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Jews of the Arab world, why did they leave?
Juifs du monde arabe, pourquoi sont-ils partis ?
Published on Thursday, June 24, 2021
Abstract
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la quasi-totalité des populations juives ont quitté le monde arabe, dans un contexte de bouleversements entraînés notamment par la destruction des juifs d’Europe, la création de l’État d’Israël, la décolonisation et les guerres israélo-arabes. Les causes et les circonstances de ces émigrations, complexes et très diverses selon les pays, restent mal connues, mal comprises, et donnent lieu à des instrumentalisations de tous bords. Ce colloque se propose de rouvrir le dossier du départ des juifs du monde arabe dans une perspective comparatiste et ouverte aux spécialistes internationaux, à distance des usages politiques de l’histoire, pour dresser un état des lieux des connaissances sur la question.
Announcement
Argumentaire
Dans la seconde moitié du XXe siècle, la quasi-totalité des populations juives ont quitté le monde arabe, dans un contexte de bouleversements entraînés notamment par la destruction des Juifs d’Europe, la création de l’État d’Israël, la décolonisation et les guerres israélo-arabes. Les causes et les circonstances de ces émigrations, complexes et très diverses selon les pays, restent mal connues, mal comprises, et donnent lieu à des instrumentalisations de tous bords.
Les travaux de ce futur colloque s’inscrivent dans une historiographie déjà riche, objet depuis plusieurs années d’un fort renouvellement. Les conditions d’accueil en Israël, en Europe et en Amérique du nord ont été l’objet d’importants travaux (Katz, 2015 ; Bashkin, 2017), tout comme les représentations et mémoires associées à ces migrations dans les sociétés d’accueil (Bahloul, 1992 ; Baussant, 2013; 2015; 2017 ; Allouche-Benayoun et Dermenjian, 2015 ; Cohen, Calle-Gruber et Vignon, 2014) et de départ (Boum, 2014). Paradoxalement, les migrations elles-mêmes restent moins étudiées. En 2001, un colloque a dressé un premier tableau général, non sans introduire un certain nombre de biais : le récit d’une « expulsion du monde arabe » suggère une situation homogène dans les différents pays et aux différentes époques, et inscrit ces migrations dans le cadre de politiques de « purification ethnique » qu’auraient mises en place les États arabes (Trigano, 2003). La chronique du « grand déracinement » lui fait écho (Bensoussan, 2013). En 2010, le colloque « Migrations, identités et modernité au Maghreb » a représenté un jalon majeur de la recherche sur les migrations juives et musulmanes en Méditerranée (Abécassis, Aouad et Dirèche, 2012), sans pour autant faire le tour de l’ensemble des situations et des problématiques.
La littérature existante n’a ainsi pas éclairé toutes les zones d’ombre d’un objet se déployant sur plusieurs décennies et dans un espace extrêmement vaste, du Maghreb au Moyen-Orient. Un panorama global des circonstances, des causes et des processus manque encore. Pour une compréhension en profondeur de ces phénomènes, le choix d’un cadre chronologique large est ici privilégié, resituant les mouvements migratoires dans les tendances longues de l’histoire des sociétés maghrébines et moyen-orientales. Ce colloque se propose de rouvrir le dossier du départ des Juifs du monde arabe dans une perspective comparatiste et ouverte aux spécialistes internationaux, à distance des usages politiques de l’histoire, pour dresser un état des lieux des connaissances sur la question.
Axes thématiques
« Pourquoi sont-ils partis ? » : poser cette question engage à ouvrir plusieurs champs de réflexion. Les propositions pourront s’inscrire dans les axes suivants (liste non-exhaustive) :
Axe n° 1 : L’histoire longue des incidents entre Juifs et musulmans au Maghreb et au Moyen-Orient
Longtemps considérés a priori comme des formes de pogroms, les incidents violents, émeutiers voire meurtriers dont ont été l’objet les Juifs gagnent à être compris dans des contextes dépassant le cadre des relations judéo-musulmanes, sans éluder celui-ci pour autant. Il sont désormais relus aussi à l’aune des politiques coloniales et des responsabilités des autorités européennes (Cole, 2019), mettant à distance les catégories policières et administratives utilisées à l’époque des faits (Le Foll-Luciani, 2020), celles des organisations internationales juives chargées d’enquêter sur les faits (Mandel, 2017) et celles mobilisées par les mémoires reconstituées.
Dans cette démarche de renouvellement des problématiques et de la lecture des sources, la connaissance d’un certain nombre d’événements pourrait être approfondie, comme ceux de Bagdad en 1941, Tripoli en 1945 et 1948, Aden en 1947, Oujda et Djerada en 1948, Petit-Jean (Sidi Kacem) en 1954, Bizerte en 1961.
Quelle a été la portée de ces événements sur les communautés juives ? Ces incidents ont-ils reconfiguré les dynamiques sociales intercommunautaires et, si oui, comment et à quel rythme ? Au Proche et Moyen-Orient, quel a été le rôle des autres minorités non-musulmanes dans ces événements ?
Axe n° 2 : Le rôle des idéologies nationalistes arabe et sioniste
La sociologie des migrations distingue, classiquement, les facteurs push (forces répulsives) et les facteurs pull (forces attractives). Dans le cas qui nous intéresse, les idéologies nationalistes arabe et sioniste peuvent être lues, notamment, en ces termes. Quel rôle le sionisme, religieux et politique, a-t-il joué dans les départs des Juifs du monde arabe depuis le début du XXe siècle ? Quelle a été la force de son imprégnation et dans quelle mesure a-t-il pu engager l’élaboration des projets migratoires et les décisions de départ ?
Du côté des facteurs qui ont poussé les populations au départ, on s’intéressera aux mouvements nationalistes qui ont pris leur essor dans les pays du monde arabe à partir des années 1920-1930. La participation d’individus juifs aux débats et aux mouvements nationalistes arabes, puis aux combats pour l’indépendance commence à être soulignée (Le Foll-Luciani, 2015 ; Schlaepfer, 2016). Quelles furent les dynamiques d’inclusion et d’exclusion à l’œuvre dans les mouvements nationalistes ? Quelle place ont-ils réservée aux Juifs dans la construction des projets nationaux indépendantistes ?
Enfin, la réflexion portera sur « l’hostilité croissante » (Saadoun, 2003) dont ont été victimes les communautés juives au fur et à mesure du développement des projets nationalistes. En détaillant les chronologies, les acteurs et les réseaux, on peut historiciser les politiques nationalistes ayant mené au départ des populations juives sans verser dans le récit de persécutions perpétuelles, en suivant l’exemple de récents travaux (Bashkin, 2012 ; Miccoli, 2015). On pourra ainsi décrire les différentes situations nationales et notamment la réception des idéologies nazie et fasciste dans le monde arabe pendant la Seconde Guerre mondiale, caractérisée par de fortes divergences à l’intérieur des sociétés (Wien, 2006 ; Gershoni, 2009, 2014 ; Nordbruch, 2009).
Axe n° 3 : Chronologies, processus, acteurs et réseaux de l’émigration
Il apparaît nécessaire de détailler le processus des départs dans les différents contextes. Le rôle de divers acteurs pourra être distingué : celui des autorités étatiques, coloniales et des États indépendants, des autorités communautaires, des organisations sionistes (Agence juive, Mossad et leurs antennes locales), des organisations non gouvernementales (comme l’Alliance israélite universelle, le World Jewish Congress et l’American Jewish Congress).
Il conviendra aussi d’affiner les chronologies, en variant les échelles et les points de vue : les vagues migratoires prennent place dans des contextes internationaux (décolonisations, guerres israélo-arabes puis israélo-palestiniennes), nationaux (changements de régime, tentatives de coup d’État, politiques de nationalisation), mais aussi locaux qui pourront être restitués. On pourra aussi utilement replacer les mouvements migratoires dans les contextes socio-économiques globaux, relevant le rôle des crises économiques, des évolutions des systèmes scolaire et universitaire, des politiques linguistiques etc.
Des trajectoires individuelles ou familiales pourront enfin être retracées, pour donner de la chair et de l’épaisseur historiques à ces migrations, mettre en valeur des figures et la façon dont la migration a pu marquer des parcours individuels ou collectifs.
Modalités pratiques d'envoi de propositions
Les propositions de communication (en français ou en anglais) sont à envoyer aux membres du comité d’organisation
avant le 20 septembre 2021.
Elles devront comporter l’affiliation de l’auteur, un titre, un résumé de la proposition incluant la méthode et les sources envisagées (une page maximum).
Langues de communication : français, anglais.
Comité d’organisation
- Joseph Hirsch (mahJ) : joseph.hirsch@mahj.org
- Claire Marynower (Pacte/IUF) : claire.marynower@iepg.fr
Comité scientifique
- Frédéric Abécassis, ENS de Lyon
- Jamaâ Baida, Archives nationales du Maroc
- Emma Boltanski-Aubin, EHESS
- Aomar Boum, UCLA
- Ariel Danan, Alliance israélite universelle
- Karima Dirèche, CNRS
- Abdelhamid Larguèche, Université de Tunis
- Benjamin Lellouch, Université Paris 8 Vincennes-Saint-Denis
- Haim Saadoun, Open University in Jerusalem
- Colette Zytnicki, Université Jean-Jaurès, Toulouse
Références citées
Abécassis Frédéric, Aouad Rita, et Dirèche Karima, La bienvenue et l’adieu : Migrants juifs et musulmans au Maghreb (XVe-XXe siècle), Paris, Karthala, 2012
Allouche-Benayoun Joëlle et Dermenjian Geneviève, Les Juifs d’Algérie : une histoire de ruptures, Aix-en-Provence, Presses universitaires de Provence, 2015
Bahloul Joëlle, La maison de mémoire, Paris, Métailié, 1992
Bashkin Orit, New Babylonians: A History of Jews in Modern Iraq, Stanford, Stanford University Press, 2012
Bashkin Orit, Impossible Exodus: Iraqi Jews in Israel, Stanford, Stanford University Press, 2017
Baussant Michèle, « "Étrangers sans rémission"? Être juif d’Égypte ». Ethnologie française Vol. 43 (4) p. 671‑678, 2013
Baussant Michèle « "Un nom éternel qui jamais ne sera effacé* ". Nostalgie et langue chez les juifs d’Égypte en France ». Terrain. Anthropologie & sciences humaines, no 65 (septembre), p. 52‑75, 2015
Baussant Michèle, « Temporalités "brisées" et âges de la vie : Juifs d’Égypte en exil ». Communications 100 (1), p. 21‑40, 2017
Bensoussan Georges, Juifs en pays arabes. Le grand déracinement 1850-1975, Paris, Tallandier, 2013
Boum Aomar, Memories of Absence: How Muslims Remember Jews in Morocco, Stanford, Stanford University Press, 2014
Cohen Yolande, Calle-Gruber Mireille, et Vignon Éodie, Migrations maghrébines comparées : genre, ethnicité et religions (France-Québec, de 1945 à nos jours). Paris, Riveneuve, 2014
Cole Joshua, Lethal Provocation: The Constantine Murders and the Politics of French Algeria, Ithaca, Cornell University Press, 2019
Foll-Luciani Pierre-Jean Le, « Les "incidents entre indigènes et israélites" à Constantine (1929-1934). À propos d’une catégorie policière en Algérie coloniale ». Archives Juives Vol. 53 (2), p. 49‑71, 2020
Foll-Luciani Pierre-Jean Le, Les juifs algériens dans la lutte anticoloniale : Trajectoires dissidentes, Rennes, Presses universitaires de Rennes, 2015
Gershoni Israel, Confronting Fascism in Egypt: Dictatorship versus Democracy in the 1930s. Stanford: Stanford University Press, 2009
Gershoni Israel, Arab Responses to Fascism and Nazism: Attraction and Repulsion. Austin: University of Texas Press, 2014
Katz Ethan B., The Burdens of Brotherhood: Jews and Muslims from North African to France, Harvard, Harvard University Press, 2015
Mandel, Maud S., « The Politics of the Street Riots: Anti-Jewish Violence in Tunisia before Decolonization ». In Colonialism and the Jews, 251‑72. Bloomington, Indianapolis: Indiana University Press, 2017
Miccoli Dario, Histories of the Jews of Egypt: An Imagined Bourgeoisie, 1880s-1950s, Londres, Routledge, 2015
Nordbruch Götz., Nazism in Syria and Lebanon: The Ambivalence of the German Option, 1933–1945, Londres, Routledge, 2009
Saadoun Haïm, « L’hostilité croissante ». Pardès, n° 34 (1): 25‑32, 2003
Schlaepfer Aline, Les intellectuels juifs de Bagdad : discours et allégeances (1908-1951), Leyde, Brill, 2016
Trigano Shmuel, « L’exclusion des Juifs des pays arabes. Aux sources du conflit israélo-arabe », Pardès, n°34 (1), 2003
Wien Peter, Iraqi Arab Nationalism: Authoritarian, Totalitarian and Pro-Fascist Inclinations, 1932-1941, Londres, Routledge, 2006.
Subjects
- History (Main category)
- Zones and regions > Africa > North Africa
- Zones and regions > Asia > Middle East
- Society > Geography > Migration, immigration, minorities
- Mind and language > Religion > History of religions
- Zones and regions > Asia > Near East
- Periods > Modern > Twentieth century
- Society > Political studies > Wars, conflicts, violence
Places
- Paris, France (75)
Date(s)
- Monday, September 20, 2021
Attached files
Contact(s)
- Claire Marynower
courriel : claire [dot] marynower [at] iepg [dot] fr - Joseph Hirsch
courriel : joseph [dot] hirsch [at] mahj [dot] org
Information source
- Claire Marynower
courriel : claire [dot] marynower [at] iepg [dot] fr
License
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« Jews of the Arab world, why did they leave? », Call for papers, Calenda, Published on Thursday, June 24, 2021, https://calenda.org/889253