HomeThe (non)state of irony in French language prose (2010-2020)?

The (non)state of irony in French language prose (2010-2020)?

(In)actualité de l’ironie dans la prose d’expression française (2010-2020) ?

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Published on Tuesday, January 05, 2021

Abstract

L’objectif de cette journée d’étude est d’interroger l’actualité ou l’inactualité de la notion d’ironie dans la prose narrative d’expression française de la décennie écoulée (2010-2020). Assiste-t-on à l’émergence d’un « moment non ironique », tant sur le plan de la production romanesque que de sa réception par la critique universitaire ? L’ironie instaure une dynamique d’inclusion et d’exclusion et, de ce fait, engage une axiologie et une politique. Or, cette politique est foncièrement ambivalente, la notion pouvant être aussi bien subversive qu’au service d’un pouvoir autoritaire. Nous souhaitons réfléchir à des questions relevant des corpus, du regard critique, des valeurs, des discours tenus sur l’ironie, ainsi que des signaux de l’ironie dans la prose d’expression française immédiatement contemporaine.

Announcement

Jeudi 3 juin 2021, Université Jean Monnet, Saint-Etienne

Argumentaire

De nombreux travaux ont estimé que la prose narrative française du début de la décennie 1980 était caractérisée à la fois par un retour à la transitivité (Viart 2008) et à la narration (Kibédi-Varga 1990). Mais cette résurgence de catégories autrefois décriées par les avant-gardes (personnage, auteur, narration, sujet, réel) s’accompagne d’une distance critique qui prend généralement les formes de l’ironie. Dans le sillage du célèbre article de Kibédi-Varga (1990), pour qui le « triple retour du sujet, de l’éthique et du récit » ne peut se faire que « sur le mode ironique », un consensus critique considère ainsi l’ironie comme « une pratique centrale dans la littérature française » (Alexandre et Schoentjes 2013) à partir des années 1980 et constitue un panthéon des grands ironistes contemporains (Echenoz, Toussaint, Chevillard, Gailly, Oster, Darrieussecq, Redonnet, Houellebecq). Ce faisant, les trois décennies qui suivent « l’an zéro du monde contemporain » (Meizoz & Philippe) ne rompent pas avec un xxe siècle qui, en plus d’avoir « donné lieu à une production ironique importante », a « connu la mutation du concept qui semble avoir acquis aux yeux de certains le statut de quasi-synonyme de littérarité » (Schoentjes 2007). De fait, en 1996, Philippe Hamon se demande « si l’ironie ce n’est pas la littérature même, toute la littérature, voire une sorte de “comble” de la littérature qui en exacerbe les traits définitoires » : communications ironique et littéraire nécessitent la participation dynamique du destinataire, instaurent une distance critique et mettent en scène des « mondes renversés ». Selon Ernst Behler, Paul de Man (1983) faisait également de l’ironie « la caractéristique la plus intime de la littérature elle-même » (Behler 1997), mais pour des raisons bien différentes : l’ironie y désigne « la perte de la faculté de communiquer », un « déchirement du langage » (Behler 1997)empêchant aussi bien le scripteur que le lecteur de maîtriser le sens du texte et de se prémunir contre l’équivoque et l’ambiguïté.

C’est que l’ironie engage aussi bien des pratiques scripturales que des attitudes interprétatives et peut ainsi apparaître en partie comme une création critique. On peut dès lors se demander si l’hégémonie de l’ironie à la fin du siècle précédent n’est pas d’abord « une hégémonie critique » (De Gandt 2008). En 1978 déjà, Linda Hutcheon insiste sur le rôle actif du lecteur dans le déchiffrement des stratégies ironiques, tandis que les approches pragmatiques (Kerbrat-Orecchioni 1978) empruntent la notion de « trio actanciel » (Weinrich 1966) pour distinguer trois actants dans l’ironie verbale, le locuteur, le récepteur et la cible. Nous aimerions tenir compte de ces différentes dimensions du phénomène ironique. On pourra en particulier examiner le rôle de la critique dans la promotion et l’imposition d’une problématique esthétique et langagière (l’ironie), d’un mode de lecture (attentif à la distanciation, la tension, l’implicite, l’antiphrase, le brouillage sémantique et l’autoréférentialité) et d’un corpus (les grands ironistes déjà mentionnés).

Mais l’objectif principal de cette journée d’étude est d’interroger l’actualité ou l’inactualité, dans la prose immédiatement contemporaine, du paradigme ironique. Fin 2007, se tient à Aix-en-Provence un colloque intitulé Hégémonie de l’ironie (1980-2008) ?, dont la modalité interrogative concerne aussi bien la période étudiée qu’un éventuel tournant à venir. Lorsque Schoentjes et Alexandre (2013) font « le point sur l’ironie contemporaine (1980-2010) », les termini a quo et ad quem sont sensiblement les mêmes. C’est précisément le devenir de l’ironie lors de la décennie écoulée qui nous intéresse : constituerait-elle un « moment an-ironique », tant sur le plan de la production romanesque que de sa réception par la critique universitaire ? La littérature hexagonale connaitrait-elle mutatis mutandis un phénomène similaire à la veine « post-ironique » observable outre-Atlantique, popularisée par David Forster Wallace ? L’ironie engage toujours une axiologie (même si Genette réserve l’antiphrase axiologique à l’humour) : elle relève de l’éthique et implique des valeurs. Pour Hamon (1996), la dualité de l’ironie repose avant tout sur la dynamique d’inclusion et d’exclusion qu’elle instaure. Or, selon Hutcheon (citée dans Schoentjes 2001), cette dynamique met en place une hiérarchie entre des « communautés discursives », celles qui rendent possible l’ironie et celles qui en sont exclues. Il y aurait donc une politique de l’ironie et cette politique est foncièrement ambivalente, l’ironie pouvant être aussi bien subversive qu’au service d’un pouvoir autoritaire.

Quelques pistes de réflexion possibles

Corpus :

  • persistance ou abandon (partiel) de la veine ironique chez les grands ironistes des années 1980-1990 ?
  • prédominance ou non dans la critique universitaire d’un nouveau corpus non ironique ? d’une littérature empathique ?

Relation critique :

  • émergence d’une conception « thérapeutique » de la littérature (Gefen), essor des trauma studies ou mise en avant de l’idée de « consolation » (Novak-Lechevalier) 
  • poids des sciences cognitives et des études sur l’empathie fictionnelle et ses mécanismes cérébraux 
  • réflexions sur la lecture conçue comme une pratique d’inviduation (Macé) ou défense, en didactique, d’un « premier degré de la littérature » (David)

Idéologie et politique de l’ironie :

  • empathie et bienveillance, maîtres-mots contemporains ?
  • ironie, force de subversion politique ou arme des puissants ?
  • une valeur esthétique ?

Définitions et discours sur l’ironie :

  • conceptions linguistiques et pragmatiques de l’ironie verbale aujourd’hui : trope antiphrastique hérité de la tradition rhétorique ? phénomène polyphonique ou dialogique, mention échoïque ?
  • définition dans les manuels scolaires 
  • images de l’ironie et acception du terme dans la presse

Signes et signaux de l’ironie :

  • figures de rhétorique et l’ironie dans la prose contemporaine
  • rapport aux clichés, aux lieux communs

Modalités de contribution

Les propositions de contributions (titre, résumé, brève notice bio-biblio, coordonnées) sont à envoyer à : aude.laferriere@univ-st-etienne.fr ; frederic.martin.achard@univ-st-etienne.fr

avant le 28 février 2021.

Une réponse sera apportée par les organisateurs au plus tard mi-mars.

En fonction de la situation sanitaire, les interventions pourront avoir lieu en visio-conférence.

Organisation

Aude Laferrière & Frédéric Martin-Achard (Université Jean Monnet)

Bibliographie 

Didier Alexandre & Pierre Schoentjes (dir.), L’ironie : formes et enjeux d’une écriture contemporaine, Paris, Classiques Garnier, 2013.

Beda Alleman, « De l’ironie en tant que principe littéraire », Poétique, nº 36, 1978.

Alain Berrendonner, Éléments de pragmatique linguistique, Paris, Minuit, 1982.

Jacques Bres, « L’ironie, un cocktail dialogique ? », Foreign Language, nº 27, 2011.

Jérôme David (dir.), La Littérature au premier degré, Versants, nº 57, 2011.

Ernst Behler, Ironie et modernité, Paris, PUF, 1997.

Paul de Man, Blindness and Insight. Essays in the Rhetoric of Contemporary Criticism, Minneapolis, University of Minnesota Press, 2nd edition, 1983.

Benoît Denis, « Ironie et idéologie. Réflexions sur la “responsabilité idéologique du texte” », COnTEXTES, nº 2, 2007.

Oswald Ducrot, Le Dire et le Dit, Paris, Minuit, 1985.

David Foster Wallace, « E Unibus Pluram : Television and U.S. Fiction », Review of Contemporary Fiction, vol. 13, nº 2, 1993.

Joëlle Gardes Tamine, Christine Marcandier & Vicent Vivès (dir.), Ironies entre dualité et duplicité, Aix-en-Provence, Publications de l’Université de Provence, 2007.

Alexandre Gefen, Réparer le monde. La littérature française face au xxie siècle, Paris, Corti, 2017.

Gérard Genette, Figure V, Paris, Seuil, coll. « Poétique », 2002.

Philippe Hamon, L’Ironie littéraire. Essai sur les formes de l’écriture oblique, Paris, Hachette, 1996.

Linda Hutcheon, Irony’s Edge. The Theory and Politics of Irony, Londres/New York, Routledge, 1994.

Linda Hutcheon, « Ironie et parodie : stratégie et structure », Poétique, nº 36, 1978, p. 467-477.

Catherine Kerbrat-Orecchioni, L’Implicite, Paris, Armand Colin, 1986.

Catherine Kerbrat-Orecchioni, « Problèmes de l’ironie » in L’Ironie, Travaux du centre de recherches linguistiques et sémiologiques de Lyon 2, PUL, 1978, p. 10-46.

Catherine Kerbrat-Orecchioni, « L’ironie comme trope », Poétique, nº 41, 1980.

Aron Kibédi Varga, « Le récit postmoderne », Littérature, nº 77, 1990, p. 3-22.

Françoise Lavocat, Fait et fiction. Pour une frontière, Paris, Seuil, 2016, p. 354-380.

Marielle Macé, Façons de lire, manières d’être, Paris, Gallimard, coll. « NRF essais », 2011.

Jérôme Meizoz & Gilles Philippe (dir.), 1980. L’an zéro du monde contemporain ?, Études de lettres, nº 312, 2020.

Florence Mercier-Lecas, L’Ironie, Paris, Hachette, 2003.

Agathe Novak-Lechevalier, Houellebecq, l’art de la consolation, Paris, Stock, 2018.

Claude Perez (dir.), Hégémonie de l’ironie (1980-2008) ?, Fabula/Les colloques [en ligne].

Laurent Perrin, L’Ironie mise en trope. Du sens des énoncés hyperboliques et ironiques, Paris, Kimé, 1996.

Pierre Schoentjes, Poétique de l’ironie, Paris, Seuil, 2001.

Pierre Schoentjes, Silhouettes de l’ironie, Genève, Droz, 2007.

Dan Sperber & Deidre Wilson, « Les ironies comme mention », Poétique, nº 36, 1978.

Mustapha Trabelsi (dir.), L’Ironie aujourd’hui : lectures d’un discours oblique, Clermont-Ferrand, Presses Universitaires Blaise Pascal, 2006.

Dominique Viart & Bruno Vercier, La littérature française au présent. Héritage, modernité, mutations [2005], Paris, Bordas, 2008.

Harald Weinrich, Linguistique du mensonge [1966], Limoges, Lambert-Lucas, 2014.

Jia Zhao, L’Ironie dans le roman français depuis 1980 (Echenoz, Chevillard, Gailly, Toussaint), Paris, L’Harmattan, 2013.

Places

  • 33 rue du Onze-Novembre
    Saint-Étienne, France (42)

Date(s)

  • Sunday, February 28, 2021

Keywords

  • ironie, littérature française contemporaine, critique littéraire, stylistique, linguistique

Contact(s)

  • Frédéric Martin-Achard
    courriel : commentlire [at] gmail [dot] com

Information source

  • Frédéric Martin-Achard
    courriel : commentlire [at] gmail [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« The (non)state of irony in French language prose (2010-2020)? », Call for papers, Calenda, Published on Tuesday, January 05, 2021, https://doi.org/10.58079/15qq

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