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Capitales en contexte colonial et post-colonial

Capitals in a colonial and post-colonial context

Amériques-Afriques (XVIe-XXIe siècle)

The Americas and Africas (16th-21st centuries)

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Publicado el lunes 23 de marzo de 2020

Resumen

Ce colloque international entend questionner la notion de capitale en contexte colonial et post-colonial dans les Amériques et les Afriques sur la longue durée. Si la capitale est la « tête » gouvernementale d’un territoire et d’un réseau urbain de villes qu’elle domine, la capitale coloniale est d’abord la vitrine de l’Empire. Mais la capitale coloniale est-elle seulement le relais de l’autorité et de la culture métropolitaines ? Et qu’advient-il de la capitalité d’une ville coloniale lorsque surviennent les indépendances ? A partir des cas de Rio de Janeiro, Alger, Bogota et Luanda, de Mexico, Panama, New Amsterdam et Sao Paulo, de La Havane, Philadelphie et Port Louis des Mascaraignes ou encore des capitales d’Afrique et d’Amérique centrales, nous proposons de discuter des capitalités extra-européennes à différentes échelles en croisant approches historiques et géographiques.

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Argumentaire

S’emparer de la notion de capitale et a fortiori prendre pour objets les capitales coloniales a tout d’une gageure. Les géographes n’en font pas toujours une catégorie pertinente : ils s’en détournent même au profit de celle de métropole (ville-mère) qui renvoie – davantage qu’à de simples fonctions de commandement que recouvre le terme de capitale – à la capacité de rayonnement d’une ville au-delà de son aire d’influence immédiate [Thiéry, 2004 ; Paulet, 2009]. Dans un monde contemporain devenu plus complexe, l’analyse des fonctions urbaines dans leurs différences, l’attention portée à la diversité des réseaux et des hiérarchies n’invitent plus à distinguer des centres qui seraient uniques par leur position. Plus récemment, certains géographes préfèrent ainsi l’expression d’« archipel mégalopolitain mondial » pour rendre compte de la mise en réseau des villes mondes [Dollfus, 1996].

A la suite des géographes, les urbanistes, les sociologues, les anthropologues et les historiens travaillant sur les espaces coloniaux se sont intéressés à la ville coloniale. La littérature est abondante. Odile Goerg et de Xavier Huetz de Lemps ont par exemple livré une belle et large synthèse en 2003 mais l’ouvrage centré sur la question des transferts des modèles européens dans les cités d’outre-mer ne pose pas la question de la possible existence de capitales proprement coloniales.

Si la notion de capitale a été renouvelée de manière fructueuse autour de la capacité des capitales à produire et à diffuser des innovations culturelles [Charle, 2004 et 2009], force est de constater que la « capitale culturelle » est toujours européenne : Paris, Londres, Rome. Seuls quelques travaux portant sur le Brésil ou sur l’Afrique, semble-t-il, font d’heureuses exceptions [Nuno et Peralta, 2013 ; Brockey, 2008 ; Bigon 2016].

Cette rencontre invite à faire un pas de côté et à regarder de l’autre côté de la Méditerranée et de l’Atlantique pour observer quelques capitales en contexte colonial et post-colonial. Après les travaux de Serge Gruzinski sur Mexico et d’Armelle Enders  et de Laurent Vidal sur Rio de Janeiro, on ne peut plus nier la longue histoire du pouvoir d’influence – politique, économique, culturel – de ces villes sur de très vastes aires.

Le recul historique conduit à réhabiliter le concept de capitale, rendant ainsi toute sa pertinence à la notion de « capitale coloniale ». Ce qui parait parfois obscur aux hommes du XXIe siècle apparaissait plus clairement à leurs prédécesseurs, et depuis longtemps. Ainsi le géomètre Alexandre Le Maître (La métropolitée, 1682) sait-il parfaitement de quoi il parle lorsqu’au XVIIe siècle, il évoque les villes capitales. Il définit la capitale comme le lieu indispensable aux princes qui fait connaître la grandeur de son royaume en joignant l’utile (c'est-à-dire la richesse du commerce) à l’honnête (la gloire du prince qui l’a fondée) et en établissant des liens dynamiques avec le pays dont elle est la capitale.

Or il arrive que les « souverains » ou les puissances coloniales fondent, dans les espaces coloniaux, de ces villes particulières qui disent leur grandeur (ou celle de la métropole), qu’ils chargent aussi de tenir un pays et d’en animer l’économie et le commerce à leur profit. Dans les Indes espagnoles et au Brésil, le terme « capitale » n’existe pas avant le XVIIIe siècle. Les capitales des deux grandes vice-royautés, Lima et Mexico sont désignées, dès le XVIe siècle, comme des cabezas de reinos et fonctionnent alors comme des pôles de commandement sur des territoires beaucoup plus vastes que les capitales européennes. Cette concentration des pouvoirs se retrouve aujourd’hui dans la configuration des armatures urbaines du Mexique et du Pérou marquées par une très forte macrocéphalie.

Non seulement les espaces coloniaux peuvent être organisés autour de villes principales mais la colonisation est un moment qui permet d’observer la naissance de cette cité particulière que représente la capitale coloniale. Il permet aussi d’interroger son absence car dans certains cas (assurément dans certaines colonies anglo-saxonnes), la capitale, si elle existe, n’est pas issue d’une décision du souverain. De ce point de vue, nous pourrons nous appuyer sur l’expérience des historiens médiévistes qui ont entamé, de leur côté, une réflexion sur cette question en se penchant sur le renouveau urbain du Moyen Âge, la naissance de capitales ou leur absence, comme en Espagne ou dans le Saint Empire Romain Germanique [Boucheron, 2006]. Nous pourrons également prolonger le chantier passionnant ouvert par Alain Musset sur les villes nomades (2002) et par Laurent Vidal sur la mobilité des capitales en Amériques (2014).

Finalement, entre une approche morphologique qui se limiterait à étudier les formes et les lieux du pouvoir métropolitain dans les villes coloniales et une approche métaphorique de la capitale comme pôle et vecteur de diffusion des modes, il existe des champs de recherche vierges que ce colloque propose de défricher.

Si la capitale est la « tête » gouvernementale d’un territoire et d’un réseau urbain de villes qu’elle domine, la capitale coloniale est d’abord la vitrine de l’Empire. Elle n’est pourtant pas toujours de grande taille et peut, selon les époques, regrouper seulement quelques centaines d’habitants. Les petites capitales jouent un rôle essentiel de relais pour des monarchies polycentriques. Il conviendra de distinguer la capitale comme siège de la souveraineté et les capitales relais de l’autorité. Certaines ont été créées de toutes pièces, d’autres sont des villes anciennes reprises et transformées. Certaines villes deviennent des capitales, d’autres en perdent le statut et il arrive qu’une capitale soit déplacée. La longue durée s’avèrera ici féconde car le sens même du mot « capitale » évolue avec le temps.

Les capitales en contexte colonial et post-colonial présentent plusieurs caractéristiques qu’il faudra questionner : ce sont des points d’articulation qui permettent d’intégrer de nouveaux espaces à un ensemble politique préexistant dans la mesure où la distance le permet. Ce sont aussi des vitrines, voire des laboratoires pour des opérations urbanistiques souvent ambitieuses qui visent à faire briller un pouvoir lointain et qui entendent convertir les indigènes aux bienfaits de la civilisation chrétienne. Passées les indépendances, ces symboles sont devenus des vestiges et sont détruits, repris, transformés à la lumière des impératifs du temps présent et des constructions nationales. Dans les capitales en contexte post-colonial, les conflits d’usages du passé y sont sans doute plus aigus qu’ailleurs. Enfin, les mondes urbains de ces capitales y sont extrêmement mêlés et cosmopolites. Au fil de la colonisation, vainqueurs et vaincus finissent par cohabiter, parfois de manière ségrégée, mais souvent au sein des mêmes espaces et, dans le cas américain, finissent par se mélanger pour donner naissance à des sociétés métisses d’une grande plasticité.

 

Programme

Mardi 5 mai

9h15 Propos introductifs

Nouvelles capitales (9h30-12h30)

présidence Bertrand Van Ruymbeke (Université Paris 8)

  • Virginie Adane (Université de Nantes, CRHIA): Réguler les rapports hommes-femmes dans la construction d’une capitale coloniale : La Nouvelle-Amsterdam
  • Catarina Madeira-Santos, (EHESS-CRH):Luanda, une ville-capitale entre routes impériales et réseaux africains (XVIe-XVIIIe siècles)
  • Arnaud Exbalin (Université Paris Nanterre, Mondes Américains/ESNA):Santafe Bogota, une capitale neuve de l’empire espagnol au XVIIIe siècle
  • Miguel Rodríguez, (Sorbonne Université, CRIMIC): D’Agirópolis à Viedma, une nouvelle capitale pour l’Argentine?

Capitales savantes (14h30-17h30)

présidence Emmanuelle Sibeud (Université Paris 8)

  • François Regourd, (Université Paris Nanterre, Mondes Américains/ESNA):Philadelphie, capitale savante des Lumières américaines ?
  • Marie Lecouvey, (Université Paris Nanterre/CRIIA): Mexico, vitrine de l'excellence scientifique mexicaine (1865-1895)
  • Claire Fredj, (Université Paris Nanterre, IDHES):Alger, capitale scientifique du Maghreb français?
  • Margo Stemmelin, (Université Paris 8, IDHES)Alger, capitale orientaliste (1880-1930)

Mercredi 6 mai

Capitales et territoire (9h30-13h)

présidence Aliocha Maldavsky (Université Paris Nanterre)

  • Alain Musset, (EHESS/Géographie-Cités) : Capitales coloniales, capitales provinciales, capitales nationales en Amérique centrale
  • Catherine Denys (Université de Lille, IRHIS) Quelle capitale pour les Mascareignes françaises ?
  • Claudia Damasceno Fonseca (EHESS, mondes Américains/CRBC) : Capitales et cidades dans l’hinterland de l’Amérique portugaise
  • Jean-Luc Piermay (Université de Strasbourg): Capitales d'Afrique centrale : fragilité ou consolidation paradoxale ?

La capitalité face aux changements de régime politique (14h30-16h)

présidence Pierre Ragon (Université Paris Nanterre)

  • Armelle Enders, (Université Paris 8, IHTP): Cosmopolitisme et souveraineté : Rio de Janeiro, capitale du Brésil (1808-1830’s)
  • Emmanuel Vincenot, (Université Gustave Eiffel, LISAA-EMHIS): D'un empire l'autre. Quand La Havane est devenue américaine (1899)
  • David Marcilhacy, (Sorbonne Université, CRIMIC):Panama face à Balboa. Capitalité et (post)colonialité au début du XXe siècle

Ouverture et conclusion (16h30-17h30)

  • Odile Goerg (Université de Paris, Paris Diderot, CESSMA), Que reste-il de colonial dans les capitales de l’ex-AOF ?

Conclusions par Thomas Calvo, (Colegio de Michoacan, Zamora, Mexique)

Bibliographie indicative

Anguita Cantero Ricardo et Xavier Huetz de Lemps (dir.), Normas y prácticas urbanísticas en ciudades españolas y hispanoamericanas (siglos XVIII-XXI), Grenade, Universidad de Granada, Casa de Velázquez, 2010.

Bekker Simon and Göran Therborn (ed.), Capital Cities in Africa : Power and Powerlessness, Cape Town, South Africa, HSRC Press, 2012. 

Bertrand Romain, Hélène Blais et Emmanuelle Sibeud, Cultures d’empires. Echanges et affrontements culturels en situation coloniale, Paris, Karthala, 2015.

Bigon Liora, French colonial Dakar : the morphogenesis of an African regional capital, Manchester, Manchester university press, 2016.

Boucheron Patrick, Denis Menjot, Pierre Monnet, « Formes d’émergence, d’affirmation et de déclin des capitales », in Les villes capitales au Moyen Âge, Paris, Publications de la Sorbonne, 2006, p. 13-53.

Brockey Liam Matthew (dir.), Portuguese colonial cities in the early modern world, Farnham, Ashgate, 2008.

Calvo Thomas, « ‘Le blanc manteau de l’urbanisation’ sur l’Amérique hispanique (1550-1600) », Perspectivas históricas, n° 5-6, janvier-juin 2000, p. 11-62.

Charle Christophe (dir.), Le temps des capitales culturelles XVIIIe-XXe siècle, Seyssel, Champ Vallon, 2009.

Claval Paul, La logique des villes, Paris, LITEC, 1981.

Coquery-Vidrovitch, Catherine, « De la ville en Afrique noire », Annales. Histoire, Sciences Sociales, vol. 61e année, no. 5, 2006, p. 1087-1119.

De Barros Juanita, Order and Place in a colonial City. Patterns of Struggle and Resistance in Georgetown, British Guiana, 1889-1924, Québec, McGill-Queen’s University Press, 2002.

Driver Felix et David Gilbert, Imperial cities, Manchester, Manchester University Press, 2005.

Enders Armelle, Histoire de Rio de Janeiro, Paris, Fayard, 2000.

Goerg Odile et Xavier Huetz de Lemps, « La ville européenne outre-mer », in Pinol, Jean-Luc (dir.), Histoire de l’Europe urbaine, t. 2, chap. 5, Paris, Le Seuil, 2003.

Graubart Karen B., « The creolization of the New Urban World. Locals forms of identification in urban colonial Peru, 1560-1640”, Hispanic American Historical Review, 89 (3), 2009, p. 471-489.

Gruzinski Serge, Histoire de Mexico, Paris, Fayard, 1996.

Haggerty Sherryllynne, Webster Anthony, White Nicholas J., (dir.), The Empire in One City? Liverpool’s Inconvenient Imperial Past, Manchester, Manchester University Press, 2008.

Home Robert Keith, Of planting and planning : the making of British colonial cities, London, Spon, 1997.

Kagan Richard L., Urban Images of the Hispanic World (1493-1793), New Haven-London, Yale University Press, 2000.

Kornwolf James D., Architecture and town planning in colonial North America, Baltimore (Md.), Johns Hopkins University Press, 2002.

Lüsebrink Hans-Jürgen et Sylvère Mbondobari (dir.), Villes coloniales, métropoles postcoloniales : représentations littéraires, images médiatiques et regards croisés, Tübingen, Narr Verlag, 2015.

Musset Alain, Villes nomades du Nouveau monde, Paris, EHESS, 2002.

Nuno Domingos et Elsa Peralta (dir.), Cidade e império : dinâmicas coloniais e reconfigurações pós-coloniais, Lisboa, Edições 70, 2013.

Pérotin-Dumont Anne, La ville aux îles, la ville dans l’île. Basse-terre et Pointe-à-Pitre, Guadeloupe, 1650-1820, Karthala, 2000.

Singaravélou Pierre (dir.), Les empires coloniaux, XIXe-XXe siècle, Paris, Point Seuil, 2013.

Sinou Alain, Comptoirs et villes coloniales du Sénégal : Saint-Louis, Gorée, Dakar, Paris, Éd. Karthala/ORSTOM, 1993.

Solano Francisco de, Ciudades hispanoamericanas y pueblos de Indios, Madrid, Consejo Superior de Investigaciones Científicas, 1990.

Théry Hervé, « Brasilia de la capitale à la métropole », in XXe siècle, n° 81, 2004, p. 93-105.

Vacher Hélène (dir.), Villes coloniales aux XIXe-XXe siècles, Paris, Maisonneuve Larose, 2005.

Varma Rashmi, The postcolonial city and its subjects : London, Nairobi, Bombay, New York, Routledge, 2012.

Vidal Cécile, Caribbean New Orleans Empire, Race, and the Making of a Slave Society, University of Noth Carolina Press, The Omohundro Institute of Early American History, 2019.

Vidal Laurent (dir.), Capitales rêvées, capitales abandonnées. Considérations sur la mobilité des capitales dans les Amériques (XVIIe-XXe siècles), Rennes, Presses Universitaires de Rennes, Collection « Des Amériques », 2014.

Vidal Laurent, De Nova Lisboa à Brasilia : l’invention d’une capitale (XIXe-XXe siècles), Paris, Editions IHEAL, 2002.

Categorías

Lugares

  • Bât. Max Weber, rdc, salle 2 - RER A, Nanterre Université, 200 av. de la République, 92 000 NANTERRE
    Nanterre, Francia (92)

Fecha(s)

  • martes 05 de mayo de 2020
  • miércoles 06 de mayo de 2020

Archivos adjuntos

Palabras claves

  • capitale; ville; colonial; post-colonial; Amérique; Afrique

Contactos

  • Arnaud Exbalin
    courriel : arnaud [dot] exbalin [at] parisnanterre [dot] fr

Fuente de la información

  • Arnaud Exbalin
    courriel : arnaud [dot] exbalin [at] parisnanterre [dot] fr

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CC0-1.0 Este anuncio está sujeto a la licencia Creative Commons CC0 1.0 Universal.

Para citar este anuncio

« Capitales en contexte colonial et post-colonial », Coloquio, Calenda, Publicado el lunes 23 de marzo de 2020, https://doi.org/10.58079/14pz

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