AccueilScènes de spectres dans le théâtre européen (XVIe-XVIIIe siècle)

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Scènes de spectres dans le théâtre européen (XVIe-XVIIIe siècle)

Scenes of spectres in the European theatre (16th-18th century)

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Publié le mardi 15 juin 2021

Résumé

Ce colloque international se propose d’étudier la nature et les fonctions des scènes de spectres dans les arts du spectacle vivant en France, en Angleterre, et ailleurs en Europe, du XVIe au XVIIIe siècle. Les apparitions spectrales pourront être envisagées dans une perspective esthétique, dramatique et/ou scénique, métathéâtrale, métaphorique, socio-culturelle, politique, philosophique, les pistes suggérées n’étant pas exhaustives.

Annonce

25-26 Novembre 2021, Université Paul-Valéry Montpellier 3, Institut de Recherche sur la Renaissance, l'âge Classique et les Lumières (IRCL - UMR 5186), Montpellier, France

Argumentaire

Ce colloque international se propose d’étudier la nature et les fonctions des scènes de spectres dans les arts du spectacle vivant en France, en Angleterre, et ailleurs en Europe, du XVIe au XVIIIe siècles. Les apparitions spectrales pourront être envisagées dans une perspective esthétique, dramatique et/ou scénique, métathéâtrale, métaphorique, socio-culturelle, politique, philosophique, les pistes suggérées n’étant pas exhaustives.

Le spectre est un familier, voire un pilier, de la tragédie de vengeance. Cet héritage de la tragédie antique, d’Eschyle à Sénèque, où des ombres protatiques commentaient les intrigues, sert de modèle aux auteurs dramatiques européens à partir du XVIe siècle, pour prendre d’autres formes sous les Lumières.

Lorsqu’on songe aux spectres sur les scènes de théâtre, c’est le plus souvent le père défunt du prince Hamlet arpentant les murailles d’Elseneur qui s’impose en premier lieu. Mais ce parangon du fantôme renaissant dans la pièce de Shakespeare est non seulement l’arbre qui éclipse une forêt foisonnante mais également un aperçu bien trompeur. S’il est vrai qu’il en est venu à incarner (ou plutôt désincarner) le spectre vengeur per se, on oublie souvent qu’il fut, au tournant du XVIIe siècle, une figure d’une grande originalité qui, par son immense succès, façonna le spectre de théâtre en Grande- Bretagne pour des décennies, voire des siècles.

En France, plus de six décennies plus tard, le spectre témoigne d’une épaisseur bien matérielle chez Molière, soulignée dès le titre, lorsqu’il anime la statue du Commandeur dans Dom Juan ou le festin de pierre.

Mais qu’est-ce qu’une « scène de spectre » précisément ? Il s’agit de toute scène dans laquelle le dramaturge fait apparaître un « revenant », l’âme d’un trépassé qui, souvent, revient hanter son meurtrier ou au contraire aiguillonner un proche afin d’être vengé. Il faut donc que le trépas fût violent, ce qui empêche le mort de reposer en paix. Et parce que les croyances, autant populaires que savantes, l’attestent, ces apparitions se font généralement de nuit, ce moment où le royaume des défunts peut empiéter sur celui des vivants. Au théâtre, surtout lorsqu’il est à ciel ouvert, cela implique des conventions pour signifier le noir de la nuit (voir Arrêt sur scène / Scene Focus, 2015). Si les scènes nocturnes donnent déjà lieu à une réflexion sur la nature même du théâtre, et de ce qui s’y donne à voir, la présence d’un être surnaturel rend cette réflexion encore plus complexe par les incertitudes qu’il invite.

Lorsqu’il se mêle à l’action, le spectre y apparaît comme une figure d’autorité, à laquelle on n’ose désobéir, telle l’ombre du prophète Samuel que la Pythonisse fait apparaître devant Saül dans Saül le furieux (1572), de Jean de La Taille. En cela, le théâtre s’oppose radicalement à la théologie. Plus particulièrement pour les protestants, qui ont rejeté le Purgatoire et avec lui la possibilité du retour des âmes, l’autorité d’un spectre est impensable, puisqu’il ne peut s’agir que d’imposture diabolique. Dès lors, on pourra s’interroger sur la façon dont le théâtre s’accommode de ces codes moraux ou les subvertit à travers la figure du spectre.

Si pour les théologiens l’illusion est toujours d’essence démoniaque et donc dangereuse, pour les dramaturges, elle est constitutive de l’esthétique même du théâtre et donc profondément ludique. Ce sera là une autre piste pour explorer les scènes d’apparitions, qui jouent souvent sur la réalité même de l’expérience vécue par les personnages. On pourra étudier ainsi des scènes que l’on voit se multiplier à partir du XVIIe siècle, avec des « fantômes vains », comme dans L’Illusion comique (1634), de Corneille, où des personnages, que les proches croient disparus ou défunts, se déguisent en fantômes, avec des motivations pécuniaires, matrimoniales, ou en vue d’une réconciliation.

Quand Bernardo s’écrie « Who’s there ? », il attire l’attention sur le fait qu’un spectre, pour être un spectre, doit pouvoir être identifié comme tel. On pourra ainsi se pencher sur la façon paradoxale dont le théâtre cherche à la fois à établir la ressemblance du spectre avec le personnage vivant et à rendre immédiatement reconnaissable sa nature spectrale. Au-delà, la présence sur scène d’un être dont l’essence est de ne point avoir de corps questionne le pacte de représentation, demandant au public d’accepter qu’un acteur en chair et en os puisse incarner cet être par définition sans chair. S’agit-il d’une figure codifiée et quels sont ces codes visuels ou auditifs qui jouent souvent sur une opposition entre la mise en scène et le texte ? Comment les contraintes réalistes de la première peuvent-elles être compensées et contrastées par la liberté qu’offre le second ? Jusqu’où les langages scéniques, dont la musique, l’éclairage, permettent-ils de s’affranchir de ces contraintes « réalistes » ?

Par sa rémanence d’humanité, le spectre est la parfaite métaphore de l’acteur qui joue sur scène quelqu’un qui n’est pas ou plus, et ce n’est pas un hasard si le terme « ombre » désigne à la fois un revenant et un acteur de théâtre. Mais la corporéité n’est pas le seul trait de la figure spectrale qui attire l’attention sur le fonctionnement du théâtre. Le spectre, comme l’indique son étymologie (spectare), est ce que l’on croit voir et par conséquent ce qui attire le regard... du spectateur qui partage avec le spectre la même étymologie. Rien d’étonnant dès lors à ce que de telles scènes d’apparition donnent lieu à des variations sur le regard, rendant le spectre tantôt visible pour tous, tantôt visible pour certains personnages seulement, voire visible pour les seuls spectateurs. C’est le spectre de Banquo qui à la fois s’assoit et ne s’assoit pas à la table du banquet.

Au XVIIIe siècle, les machines de théâtre et une réflexion théorique sur le jeu de l’acteur, par exemple chez Aaron Hill ou Diderot, invitent à repenser la place du fantôme sur scène, mais aussi les réactions de ceux qui les voient, par exemple dans des mises en scène comme celle où David Garrick jouait Hamlet dans les années 1770. L’étude de textes contemporains rendant compte de ces mises en scène permet aussi d’en évaluer la réception, laquelle pourra être complétée par l’examen des tableaux par lesquels des peintres comme Füssli ou Blake ont voulu immortaliser ce moment éphémère de l’apparition.

Est-ce que le spectre est nécessairement sur scène ? Quels sont les autres moyens de susciter l’effroi chez le spectateur – qu’il soit sur scène ou dans la salle ? L’étude des textes et des dispositifs scéniques du XVIIIe siècle, comme dans Sémiramis (1748) de Voltaire, peut mettre en lumière les stratégies scénographiques, mais aussi textuelles : l’annonce d’un fantôme vu par des personnages avant son apparition, l’apport d’un coffre, une tenture qui tremble, les décors (tombeau). Le fantôme se manifeste aussi dans les comédies, comme The Orators (1762), de Samuel Foote, qui met en scène le procès d’un fantôme devant un jury de fantômes, dont celui de Banquo.

Saisissant, élusif, divers, ce fantôme sur scène a inspiré les illustrateurs des éditions complètes de Shakespeare, ainsi que des peintres, générant un courant « spectral » au XVIIIe siècle. La musique, les éclairages, participent aussi de l’illusion, du suspens, jusqu’à se substituer à l’incarnation du spectre par un comédien. Dans les adaptations de ces dernières décennies, les effets numériques peuvent aussi apporter une dimension supplémentaire à ces pièces des XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, comme si, d’un siècle l’autre, le fantôme se réinventait, relevant le défi des nouvelles technologies...

Ce colloque invite donc à privilégier une variété d’approches théoriques pour explorer le corpus des arts de la scène en France, en Grande-Bretagne et sur les autres scènes européennes, de la Renaissance aux Lumières.

Modalités pratiques d'envoi de propositions

Les propositions de communications de 250 mots environ peuvent être adressées à Pierre Kapitaniak (pierre.kapitaniak@univ-montp3.fr)

avant le 15 juillet 2021,

accompagnées d’une brève bio-bibliographie. Les langues du colloque seront le français et l’anglais.

Conférence plénière de François Lecercle, Sorbonne Université

Comité d'organisation

  • Andrew Hiscock (Bangor University, R-U),
  • Pierre Kapitaniak (Université Paul-Valéry Montpellier 3), 
  • Thierry Verdier (Université Paul-Valéry Montpellier 3).

Comité scientifique

  • Kathryn A. Edwards (University of South Carolina) 
  • Andrew Hiscock (Bangor University)
  • Pierre Kapitaniak (Université Paul Valéry Montpellier 3)
  • Françoise Lavocat (Sorbonne nouvelle)
  • Bénédicte Louvat-Molozay (Université de Toulouse 2)
  • Thierry Verdier (Université Paul Valéry Montpellier 3)

Lieux

  • Montpellier, France (34)

Dates

  • jeudi 15 juillet 2021

Mots-clés

  • spectres, fantômes, théâtre, scène

Contacts

  • Pierre Kapitaniak
    courriel : pierre [dot] kapitaniak [at] univ-montp3 [dot] fr

Source de l'information

  • Pierre Kapitaniak
    courriel : pierre [dot] kapitaniak [at] univ-montp3 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Scènes de spectres dans le théâtre européen (XVIe-XVIIIe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 15 juin 2021, https://doi.org/10.58079/16rl

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