Argumentaire
Les réflexions sur religion et statistique ont surtout porté sur la question de l’application de méthodes quantitatives aux objets des sciences sociales du religieux. Mais les chercheur·e·s ne sont pas les seul·e·s à produire, commenter ou critiquer des données quantitatives. Ce dossier a pour but d’explorer les rapports que les organisations religieuses, la presse confessionnelle, et les fidèles entretiennent avec « les chiffres ». Qu’il s’agisse de déplorer l’absence de statistiques fiables sur leur confession (« Une statistique… », 1913), de recenser les fidèles (Zurlo, 2017; Rabin, 2017) ou au contraire de s’opposer à l’inclusion d’une question sur la religion dans les recensements (Good, 1959), de recenser des discriminations anti-religieuses, de commander des sondages sur les opinions des fidèles (Zumsteeg, Gallard, 2017), des enquêtes internes chiffrées sur le clergé (Malzac, 2018) ou sur les lieux de culte (Bagby, 2001), les acteurs religieux ne sont en effet pas seulement objets de quantification, ils peuvent aussi en être producteurs ou co-producteurs.
Ce déplacement du regard – du « quanti » comme méthode scientifique au « quanti » comme pratique et comme objet d’étude – s’inscrit dans le développement actuel de l’histoire et de la sociologie de la quantification. Ce champ a été ouvert par les travaux d’histoire des statistiques, qui, allant au-delà d’une analyse réflexive sur la construction historique et sociale des catégories statistiques, ont exploré les conditions sociales de généralisation du raisonnement statistique ou de la pensée probabiliste (Porter, 1986; Gigerenzer, Swijtink, Porter, Daston, 1990; Desrosières, 1993; Prévost, Beaud, 2000), et leur lien avec des transformations tant des modes de gouvernement que de la vie quotidienne. En France, les travaux pionniers d’Alain Desrosières ont ouvert récemment tout un champ de recherche sur les usages sociaux des statistiques, à la croisée du politique et du savoir (Bruno, Didier, 2015; Bruno, Didier, Prévieux, 2015) : usages par l’État et les administrations publiques en premier lieu (Penissat, 2007), mais aussi par les syndicats et les mouvements sociaux (Penissat, 2009; Mathieu, 2012). Dans cette perspective, la quantification est analysée comme un ensemble de pratiques sociales affectant la construction de soi, qu’il s’agisse d’identités collectives (Urla, 1993; Schor, 2005), ou individuelles, autour des pratiques de « quantified self » ou d’« auto-mesure » (Pharabod, Nikolski, Granjon, 2013; Lupton, 2016).
Partant du constat de l’absence des univers religieux dans ces travaux, cet appel interdisciplinaire vise à susciter des contributions portant sur les usages religieux de la quantification, en variant autant que possible les contextes historiques, religieux et géographiques. Si la focale est portée dans ce dossier sur les statistiques, la quantification pourra aussi être entendue en un sens plus large, englobant d’autres pratiques de mesure et de comptabilité.
Que compte-t-on, et que ne compte-t-on pas, dans les mondes religieux ? Comment les institutions religieuses utilisent-elles, commentent-elles ou contestent-elles les « chiffres » ? Y a-t-il des manières de compter, et des manières de résister à la quantification, spécifiquement religieuses ? Quand institutions religieuses ou pratiquant·e·s recourent à des techniques de quantification de leur pratique, cela doit-il être interprété comme une forme de sécularisation interne, ou cela répond-t-il à des logiques internes au religieux ? Plusieurs axes de recherche pourront être explorés :
1) Techniques de quantification et gouvernement des institutions religieuses
Dans la ligne des travaux ayant interrogé les statistiques comme mode de gouvernementalité, le regard pourra être porté sur les autorités religieuses, en documentant par exemple des cas où des institutions ou organisations religieuses commandent des enquêtes à des instituts de sondages ou à des chercheurs, ou bien organisent en interne la collecte de données sur leur public ou sur leur personnel. Comment le recours à l’enquête statistique s’inscrit-elle alors dans des politiques de l’institution en matière de prosélytisme, de réforme, de gestion des ressources humaines, de prévention ou répression de déviances internes… ? Au sein de l’institution religieuse, quels sont les acteurs qui demandent, ou au contraire contestent, que l’institution « compte » ? Quelles organisations religieuses se dotent (et quand) d’outils pour exploiter statistiquement les registres de l’institution (par exemple concernant les cérémonies de passage, ou les fréquentations de sites de pèlerinage) ? Cela pourra être l’occasion d’éclairer le fonctionnement interne de ces organisations particulières (Demerath, Hall, Schmitt, Williams, 1998).
2) Quels statactivismes religieux ? Luttes religieuses avec ou contre les nombres
La notion de statactivisme a été forgée récemment pour décrire le fait de « lutter avec des nombres » (Bruno, Didier, Prévieux, 2015). Les contributions pourront analyser les cas où les nombres sont mobilisés pour défendre un groupe religieux dans les débats publics, qu’il s’agisse de se compter et de démontrer par les nombres la force d’un groupe avec lequel il faudrait compter politiquement, de montrer l’adhésion d’une population à des valeurs religieuses, ou de lutter contre des stéréotypes à l’égard d’une minorité religieuse (Hart, 2000; Soffer, 2004). On pourra également revenir sur les positions adoptées par les acteurs religieux dans les débats publics sur l’inclusion de questions sur la confession dans les recensements et dans les enquêtes de statistique publique (Good, 1959; Weller, 2004; Howard, Hopkins, 2005).
Les articles pourront également s’intéresser à l’usage des enquêtes statistiques dans les débats et conflits internes aux organisations religieuses, ou entre courants religieux. Dans le cas du judaïsme aux États-Unis, les données statistiques sur les taux de « mariages mixtes » ont ainsi largement alimenté les débats sur le bien-fondé respectif des différents courants au sein du judaïsme en matière de contribution à la limitation du déclin démographique (Berman, 2008).
On pourra s’interroger également sur la place des argumentaires et des acteurs religieux dans les luttes contre la quantification.
3) La réception religieuse des enquêtes quantitatives
En lien avec la vocation méthodologique de la revue, ainsi qu’avec les réflexions contemporaines sur les enjeux éthiques, politiques et scientifiques des relations entre les chercheurs et les sujets de leurs travaux, des contributions pourront aussi proposer un retour réflexif sur la manière dont les travaux des sociologues ou des démographes peuvent être commentés, utilisés, parfois contestés par les acteurs religieux qu’ils étudient.
Il pourra s’agir de réflexions portant sur l’aval des statistiques, c'est-à-dire sur la réception des résultats une fois diffusés. Dans la presse, notamment confessionnelle, mais aussi dans d’autres arènes (réseaux sociaux, débats publics), on pourra documenter la manière dont les chiffres sont utilisés (ou contestés) stratégiquement dans le cadre de débats sur ou au sein du monde religieux.
Les travaux pourront aussi explorer l’amont des statistiques, du côté de leur production, par exemple dans les cas où des chercheurs « négocient » avec une organisation religieuse l’accès au public visé par l’enquête, ainsi que dans les cas où une organisation religieuse sollicite l’expertise de chercheurs pour piloter ou analyser des données d’enquête.
4) La religion dans la circulation des techniques et des savoirs statistiques
La comparaison et la circulation des techniques de quantification entre les institutions religieuses et d’autres institutions, notamment publiques, pourra ainsi faire l’objet de contributions. Par exemple les institutions religieuses ont-elles des préférences spécifiques entre données de type « registre » (les annuaires, les compilations), et données de type « enquête », (Desrosières, 2005) ? Au sein d’une même religion, y a-t-il des variations suivant les contextes nationaux, les traditions en matière de statistique étant fortement variables suivant les États ? Les contributions pourront aussi s’interroger sur l’existence de chronologies ou de logiques décalées par rapport à ce qui a pu être documenté par ailleurs, par exemple concernant l’adoption de la logique probabiliste des échantillons (cf. caractère plus tardif de la « révolution probabiliste » en France qu’en Angleterre), ou la diffusion des sondages (Blondiaux, 1998). Si le rôle d’acteurs chrétiens est connu dans la tradition des « social surveys » (Bulmer, Bales, Sklar, 1991 ; Bateman, 2001 ; pour le catholicisme en France voir Cuchet, 2013 ; Chatelan, Pelletier, Warren, 2017), on pourra aussi le replacer dans l’histoire interne des églises et non pas seulement dans l’histoire des sciences sociales.
5) Comptabilités personnelles de la piété
Enfin, dans la lignée des travaux sur le « quantified self », les contributions pourront s’intéresser aux pratiques de comptage et de quantification dans le quotidien de la pratique religieuse, et dans les pratiques de subjectivation religieuse. La généralisation des pratiques de quantification du quotidien (applis de téléphone mobile notamment) est parfois vue comme un nouveau mode de projet d’amélioration de soi qui prendrait le relais des normes religieuses. Mais on peut aussi se demander dans quelle mesure des pratiques religieuses comme l’examen de conscience en vue de la confession (compter ses péchés) dans le catholicisme, ou la compensation des jours non jeûnés dans l’islam, ont pu devancer ou favoriser un goût pour des pratiques de mesure de soi, plus ou moins standardisées et quantifiées.
Modalités de soumission
Sont attendues pour le 6 janvier 2020
des propositions de contributions d’une à deux pages, précisant le matériau empirique. Les propositions retenues feront l’objet d’une présentation en atelier en 2020 à Paris (sous réserve), avant publication dans la revue en 2021.
La sélection des propositions ne vaut pas acceptation définitive : les articles une fois soumis seront évalués selon le processus de relecture habituel de la revue.
La revue accueille des articles en français, anglais ou espagnol, d’un format de 55 000 signes maximum.
Contact assr@ehess.fr
Comité de rédaction
Céline Béraud, Philippe Boutry, Stefania Capone, Catherine Clémentin-Ojha, Rémy Delage, Vincent Delecroix, Stéphane Dudoignon, Pierre Antoine Fabre, Yannick Fer, Vincent Goossaert, Frédéric Gugelot, Rita Hermon-Belot, Dominique Iogna-Prat, Anne-Sophie Lamine, Pierre Lassave, Nathalie Luca, Catherine Mayeur-Jaouen, Sabrina Mervin, Nabil Mouline, Alexandre Papas, Thomas Pierret, Christophe Pons, Philippe Portier, Blandine Ripert, Kathy Rousselet, Isabelle Saint-Martin, Sébastien Tank-Storper
Conseil scientifique
Salvatore Abbruzzese (Italie), Alexandre Agadjanian (Russie), Valérie Amiraux (Canada), Daniel Barbu (Suisse), Jean Baubérot, François Bœspflug, William Christian (États-Unis), Jacques Ehrenfreund (Suisse), Bernard Faure (États-Unis), Philippe Gonzalez (Suisse), Philip Gorski (États-Unis), Mar Griera (Espagne), Roberte Hamayon, Danièle Hervieu-Leger, Gabor Klaniczay (Hongrie), Vasilios Makrides (Allemagne), Ruth Marshall (Canada), Antonio Matos Ferreira (Portugal), Martin Meunier (Canada), Micheline Milot (Canada), Enzo Pace (Italie), Alfonso Pérez-Agote (Espagne), Paulo Pinto (Brésil), Monika Salzbrunn (Suisse), Simona Taliani (Italie), Galia Valtchinova, Cécile Vanderpelen (Belgique), Daniel Vidal, Jean-Paul Willaime
Bibliographie
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Zumsteeg Stéphane, Gallard Mathieu, 2017, Enquête auprès des protestants. Préparée pour Réforme et la Fédération protestante de France, IPSOS.
Zurlo Gina, 2017, “A miracle from Nairobi”: David B. Barrett and the quantification of world Christianity, 1957–1982, thèse de doctorat, Boston, Boston University.
Argument
Discussions of religion and statistics in the social sciences have chiefly concentrated on how to apply quantitative methods to religion as an object of study. However, researchers are not the only ones who produce or discuss quantitative data. This special issue of Archives de sciences sociales des religions aims at exploring how religious organizations, faith-based media, and religious people engage with “numbers.” Religious actors are not only objects, but producers or co-producers of quantification–whether they deplore the absence of trustworthy statistics regarding their religion, estimate the size of their constituency (Rabin, 2017; Zurlo, 2017), oppose including religion in census questionnaires, count anti-religious acts of discrimination, or initiate opinion polls on their members’ values, or quantitative surveys on their clergy or places of worship...
This shift in perspective—from quantification as a scientific method to quantification as a practice and subject of study— originates in present developments in the history and sociology of quantification. Going beyond an analysis of the construction of statistical categories, works in the history of statistics have also explored the social conditions for the “statistical thinking” (Porter, 1986; Gigerenzer, Swijtink, Porter, Daston, 1990; Desrosières, 1998; Prévost, Beaud, 2000), and its connection to transformations in modes of government and daily life. In France, the pioneering work of Alain Desrosières has opened up a whole new field of study on the social uses of statistics, at the intersection of politics and knowledge () on the social use of statistics (Diaz-Bone, Didier, 2016): ethnographers in particular have described in detail the uses of statistics and numbers by public administrations and governments (Penissat, 2007; Bruno, Jany-Catrice, Touchelay, 2016), as well as by unions and social movements (Penissat, 2009; Mathieu, 2012). In this perspective, quantification is analyzed as a set of social practices that may affect the construction of collective (Urla, 1993; Schor, 2005) as well as individual selves identities, based on practices of the “quantified self” or “self-measure” (Pharabod, Nikolski, Granjon, 2013; Lupton, 2016).
Because religion is very often missing in this picture, this interdisciplinary call aims at eliciting contributions on the religious uses of quantification. We hope for as much variety as possible in terms of historical, religious and geographical contexts. While the focus of this special issue is on statistics, broader approaches of quantification (measurements, accounting…) are also welcome.
What is or isn’t counted in religious contexts? How do religious institutions use, comment on or contest “numbers”? Are there specifically religious ways of counting and of resisting quantification? When religious institutions and believers start quantifying wthat they do, should this be interpreted as a form of internal secularization, or as the result of intrareligious dynamics?
Suggested lines of research may include the following:
1) Techniques of quantification and the governing of religious institutions
Articles may focus on religious authorities, following works that envision statistics as a mode of governmentality. Case studies may include institutions or religious organizations which order studies by researchers or pollsters, or which collect data on their membership or on their staff through a statistical unit. How do such religious uses of statistics fit into broader religious politics and policies (e.g. with regard to proselytizing, religious reform, human resource management, risk prevention, repression of clergy deviance…)? Within religious institutions, who are the actors who request, or contest, that the institution “keeps count”? How and when do religious organizations use statistical tools to analyze their own records (e.g. rites of passage such as weddings and funerals, or pilgrimage sites)? Quantification practices may thus shed light on whether and howreligious organizations function differently from other organizations (Demerath, Hall, Schmitt, Williams, 1998).
2) Religious activism with or against numbers
The notion of “statactivism” was recently forged to describe using numbers in activist struggles or “fighting with numbers” (Bruno, Didier, Vitale 2014). Contributions might include cases where numbers are used to defend a religious group in public debates, whether it is by counting members to demonstrate political might, by showing how a given population adheres to religious values, or by fighting against the stereotyping of a religious minority (Hart, 2000; Soffer, 2004). Articles may also analyze the positions held by religious actors in public debates regarding the inclusion or exclusion of questions about religion in census data and other public statistics (Good, 1959; Weller, 2004; Howard, Hopkins, 2005).
Articles can also focus on the use of statistical studies in internal debates within religious organizations, or between religious currents, denominations or branches. In the case of Judaism in the United States, statistical data on the rate of “mixed marriages” significantly fed debate on the respective value of different branches within Judaism for contributing to or stemming the demographic decline (Berman, 2008).
Articles may also investigate how some religious actors engage in and contribute tostruggles against quantification.
3) Religious reception of quantitative studies
In keeping with the methodological aims of the journal, and in light of contemporary debates on the ethics and politics of relationship between researchers and the subjects of their studies, contributions might also propose a reflexive approach on how sociological and demographical studies are discussed, and sometimes challenged, by the religious actors they study.
Articles may thus on the one hand explore the reception of statistics after their publication: in the press, particularly the faith-based media, but also in other arenas (social networks, public debates), “numbers” can be strategically used or challenged in debates about or within religion. Contributions may also explore the prior stage of data collection: for instance in cases where researchers access their sample with the help of a religious organization; or in cases where a religious organization solicits the expertise of researchers to generate or analyze study data.
4) Religion in the circulation of statistical knowledge and techniques
Contributions may also explore the comparison and circulation of quantification techniques between religious institutions and other institutions. For instance, have religious institutions more than other institutions preferred administrative records (church registers, membership listings…) over sample surveys (Desrosières, 2007)? Traditions in statistics being highly variable in different countries, are there variations according to national contexts within the same religion? Contributions may address the existence of chronologies or logics that distinctly differ from what has been documented elsewhere, for example, concerning the adoption of “statistical thinking” through the use of samples (i.e., the gap between the late arrival of the “probability revolution” in France compared to England), or the advent of the widespread use of polling surveys (Blondiaux, 1998). Articles may for instance revisit the role of Christian actors in the tradition of social surveys (for the Protestant traditions see Bulmer, Bales, Sklar, 1991; Bateman, 2001; in French Catholicism see: Cuchet 2013; Chatelan, Pelletier, Warren, 2017), by exploring their location within the history of churches, and not only in the history of the social sciences.
5) Counting piety
Finally, contributions may contributed debates on “quantified selves” by addressing counting and quantifying practices in daily religious practice and in the formation of religious subjectivities. The expansion of daily practices of quantification (notably via mobile telephone applications) is sometimes seen as a new mode of self-improvement which might take the place of religious norms. Yet one can also wonder to what degree religious practices, such as the examination of one’s conscience before confession (counting one’s sins) in Catholicism, or the compensation of non-fasting days in Islamic practice, have foreshadowed or favored a taste for standardized and quantified practices of self-measurement.
Proposal submission procedure
Please send your one to two-page proposals (specifying the empirical material used)
before 6 january 2020
at assr@ehess.fr. Accepted proposals will be presented in a workshop in 2020 to be held (tentatively) in Paris, before publication of this special issue of the journal in 2021.
The preliminary selection of proposals is not a definitive acceptance as articles submitted will be evaluated according the journal’s usual peer review process.
The journal welcomes articles in French, English or Spanish, with a maximum of 55,000 signs (spaces included).
Bibliography
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