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Le traître en politique

The traitor in politics - profiles, lives and representations

Profils, parcours et représentations

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Publié le mardi 30 juillet 2019

Résumé

Cette journée d’études trans-périodique vise à réinterroger la figure du traître en politique dans le temps long, de l’Antiquité à nos jours. Quelle place le traître a-t-il en politique ? Comment ceux qui nous dirigent ont-ils recours à la trahison ? Sont-ils tous susceptibles de devenir traîtres ou d’en être victimes ? Trahir est-il forcément un choix délibéré ou peut-il être un acte par dépit pour parvenir à ses fins ? Comment un individu devient-il un traître aux yeux de ses semblables ? Ces interrogations intemporelles, de l’Athènes antique aux politiques actuels, sont d’autant plus légitimes qu’elles semblent ressurgir au cœur d’une actualité brulante : outre le phénomène des gilets jaunes et les scandales politiques inondant la presse française ces dernières années, la montée des populismes en Europe témoigne d’une défiance générale envers une élite politique discréditée et accusée de trahir les intérêts des peuples.

Annonce

Appel à communication, journée d’études du 15 mai 2020 (Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise). Cette journée sera suivie d’une table ronde pour permettre aux intervenants et membres du public volontaires d’échanger sur les conclusions de la journée et d’émettre des pistes de réflexion prolongeant notre thématique.

Argumentaire

Alors que les gentils et les vainqueurs ont souvent été dans la lumière, les méchants, renégats et traîtres en tout genre ont tout autant intrigué les chercheurs en Sciences humaines et sociales, d’autant que la trahison en politique est un phénomène plus courant dans nos sociétés qu’il n’y parait[1].

Au-delà de toute évidence, le traître mérite une attention particulière ; « il ne saurait y avoir de trahison sans affiliation préalable à un " cercle social " »[2] selon Sébastien Schehr dont les travaux sur le sujet abondent. D’une manière générale, le traître est une personne ayant commis, ou s’apprêtant à commettre, un ou des actes visant à tromper, à duper un individu ou un groupe faisant l’objet d’une trahison. Les termes « bassesse », « perfidie » ou encore « hypocrisie »[3] qualifient fréquemment l’attitude de cet autre, souvent guidé par la soif de pouvoir ou le désir de passer à la postérité, qui cherche à justifier sa trahison contre son camp ou ses propres convictions, laissant de côté tout sens moral et éthique[4]. Le traître est donc une figure subjective, une « construction sociale » résultant de points de vue bien précis, propres à un individu ou à un groupe : c’est à travers les yeux de son adversaire, le plus souvent sa victime, que le renégat existe.

Si cette figure a déjà été abordée lors de manifestations scientifiques plutôt récentes[5], cette journée d’études se veut trans-périodique afin d’ouvrir des horizons plus larges et de réinterroger la figure du traître en politique – au sens large du terme, des affaires intérieures aux relations internationales – dans le temps long, de l’Antiquité à nos jours[6]. Quelle place le traître a-t-il en politique ? Comment ceux qui nous dirigent ont-ils recours à la trahison ? Sont-ils tous susceptibles de devenir traîtres ou d’en être victimes ? Trahir est-il forcément un choix délibéré ou peut-il être un acte par dépit pour parvenir à ses fins ? Comment un individu devient-il un traître aux yeux de ses semblables ? Ces interrogations intemporelles, de l’Athènes antique aux politiques actuels, sont d’autant plus légitimes qu’elles semblent ressurgir au cœur d’une actualité brulante : outre le phénomène des Gilets jaunes et les scandales politiques inondant la presse française ces dernières années, la montée des populismes en Europe témoigne d’une défiance générale envers une élite politique discréditée et accusée de trahir les intérêts des peuples. « Ils ne nous représentent pas », un des slogans du mouvement espagnol du 15M en 2011, illustre ce ras-le-bol collectif face à des dirigeants incapables de répondre aux attentes populaires et accusés de corruption en temps d’austérité.

S’ouvrant à l’ensemble des continents puisque le traître n’est pas propre à l’Europe, cette journée se veut transdisciplinaire. Historiens, littéraires, politistes, civilisationnistes, sociologues, juristes, philosophes, géopoliticiens, sont invités à proposer des communications de 20 minutes abordant la figure du traître selon un ou plusieurs des axes suivants :

  • Profils du traître. Peut-on définir le traître en politique ? Dispose-t-on pour cela de critères objectifs, voire absolus ? Cet axe soulève les limites floues de la trahison, sentiment propre à chacun et à chaque situation. Pensons à Alfred Dreyfus, traître aux yeux de certains, bouc-émissaire pour les autres. Les profils atypiques méritent d’être soulignés comme celui du citoyen « spécial » à Athènes : désigné par le demos pour mener une ambassade à l’extérieur, il est souvent soupçonné par ses électeurs d’être corrompu par l’adversaire[7]. De même, existe-t-il une culture politique et des caractéristiques propres à la trahison ? Un ou plusieurs profils types ? L’identification du traître n’est pas évidente car, s’il est souvent associé à une figure masculine, notre regard doit aussi porter sur les femmes qui ont aussi excellé dans cet exercice. Pensons à Aliénor d’Aquitaine faisant le choix politique d’épouser un roi anglais, à Marie-Antoinette guillotinée en partie pour avoir volé le peuple français ou encore aux féministes yougoslaves accusées par les nationalistes de complaisance envers l’idéologie libérale[8].
  • Stratégies, motivations et justifications du traître. Existe-t-il des procédés universaux, spécifiques à la trahison ? Certaines stratégies sont-elles reproduites d’un traître à l’autre ? Pensons à la démagogie posant problème aussi bien dans l’Athènes comme dans nos sociétés actuelles qui se défient de leurs dirigeants. De même, comment le traître justifie-t-il des actes à première vue impardonnables ? Quels arguments oppose-t-il pour sa défense ? À ce titre, traitresse aux yeux de toute l’Europe encore lors des deux Guerres mondiales, la maison de Savoie justifie dès que possible sa politique de « bascule » l’amenant à changer de camp lors d’un conflit. Nuire à ses partisans en servant la partie adverse peut être une façon détournée « d’exister » politiquement et de gagner en légitimité.
  • Réactions face au traître. Quelles sont les retombées d’une trahison ? Le traître finit-il toujours par être puni, châtié ? Au contraire, peut-il parvenir à se faire oublier ? Une fois la polémique passée, il doit être jugé. Selon les époques, il fait l’objet de terribles représailles et ressentiments, violents ou non : au même titre que l’excommunication d’un chrétien du Moyen Âge et à l’époque moderne, l’ostracisme était pour un citoyen athénien accusé de corrompre la démocratie la pire des sanctions ; au lendemain de la Première Guerre mondiale, une forte vague de violence prenait pour cible les « traîtres » belges, profiteurs de guerre, infâmes espions ou encore activistes[9]. Certes, les cas d’impunité sont parfois réels. Cet axe amène aussi à interroger le rapport au traître. Comment ses victimes réagissent-elles ? Doivent-elles toujours trouver un coupable, un « Judas » - substantif du « traître nécessaire »[10] - pour résoudre toute crise politique ? Pendant la guerre de Cent Ans, la figure du traître bourguignon est instrumentalisée pour fédérer tout un peuple derrière une cause commune et, à terme, redresser le royaume de France au bord de l’éclatement.
  • Représentation et perception du traître. Quel(s) souvenir(s) le traître laisse-t-il ? Comment est-il perçu, appréhendé et dépeint dans les différents discours qui le dénoncent ou le louent ? Comment expliquer des ressentis parfois contradictoires entre admiration et dégoût ? D’ailleurs, le sentiment de traitrise laisse aux contemporains une image toute autre que celle retenue par la postérité. Sa perception évolue avec le temps à l’instar de Judas réhabilité dans la littérature du XXe siècle : il devient le plus fidèle des disciples du Christ puisque sa trahison était indispensable à la rédemption et au salut du fils de Dieu[11]. Enfin, le point de vue du traître doit être interrogé : quelle perception a-t-il de lui-même ? Considère-t-il ses actes comme une infamie ? A-t-il conscience de trahir ou n’est-ce pas plutôt le regard postérieur du chercheur qui construit la trahison ? D’ailleurs, le traitre ne finit-il pas par se trahir lui-même, voire « s’oublier » en faisant des choix contraires à ses propres convictions ? Se pose là encore la question de la subjectivité du sentiment de trahison.

Modalités de soumission

Les propositions de communication (un titre et un résumé d’une page maximum) sont à envoyer

au plus tard le 12 janvier 2020

aux adresses suivantes : devilliers.wendy@gmail.com et alex.ruelle@hotmail.fr.

Les réponses aux propositions seront retournées par les organisateurs au début du mois de février 2020.  

Lieu

  • Université de Cergy-Pontoise
  • Salle Simone Veil – Site des Chênes 1
  • 33 Boulevard du Port
  • 95 000 Cergy

Contacts et organisateurs

  • Wendy Devilliers (doctorante en civilisation hispanique, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise, laboratoire AGORA EA 7392). wendy@gmail.com
  • Alexandre Ruelle (docteur en histoire moderne, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise, laboratoire AGORA EA 7392). ruelle@hotmail.fr

Comité scientifique

  • Alya Aglan (Professeur en histoire contemporaine, Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne).
  • Emmanuelle de Champs (Professeur en histoire et civilisation britannique, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise).
  • Samuel Faure (Maître de conférences, IEP Saint-Germain-en-Laye)
  • Laure Lévêque (Professeur en littérature, Université de Toulon).
  • François Pernot (Professeur en histoire moderne, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise).
  • Jenny Raflik-Grenouilleau (Professeur en histoire contemporaine, Université de Nantes).
  • Sébastien Schehr (Professeur en sociologie, Université de Chambéry).
  • Isabelle Steffen-Prat (Professeur en civilisation et image de l’Espagne contemporaine, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise).
  • Eric Vial (Professeur en histoire contemporain, Université Paris-Seine//Cergy-Pontoise).

Références

[1] SCHEHR, Sébastien, « Sociologie de la trahison », dans Cahiers internationaux de sociologie, Paris, PUF, n°123, 2007, p. 313-323 ; Ibid., « La trahison : une perspective sociohistorique sur la transgression en politique », Parlement[s], Revue d’histoire politique, 2016, n°23, p. 135-149, p. 136.

[2] SCHEHR, Sébastien, « La trahison… », op. cit.

[3] En témoignent, entre autres, les multiples définitions du dictionnaire lexicographique du Centre National de Ressources Textuelles et Lexicales en ligne : http://www.cnrtl.fr/definition/tra%C3%AEtre

[4] Comme le souligne Machiavel dans Le Prince, la morale n’est qu’un obstacle à la pérennité de l’exercice du pouvoir.

[5] Le 14 octobre 2005 à Troyes a été organisée une journée d’études Traîtres et trahison dans la France contemporaine ; les 11-13 juin 2008, un colloque s’est tenu à Lyon sur La trahison au Moyen Âge ; les 21-22 septembre 2011 à Paris, un colloque international s’est réuni sur Trahison et traîtres dans l’Antiquité ; plus récemment, en 2017, un colloque a abordé le cas des Traîtres – renégats – rebelles. Armes discursives et figures sociales de la déloyauté (Europe, XVe-XIXe siècles).

[6] Cette optique a déjà intéressé Sébastien Schehr qui en 2008 à dirigé l’ouvrage Traître et trahison de l’Antiquité à nos jours.

[7] CUNIBERTI, Gianluca, « Traître ou bienfaiteur ? Le citoyen " spécial " devant le peuple et la loi d’Athènes », Dialogues d’histoire ancienne, Presses Universitaires de Franche-Comté, n° 17, 2017, p. 677-693.

[8] BONFIGLIOLI, Chiara, «  " Bourgeoises " puis " traîtres à la nation ". Dissidences féministes vis-à-vis du pouvoir étatique, avant et après la partition de la Fédération yougoslave », Tumultes, n° 32-33, 2009, p. 170-194.

[9] VAN YPERSELE, Laurence, « " Au nom de la patrie ! A mort les traîtres ". La répression des inciviques belges de 1914 à 1918 », dans Histoire@Politique, 2007, n° 3, p. 1-16.

[10] VALENTE, Pedro, « Le traître nécessaire ? Judas l’Iscariote », Revue française de psychanalyse, n° 72, 2008, p. 955-972.

[11] WISER, Antonin, « Fidélités du traître. Contribution à une poétique des " romans de judas " après 1945 », Littérature, 2009, n° 153, p. 61-74, p. 67-70.

Lieux

  • site des Chênes 1, salle Simone Veil - 33 boulevard du port
    Cergy, France (95)

Dates

  • dimanche 12 janvier 2020

Mots-clés

  • traître, trahison, politique, profils, motivations, sanctions, perception, représentation

Contacts

  • Alexandre Ruelle
    courriel : alex [dot] ruelle [at] hotmail [dot] fr
  • Wendy Devilliers
    courriel : devilliers [dot] wendy [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Alexandre Ruelle
    courriel : alex [dot] ruelle [at] hotmail [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Le traître en politique », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 30 juillet 2019, https://doi.org/10.58079/139u

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