HomeJustice, responsability and control of political decisions: lessons of sanitary crisis
Justice, responsability and control of political decisions: lessons of sanitary crisis
Justice, responsabilité et contrôle de la décision politique : leçons de la crise sanitaire
13th study day at the UMR DICE
XIIIe journée de l’UMR DICE
Published on Tuesday, September 22, 2020
Abstract
La crise sanitaire que nous traversons, sans doute encore davantage que les autres crises sanitaires avant elle, a bouleversé et va continuer à bouleverser nos sociétés, nos modes de vie, nos économies comme notre droit et nos institutions. D’ailleurs, le vocabulaire a été adapté à ces circonstances exceptionnelles : nous sommes en « guerre contre le virus » explique Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, la France est « en guerre » a également martelé Emmanuel Macron, « l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert une mobilisation générale ». Qu’il s’agisse de l’échelle nationale, européenne ou internationale, nos règles de droit ont connu des adaptations nombreuses : en France, création d’un nouvel état d’exception (l’état d’urgence sanitaire) avec toutes les conséquences pour les différents droits fondamentaux qu’il a entraîné, dans l’Union, fermetures des frontières extérieures et restrictions à la libre circulation des citoyens de l’Union, dérogations aux interdictions enmatière d’aides d’État…
Announcement
Présentation
Chaque année, l’UMR 7318 DICE organise une journée d’études permettant aux membres du laboratoire mais également à des collègues extérieurs, nationaux ou étrangers, de s’exprimer, sur un sujet tout à la fois sous l’angle du droit comparé, du droit européen et du droitinternational. Cette journée reflète ainsi l’identité plurielle du laboratoire et des centres derecherches qui le composent. Elle privilégie l’échange des regards croisés entre diversesdisciplines juridiques ainsi que la communication intergénérationnelle en favorisant l’expression des jeunes chercheurs. La XIIIe journée de l’UMR DICE aura lieu cette fois-ci à l’Université d’Aix-Marseille, dans les locaux de la faculté de droit à Aix-en-Provence, le vendredi 19 février 2021 et sera consacrée au thème « Justice, responsabilité et contrôle dela décision politique : leçons de la crise sanitaire ».
Les intervenants et participants seront accueillis par les deux équipes aixoises de l’UMR DICE :le CERIC (Centre d’études et de recherches internationales et communautaire) et l’ILF-GERJC (Institut Louis Favoreu-Groupe d’études et de recherches comparées sur la justiceconstitutionnelle) qui organisent cette journée.
Argumentaire
La crise sanitaire que nous traversons, sans doute encore davantage que les autres crises sanitaires avant elle, a bouleversé et va continuer à bouleverser nos sociétés, nos modes de vie, nos économies comme notre droit et nos institutions. D’ailleurs, le vocabulaire a été adapté à ces circonstances exceptionnelles : nous sommes en « guerre contre le virus » explique Antonio Guterres, Secrétaire général de l’ONU, la France est « en guerre » a également martelé Emmanuel Macron, « l’ennemi est là, invisible, insaisissable, qui progresse. Et cela requiert une mobilisation générale ». Qu’il s’agisse de l’échelle nationale, européenne ou internationale, nos règles de droit ont connu des adaptations nombreuses : en France, création d’un nouvel état d’exception (l’état d’urgence sanitaire) avec toutes les conséquences pour les différents droits fondamentaux qu’il a entraîné, dans l’Union, fermetures des frontières extérieures et restrictions à la libre circulation des citoyens de l’Union, dérogations aux interdictions en matière d’aides d’Etat…
Certes, ces derniers mois, le débat n’était pas institutionnel (sauf celui sur les droits fondamentaux) : « quand la maison brûle, on ne s’occupe pas de la facture d’eau ! » (Charles Michel, Président du Conseil européen)[1]. Toutefois, il sera vite temps de l’ouvrir. Et pour cause, dans le contexte l’épidémie de COVID 19, il est fort probable que se développe rapidement l’accusation de ne pas avoir su protéger les populations et que revienne le spectre du procès en négligence sur le devant de la scène. Déjà, des recours administratifs de dizaines de familles de victimes sont lancés car les responsabilités civiles et pénales ne sont pas seules en causes. Les hôpitaux, l’administration de la santé ou l’État pourraient bien voir également leur responsabilité engagée selon des « chaînes de responsabilité » découlant de choix, de décisions, d’arbitrages d’intérêts. Par ailleurs, sur le plan international, une mise en cause des États peut être envisagée pour inaction ou insuffisance ? Peut-on imaginer que des citoyens américains portent en justice une action contre le gouvernement chinois ? Certains États pourraient-ils engager la responsabilité d’autres États – et devant quelle juridiction – pour manquement à leurs obligations internationales ? La Chine pourrait-elle être tenue juridiquement responsable de la crise sanitaire ? Quid de la responsabilité internationale des organisations internationales en la matière, et notamment de l’OMS ?
Les circonstances exceptionnelles ont au moins cet intérêt qu’elles permettent toujours d’éprouver les institutions, tout à la fois la cohérence de leur fonctionnement et la robustesse de leurs fondements. Ce sera l’objectif du colloque que d’interroger nos systèmes de décisions politiques, en France, comme en Europe, voire au plan international. Il s’agira principalement d’évaluer les modalités de contrôle et de responsabilité (au sens anglais de « accountability ») de la décision politique par les citoyens et tous ceux qui s’expriment en leur nom, qu’il s’agisse des parlements ou de la Justice. Dès lors, ce n’est pas uniquement sur les relations s’établissant entre « justice et politique » qu’il convient de s’interroger mais plus largement sur la question de la responsabilité politique et du contrôle de la décision politique, dont la dimension juridictionnelle n’est qu’un aspect.
Plusieurs questions pourront être envisagées, sans qu’elles ne soient exhaustives. Elles portent tout à la fois sur ce qui doit peut ou doit être contrôlé (1) mais également sur qui peut ou doit contrôler (2).
1 - Ce qui, dans la décision politique, peut (ou doit) être contrôlé (ou faire l’objet d’une responsabilité)
En situation de crises sanitaires, le décideur politique doit trancher dans un contexte excessivement incertain et est donc, par définition, exposé aux critiques et aux débats et ce, d’autant plus que les flottements, hésitations et incertitudes de sa décision sont inévitables. Les dates de confinement et de déconfinement, ses modalités, l’affaire des masques et des tests, révèlent ce contexte. La question est ici de savoir ce sur quoi, le contrôle (et la mise en cause éventuelle de la responsabilité) devra porter.
L’un des aspects intéressants est relatif aux liens entre la décision politique et l’expertise scientifique. Le décideur politique s’est fondé abondamment sur des avis d’experts scientifiques. La Commission européenne a par exemple mis en place dès le mois de mars un groupe consultatif sur le COVID-19, composé d'épidémiologistes et de virologues de différents États membres, dont la mission est d'élaborer des lignes directrices de l'UE relatives à des mesures de gestion des risques coordonnées. La décision politique n’est pourtant pas une décision scientifique, mais un choix sociétal, qui repose sur un arbitrage entre des intérêts contradictoires, politiques, économiques et sociaux. Ce choix ne s’effectue de manière binaire, par exemple entre le bien et le mal, mais entre deux solutions qui toutes deux sont, pour partie, insatisfaisantes. Il revient au décideur de déterminer, pour reprendre les termes de la Cour de justice de l’Union, le niveau de risque acceptable.
- Comment penser l’articulation entre la décision politique et l’expertise scientifique ? La multiplication des consultations et des comités d’expertise peut-elle conduire à un transfert ou un partage de responsabilité ? Comment garantir l’autonomie de la décision politique et du droit qui en découle ?
- Quelles sont ces autres données qui viennent s’agréger aux données sur l’épidémie pour permettre aux décideurs de déterminer le niveau de risque acceptable. Quelles consultations des parties intéressées ?
- Le principe de précaution, consacré dans le traité sur le fonctionnement de l’Union comme dans notre Constitution, a-t-il gouverné aux décisions ? La crise actuelle a-t-elle permis d’en tester les conditions d’application ?
- Le risque n’est-il pas inhérent à la décision politique ? Faut-il admettre, en fonction du niveau d’incertitude, des connaissances acquises de la science, de la situation comparée dans les autres États eux-mêmes confrontés à ce même dilemme, non pas une immunité totale, mais une atténuation de la responsabilité politique ?
Un autre aspect intéressant de la question, qui suit cette première question, est celle de l’articulation entre la décision politique et le respect du droit. Dans des situations d’urgence, c’est bien souvent le règne de « l’illégalité nécessaire » ; la raison politique prime plus jamais sur la raison juridique. Certes, il ne s’agit pas finalement si souvent d’illégalité car le droit lui-même prévoit en son sein des mécanismes de dérogations, d’adaptations pour les situations de crise. Le Code Schengen[2] permet par exemple aux États de refuser une demande de visa de court séjour ainsi que l’entrée dans l’espace Schengen en cas de menace pour la santé publique définie comme « toute maladie à potentiel épidémique telle que définie par le règlement sanitaire international de l’Organisation mondiale de la santé »[3]. Toutefois, ces mécanismes n’ont pas toujours été efficaces. En France, parce qu’il n’a pas été possible de recourir à l’article 16 de la Constitution, ni à son article 36 (l’état de guerre) et parce qu’il n’aurait pas été adéquat d’activer l’état d’urgence (loi du 3 avril 1955 utilisée récemment à la suite des attentats de 2015), il a fallu imaginer d’autres mécanismes par le biais d’un décret le 16 mars de confinement (mais sans base légale), puis par la loi du 23 mars. Dans l’Union, on a également vu apparaître des possibilités pour les Etats de déroger aux obligations de droit de l’Union en surplus aux possibilités préexistantes. Dans le même temps, la situation d’urgence déclenche non pas uniquement des possibilités de déroger aux obligations mais également des nouvelles obligations. Les mesures prises individuellement par un État peuvent porter préjudice aux intérêts d’autres États si elles ne sont pas cohérentes entre elles (qu’il s’agisse par exemple de la fermeture des frontières ou encore de l’achat de contre-mesures médicales) et, en conséquence, directement compromettre la gestion des foyers de maladies. C’est la raison pour laquelle, il est exigé, dans l’Union, mais également au plan international, une coordination de la réaction aux pandémies.
- La décision politique peut-elle se réduire à une décision juridique ? Autrement, en situation d’urgence, jusqu’à quel degré la responsabilité juridique doit-elle se substituer à la responsabilité politique ?
- Faut-il admettre une part d’immunité ? La formule « responsable, mais pas coupable », si difficile à comprendre, est-elle une exigence constitutionnelle ?
- Quels fondements et quelles garanties pour le nouvel état d’urgence sanitaire établi ? Sont-ils suffisants ?
- Les dispositifs de coordination ont-ils été efficaces ? La décision politique a-t-elle coordonnée comme l’impose le droit européen et international ?
- Dans l’appréciation de la responsabilité, faut-il tenir compte du niveau hiérarchique de l’acteur politique ? Existe-t-il des chaînes de responsabilité ? Des dérogations ou privilèges ou immunités ? Qui est responsable au niveau local, national, mais également européen et international ? L’Union européenne aurait-elle pu avoir une autre attitude face à la crise ? Les Etats peuvent-ils reprocher à l’OMS d’avoir tardé à réagir ?
2 - Devant qui peut (et doit) être contrôlé la décision politique ?
Après le « quoi », il sera également intéressant de discuter le « qui ». Ce questionnement porte d’abord sur les modalités du contrôle parlementaire. C’est toute la fonction de contrôle et d’évaluation qui est dévolue au Parlement par les articles 24 de la Constitution (« Le Parlement vote la loi. Il contrôle l'action du Gouvernement. Il évalue les politiques publiques ») et 47-2 de la Constitution (La Cour des comptes assiste le Parlement dans le contrôle de l'action du Gouvernement) qui se trouve sur la sellette. Le transfert massif de pouvoirs en temps de crise au gouvernement y invite tout particulièrement. La déclaration de l'état d'urgence sanitaire autorise en effet le Premier ministre à prendre par décret toute une série des mesures limitant les libertés, ce qui implique de réfléchir au contrôle du Parlement car il en va de la nature du régime politique. Et pourtant au même moment, les travaux parlementaires ont eu aussi été impactés par la crise, menés en partie à distance, par visioconférence ou en comité très restreint.
- Comment a eu lieu la mise en œuvre de la responsabilité de l’exécutif devant le Parlement ? Alors que les contrôles décisionnels s’effectuent « en temps réel » sur l’action du seul gouvernement, non de l’exécutif, peut-on et doit-on étendre ce contrôle à l’ensemble du processus de décision politique ?
- Quelle place pour les commissions d’enquête parlementaires ? Comment éviter qu’une telle méthode de contrôle de la décision politique, en soi légitime, ne tourne au procès médiatique (affaire Benala) ?
- Faut-il recourir non pas au « droit commun » du contrôle parlementaire, mais à des moyens exceptionnels pour permettre un véritable contrôle ? Quelles ont été les expériences (par exemple en droit comparé) de ces moyens exceptionnels ?
- Comment s’est organisée la responsabilité des décideurs publics dans le cadre des Etats fédéraux ?
- Dans l’Union, le Parlement européen a-t-il vu son rôle modifié en ces temps de crise sanitaire ? Et les parlements nationaux (et notamment le contrôle de la subsidiarité, suspendu ?)
Ce n’est que dans une seconde phase que viendra le temps de la Justice et la réflexion sur le rôle des juges. Une décision politique est alors appréhendée en tant que décision publique. La transformation ne s’effectue pourtant pas sans difficulté. En France, comme l’ensemble des citoyens, le décideur politique peut voir sa responsabilité engagée pour un type de décisions intentionnelles, constitutives de crimes et délits, commis durant son mandat. Il s’agit généralement d’infractions relatives à la probité (corruption, favoritisme…) aisément détachables du mandat. La proximité avec le droit commun est telle que la dimension « politique » de l’acte disparaît derrière sa forme juridique, son auteur ayant eu la volonté de commettre une infraction. Cependant, à côté de cette responsabilité pénale classique, le décideur peut également être poursuivi pour un choix politique erroné, incomplet ou insatisfaisant qui va causer à autrui un dommage. Sur le plan civil, même sans condamnation pénale, un tel dommage pourra et devra être réparé. Sur le plan pénal, un délit non intentionnel pourra être sanctionné, notamment l’infraction de mise en danger de la vie d’autrui. Au-delà du plan individuel, la décision politique par sa dimension collective peut également et naturellement être contrôlée par le juge. La responsabilité de l’État pourrait être sanctionnée que par les juridictions administratives et, en dernière instance, par le Conseil d’État, voire par le Conseil constitutionnel lorsqu’il s’agit de critiquer la loi, a priori ou a posteriori, par voie de question prioritaire de constitutionnalité. Sa responsabilité pourrait être également engagée au plan international et européen. Par ailleurs, l’attitude de l’Union est également passible d’un contrôle devant la Cour de justice de l’Union, en carence ou en responsabilité extracontractuelle.
- La justice française est-elle suffisamment outillée pour remplir une telle mission ? Cour de Justice de la République, juge judiciaire, juge administratif ?
- Faut-il criminaliser l’erreur manifeste d’appréciation politique ?
- Quels enseignements du droit comparé ?
- Peut-on, alors même qu’il y a une marge d’appréciation, en cas d’incertitude et de choix complexe, envisager un contrôle « plein » de la décision collective (qui ne soit pas cantonnée à l’erreur manifeste d’appréciation) ?
- La crise sanitaire doit-elle nous inviter à repenser les concepts de responsabilité, de faute, de préjudice ? Peut-on penser une responsabilité non plus individuelle mais collective ? Peut-on penser des formes alternatives de réparation ?
Direction scientifique
Cette journée d’études est placée sous la direction scientifique d’Estelle Brosset, Thierry Renoux, Ariane Vidal-Naquet, Professeurs Aix-Marseille Université et Eve Truilhé, Directrice de recherche au CNRS, UMR DICE.
Modalités de contribution
Les propositions de contribution (deux pages maximum) sont à adresser à l’adresse suivante : journeedice2021@gmail.com
Date limite de réponse : Le 16 novembre 2020
Notes
[1] « Et je pense que toutes celles et ceux qui cherchent déjà à faire des procès alors que nous n’avons pas gagné la guerre sont irresponsables. Le temps viendra de la responsabilité. » (E. Macron, 31 mai 2020).
[2] Règlement (UE) 2016/399 du Parlement européen et du Conseil du 9 mars 2016 concernant un code de l’Union relatif au régime de franchissement des frontières par les personnes (code frontières Schengen) (texte codifié) JO L 77 du 23.3.2016, p. 1-52.
[3] Article 2 du règlement (UE) 2016/399.
Subjects
- Law (Main category)
Places
- Salle des Actes - Faculté de droit et de science politique 3 Avenue Robert Schuman
Aix-en-Provence, France (13)
Date(s)
- Monday, November 16, 2020
Attached files
Keywords
- justice, responsabilité, contrôle de la décision politique, crise sanitaire
Contact(s)
- Marthe Fatin-Rouge Stefanini
courriel : journeedice2021 [at] gmail [dot] com
Reference Urls
Information source
- Martine Perron
courriel : martine [dot] perron [at] univ-amu [dot] fr
License
This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.
To cite this announcement
« Justice, responsability and control of political decisions: lessons of sanitary crisis », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, September 22, 2020, https://calenda.org/802433