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Investigating political subjectivation - theories, methods and materials

Enquêter sur la subjectivation politique

Théories, méthodes, matériaux

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Published on Wednesday, April 07, 2021

Abstract

Ce colloque souhaite mettre le concept de subjectivation politique à l’épreuve de la réalité sociale, en réunissant les enquêtes de terrain, les recherches historiques, les observations ethnographiques qui s’en sont emparées dans les dix dernières années : il vise donc à réunir les recherches et, en particulier, les recherches les plus récentes qui, familières de ce concept, l’ont reformulé pour en faire une hypothèse d’analyse des processus concrets. Il s’adresse aux politistes, sociologues, anthropologues, ethnologues et historien.ne.s, ainsi qu'à toutes celles et ceux qui travaillent à partir d'un matériau où s'est inscrite l'expérience subjective et vécue du politique.

Announcement

Argumentaire

Ce colloque souhaite mettre le concept de subjectivation politique à l’épreuve de la réalité sociale, en réunissant les enquêtes de terrain, les recherches historiques, les observations ethnographiques qui s’en sont emparées dans les dix dernières années : il vise donc à réunir les recherches et, en particulier, les recherches les plus récentes qui, familières de ce concept, l’ont reformulé pour en faire une hypothèse d’analyse des processus concrets. Il s’adresse aux politistes, sociologues, anthropologues, ethnologues et historien.ne.s, ainsi qu'à toutes celles et ceux qui travaillent à partir d'un matériau où s'est inscrite l'expérience subjective et vécue du politique.

Le concept de subjectivation politique, élaboré au sein de la philosophie politique critique (Arendt, Foucault, Deleuze et Guattari, Abensour, Rancière, Laclau, Butler, Žižek, Balibar, Tassin), trouve sa raison d’être dans une interrogation plus générale sur les modes de constitution du sujet politique. Dans le prolongement du marxisme, il s’est souvent agi pour ces différent.e.s auteur.e.s, d’ouvrir la « boîte noire » du sujet révolutionnaire ou démocratique, pour montrer qu’il se constitue en tant que tel dans l’action politique, le soulèvement, la revendication, et qu’il n’est pas une simple « conséquence mécanique » de la structure des rapports de production capitalistes. Cette interrogation au sein du marxisme n’a pas été réservée à la philosophie politique : elle a été menée en parallèle (et parfois d’abord) par les historien.ne.s de la politique subalterne (comme E. P. Thompson) et, à leur suite, par les anthropologues des rapports de domination, comme J. Scott (Scott, 2019) ou P. Chatterjee (2009) : tous ont montré combien la subjectivation politique se produit au cœur même des luttes sociales, en articulant l'individuel et le collectif. C'est en s'appuyant sur la notion d'expérience que ces recherches empiriques ont permis de déplacer l'ancien questionnement marxiste : « à travers la catégorie d'"expérience", notait E.P. Thompson, la structure se mue en processus et le sujet entre à nouveau dans l'histoire » (E.P. Thompson, 2015, p. 316). Mais la notion de subjectivation a également connu des élaborations significatives hors des sphères académiques, notamment dans les milieux des militantismes féministe, lesbien ou gay et queer - avant souvent de faire retour dans le champ universitaire.

Malgré la vitalité de ces réflexions, les interrogations se sont souvent déployées dans un cadre trop abstrait pour les sciences sociales (Tarragoni, 2016). Le concept de subjectivation politique est majoritairement resté l’apanage d’une réflexion théorique conduite sous l’égide de la philosophie néomarxiste ou post-marxiste, ainsi que de la psychanalyse. Ce colloque entend contribuer à l'effort collectif visant à rapatrier ce concept dans les sciences sociales, en se posant la question de ce qu’il permet d’observer concrètement, en s'interrogeant sur les méthodes les plus adaptées pour l’appréhender, à partir de l’ensemble des travaux empiriques qui s’en saisissent dans une diversité de perspectives (pragmatistes, phénoménologiques, féministes, décoloniales ou post-coloniales, intersectionnelles, psychanalytiques etc.).

Cela suppose au préalable de réfléchir à une définition du concept à partir de laquelle les enquêtes empiriques, en histoire, sociologie, anthropologie et science politique, pourraient dialoguer. La subjectivation politique désigne une pluralité de processus de déterritorialisation (Guattari, 1989), de désancrage, de désappartenance, et de reconstruction d’un rapport à soi et au groupe qui met en question la naturalité supposée du sujet (social, politique, racial, sexuel) tel qu’il se donne dans l’évidence des affirmations dominantes. La subjectivation est l’expérience d’une désidentification sociale dont les issues sont diverses mais qui ouvre un accès au politique, que cet accès se manifeste sous la forme d’une construction identitaire collective ou non, d’une action collective organisée ou non.

Le concept permet donc de nourrir les travaux empiriques souhaitant observer le rapport au politique à l’échelle des individus pris dans leurs trajectoires biographiques, observés dans leurs singularités et leurs ancrages sociaux, ainsi que des groupes sociaux et des collectifs. En ce sens, la subjectivation politique décrit un ensemble de processus dont l'espace d'exercice ne se limite aucunement à ce que les sociologues appellent le « champ politique » : autrement dit le champ du pouvoir et de ses contestations organisées et structurées discursivement ou idéologiquement. L’avantage de ce concept est d’inviter à observer les mises en question du pouvoir ailleurs que dans ce champ institutionnel, aux marges de la politique et "par en bas". Les contributrices et contributeurs pourront donc envisager les processus de subjectivation à partir d’une multiplicité de rapports de pouvoir : rapports de genre et de sexe, rapports à la race, rapports à la famille et à l’école, rapports au travail, rapports à l’État (administration, police), rapports au vivant. Ce colloque sera par ailleurs l'occasion d'historiciser le concept de subjectivation politique, pour étudier le sens et l'objet de ces processus dans différentes temporalités. Les modèles de subjectivation sont fondamentalement historiques : les manières pour un individu de se singulariser et d'accrocher sa singularité à un collectif varient en fonction des textes ou des pratiques existantes qui peuvent soutenir ce processus, des types de collectifs qui le supportent. L'histoire sociale, dans la veine de l'histoire "par le bas" a apporté une contribution séminale à cette étude. Cette historiographie s'est attachée à l'étude de la formation d'une expérience critique de la domination, source d'une identité collective. À la suite d'Edward P. Thompson (2017 (1963)), de nombreux travaux se sont penchés sur les luttes pour se réapproprier collectivement des ressources privatisées, pour élargir le suffrage et accéder à la citoyenneté, pour critiquer des rapports de gouvernement jugés moralement injustes, pour contester des formes de modernisation ou de progrès imposées par les élites (Jarrige, 2009), ou encore pour lutter contre des autorités lointaines, comme l'autorité coloniale (Scott, 1990). De la supplique demandant la reconnaissance de droits (Cerutti, 2010) à la pétition, de l’émeute à la grève, des subjectivités artistiques à la diversité des modes de vie "en marge", les outils et les registres de cette expérience critique de la domination ont évolué dans le temps. Mais cette évolution ne saurait être linéaire ni téléologique. L'histoire du genre a ainsi montré que les deux derniers siècles ont vu se succéder des périodes d'émancipation des femmes et des backlashs (Faludi, 1991) propices à une resédimentation des identités de genre. L'accès au politique que suppose la subjectivation politique ne saurait donc s'analyser de la même manière au début du XIXe siècle, alors que l'idéologie des deux sphères séparées repose sur une hiérarchisation genrée des rôles sociaux et des identités, ou dans le contexte des luttes féministes des années 1970 affirmant que le "privé est politique". Si de telles scènes sont difficiles à documenter pour les périodes les plus anciennes, elles n’en sont pas pour autant inexistantes. On pense par exemple aux formes d’affirmation de soi pensées dans leurs relations avec le collectif qui peuvent exister sur la scène judiciaire. En effet, que le récit soit le résultat d’une injonction ou celui d’une décision personnelle, la scène du jugement tient sans cesse l’individu sous son regard objectivant et lui demande de se décrire comme de l’extérieur, de faire de lui le compte rendu que ferait le juge s’il avait les éléments (De Larivière, 2014). De cette confrontation peut au contraire surgir l’affirmation d’un sujet construit en opposition à cette instance de jugement (Ginzburg, 1986).

Le concept de subjectivation vise, en ce sens, à décrire un processus plutôt que la constitution d’un état ou d’une identité figée. Il indique d’abord une fabrique, dont il s’agit de repérer les ouvriers, les outils, les œuvres ou artefacts produits (Jacquet, 2014 ; Jacquet et Bras, 2018). C'est à ce mouvement que l'on s'intéressera avant tout, non pas tant au sujet qu'au devenir sujet.

Comment s’enclenche le processus ? Le devenir sujet peut passer par une rupture, une mise à distance de l’identité primaire soudain reçue comme une assignation indue ou brutale. S’invente alors, contre cette assignation, une identité perçue comme relevant de la seule responsabilité et de la liberté de celui ou de celle qui s’y reconnaît. Le stigmate retourné devient "habilitant", source de capacité d'agir (empowerment). On pense à l'exemple bien connu de Jean Genet recevant la phrase "tu es un voleur" : « Je me reconnaissais le lâche, le traître, le voleur, le pédé qu’on voyait en moi » (Genet, 1983, p. 198). Une affirmation identitaire nouvelle s’invente, dont la dimension politique surgit de son opposition à l’assignation primaire et, le plus souvent, de son insertion dans un groupe secondaire choisi et venant en appui au travail identitaire. La réaction contre l’assignation prend alors la forme d’une révolte contre la naturalisation imposée, et d’une invention de soi. Cette invention de soi, cette désidentification-réidentification, est d'autant plus aisée si elle s’appuie sur des collectifs habitués à se penser dans une logique constructiviste - c’est le cas des collectifs gays et lesbiens par exemple (Butler, 2006). Elle peut aussi parfois, au contraire, être pensée comme un retour à une identité préalable, sociale, religieuse ou familiale : la radicalisation religieuse, et tout l’imaginaire politique qui lui est lié, permet l’affiliation à un groupe dont l'identité est perçue comme redécouverte et fidélité plutôt que comme invention (Truong, 2017). Enfin, l’interrogation et la réappropriation politique de leur identité par les personnes racialisées est variable selon les pays. En France, la tradition d’affirmation universaliste et de non reconnaissance politique des identités de race crée un contexte particulier (Bouteldja, 2016). Dans ce contexte universaliste, toute subjectivation politique conduisant à une affirmation identitaire, qu’elle soit de genre, de race ou de religion, amène immédiatement la dénonciation consensuelle d'un "communautarisme" ou d'un "séparatisme". Au plus loin de tels jugements idéologiques ou moraux, il s'agira, tout au contraire, d’observer les mécanismes identitaires au cœur des processus de subjectivation politique, quel que soit le mode d'identification qu'ils promeuvent et quels que soient les rapports de domination qu'ils mettent en jeu.

Le devenir sujet peut également s’opérer dans un mouvement qui ne joue pas contre l’assignation mais qui la déjoue, c'est-à-dire qui en resignifie les codes et y oppose non plus une révolte mais une forme de résistance, ce que Foucault appellerait une "contre-conduite". De l’intérieur même des codes, des assignations, des mécanismes de pouvoir, se font jour de nouveaux dispositifs de savoir par lesquels les sujets en devenir identifient ces mécanismes, non pour y opposer d'autres identités mais pour les saisir, les comprendre et pouvoir prendre une distance. Cette prise de distance qui permet aux objets du discours de devenir les sujets de leur propre discours est une modalité centrale du processus de subjectivation. On pourra en trouver des exemples non seulement dans la conscience de classe, qui retourne la minoration en fierté ouvrière, mais aussi dans les "techniques de soi" que travaillent les trans studies ou dans les affirmations des écoféministes. Parfois accusées de reprendre à leur compte les identités essentialisantes construites par le patriarcat, les écoféministes revendiquent en effet de travailler par cette reprise à la subversion subjective et politique des catégories et des identifications imposées. Il ne s’agit pas pour les écoféministes de construire un sujet femme dissocié d'une nature dévalorisée par le capitalisme, mais de redonner une valeur aux activités de care : non pas inventer un autre sujet mais subvertir de l’intérieur et resignifier les catégories existantes. Le langage de leur protestation reprend les mots de la féminité ordinaire, ceux des soucis de femmes nourricières, prenant soin des corps et du vivant, des soucis des mères pensant l’avenir de leurs enfants et de la terre qui les portera. Elles deviennent sujets politiques et font communauté à partir de la position qui est la leur. De façon assez similaire, la transsexualité (MtF et plus encore FtM) a pu être accusée de ne faire que rejouer les codes dominants. Chez Butler, le corps trans est réduit à une incarnation des normes existantes et Christine Delphy déclarait en septembre 2013 : « Je ne vois pas en quoi soutenir une femme qui veut devenir un homme, et donc passer dans le camp de l’oppresseur, est un combat féministe". Elles sont suivies par les féministes que l'on désigne comme « Terfs » (pour “Trans-Exclusionary Radical Feminists”). Or, si on se place du point de vue de la subjectivité individuelle et du point de vue des communautés politiques produites, on peut constater que ce n’est pas du tout le cas (Bourcier, 2018). C’est une dimension que ce colloque propose d'explorer.

La subjectivation politique doit aussi penser le mouvement par lequel un sujet se désidentifie, s’arrache à toute identification possible mais entend se suspendre dans le mouvement même, dans le processus sans cesse repris qui défait toute assignation. Se crée alors une subjectivation sans sujet. C’est le cas pour les transclasses par exemple. Chantal Jacquet choisit ainsi de les penser « comme des artefacts », des identités radicalement sans essence. C’est le cas également pour les personnes queers ou butchs, ou celles se revendiquant d'un genre fluide ou non-binaire. C’est aussi le cas des sujets politiques démocratiques chez Jacques Rancière - sujets "toujours provisoires et locaux", et dont les "formes de subjectivation ne sont pas des incarnations ou des identifications, elles sont bien plutôt des intervalles entre plusieurs corps, entre plusieurs identités" (Rancière, 1994). Tous et toutes ne peuvent se tenir, dans leur critique des catégorie dominantes, que dans un lieu mouvant qui suspend toute substantialité de l’identité. L’être politique du transclasse, du sujet queer ou butch, c’est la différance, qui déconstruit les lignes de partage habituelles. Loin d'imiter et de reproduire le système hétéropatriarcal, les femmes butchs revendiquent en effet une masculinité de position qui est une création consciente et se différencie de la masculinité straight. L’identité queer se présente, quant à elle, comme désessentialisée : une identité de pure position, qui remet en question l’identité définie uniquement par la sexualité et limitant de ce fait la recomposition des catégories de genre.

Comme le montrent ces exemples, l'intérêt d'étudier la subjectivation politique est de souligner que l'identité est une construction inachevée voire inachevable : une construction narrative et biographique (Ricoeur), une performance faite de corps, de vêtements, d'images, où la critique des assignations normatives, donnant lieu à un agir politique, participe, avec d'autres types d'activités, à la production de soi. Quelles sont les scènes qui, selon le type de subjectivation en jeu (de classe, de genre, de race ou d’adhésion partisane) sont propices à l’expression et à la solidification des subjectivités dans leur rapport au collectif ? On pourra se demander si certaines formes de subjectivation ne peuvent pas aussi passer à côté, ou en-deçà, d'une articulation au politique. Il y a des parcours biographiques conduisant à vivre des transformations identitaires ou corporelles qui ne s'articulent à aucune conscience politique. Pour autant, il ne s'agit pas de réduire la notion de subjectivation au vieux débat sur la prise de conscience. Le devenir sujet peut passer, ou non, par des formes d'articulation consciente et de mise en discours. Il faut donc comprendre ce que sont les conditions de possibilité du passage à l'articulation (discursive ou corporelle) d'un sens politique.

Mais si la notion de subjectivation politique permet de réarticuler autrement l'ancien débat sur la conscience (de classe, de genre, de race), c'est aussi parce qu'elle se débarrasse d'une focalisation sur la discursivité au profit de ce qu'on nommerait aujourd'hui la performance ou, plus largement, de ce qu' E.P Thompson appelait culture : "les gens ne vivent pas seulement leur expérience sous la forme d'idées, dans le cadre de la pensée et de ses procédures ou, comme certains tenants de la pratique théorique se l'imaginent, sous la forme d'un instinct prolétarien, etc. Ils vivent aussi leur expérience sous la forme de sentiments (et ils appréhendent leurs sentiments dans le cadre de leur culture)". Thompson évoque "une conscience affective ou morale" (Thompson, 2015, p. 318). Par ailleurs, puisque la mise en discursivité d'une subjectivité minoritaire ou oppositionnelle n'est pas toujours possible (Spivak, 2020), on pourra chercher à documenter les traces d'invention et d'affirmation d'un sujet minoritaire ou oppositionnel en dehors de toute verbalisation.

Axes thématiques

Sans entendre limiter les formes du questionnement, ce colloque aura vocation à susciter des contributions empiriques principalement au sein de quatre axes.

Les pratiques sociales de la subjectivation

Tout d'abord, le colloque cherchera à documenter empiriquement les différentes pratiques sociales à travers lesquelles voient le jour des processus de subjectivation. Le champ de ces pratiques à étudier n'est pas limité a priori. De nombreux travaux ont exploré les dynamiques de subjectivation politiques au sein du militantisme, que ce soit par les conséquences biographiques de l'engagement (Filleule), les pratiques de retour sur soi qu'autorise une organisation politique (Pudal, 1989) ou ses effets émancipateurs (Leclerc, 2011), par les dynamiques d'affirmation de soi dans des partis qui l'excluent a priori, comme les militantes du Parti de la justice et du développement en Turquie (Aymé, 2020), ou encore par les pratiques de désenchantement ou de désengagement, lorsqu'elles se chargent d'une tonalité contestataire (Hivert, 2019). D'autres travaux, tout aussi nombreux, se sont penchés sur les dynamiques de subjectivation politique au travail, que ce soit par des pratiques de freinage ou de résistance au rythme de production (Roy, 2000), ou par des actions collectives plus organisées, comme les grèves des travailleurs immigrées dans l'industrie automobile dans les années 1980 (Gay, 2021). D'autres recherches ont exploré ces processus à l’œuvre dans les pratiques éducatives et culturelles, que ce soit dans des dispositifs d'éducation populaire (Tarragoni, 2013), ou dans des pratiques inspirées de la pédagogie des opprimés de Paulo Freire, comme le "théâtre de l'opprimé" ou le "théâtre forum" (Boal, 2004). D'autres recherches, enfin, se sont penchées sur les pratiques intimes et sexuelles. C'est le cas par exemple de Sherry Ortner (1996) qui, en reprenant la méthode constructiviste d'Edward P. Thompson, s'est penchée sur la "formation" (making) d'une identité féminine dans les sociétés traditionnelles via la mise en commun d'un ensemble d'expériences subjectives cherchant à détourner les codes machistes ou patriarcaux. D'autres recherches, enfin, ont documenté les processus de subjectivation politique dans les pratiques morales et religieuses. C'est le cas par exemple de John et Jean Comaroff, qui se sont penchés sur les sociétés locales d'Afrique australe, en montrant l'emprise des missions chrétiennes et des États autoritaires dans la catégorisation du monde social par les gouvernés. C'est ainsi dans un certain nombre de pratiques du privé, en particulier dans des rituels corporels et des croyances religieuses, que les individus s'approprient de façon libre leur corps, en produisant les catégories leur permettant de dire la liberté par rapport aux normes dominantes (Comaroff, 1991).

La temporalité du processus de subjectivation

On pourra d'autre part s’intéresser aux temporalités du processus de subjectivation. Y a-t-il, à l’origine, un élément déclencheur, quelque chose comme un trauma, un choc, une rencontre qui amorce un mouvement de désancrage ? Ce choc peut être individuel - l’insulte reçue ou l'interpellation (Butler, 2004 ; Lecercle 2019 ; Louis 2014), une rupture familiale, professionnelle, amoureuse, la position de témoin face à une injustice -, ou collectif - une grève, une lutte sociale, un ouragan (Starkawk, 2016), une épidémie (Bouchet, 2018), une révolution même (Burstin, 2013). À quel moment commence le travail de subjectivation, et peut-on d’ailleurs toujours identifier un moment précis ? La rupture est-elle soudaine et radicale, ou progressive et négociée ? Des événements vécus collectivement permettent souvent de resignifier ce qui était vécu individuellement, comme le montrent ces « vocations d’hétérodoxie » nées en mai 1968 (Gobille, 2008). De même Fanny Gallot a-t-elle montré comment la crise de nerfs, longtemps interprétée comme une faiblesse individuelle, avait pu être récupérée par les ouvrières des années 68 et reliée aux conditions de travail, permettant ainsi de transformer les subjectivités et d'ouvrir à l'action collective (Gallot, 2009). D'autre part, comment combiner une analyse biographique des bifurcations donnant lieu à la subjectivation, relevant du contingent, et la prise en compte de l'espace des possibles qui les précèdent, relevant du structurel ? Quels changements la subjectivation implique-t-elle dans les socialisations plurielles de l'individu, dans ses relations et liens sociaux, dans ses interactions quotidiennes et ordinaires ? Comment s’organise ensuite le mouvement vers une identité collective ? Quel est le rôle des socialisations primaires (notamment familiales) dans la structuration et l’activation du rapport au politique et la production d'une subjectivité militante (Pagis, 2014) ? Y a-t-il des positions sociales plus susceptibles que d’autres de déclencher des processus de subjectivation politique, d’interrogation des identités assignées ? Frantz Fanon considérait que « parce qu’il est une négation systématisée de l’autre, une décision forcenée de refuser à l’autre tout attribut d’humanité, le colonialisme accule le peuple dominé à se poser constamment la question : "Qui suis-je en réalité" ? » (Fanon, 1991, p. 300) et donc à rendre non évidente distanciée l’identité imposée par le colonisateur.

De nombreux terrains permettent aussi de penser la manière dont la participation à des collectifs militants ou la familiarisation avec des problématiques nouvelles enclenchent des processus de modification profonde des subjectivités (Lindgaard, 2018 ; Mauvaise troupe, 2014). La subjectivation politique n'est en effet pas seulement un geste inaugural et fondateur mais la conséquence poursuivie de ce geste. Quoique non exclusivement (Guattari, 1989), c'est tout particulièrement le cas autour des politisations écologistes. Adhérer au geste écologiste est bien souvent l'occasion non pas seulement d'une entrée dans un collectif, un combat et un rapport de force militant mais, plus fondamentalement, d'une transformation des subjectivités, d'une fabrique de "territoires existentiels" qui sont autant de recomposition des imaginaires et des sensibilités (Morizot, 2020), de manières nouvelles d'être présent.e.s au monde, qui font l'épreuve de relations nouvelles et d'une cohabitation avec le vivant. À ces thématiques explorées par les philosophes (Stengers, 2009 ; Morizot, 2016 ; Haraway, 2020), le colloque appelle à répondre par des enquêtes de terrain et l'analyse de trajectoires militantes.

Les supports des processus de subjectivation

On souhaite en outre que les contributions proposées puissent rendre compte des supports auxquels la subjectivation se raccroche. Quel est l’usage qui est fait des discours disponibles, par quels médias sont-ils approchés ? Puis, on pourra se demander quels sont les moyens concrets qu’utilise la subjectivation pour s’activer. Quelles sont les formes d’énonciation mises en jeu, à travers la parole, qu’elle soit publique - prise de parole en assemblée (Tarragoni, 2014), rédaction de tracts (Vigna, 2016), coming out (Arènes, 2014), échanges militants ou amicaux - ou non, ou à travers des supports écrits ? Quel est par exemple le rôle des journaux intimes ou des autobiographies dans la construction d’une trajectoire de subjectivation politique (Renard, 2017) ? Enfin, quelle est la part de la performance publique de cette subjectivité politique, et comment se raccroche-t-elle à un collectif par tout un ensemble de pratiques qui ne sont pas seulement discursives mais touchent aussi le corps, le vêtement, la performance ou la mise en scène de soi ? On gagnerait sans doute à réfléchir aux lieux de cette inscription du sujet politique. Il arrive souvent que la subjectivation ait besoin de "facilitateurs" : des individus ou des collectifs, des objets (livres, traces mémorielles, tracts, chansons, poésie, graffiti, mais aussi vêtements, manières d'habiter, etc.), dont la rencontre va jouer comme un déclencheur. Sur le mode des "tactiques de résistance" analysées par Michel de Certeau (1990), on pourra analyser la manière dont le processus de subjectivation se loge dans les pratiques les plus quotidiennes, comme la lecture. C'est le cas dans certaines rencontres entre l'anthropologue ou le sociologue et ses informateurs, comme dans les pratiques de restitution des enquêtes chargées de faire surgir une conscience politique chez les enquêté.es (avdocacy anthropology, public sociology) ou dans les dispositifs de recherche-action. Ainsi la prise de conscience politique de Younes Amrani est-elle accentuée par la lecture d'un ouvrage du sociologue Stéphane Beaud : il continuera à fourbir les armes de cette subjectivation dans de longues lettres qui déboucheront sur un livre, dédié par lui « à tous ceux qui n'ont pas eu la chance, comme moi, de pouvoir extérioriser leur souffrance, leur mal-être, leurs rancœurs et leurs regrets » (Amrani et Beaud, 2005). La trajectoire de subjectivation procède parfois par étapes diverses qu'il s'agit aussi de documenter. Ainsi les Afro-Américains gays rencontrés par E.P. Johnson pour une enquête ethnographique pourront-ils poursuivre l'affirmation subjective et politique d'eux-mêmes dans la performance montée avec lui sur diverses scènes théâtrales (Lemoine, 2016).

Cet axe aura aussi pour vocation de réfléchir tout particulièrement aux méthodes susceptibles de documenter les processus de subjectivation politique. Comment mobiliser des entretiens biographiques et des récits de vie, des autobiographies romancées ou non, et divers types d'écriture de soi, alors même que les sciences sociales hésitent encore largement à utiliser de tels matériaux, au risque d'être leurrées par l' « illusion biographique » (Bourdieu, 1986). Quelle grille d'analyse employer pour y étudier le sujet politique en train de s'écrire ou de se dire ? Pour ce qui est des archives, ce questionnement recoupe celui de la présence d'une parole dominée dans des archives écrites et codées par les instances de pouvoir (Guinzburg, 2010).

Subjectivations intersectionnelles.

La question de la subjectivation politique est également une porte d'entrée pour essayer de saisir la manière dont s'imbriquent différents types d'identités. Plusieurs recherches menées dans une perspective intersectionnelle permettent en effet de mettre en avant le fait que bien souvent ce sont plusieurs types d'identités distinctes et combinées qui, affrontées à la même minoration ou répression, entrainent l’amorce d’un mouvement de désancrage et de distanciation qui va initier la constitution d'un nouveau sujet politique. C'est le cas par exemple du croisement entre sujet transclasse et sujet féminin (Lagrave, 2021), ou entre sujet féminin et racisé (Crenshaw, 1991 ; Le Bars, 2020 ; Paris, 2017), luttes environnementales et luttes féministes. Plusieurs récits ont dit le lien entre engagement révolutionnaire et expérience de la marginalité religieuse, messianisme et gnose révolutionnaire mais aussi répression sexuelle et conscience de classe ou engagement contestataire, chez Chelsea Manning par exemple, Didier Eribon (Eribon, 2009) ou Daniel Guérin. Ce dernier écrivait : "ma venue aux idées révolutionnaires avait été, pour une part plus ou moins large, le produit de mon homosexualité, qui avait fait de moi, de très bonne heure, un affranchi, un asocial, un révolté" (Guérin,2020).

En abordant ces différents aspects, ce colloque pluri-disciplinaire entend faire contribuer des disciplines et des objets différents à la saisie empirique du phénomène de subjectivation politique dans sa dimension processuelle.

Comité organisateur

Déborah Cohen, Vincent Gay, Isabelle Matamoros et Federico Tarragoni.

Comité scientifique

Sam Bourcier ; Boris Gobille ; Riccardo Ciavolella ; Magali della Sudda ; Claire Judde de la Rivière ; Julie Pagis ; Julien Vincent.

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Réception des propositions de communication : 15 septembre

+/- 8000 signes à envoyer à : subjectivationspolitiques@mailo.com

Réponses le 5 novembre

Le colloque se tiendra les 17-18 mars 2022

Bibliographie

Younes Amrani et Stéphane Beaud, Pays de malheur ! Un jeune de cité écrit à un sociologue. Suivi de Des lecteurs nous ont écrit, La Découverte/Poche essais, 2005.

Arènes, Jacques. « Coming out et subjectivation », Dialogue, vol. 203, no. 1, 2014, pp. 53-63.

Aymé Prunelle, "Entre contraintes et subjectivation politique : le militantisme féminin au Parti de la justice et du développement en Turquie", Critique internationale, vol. 88, n° 3, 2020, p. 111-130.

Marc Bessin, Claire Bidart, Michel Grossetti, Bifurcations. Les sciences sociales face aux ruptures et à l’événement, La Découverte, 2010.

Boal, Jeux pour acteurs et non-acteurs. Pratiques du Théâtre de l’opprimé (1978), traduit du portugais (Brésil) par R. Mellac pour les précédentes éditions et par V. Rigot-Müller pour la présente, Paris, La Découverte, 2004.

Thomas Bolmain, "De la critique du "procès sans sujet" au concept de subjectivation politique. Notes sur le foucaldisme de Jacques Rancière, Dissensus, n° 3, fév. 2010, p. 176-198.

Sam Bourcier, Queer Zones. La trilogie, Amsterdam, 2018.

Houria Bouteldja, Les Blancs, les Juifs et nous : Vers une politique de l'amour révolutionnaire, La Fabrique, 2016.

Haim Burstin, Révolutionnaires. Pour une anthropologie politique de la Révolution française, Vendémiaire, 2013.

Judith Butler, Le pouvoir des mots. Discours de haine et politique du performatif, Editions Amsterdam, 2004.

Judith Butler, Défaire le genre, trad. M. Cervulle. Paris, Editions Amsterdam, 2006.

Simona Cerutti, "Travail, mobilité et légitimité. Suppliques au roi dans une société d'Ancien Régime (Turin, XVIIIe siècle), Annales. Histoire, Sciences Sociales, 2010, vol. 65,n° 3, p. 571-611.

Partha Chatterjee, Politique des gouvernés. Réflexions sur la politique populaire dans la majeure partie du monde, tr. fr. Christophe Jaquet, Paris, Amsterdam, 2009.

Collectif Mauvaise troupe, Constellations. Trajectoires révolutionnaires du jeune 21e siècle, L'éclat, 2014.

John et Jean Comaroff, Of Revelation and Revolution, Chicago, University of Chicago Press, 1991.

Muriel Darmon, « Sociologie de la conversion. Socialisation et transformation individuelles », in C. Burton-Jeangros et C. Maeder (dir.), Identité et transformation des modes de vie, Genève et Zurich, Seismo, 2011, p. 64-84.

Claire Judde de Larivière, La révolte des boules de neige. Murano face à Venise, 1511, Fayard, 2014.

Frantz Fanon, « guerre coloniale et troubles mentaux », in Les damnés de la terre, Paris, Gallimard,1991.

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Places

  • Grands Moulins
    Paris, France (75)

Date(s)

  • Wednesday, September 15, 2021

Keywords

  • subjectivation politique, militantisme, identités politiques, trajectoires de vie, intersectionnalité,

Contact(s)

  • Comité organisateur
    courriel : representant [dot] doctorant_ed556 [at] listes [dot] univ-rouen [dot] fr

Information source

  • Déborah Cohen
    courriel : subjectivationspolitiques [at] mailo [dot] com

License

CC0-1.0 This announcement is licensed under the terms of Creative Commons CC0 1.0 Universal.

To cite this announcement

« Investigating political subjectivation - theories, methods and materials », Call for papers, Calenda, Published on Wednesday, April 07, 2021, https://doi.org/10.58079/16cw

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