AccueilCapitales ibériques du XIXe au XXIe siècle : tisser des relations

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Capitales ibériques du XIXe au XXIe siècle : tisser des relations

Iberian capitals from the 19th-21st centuries: relationship building

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Publié le mercredi 31 juillet 2019

Résumé

Il s’agira, dans ce colloque, de décentrer le regard ibérique. Au lieu de le tourner vers le nord, et par conséquent vers un « haut » et un centre imaginaires qui relégueraient la péninsule ibérique à la périphérie et à une position subalterne, nous proposons de le tourner vers le voisin immédiat, pour questionner ce face à face et la relation d’égal à égal que d’aucuns souhaiteraient voir établie entre ces espaces « frères » à la fois étrangers et intimes. Du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, les capitales des deux États ainsi que leurs capitales régionales ont su tisser des liens culturels, politiques et militants forts qu’il conviendra d’interroger.

Annonce

Prévu les 23-24 mars 2020 à Sorbonne Université.

Argumentaire

Selon l’adage portugais, d’Espagne ne viendraient ni bon vent, ni bon mariage (« De Espanha, nem bom vento, nem bom casamento »). Si le proverbe est évidemment le fruit d’une Histoire conflictuelle entre les deux nations, il convient d’en relativiser la portée, tant les relations culturelles entre les deux pays ont certes connu des bas, mais aussi des hauts. Depuis les projets ibéristes ayant surgi au milieu du XIXe siècle jusqu’au rapprochement opéré au sein de la CEE puis de l’UE, les confluences ont été nombreuses et se sont tout particulièrement exprimées dans le domaine des lettres et de la culture. Entre ferments nationalistes excitant la méfiance envers le voisin péninsulaire et harmonie ibérique insistant sur la parenté (hermandad) entre les deux nations, le destin que l’Espagne et le Portugal se sont cherché relève d’un voisinage complexe. Prisonniers de leur géographie, ces deux pays n’en ont pas moins tissé des relations à travers leurs intellectuels et artistes.

Les capitales de ces territoires tiraillés entre unitarisme et pluralité ont, quant à elles, joué un rôle moteur dans ces processus de rapprochement et enclenché des dynamiques transfrontalières. Barcelone, Lisbonne, Madrid, Porto, Séville, Santiago de Compostela…, chacune de ces villes s’est, à un moment ou à un autre, pensée comme un centre pour refonder les relations au sein de la péninsule. Elles se sont pensées comme les capitales d’une ibéricité (ibericidade) – pour reprendre une idée chère à Fernando Pessoa – rêvée autant qu’introuvable.

Ainsi à la fin du XIXe siècle, à l’heure où l’Espagne et le Portugal traversent une grave crise politique et économique, liée à la guerre hispano-américaine (1898) pour l’un et à l’Ultimatum anglais (1890) pour l’autre, des liens durables se tissent entre intellectuels des deux pays qui militent, depuis Barcelone, Lisbonne, Porto ou Madrid, pour une union ibérique. Alors que Paris, Londres et Berlin étaient les capitales-monde vers où convergeaient tous les regards, certains intellectuels de la péninsule, tels José Maria Latino Coelho, Marcelino Menéndez y Pelayo, Fidelino de Figueiredo, Miguel de Unamuno, António Sardinha ou Ignasi Ribera i Rovira, préféreront regarder vers leur voisin immédiat. Dès lors, les cercles littéraires portugais et espagnols ne s’intéresseront plus seulement aux nouveautés venues de « la république mondiale des lettres », Paris, mais aussi à celles du pays frontalier. C’est ainsi qu’Eugénio de Castro est aussi apprécié que D’Annunzio ou Maeterlink par les symbolistes espagnols, que Felipe Trigo traduit et divulgue les oeuvres du naturaliste Abel Botelho ou que le poète barcelonais Fernando Maristany traduit Teixeira de Pascoaes, Gomes Leal ou Guerra Junqueiro, entre autres, établissant ainsi un dialogue fécond de part et d’autre de la frontière, dialogue qui se poursuivra durant toute la période moderniste et bien au-delà.

Dans ce contexte, fleurissent de nombreuses revues culturelles, politiques et sociales qui pensent l’espace ibérique dans sa diversité, depuis La Iberia jusqu’à la Revista de las Españas. La proclamation de la République au Portugal (1910) attire d’ailleurs bon nombre d’écrivains et de journalistes de toute l’Espagne, les uns venus chanter les vertus de la République, les autres, pour la condamner. Avec la première guerre mondiale, dont les répercussions ébranlent les sociétés des deux pays ibériques, se pose la question de l’engagement ou de la neutralité, de l’« aliadophilie » et de la germanophilie. Dans ces choix se déchirent militants et intellectuels des deux pays et leurs gouvernements suivent des options divergentes, Lisbonne entrant en guerre quand Madrid maintient jusqu’au bout la neutralité. Dans ce contexte de fébrilité nationaliste et idéologique, marquée par l’émergence des avant-gardes et l’irruption de la Révolution russe, les relations culturelles entre les capitales ibériques s’intensifient et celles-ci vivent intensément l’effervescence moderniste. Ramón del Valle-Inclán sert de passeur culturel entre les deux pays et, désormais, ce n’est plus seulement de Paris ou Londres dont on parle ou rêve. Le peintre et écrivain Almada Negreiros s’installe à Madrid pour quelque temps, comme l’avait déjà fait avant lui le caricaturiste Leal da Câmara ; Alberto Insúa devient un écrivain à succès sur les rives du Tage ; Ramón Gómez de la Serna noue d’étroites relations avec António Ferro qui divulgue son art de la greguería au Portugal ; Alfredo Guisado s’attache à diffuser le modernisme portugais auprès des cercles littéraires galiciens et, à Porto, on s’enthousiasme pour la poésie de Rosalía de Castro. En parallèle à cette culture canonique, le marché éditorial ibérique est aussi inondé par toute une production culturelle marginale qui fera florès durant l’entre-deux guerres. C’est ainsi que le genre sicalíptico, produit essentiellement à Barcelone et Madrid, est largement consommé, voire imité, à Lisbonne. Les chanteuses Raquel Meller et La Goya deviennent aussi des icônes pour le public portugais ; les troupes de zarzuela madrilènes font des tournées dans toutes les grandes villes de la péninsule ; les toreros sévillans enchantent les aficionados lisboètes et la Costa do Sol devient un lieu de villégiature privilégié pour les élites espagnoles. Parallèlement, les liens culturels et éducatifs bénéficient d’institutions telles que le Centro Galego de Lisboa, la Casa de España, créée par la colonie espagnole de Lisbonne, ou l’Instituto Giner de los Ríos, qui diffuse la langue espagnole dans la capitale portugaise.

Les liens Madrid-Lisbonne sont aussi politiques sous les dictatures salazariste et franquiste, où la convergence idéologique – non exempte de désaccords – se traduit notamment par une volonté de coopération culturelle, dans le cinéma en particulier, avec des coproductions, à thématique historique essentiellement. Si Madrid se désintéresse de ces coproductions dès les années 1950, Lisbonne n’en reste pas moins un lieu de tournage pour les réalisateurs espagnols, notamment pour le très controversé Jess Franco. De son côté, l’Instituto de Cultura Hispánica, qui prend la suite du Consejo de la Hispanidad en 1945, développe les relations universitaires entre les deux pays. Au même moment, opposants et artistes ont pu voir dans le pays voisin un débouché ou un refuge face à la répression de leur propre gouvernement.

Après le retour à la démocratie et l’entrée des deux pays dans la CEE, les relations prennent un tournant économique. Les grands groupes de Barcelone, Madrid ou Bilbao investissent en masse au Portugal et, à travers lui, dans l’espace lusophone. L’ibérisme rêvé par Saramago dans son A jangada de pedra (Le radeau de pierre, 1986) prend une autre tournure et, à la culture, s’ajoute l’univers de la finance. Les Jeux Olympiques de 1992 projettent l’image de Barcelone dans le monde entier et Lisbonne suit son modèle de régénération urbaine pour son Expo’ 98. Si, dans l’effervescence de la Transition on pouvait dire « Madrid me mata », en écho à la revue emblématique de la Movida, Barcelone lui emboîte le pas, devenant elle aussi une capitale festive pour la jeunesse européenne et d’ailleurs. Aujourd’hui, Lisbonne, Bilbao, Séville ou Porto ne sont plus en reste, avec pour conséquence un bouleversement du tissu urbain, une gentrification et une « disneylandisation » des centres historiques.

Il s’agira donc, dans ce colloque, de décentrer le regard ibérique. Au lieu de le tourner vers le nord, et par conséquent vers un « haut » et un centre imaginaires qui relégueraient la péninsule ibérique à la périphérie et à une position subalterne, nous proposons de le tourner vers le voisin immédiat, pour questionner ce face à face et la relation d’égal à égal que d’aucuns souhaiteraient voir établie entre ces espaces « frères » à la fois étrangers et intimes. Du XIXe siècle jusqu’à aujourd’hui, les capitales des deux États ainsi que leurs capitales régionales ont su tisser des liens culturels, politiques et militants forts qu’il conviendra d’interroger.

Axes de travail

  1. Capitales ibériques et transferts culturels
  2. Capitales alliées/rivales
  3. Capitales artistiques
  4. Capitales des idées
  5. Capitales d’exil et de migrations

Modalités de soumission

Date de réception des propositions avec résumé (10 lignes environ) et une biobibliographie de l’auteur (10 lignes maximum) : 15 septembre 2019

Réponse d’acceptation : 1ère semaine d’octobre 2019

Adresse d’envoi : capitalesiberiques@gmail.com

Langues de travail

Catalan, espagnol, français, galicien, portugais

Comité d’organisation

  • Mònica Güell, David Marcilhacy, Maria Araújo da Silva, Fernando Curopos (CRIMIC -Sorbonne-Université)
  • Axes Études Catalanes, Études Lusophones et Histoire et Cultures des Mondes Ibériques (IberHis) du CRIMIC

Comité scientifique

  • Enric Bou (Università Ca’Foscari,Venezia)
  • Sérgio Campos Matos (Universidade de Lisboa)
  • Perfecto Cuadrado (Universitat de les Illes Balears)
  • Mireia Freixa (Universitat de Barcelona)
  • Pere Gabriel i Sirvent (Universitat Autònoma de Barcelona)
  • Víctor Martínez-Gil (Universitat Autònoma de Barcelona)
  • Javier Moreno Luzón (Universidad Complutense)
  • Maitane Ostolaza (Université de Nantes)
  • Manuelle Peloille (Université d’Angers)
  • Michel Riaudel (Sorbonne Université)
  • António Saez Delgado (Universidade de Évora)
  • Pedro Serra (Universidad de Salamanca)

Lieux

  • UFR d'Etudes ibériques et latino-américaines, 31 rue Gay-Lussac
    Paris, France (75005)

Dates

  • dimanche 15 septembre 2019

Fichiers attachés

Mots-clés

  • transfert culturel, représentation, ibérisme, hispanité, lusophonie, art, intellectuel

Contacts

  • David Marcilhacy
    courriel : david [dot] marcilhacy [at] sorbonne-universite [dot] fr

Source de l'information

  • David Marcilhacy
    courriel : david [dot] marcilhacy [at] sorbonne-universite [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Capitales ibériques du XIXe au XXIe siècle : tisser des relations », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 31 juillet 2019, https://doi.org/10.58079/1392

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