InicioÉcouter, écrire la résonance : entre musique et philosophie

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Écouter, écrire la résonance : entre musique et philosophie

Listening and writing resonance: between music and philosophy

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Publicado el miércoles 12 de febrero de 2020

Resumen

La notion de résonance, enjeu central à la fois dans les réflexions sur le son et dans les productions sonores actuelles, convoque deux disciplines qui marqueront les orientations de ce colloque : la musicologie et la philosophie. L’appel à communications distingue délibérément les deux versants, afin que chacun puisse, dans son domaine scientifique propre, mener une réflexion approfondie. Ainsi, croiser les deux disciplines dans les propositions de communications n’est pas nécessairement attendu, même si cela peut être bienvenu. En revanche, les organisateurs s’efforceront de faire s’interpénétrer musicologie et philosophie lors des journées du colloque, afin que de perspectives nouvelles puissent s’ouvrir.

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Lyon, 13-15 janvier 2021 Université Lumière Lyon 2

Argumentaire

  1. La perspective philosophique

« On dit qu’il y a résonance lorsqu’un corps, soumis à l’influence d’un autre corps en vibration, entre lui-même en vibration » (Robert Tanner). La résonance, pour les physiciens, ne s’entend pas exclusivement du domaine acoustique, et suppose deux corps susceptibles d’accorder leurs fréquences, ce qui exclut de confondre la question de la résonance avec la théorie des harmoniques ou des sons partiels émis par un seul son fondamental en vibration. Le colloque se centrera néanmoins sur la dimension acoustique de la résonance (ce qui n’exclut pas d’englober ses autres aspects), non seulement pour favoriser l’approche musicologique et compositionnelle du problème, mais pour interroger le sens usuel de « résonner » en tant que « renvoyer le son, retentir » (Littré). L’approche phénoménologique sera particulièrement bienvenue.

« Ce n’est pas par hasard si le concept de résonance acoustique a fourni aux savants le modèle de toute résonance psychique et aux psychologues et psychanalystes de groupe celui de la communication inconsciente entre les personnes. » Ainsi Didier Anzieu qualifie-t-il la résonance, dans un article qui fait l’hypothèse de « l’enveloppe sonore du soi ». Le colloque propose d’élucider cette relation entre la résonance acoustique et la résonance en son sens psychique (intra-individuel comme inter-individuel), mais aussi phénoménologique.

Quelques pistes de travail sont proposées :

  • À l’articulation avec la musicologie, quel est le lien entre la résonance maîtrisée par l’écriture compositionnelle, et la résonance en son sens phénoménologique ? On peut partir de la proposition d’Eugène Minkowski, selon laquelle « à côté de cette forme, sonore, extérieure, matérielle, il existe la forme non-sonore ou silencieuse, intérieure, spirituelle, générale (mais non abstraite, celle-ci n’ayant d’ailleurs rien d’abstrait en elle). Ces deux formes d’ailleurs se rejoignent à plus d’un point, toutes deux reposant sur la même structure intime, structure que nous avons décrite sous le nom de retentissement » (Vers une cosmologie). Comment s’articulent ces deux formes de retentissement, selon le terme de Minkowski, et qu’a-t-il à voir avec ce qu’on essaiera ici d’élucider avec le terme de « résonance » ?
  • Si la résonance acoustique ouvre fondamentalement un espace, en quoi cet espace fait-il monde pour celui qui écoute ? L’auditeur est-il au contraire dans sa « bulle », pour reprendre à Peter Sloterdijk un concept qu’il conviendra d’élucider, notamment s’il est dans un espace immersif (typiquement, avec les écouteurs) ? Que reste-t-il de l’expérience de la résonance, mondaine et interindividuelle, dans la microsphère de l’individu contemporain ?
  • Quel est le lieu du son ? Quel est son topos, s’il a un caractère ubiquitaire, si « ce débordement de la qualité sensible par elle-même, son incapacité de tenir son contenu – c’est la sonorité même du son » (Emmanuel Levinas, « Parole et silence ») ? Peut-on appeler « résonance » un tel débordement, qui remet en cause l’approche phénoménologique d’une « conscience déterminée de signification », telle que Binswanger essayait de la défendre contre Straus et Minkowski ? Faut-il alors penser que le son est « le bruit du sensible » comme le propose Jocelyn Benoist ? La résonance est-elle ce « bruit » qui reste en dépit de toute thématisation consciente ? Augustin Berque, dans un article éclairant sur la Chôra dans le Timée de Platon, propose de remplacer la question aristotélicienne au sujet du topos « où sont les êtres » par celle-ci, à résonance platonicienne : « pourquoi faut-il que les êtres aient un où ? ». La résonance du son, n’est-ce pas par excellence une façon de rouvrir cette deuxième question ?
  • Si, comme le pense Berlioz, l’écoute musicale suppose un « fluide musical » sans lequel « on entend, on ne vibre pas », comment penser cette vibration dans l’écoute de la musique ? Dépend-elle uniquement de l’acoustique physique d’une salle, comme le suggère Berlioz ? Ne faut-il pas plutôt distinguer la réverbération du son dans une salle, physiquement mesurable, de la résonance entre l’oreille de l’auditeur et les vibrations de l’air ? La résonance serait alors, si l’on suit Veit Erlmann, un paradigme du XVIIe siècle au début du XXe siècle, qui suppose une forme de synchronisme entre la structure otologique et les battements aériens, comme Helmholtz essaie de l’établir dans sa Théorie physiologique de la musique.
  • La peau « auditivo-phonique » dont parle Anzieu, qui doit envelopper le sujet, est-elle, de façon privilégiée et primitive, sonore ? Quel est le lien entre entendre et parler ? Les travaux déjà anciens d’Alfred Tomatis et d’Isi Beller pourront être convoqués, dans la mesure où ils permettent d’élucider l’expérience d’une résonance dans le « circuit audio-phonatoire ».
  • Enfin, peut-on parler d’un « bruissement » des machines sonores au sens où Roland Barthes évoquait le bruissement de la langue ? Les craquements d’un disque microsillon peuvent être évoqués, par opposition au silence de la lecture d’un disque compact, mais peut-on dire qu’il y a une résonance de ou dans la machine, comme il y en a une de la voix dans le corps, et du son dans l’instrument ? Ronronner, est-ce résonner ? Qu’est-ce que cela implique dans notre rapport acoustique aux machines ?
  1. La perspective musicologique

Le volet musicologique de la réflexion prend appui sur une définition de la résonance qui n’est pas strictement celle mise en avant généralement par les sciences acoustiques. La résonance que nous souhaitons aborder ici correspond au flux sonore qui suit l’excitation et l’impulsion, dont les ondes se propagent dans un milieu marqué par différents degrés de réverbération. La résonance tient ainsi à la fois compte du flux spectral – l’une des trois catégories du timbre selon John Grey et Stephen McAdams – et de l’espace de propagation qui l’accueille, « qui lui donne une certaine qualité de hic et nunc » (Jean-François Augoyard), et qui est à même de l’enrichir, dans sa densité sonore et dans sa durée temporelle. La résonance concourt ainsi à relier fortement l’espace au temps, conjonction qui se situe au centre du geste compositionnel ou de l’acte d’écouter.

Par conséquent, l’espace résonant constitue un modèle qui crée chez le compositeur une sorte de i-son, un « objet imaginal artificiel, incluant déjà en lui-même le code de sa production d’écoute » (François Bayle). Ainsi, il s’agira de réfléchir à la manière dont l’écriture et le geste du compositeur vont naître de différents modèles de résonance (précisons qu’ici qu’il ne s’agit en aucun cas des « modèles de résonance » développés dans les années 1980 à l’Ircam). Parmi ces modèles de résonances, et quelques répertoires qui leur sont associés, figurent, en guise d’exemples :

  • les différentes caisses de résonance, que ce soient celle d’un instrument (les caisses de résonance modifiant l’intensité de certains harmoniques) ou celle d’un lieu, d’une architecture (procurant les résonances de type « hall », « tunnel », « cathédrale », « studio », etc.), qui « enferment » le son et lui permettent donc de se développer.
  • polyphonies démultipliées des doubles, triples ou quadruples chœurs, les canons à plusieurs dizaines de voix répandues entre la Renaissance et le Baroque ; cavité souterraine de la grotte de la Villa d’Este qui a servi de modèle pour le Concerto pour un piano espace de Michaël Levinas.
  • les phénomènes d’écho (en référence à la catacoustique) et de doppler ou résonances associées, qui se retrouvent dans de nombreuses écritures (Levinas, Dalbavie, Blondeau, Hurel...), générant ce propos d’Antoine Bonnet qui se réfère à Deleuze : « Il me semble que l’équivalent sonore de l’image-cristal, c’est la résonance, le miroir du son, son réfléchissement libéré par l’absence de tout enchaînement nécessaire. »
  • les modèles instrumentaux et d’ensembles instrumentaux, parfois liés à des contextes culturels précis.
  • des instruments comme la lirone, la tambura indienne, qui soit développent un système de résonances par sympathie, soit sont caractéristiques pour leurs résonances fortes en harmoniques, traitées en bourdon ; le gamelan indonésien, qui a eu un impact décisif sur le langage, l’écriture ou l’instrumentation, chez Debussy ou Boulez.

- les rapports de résonances liées aux nouvelles technologies :

  • soit l’enregistrement par le biais du microphone, qui permet alors une écoute rapprochée et microscopique (Lachenmann, Sciarrino...), et qui mène à cette réflexion que résume le titre d’un ouvrage récent « Quand l’enregistrement change la musique » (Alessandro Arbo et Pierre-Emmanuel Lephay) ;
  • soit l’amplification alliée à la diffusion par haut-parleurs, aux nombreuses conséquences perceptives (formes immersives voire autoritaires, création d’espaces imaginaires).

Les propositions pourront solliciter d’autres modèles de résonances et d’autres répertoires, non limités à la musique savante. Il faudra néanmoins veiller à ce que les modèles ne relèvent pas de domaines abstraits, mathématiques, biologiques, etc., mais soient toujours issus d’une perception.

Ces modèles de résonance imprègnent le geste et l’écriture musicale des compositeurs, procurant à l’œuvre une énergie particulière, de la même manière que le son, selon Hugues Dufourt, « comme toute distribution de masse et d’énergie, peut se ramener à une configuration dynamique caractéristique, une sorte de Gestalt d’énergie singularisée par des déformations géométriques, par des configurations topologiques complexes ». Ces résonances, de leurs modèles à leurs métamorphoses dans l’œuvre musicale, dessinent à leur tour un nouvel espace, « à faire apparaître dans l’existence audible » (Pascale Criton), susceptible d’engendrer pour l’auditeur des nouveaux modes de perception, des mondes imaginaires renouvelés.

Ainsi, les propositions d’ordre musicologique ne devront pas traiter uniquement de l’écriture et du langage, mais devront expliciter le cheminement que prend l’écriture pour imiter le modèle de résonance, et ainsi le rendre perceptible. Par ailleurs, il faudra veiller à ne pas réduire la résonance à l’espace (ou vice-versa), la première dévoilant le deuxième – le rendant audible voire visible – le rendant « vivant », ainsi que le volet philosophique le révélait ci-dessus.

Quelques questionnements pourront jalonner les réflexions, qui se situeront sur des versants différents de la musicologie (historique, esthétique, phénoménologique, analytique, acoustique...) mais qui ne perdront jamais l’aspect du processus créateur et l’attitude perceptive. Ainsi, les modèles de résonance révèlent-ils des esthétiques particulières, attachées à des périodes définies de l’histoire de la musique ? Peuvent-ils traverser les époques ? L’électronique propose-t-elle des modèles de résonance ? L’espace de résonance va-t-il toujours vers l’extinction ? Quels types d’énergie la résonance peut-elle véhiculer ? Quels rapports entretient-elle avec le vide, ou au contraire avec le plein voire la saturation ? Dans quelles mesures y retrouve-t-on des énergies issues de l’Orient (le soufisme, le Qi chinois par exemple) ? La résonance peut-elle être un vecteur d’immersion ? Lui arrive-t-elle d’inclure, inversement, la discontinuité ? L’écriture de la résonance est-elle parfois issue de modèles complètement imaginaires ?

Modalités de proposition

Le colloque sera suivi d’une publication dans le cadre de la collection Mélotonia (collection Musicologique) des Presses Universitaires de Lyon.

Les propositions seront à envoyer conjointement à

  • Alexandre Chèvremont alexandre.chevremont@univ-lyon1.fr 
  • Muriel Joubert muriel.joubert@univ-lyon2.fr

avant le 30 mars 2020

(un résumé de 2500 signes au maximum, assorti d’une brève biobibliographie)

Les réponses seront communiquées au plus tard le 15 mai 2020.

Comité scientifique

  • Pierre Albert Castanet (Rouen, GHRIS)
  • Alexandre Chèvremont (Lyon 1Inspé, IHRIM)
  • Jean Duchamp (Lyon 2, IHRIM)
  • Céline Hervet (Picardie, CIPh – CURAPP-ESS)
  • Muriel Joubert (Lyon 2, Passages XX-XXI)

Éléments bibliographiques

Anzieu, Didier, « L’enveloppe sonore du soi », paru dans Narcisses, Nouvelle revue de psychanalyse, n° 13 (1976).

Arbo, Alessandro et Lephay, Pierre-Emmanuel (dir.), Quand l’enregistrement change la musique, Paris, Hermann, 2017.

Barthes, Roland, Le Bruissement de la langue, Paris, Seuil, 1993.

Bayle, François, Musique acousmatique propositions... ...positions, Paris, INA-GRM Buchet/Chastel, 1993.

Beller, Isi, et Le Guen, Claude, La Sémiophonie, Paris, Maloine, 1973.

Benoist, Jocelyn, Le Bruit du sensible, Paris, Cerf, 2013.

Berlioz, Hector, « Sur l’état actuel de l’art du chant dans les théâtres lyriques de France et d’Italie, et sur les causes qui l’ont amené », dans À travers chants, Paris, Gründ, 1971, p. 113-127.

Berque, Augustin, « La chôra chez Platon », paru dans Thierry Paquot et Chris Younès (dir.), Espace et lieu dans la pensée occidentale, Paris, La Découverte, 2012, p. 13-27.

Binswanger, Ludwig, Sur la fuite des idées, Grenoble, J. Million, 2000.

Bonnet, Antoine, « Enregistrement, résonance et composition musicale : pour un infléchissement de l’intelligence du sensible », in Pierre-Henry Frangne et Hervé Lacombe (dir.), Musique et enregistrement, PUR, 2014, p. 219-229.

Cluett, Seth, « Projection acoustique et politique du son », Tacet n° 03, « De l’espace sonore », p. 82-119.

Criton, Pascale, « Espaces sensibles », in Jean-Marc Chouvel et Makis Solomos, L’espace : musique / Philosophie, Paris, L’Harmattan, 1998, p. 129-139.

Chouvel Jean-Marc et Solomos Makis, L’espace : musique / Philosophie, Paris, L’Harmattan, 1998.

Dufourt, Hughes, La Musique spectrale, Une révolution épistémologique, Sampzon, Delatour, 2014.

Erlmann, Veit, Reason and Resonance – A History of Modern Aurality, New York, Zone books, 2014.

Frangne Pierre-Henry et Lacombe Hervé (dir.), Musique et enregistrement, PUR, 2014.

Helmholtz, Hermann von, Théorie physiologique de la musique, Paris, Jacques Gabay, 1990.

Levinas, Emmanuel, « Parole et silence », dans Œuvres 2, Paris, Grasset, 2009, p. 65-104.

Meric, Renaud, Appréhender l’espace sonore, l’écoute entre perception et imagination, Paris, L’Harmattan, 2012.

Minkowski, Eugène, Vers une cosmologie, Paris, Aubier-Montaigne, 1936.

Sloterdijk, Peter, Sphères I, II et III, Paris, Pauvert, Hachette, Liberra-Maren Sell, 2002, 2006, 2010.

Solomos, Makis, De la musique au son, l’émergence du son dans la musique des XXe et XXIe siècles, Rennes, PUR, 2013.

Straus, Erwin, « Les formes du spatial. Leur signification pour la motricité et la perception », dans Figures de la subjectivité : approches phénoménologiques et psychiatriques, J.-F. Courtine (éd.), Paris, CNRS éd., 1992, p. 15-49.

Tacet n° 03, « De l’espace sonore », dossier dirigé par Yvan Etienne, Bertrand Gauguet et Matthieu Saladin, Haute-École des arts du Rhin, 2014.

Tanner, Robert, « Critique de la théorie de la “résonance” », dans Weber, Edith (dir.), La résonance dans les échelles musicales, Paris, CNRS éditions, 1963, p. 63-100.

Tomatis, Alfred L’Oreille et le langage, Paris, Seuil, 1963.

Lugares

  • 3 rue Rachais
    Lyon, Francia (69003)

Fecha(s)

  • lunes 30 de marzo de 2020

Archivos adjuntos

Palabras claves

  • phénoménologie, musicologie

Contactos

  • Alexandre Chevremont
    courriel : alexandre [dot] chevremont [at] univ-lille [dot] fr

Fuente de la información

  • Alexandre Chevremont
    courriel : alexandre [dot] chevremont [at] univ-lille [dot] fr

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Para citar este anuncio

« Écouter, écrire la résonance : entre musique et philosophie », Convocatoria de ponencias, Calenda, Publicado el miércoles 12 de febrero de 2020, https://doi.org/10.58079/14f8

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