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Hugolian composition

Composition hugolienne

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Published on Friday, December 20, 2019

Abstract

On se propose d’étudier dans l’œuvre de Victor Hugo l’art de la composition, c’est-à-dire cette partie de l’art littéraire qui consiste à organiser les masses écrites, à les agencer dans l’espace d’une œuvre, donc souvent aussi dans le temps d’une lecture : façon de produire du sens et des effets esthétiques spécifiques. Entendue en ce sens, la composition correspond exactement à cette partie de la rhétorique que les Latins nommaient la dispositio. Elle est souci de la structure, du plan, de l’architecture de l’œuvre. Le travail de composition se décline en quelques grands gestes, les uns inévitables, les autres facultatifs : la sélection des unités agencées, leur ordonnancement, le découpage de sections, éventuellement leur hiérarchisation sur plusieurs niveaux, l’intitulation de ces sections, la thématisation de la structure dans le discours de l’œuvre ou sur l’œuvre. 

Announcement

Appel à communication pour une journée d’études organisée par les jeunes membres du Groupe Hugo, qui se tiendra le 23 mai 2020 à l’Université Paris VII, à la Bibliothèque Jacques Seebacher.

Argumentaire

On se propose d’étudier dans l’œuvre de Victor Hugo l’art de la composition, c’est-à-dire cette partie de l’art littéraire qui consiste à organiser les masses écrites, à les agencer dans l’espace d’une œuvre, donc souvent aussi dans le temps d’une lecture : façon de produire du sens et des effets esthétiques spécifiques. Entendue en ce sens, la composition correspond exactement à cette partie de la rhétorique que les Latins nommaient la dispositio. Elle est souci de la structure, du plan, de l’architecture de l’œuvre. On voit, avec cette dernière désignation, qu’on rentre vite dans les métaphores, les représentations plus ou moins fantasmées et mythifiées de la chose : on pourra s’intéresser à la façon dont Hugo pense, rêve et met en scène la composition de ses œuvres. Le travail de composition se décline en quelques grands gestes, les uns inévitables, les autres facultatifs : la sélection des unités agencées, leur ordonnancement, le découpage de sections, éventuellement leur hiérarchisation sur plusieurs niveaux, l’intitulation de ces sections, la thématisation de la structure dans le discours de l’œuvre ou sur l’œuvre. 

Toutes les échelles

- Le niveau de composition le plus évident est celui de la structure visible et affichée des œuvres : affichée par plusieurs éléments péritextuels et, en particulier, récapitulée par le sommaire. Dans les œuvres en prose (romans, essais, pamphlets), c’est l’agencement des parties, des livres et des chapitres ; dans les recueils poétiques, c’est l’agencement des sections, des sous-sections et des poèmes. Le plan des Contemplations, bien connu, mais aussi celui des Chansons des rues et des bois, montrent à quel point Hugo travaillait l’architecture de ses recueils. On notera d’ailleurs le pas franchi, dans sa carrière poétique, entre la période d’avant l’exil, où les recueils n’ont généralement pas de sections, et la période de l’exil et d’après, où les recueils ont des sections sur un voire sur deux niveaux. De même, en prose, on passe d’une simple suite de chapitres dans Han d’Islande (1823) et Bug-Jargal (1826) à une structure sur deux niveaux (livres et chapitres) dans Notre-Dame de Paris (1831) et dans Napoléon le Petit (1852), puis à une structure sur trois niveaux (parties, livres et chapitres) dans Les Misérables (1862), William Shakespeare (1864), Les Travailleurs de la mer (1866), L’Homme qui rit (1869) et Quatrevingt-treize (1874). Dans un long poème autonome comme La Fin de Satan s’organise une structure beaucoup plus sophistiquée que le découpage habituel des épopées en chants : le triptyque du « Glaive », du « Gibet » et (certainement) de « La Prison » est entrelardé de moments « Hors de la terre I, II, III ». Enfin, dans ses œuvres théâtrales, Hugo impose sa marque au traditionnel découpage en actes et en scènes, en donnant des titres aux actes (ou aux « journées », ou aux « parties ») : « Affront sur affront », « Le Couple », « Ivres-morts », dans Lucrèce Borgia, par exemple. Il existe même des ensembles de dessins composés par Hugo et destinés à former un tout, quasiment sur le modèle des recueils poétiques. On pense par exemple au Poëme de la sorcière (1873). 

Composer c’est mettre ensemble, créer un ensemble à partir d’unités nombreuses et qui parfois résistent un peu à l’intégration. On sera donc sensible à la façon dont la composition invente, négocie, – simule ? – l’unité d’un divers hétéroclite. Qu’on pense à la gestion des chapitres et des livres digressifs dans les romans ; ou, dans Les Quatre Vents de l’Esprit, à l’invention d’un cadre (« Livre satirique », « Livre dramatique », « Livre lyrique », « Livre épique ») permettant de faire accéder à la publication des fonds de tiroir d’inspiration diverse.

Ce premier niveau de composition a évidemment déjà fait l’objet d’études (par exemple Changer de chapitre dans le roman : étude sur Les Misérables, thèse de Georges Mathieu, soutenue en 2003). C’est un niveau de structure solide et visible, avec des unités clairement identifiées, signalées par des titres ou au moins des numéros. Mais l’étude de la composition peut s’étendre à des échelles plus microscopiques ou plus macroscopiques, où les choses sont parfois moins nettes, parfois plus problématiques :

- Échelles plus microscopiques. Le souci de composition existe évidemment au sein même des unités constitutives d’une oeuvre. Hugo divise certains poèmes en sections, intitulées (dans « Le Satyre » : « Le Bleu », « Le Noir », « Le Sombre », « L’Étoilé »), numérotées (dans « Magnitudo Parvi », dans « Pleurs dans la nuit » ou dans « Les Mages »), ou même seulement séparées par des astérisques ou par des blancs. Ce niveau de composition a lui aussi déjà fait l’objet d’études célèbres (« Sens et structure des Mages » de Jacques Seebacher, Revue des sciences humaines, n° 111, juillet-septembre 1963). Le chapitre de prose, la scène de théâtre sont également susceptibles d’organisation ; la prose non théâtrale dispose d’ailleurs d’un découpage en unités visibles : les paragraphes. L’attention à la composition peut donc descendre jusqu’aux niveaux textuels les plus bas situés – celui de l’agencement des phrases, celui de la phrase elle-même – sans qu’il soit facile de dire à quel stade précisément on quitte l’étude du plan de l’œuvre pour l’étude stylistique, l’étude de la dispositio pour celle de l’elocutio. Quel critère retenir pour définir l’unité minimale et insécable de la composition ? Le critère de la division visible (sections intitulées, numérotées, séparées par des astérisques ou des blancs, paragraphes) n’est pas forcément satisfaisant, car un chapitre ou un poème sans segmentation visible peuvent très bien s’organiser selon un plan plus sophistiqué, plus nettement concerté, qu’une même longueur de texte à segmentations visibles.

- Échelles plus macroscopiques : comme certains de ses contemporains (Balzac organisateur de sa Comédie humaine), et parfois suivant leur exemple, Hugo a cherché à regrouper ses œuvres dans des architectures d’ensemble. Achevant et présentant au public une œuvre nouvelle, il était souvent soucieux de la situer par rapport aux précédentes, d’articuler les précédentes et la nouvelle dans une répartition signifiante. C’est ainsi que dans la préface de Lucrèce Borgia, il fait retour sur Le roi s’amuse : « la paternité sanctifiant la difformité physique, voilà le Roi s’amuse ; la maternité purifiant la difformité morale, voilà Lucrèce Borgia. Dans la pensée de l’auteur, si le mot bilogie n’était pas un mot barbare, ces deux pièces ne feraient qu’une bilogie sui generis, qui pourrait avoir pour titre : Le Père et la Mère ». Plus tard, en exil, on le voit chercher une logique à sa production romanesque : dans la préface des Travailleurs de la mer avec un regard rétrospectif (« Un triple anankè pèse sur nous, l’anankè des dogmes, l’anankè des lois, l’anankè des choses. Dans Notre-Dame de Paris, l’auteur a dénoncé le premier ; dans Les Misérables, il a signalé le second ; dans ce livre, il indique le troisième ») puis dans la préface de L’Homme qui rit avec un regard prospectif (« Le vrai titre de ce livre serait L’Aristocratie. Un autre livre, qui suivra, pourra être intitulé La Monarchie. Et ces deux livres, s’il est donné à l’auteur d’achever ce travail, en précéderont et en amèneront un autre qui sera intitulé : Quatrevingt-treize »). L’architectonique de l’œuvre entière peut donc être esquissée, suggérée dans le discours péritextuel, sur le mode de l’auto-commentaire ; mais des occasions lui sont aussi données de se réaliser dans la structure concrète d’une publication, lorsque des éditions des œuvres complètes paraissent du vivant de l’auteur. Il y en eut plusieurs du vivant de Hugo, en particulier l’édition « définitive » Hetzel-Quantin, publiée à partir de 1880 : on peut s’intéresser aux logiques de composition qui président à ces éditions.

Travail de Hugo / travail sur Hugo

La composition peut être étudiée comme résultat, fait accompli, mais aussi comme processus, recherche d’une organisation pour l’œuvre, avec ses hésitations, ses tâtonnements, que la génétique des œuvres met en lumière.

Dans cette recherche de l’organisation, on sait le rôle que peuvent jouer les intervenants extérieurs, autres que l’écrivain lui-même : la composition se trouve souvent dans un dialogue avec les proches, famille, amis, et avec l’éditeur – avec toutes les instances possibles de conseil littéraire. Dans le cas de Hugo, on débat encore sur la source et donc sur l’autorité de tel ou tel choix : la refonte des trois séries de La Légende des siècles en un ordonnancement unique des sections, dans l’édition « définitive » Hetzel-Quantin, a-t-elle eu plus que la bénédiction aveugle du poète vieillissant ?

Cette conscience du rôle des intervenants extérieurs autorisera l’élargissement du sujet à l’organisation des textes de Hugo par d’autres que Hugo :

  • qu’elle se soit faite du vivant de l’écrivain, avec son accord, son attention ou sa participation à des degrés qu’il faudra évaluer : par exemple dans des anthologies poétiques à thème, comme la brochure de 1840 qui donnait à lire à la suite du « Retour de l’Empereur » onze poèmes napoléoniens des recueils antérieurs, ou comme Les Enfants (le livre des mères), anthologie de poésie hugolienne sur les enfants, publiée par Hetzel en 1858,
  • ou qu’elle se soit faite après la mort de Hugo : éditions d’œuvres complètes ; organisation de recueils poétiques posthumes, comme Toute la lyre ; la publication des proses philosophiques inédites et des fragments de toute sorte s’est faite avec des gestes de sélection et d’agencement qui n’ont pas toujours respecté la plus grande rigueur.

Modalités de contributions

Tous ces aspects du sujet pourront faire l’objet de communications. Celles-ci dureront entre vingt et trente minutes (à préciser ultérieurement). Les propositions feront environ une demi-page, seront accompagnées d’une brève notice bio-bibliographique et devront être envoyées aux trois adresses suivantes : agathegiraud at orange.fr, helene.kuchmann at gmail.com et jordi.brahamcha-marin at univ-lille.fr,

avant le 22 février 2020.

Une réponse sera communiquée avant la mi-mars.

Places

  • bibliothèque Jacques Seebacher, université Paris Diderot, Grands Moulins, aile A, 2e étage - 5 rue Thomas Mann
    Paris, France (75013)

Date(s)

  • Saturday, February 22, 2020

Keywords

  • Victor Hugo

Contact(s)

  • Jordi Brahamcha-Marin
    courriel : jordi [dot] brahamcha [at] univ-lemans [dot] fr

Information source

  • Jordi Brahamcha-Marin
    courriel : jordi [dot] brahamcha [at] univ-lemans [dot] fr

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Hugolian composition », Call for papers, Calenda, Published on Friday, December 20, 2019, https://doi.org/10.58079/143a

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