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Proximité et distance dans le travail social

Proximity and distance in social work

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Publié le mardi 25 février 2020

Résumé

Pour son numéro du quatrième trimestre 2020, la revue s’attache à réfléchir au rapport entretenu entre les professionnels du champ du travail social et les personnes accompagnées, et plus particulièrement à interroger la proximité et la distance entre les professionnels du travail social et les personnes accompagnées, et plus particulièrement à la construction leur relation et des rapports qu’ils entretiennent.

Annonce

Présentation

Les Cahiers du Travail Social est une revue éditée par l’Institut Régional du Travail Social de Franche-Comté. Son objectif principal et fondateur est de rendre compte aussi bien de recherches de professionnels ou d’universitaires, de présenter un point de vue personnel sur des aspects du travail social et de son évolution ou d’exposer une réflexion personnelle sur une étude de cas.

Elle est destinée aux étudiants, professionnels et chercheurs de l’action sociale et est devenue un outil pédagogique ouvert aux réflexions scientifiques et aux témoignages professionnels.

Argumentaire

S’il est un art qui devrait être défini à propos du travailleur social, c’est bien celui de l’accompagnement. Ce dernier puise son socle dans un argumentaire juridique qu’il serait possible de qualifier de rationnel. Mais si l’on se réfère au Dictionnaire Critique de l’Action Sociale, l’accompagnement « est complexe, car (…) se situe à la fois en interface sociale et dans un espace subjectif »(Bouquet, p.22, 2010), car la référence législative ne signifie pas que la solution est justement dans le texte. Cependant, la loi 2002-2 dite « loi de modernisation sociale »spécifie que « L'exercice des droits et libertés individuels est garanti à toute personne prise en charge par des établissements et services sociaux et médico-sociaux. Dans le respect des dispositions législatives et réglementaires en vigueur, lui sont assurés : le respect de sa dignité, de son intégrité, de sa vie privée, de son intimité et de sa sécurité ». Autrement dit, la relation d’accompagnement va devoir donc être construite en fonction de la singularité de chaque individu. À noter que le texte ne dit pas comment ce respect est assuré[1].

De plus, les relations entre les professionnels du travail social et les personnes qu’elles accompagnent n’ont rien d’ordinaire dans la mesure où elles s’imposent à chacune des parties, qu’elles soient ou non contractualisées : elle résulte d’une situation qui a pour origine une problématique, qu’elle soit d’ordre psychologique, social ou encore lié à un handicap spécifique. En conséquence, les rapports entretenus entre ces deux groupes ne sont pas en soi voulus. Ils peuvent, par ailleurs, s’inscrire dans la durée, ce qui signifie que des relations vont se construire, sans compter, que « Les travailleurs sociaux sont dans un rapport très compliqué avec les gens avec qui ils travaillent, dans un rapport de mauvaise foi. Si vous lisez « La misère du Monde », il y a des témoignages pathétiques de travailleurs sociaux qui savent très bien qu’ils ne servent à rien et qui passent la moitié de leurs temps à se faire croire qu’ils servent à quelque chose autant que de le faire croire aux gens à qui ils sont chargés de le faire croire »[2]comme le rappelle Pierre Bourdieu d’une manière à la fois juste et provocante.

Aussi, les problèmesdes personnes accompagnées, et il s’agit d’une des particularités du travail social, sont de l’ordre du sensible. Il est donc question d’interroger les notions de « distance » et de « proximité » qui vont participer de cet accompagnement. Si elles sont régulièrement convoquées dans le champ de l’intervention sociale, elles ne sont finalement que rarement définies : à quelles distance ou proximité est-il fait référence : spatiale, physique, sociale ou encore psychique ? La « juste distance » ou la « bonne distance » comme principe conseillé aux impétrants du travail social comme à ceux en exercice pour tenter d’établir et de construire une relation n’est jamais qu’un point de vue moral, une « mise à distance » justement, d’autant que « Aucune relation d’accompagnement ne se peut dans la distance »[3].

 Cependant, sans écarter la réflexion sur ces notions, l’objectif est de savoir comment les travailleurs sociaux « bricolent » leur relation avec les personnes accompagnées, au regard de ce qu’ils font - le métier de travailleur social est aussi un « métier d’équilibriste » - mais aussi de ce qu’ils sont. Il y a donc d’une part leur posture et/ou leur position professionnelle, mais aussi ce qu’ils sont en tant qu’individu, appartenant à une classe sociale, un habitus, des manières d’être et de faire spécifique, il en est de même en ce qui concerne les personnes qu’ils accompagnent.

 Faisant l’hypothèse que ces professionnels travaillent avec leur subjectivité et leur sensibilité, ils peuvent être touchés par les situations des personnes qu’elles accompagnent. Pour paraphraserTartuffede Molière, « Ah, pour être [travailleur social], je n’en suis pas moins homme (ou femme selon les circonstances]. Et, lorsqu’on vient à voir vos célestes appas[4], un cœur se laisse prendre, et ne raisonne pas », ils peuvent tout aussi bien ressentir un mal-être, de la compassion ou encore crier à l’injustice face à une situation. Être « touché » ne signifie cependant pas être proche ou éloigné de la personne accompagnée, mais témoigner d’une humanité quand bien même tous les travailleurs sociaux ne font pas le même travail (malgré une tendance au nivellement par le biais de tâches procédurières), et que le cadre de cet accompagnement peut être institutionnalisé ou « de passage » lorsqu’il fait appel à un service spécifique.

Autrement dit, les accompagnements seront différents, engendreront une construction des relations différentes et le lien ne s’inscrira ou n’évoluera donc pas de la même manière. Ils invitent chaque individu à prendre des positions, consciemment ou non, à construire des liens sociaux, éphémères ou durables.

Et si les métiers du travail social peuvent s’avérer « technique » (connaissance des droits, des normes, des partenaires, etc.), il n’en reste pas moins des métiers dit « de l’humain » qui interrogent également la place des émotions dans ce rapport entre le professionnel et la personne accompagnée. Autrement dit, comment s’exerce le travail d’accompagnement ? N’est-il que le résultat d’un équilibre entre la distance et la proximité entretenues avec les personnes accompagnées ? Quelle est la place de la subjectivité dans la construction de ce rapport ? Et toute relation contractualisée (il est entendu par « contrat » l’engagement dans une relation d’aide quelle soit ou non formalisée) est-elle neutre ?

La base de la réflexion part du principe que les relations entre travailleurs sociaux et usager sont avant tout des relations sociales, mais qu’elles peuvent cependant s’inscrire, consciemment ou non, dans un rapport de domination, et en l’occurrence de pouvoir, renforcé par la « vulnérabilité » des personnes qui demandent ou sont orientées vers des services d’intervention sociale ou spécialisée. Pierre Roche note ainsi que « (…) la proximité se définit d’abord par le regard que l’on pose sur l’autre, avant même d’engager une relation au travers de la parole »[5].

Pour tenter de cerner au mieux cette problématique, quatre axes sont privilégiés, sans qu’ils soient exhaustifs.

En premier lieu, il s’agit de porter l’attention sur l’usage de la langue et du langage comme constituant de la distance et de la proximité.

Si la langue, en tant que fait social, traduit une certaine manière de voir et de se représenter le monde, elle est aussi un marqueur social, reflet d’une position. Parler la même langue ou avoir le même langage ne signifie pas que chacun se comprenne. Ils peuvent également être reflet d’une « violence symbolique », et s’inscrire dans un rapport de domination.

Autrement dit, dans quelle mesure la langue et le langage participent ou non à la mise à distance ou à la proximité entre professionnels et personnes accompagnées.

En deuxième lieu, la proximité et la distance pourront être également traitées d’un point de vue des corps. Si certains champs du travail social sont davantage sensibles à cette question, il n’en reste pas moins que « La condition humaine est corporelle. L’individu n’existe que là où il se tient à travers sa sensorialité, son affectivité, ses gestes ou ses mouvements. Sa présence au monde est toujours celle d’une corporéité en action »[6]. Autrement dit, rapporté au travail social, l’accompagnement ne peut se faire sans ce rapport (formel ou informel) au corps qui se donne à voir. Dans ces conditions, comment se construit la relation dès lors que le corps peut provoquer de l’attirance, de l’indifférence ou du rejet, et agir ainsi sur le mode d’accompagnement ?

En troisième lieu, il s’agirad’interroger la notion d’accompagnement au regard dedeux autres notions : celle d’ « implication » et celle d’ « engagement ». Et de se demander dans quelle mesure l’identité du travailleur social (en partant de l’hypothèse qu’elles sont plurielles) va ou non jouer rôle dans la manière d’accompagner la personne. Ainsi, comment un engagement politique, syndical ou associatif peut-il avoir une influence particulière dans une pratique professionnelle contractualisée fondée sur l’humain ?

Enfin, en dernier lieu, la réflexion pourra porter sur la formation des futurs travailleurs sociaux à cet apprentissage à l’accompagnement. En effet, la formation de travailleur social est en partie théorique et en partie pratique, cette dernière étant davantage privilégiée. Mais l’intériorisation de la profession se fait par plusieurs biais. Comment se construit cette « sensibilité » ? Par quel type d’apprentissage spécifique, formel ou informel à travers la formation ? Quelle est la place du mimétisme dans cette construction ?

Bien qu’aucune approche disciplinaire ne soit privilégiée, il conviendra cependant que les réflexions reposent sur des travaux de recherche (réalisés ou en cours) ou sur des expériences professionnelles.

Ces quatre axes ne sont pas exhaustifs, et les propositions qui apporteraient une contribution qui ne s’inscrirait pas dans l’un de ces axes seront examinées avec la plus grande attention.

Les contributions pourront tout aussi bien relever de travaux de recherche issus des sciences humaines et sociales, que du champ de l’intervention sociale, ainsi que de témoignages de professionnels analysés et réflexifs relatant leur expérience.

Modalités de proposition

Les articles doivent être envoyés pour le 04 septembre 2020

aux adresses suivantes : marc.lecoultre@irts-fc.fr et gerard.creux@irts-fc.fr

Elles doivent inclure vos noms, prénoms, votre fonction, le cas échéant votre rattachement institutionnel.

Consignes

  • Le texte pourra faire référence à un travail empirique réalisé ou en cours de réalisation ou des témoignages d’expérience.
  • Le texte comportera un minimum de 10 000 caractères et un maximum de 30 000 caractères, espaces compris, notes et informations bibliographiques incluses (soit entre 5 pages et 12 pages d’un texte en interligne simple)

Conventions bibliographiques

  • Livres : NOM Prénom (initiales), titre complet en italique, lieu d’édition, éditeur, année d’édition
  • Articles : NOM Prénom (initiales), « titre complet entre guillemets », titre de la revue (en entier et non abrégé), catalogue, actes... (En italique), date, numéro, pagination.
  • Contributions à des ouvrages collectifs : NOM Prénom (initial), « titre entre guillemets », dans NOM et Prénom (initiales) [dir.], titre de l’ouvrage, catalogue, actes, mélanges... (Initial), lieu d’édition, éditeur, année d’édition, pagination.

Coordination

  • Gérard Creux : gerard.creux@irts-fc.fr
  • Marc Lecoultre : marc.lecoultre@irts-fc.fr

Conseil scientifique

  • Gérard Creux (IRTS de Franche-Comté)
  • Marc Lecoultre (IRTS de Franche-Comté)
  • Florence Neret (IRTS de Franche-Comté)
  • Claire Regnier (IRTS de Franche-Comté)
  • Isabelle Sauvage-Clerc (IRTS de Franche-Comté)

[1]Nous écarterons les références aux « bonnes pratiques ».

[2]Pierre Bourdieu, « La sociologie est un sport de combat », documentaire de Pierre Carles, 2001

[3]Dominique Depenne, « Pour un accompagnement éthique et engagé dans la proximité », Les cahiers de l’actif, 2014 (n°460-461), p.41-55

[4]Le terme d’ « appas » peut être entendu dans le contexte de cet appel à contrubition comme les problématiques sensibles des personnes accompagnées.

[5]Roche Pierre, « Les défis de la proximité dans le champ professionnel », Nouvelle revue de psychosociologie, 2007/1 (n° 3), p. 63-82

[6]Le Breton David, « Le corps entre significations et informations », Hermès, La Revue, 2014/1 (n° 68), p. 21-30.

Lieux

  • 1 rue Alfred de Vigny
    Besançon, France (25000)

Dates

  • vendredi 04 septembre 2020

Fichiers attachés

Mots-clés

  • distance, proximité, travail social, travailleurs sociaux, accompagnement, pratiques professionnelles, postures professionnelles, pouvoir, violence symbolique, formation, engagement, implication, langue, langage, corps

Contacts

  • Gérard Creux
    courriel : gerard [dot] creux [at] irts-fc [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Gérard Creux
    courriel : gerard [dot] creux [at] irts-fc [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Proximité et distance dans le travail social », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 25 février 2020, https://doi.org/10.58079/14iz

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