifs. Puisqu’ils ne sont pas conçus comme étant exclusifs (ni entre eux ni au-delà), ils doivent être lus comme des propositions d’orientation et non pas comme des cadres restreints.

Axes thématiques

Axe 1 - Élections, rapports de forces partisans et reconfigurations institutionnelles

Les alternances critiques en Amérique Latine se construisent sur des rapports de forces politiques extrêmement clivés. Les batailles électorales se disputent dans des cadres institutionnels, juridiques et électoraux vivant eux-mêmes des transformations. Celles-ci tendent à servir aux intérêts spécifiques de certaines forces politiques et sociales. Ainsi, les usages excluants des institutions électorales et/ou des institutions judiciaires sont venus modifier les règles du jeu, rendant difficile le surgissement de forces concurrentes dans la dispute électorale. Les questionnements proposés pour cet axe sont les suivants : Quelles évolutions/continuités en termes de concurrences électorales en Amérique Latine ? Comment ces évolutions/continuités façonnent les rapports de force politiques dans chaque pays et à l’échelle régionale ? Quelles limites à la séparation des pouvoirs à partir des modifications des structures encadrant la concurrence électorale ?

Axe 2 - Médiations (para)bureaucratiques entre gouvernants et gouvernés

Si le « virage à gauche » a pu produire une certaine ouverture de l’administration publique à des groupes et individus historiquement éloignés du cadre bureaucratique, ces changements dans les profils de recrutement ne semblent pas changer outre mesure les structures institutionnelles. En outre, dans ce contexte, ont pu se bâtir des relations de proximité entre administrateurs et administrés, recomposant la dimension politique de l’action publique. Dans ce sens, quelles nouveautés et/ou quelles continuités s’opèrent dans la production d’échanges politiques entre administrateurs et administrés ? Quelles structures de gestion de la chose publique en découlent ? Dans quelle mesure ces intermédiations produisent (ou pas) des cadres contraignants pour la relation entre champ politique et citoyens ?

Axe 3 - Mobilisations et résistances depuis les positions dominées

La mobilisation d’organisations s’opposant aux dominations ordinaires (syndicats ouvriers et paysans, associations indigènes, ONG locales, mouvements de quartier, collectifs, etc.) est un élément clé de la reconfiguration (par le bas) du politique dans la région. Ces acteurs sont porteurs de multiples formes de mobilisations protestataires qui permettent de faire exister les luttes et les demandes des populations pour qui l’accès au champ politique et institutionnel est plus difficile. Par conséquent, on se demandera quelles sont les formes de mobilisations portées par ces acteurs ? Quelles alliances et/ou quelles ruptures organisent les différents groupes mobilisés ? Comment évoluent les relations entre acteurs mobilisés et gouvernements nationaux et régionaux ? Quelles stratégies sont mises en place par les États pour faire alliance avec /opprimer les mobilisations des populations dominés ? Les alternances critiques changent-elles le rapport à l’État de ces mouvements sociaux ?

Axe 4 - L’international et le transnational : entre usages institutionnels et mobilisations citoyennes

La région latino-américaine est le scénario d’usages stratégiques diversifiés des relations internationales et transnationales. D’une part, les gouvernements de la région constituent des alliances entre eux et avec des tiers pour porter leurs intérêts politiques et économiques. D’autre part, les acteurs de la société civile (organisations populaires, associations, ONG, entre autres) jouent sur ces différentes échelles comme autant de leviers de mobilisation à part entière. Ainsi, nous pouvons nous demander : quelle influence des alliances stratégiques à l’échelle internationale entre gouvernements régionaux pour la défense d’intérêt spécifiques ? Quel poids des alliances avec les puissances étrangères comme les États-Unis et l’Union Européenne, et/ou la Chine et la Russie, au travers d’organisations diverses (État, organisations internationales, ONG internationales, fondations, etc.) ? Par ailleurs, quelles stratégies transnationales pour les mobilisations citoyennes ? Quels leviers d’action et de pression depuis des alliances intra-organisationnelles ?

Modalités de soumission

Pour la participation au colloque, le calendrier est le suivant :

  • Lancement de l’appel à communications : 15 février 2019
  • Réception des réponses à l’appel à communications (3000 caractères maximum) : jusqu’au 25 mars 2019

  • Réponses aux propositions reçues : 22 avril 2019
  • Réception des papiers (40.000 signes) : 16 septembre 2019
  • Tenue du colloque : 24 et 25 octobre 2019, à Lyon dans les locaux de l’ENS de Lyon

Les réponses à l’appel à communication doivent être envoyées à l'adresse mail alternances.critiques@gmail.com

Comité d’organisation

  • Fabrice ANDREANI - Doctorant en Science Politique. Université Lumière Lyon 2 (Triangle)
  • Yoletty BRACHO - Doctorante en Science Politique. Université Lumière Lyon 2 (Triangle)
  • Lucie LAPLACE - Doctorante en Science Politique. Université Lumière Lyon 2 (Triangle)
  • Thomas POSADO - Docteur en Science Politique. Université Paris 8 (CRESPPA-CNRS)

Comité scientifique

  • Mélanie ALBARET – Maîtresse de Conférences. Université d’Auvergne. Centre Michel de l’Hôpital.
  • Mathilde ALLAIN – Docteure en science politique. Post-doctorante au Centro de Estudios de Conflicto y Cohesión Social (COES).
  • Gilles BATAILLON – Directeur d’études de l’École de Hauts Études en Sciences Sociales (EHESS – CESPRA).
  • Maya COLLOMBON – Maîtresse de Conférences. Institut d’Études Politiques de Lyon (Triangle).
  • Hélène COMBES – Chargée de recherche au CNRS. Sciences Po (CERI).
  • Olivier DABENE – Professeur des Universités. Sciences Po Paris (CERI).
  • Antoine FAURE – Associate professor. Universidad de Finis Terrae (CIDOC).
  • Franck GAUDICHAUD – Maître de conférences. Université Grenoble Alpes (CERHIS).
  • David GARIBAY - Professeur des Universités. Université Lumière Lyon 2. (Triangle)
  • Jacobo GRAJALES – Maître de Conférences. Université de Lille (CERAPS).
  • Marie-Laure GEOFFRAY – Maîtresse de Conférences, Institut des Hautes Etudes de l’Amérique Latine (IHEAL) – Université Sorbonne-Nouvelle Paris 3 (CREDA).
  • Serge OLLIVIER – Docteur en histoire. Post-doctorant à l’Université Paris 1 – Panthéon Sorbonne.
  • Enrique REY TORRES – Enseignant de l’École de Sociologie. Universidad Central de Venezuela.
  • Marie-Hélène SA VILAS BOAS – Maîtresse de Conférences. Université de Nice-Sophia Antipolis (ERMES).
  • Adriana URRUTIA – Directrice de l’Ecole Professionnelle de Science Politique. Universidad Antonio Ruiz de Montoya (Instituto de Estudios Peruanos). 
  • Alejandro VELASCO – Associate professor. New York University.

Notes

[1] Loïc Ramirez, « En Colombie, la paix ‘‘réduite en miettes’’ ? », Le Monde Diplomatique, n° 774, septembre 2018, p. 4-5.

[2] Par exemple, sur le Venezuela, voir Karin Gabbert, Alexandra Martínez (dir.), Venezuela desde adentro. Ocho investigaciones para un debate necesario, Quito, Fundación Rosa Luxemburg, 2018 ; et [varia] Venezuela desde adentro. Comentarios a las investigaciones, Quito, Fundación Rosa Luxemburg, 2018.

[3] Cette expression est employée pour désigner la période du début des années 2000 ayant porté au pouvoir dans plusieurs pays d’Amérique latine des gouvernements se revendiquant d’une gauche plus ou moins radicale, combinant un exécutif fort et des dispositifs de démocratie participative. Voir Steve Ellner, “The Distinguishing Features of Latin America's New Left in Power: The Chávez, Morales, and Correa Governments”, en Latin America Perspectives, Issue 182, January 2012, pp. 96-114.

[4] À l’inverse, l’expression de « virage à droite » désigne l’alternance politique vers des gouvernements à tonalité libéraux en termes économiques et très conservateurs en termes sociétaux (à l’image de Jaïr Bolsonaro au Brésil). Voir Mohamed A. El-Erian, « El ascenso de la derecha en América Latina », Nueva Sociedad, juin 2016.

[5] Guillermo A. O’Donnell, Jorge Vargas Cullell et Osvaldo Miguel Iazzetta (eds.), The quality of democracy: theory and applications, Notre Dame, Ind., Etats-Unis d’Amérique, University of Notre Dame Press, 2004.

[6] Gilles Bataillon, « Amérique centrale, fragilité des démocraties », Problèmes d’Amérique latine, 2009, N° 73, no 3, p. 7‑8.

[7] Bérengère Marques-Pereira et David Garibay, « Amérique latine : la lente et difficile construction d’un sentiment d’appartenance à la communauté politique » dans La politique en Amérique latine, Paris, Armand Colin, 2011, p. 297‑302.

[8] Olivier Dabène, La Gauche en Amérique latine, 1998-2012, Paris, Presses de Sciences Po, 2012.

[9] Federico Tarragoni, Le peuple et le caudillo : La question populiste en Amérique Latine contemporaine, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2018.

[10] Fabrice Andréani, « Entre crash de l’État magique et boom de l’État bandit : le Venezuela dans le labyrinthe autoritaire », Problèmes d’Amérique latine, 2018, N° 109, no 2, p. 119-134.

[11] Camille Goirand, « Participation institutionnalisée et action collective contestataire », Revue internationale de politique comparée, avril 2014, vol. 20, no 4, p. 7‑28.

[12] Jessica Brandler-Weinreb, Participation, politisation et rapports de genre : changement social en milieu populaire (Venezuela, 2002-2012), thèse de doctorat, IHEAL-CREDA Université Paris III Nouvelle Sorbonne, 2015.

[13] Mathilde Allain et Alice Beuf, « L’agriculture familiale et ses réappropriations locales par le mouvement paysan colombien », Revue Tiers Monde, 2014, n° 220, no 4, p. 43‑59.

[14] Juan Montes Cató, Bruno Dobrusin, « El sindicalismo latinoamericano ante una nueva encrucijada. De la centralidad del Estado al de las empresas multinacionales », Trabajo y Sociedad, n°27, hiver 2016, pp.7-22 ; Franck Gaudichaud, Thomas Posado (dir.), « Syndicalismes et gouvernements progressistes », Cahiers des Amériques latines, n°86, 2017.

[15] Anna Bednik, Extractivisme. Exploitation industrielle de la nature : logiques, conséquences, résistances, Paris, Le passager clandestin, 2016.

[16] Michael Barbut, Alzar la voz !" Lutter pour la terre et prendre la parole dans les territoires mapuche du Chili. Socio-histoire de la construction d’un répertoire autochtone de contestation du monde social, Thèse de doctorat, Université Paris 1 Panthéon - Sorbonne, 2016.

[17] Michel Dobry, Sociologie des crises politiques. La dynamique des mobilisations multisectorielles. Presses de Sciences Po, « Références », 2009

[18] Ce questionnement impose de refuser le postulat selon lequel il y aurait des effets spécifiques à telle ou telle coloration politique des partis gouvernants.


Date(s)

  • Monday, March 25, 2019

Keywords

  • Alternances gouvernementales. Rapports de domination. Amérique latine. Continuités et ruptures. Structures sociales.

Contact(s)

  • Yoletty Coromoto BRACHO PADILLA
    courriel : alternances [dot] critiques [at] gmail [dot] com

Information source

  • Yoletty Coromoto BRACHO PADILLA
    courriel : alternances [dot] critiques [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Critical alternation and ordinary domination in Latin America -crises, resistance, continuity », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, March 06, 2019, https://doi.org/10.58079/126l

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