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Les versants du risque

The slippery slopes of risk

Revue « Méditations littéraires »

Méditations littéraires journal

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Publié le mardi 14 septembre 2021

Résumé

Le numéro 03 de la revue Méditations Littéraires invite les contributeurs à une réflexion sur les versants du risque et ses représentations littéraires, philosophiques, artistiques, etc. qui peuvent être abordées suivant différents axes de recherche : visages du risque dans la littérature et les arts (roman, théâtre, poésie, contes, peintures, cinéma, etc.) ; parcours périlleux et mythologie (grecque, romaine, etc.) ; ancrage du risque dans l’histoire, les religions et/ou les sociétés ; dimensions philosophiques du risque et ses corrélats ; perception et acceptation des risques en psychologie ; etc.

Annonce

Revue Méditations Littéraires (Numéro 03)

Argumentaire

Penser le risque à l’aune de l’histoire des idées révèle une dialectique inscrite dans les racines même du terme. Le latin resecum, dérivé de resecare, renvoie à ce qui coupe, écueil, ou rocher escarpé. En effet, la prégnance du danger, du combat, de la menace d’une perte, inquiète d’autant plus que l’incertitude et l’angoisse de mort s’avèrent inhérentes à tout risque. Celui-ci peut donc être défini comme « la possibilité qu’un danger s’actualise, c’est-à-dire entraîne effectivement des dommages, dans des conditions déterminées. » (Leplat, 2007, 22). Dans les mythes fondateurs grecs rapportant les châtiments infligés par les dieux aux héros coupables d’hybris, échec, sanction et malheur guettent souvent le risqueur. Par exemple, aveuglé par sa vanité, Ulysse se risque à défier Poséidon au sortir de la guerre de Troie, au lieu de lui offrir une hécatombe en signe de reconnaissance. Ce qui lui vaut d’être coupé de ses racines durant une décennie d’exil. Il en va de même du péril encouru par maints risqueurs orgueilleux : Prométhée, Ixion, Icare, Sisyphe, Tantale, Phaéton, Laïos, Pandore, etc. De la même façon, les récits bibliques – comme la chute originelle d’Adam et Ève ; le premier fratricide de l’histoire humaine perpétré par Caïn ; la tour de Babel ; etc. – se tissent sur un canevas de risques aveugles et immoraux qui condamnent les transgresseurs à l’ostracisme et au supplice. Dans l’imaginaire littéraire et artistique, des œuvres telles Le Jugement dernier, fresque médiévale de Giotto di Bondone, les natures mortes baroques, le pari de Pascal… mettent en garde contre la face négative du risque. En ce sens, les moralistes du Grand siècle proscrivent sévèrement le « divertissement » et la passion aliénante, écueils inconsidérés qui détournent l’homme de la voie divine. Il en va de même du poncif du pacte faustien dans la pièce éponyme de Goethe ou dans les romans de Balzac, La Peau de Chagrin, et d’Oscar Wilde, The Portrait of Dorian Gray. Le septième art ne néglige pas cet aspect néfaste du risque : la somme de quarante mille dollars volée par Marion Crane à son patron George Lowery dans Psycho d’Alfred Hitchcock, l’homicide commis par Tom Ripley, afin d’usurper l’identité de Philippe Greanleaf dans Plein Soleil de René Clément, ou encore l’infiltration de la maison des Park par une famille précaire – les Kim – et le risque d’être pris au piège dans Parasite de Bong Joon-ho …

Est-ce à dire que l’individu se trouve forcément destiné à faire de mauvais choix, au péril de sa vie ?

Pour prévenir les débâcles, il s’agit de quantifier le risque, ce qui revient à estimer les probabilités, puis « traduire […] l’ampleur de toutes les conséquences possibles et combiner ces valeurs sous forme de […] valeurs espérées » (Cadet, 2007, 32)

Une méditation sur le risque revient à éclairer ses deux aspects, visages de Janus devant lesquels l’être humain tergiverse, avant de franchir le seuil. D’une part, un versant aveugle et irrationnel, engendrant le plus souvent infortune, belligérances et chaos ; et, d’autre part, un versant éclairé, fondement de liberté et de salut. Aux risques prudentiels, empreints de sagacité et garants d’autonomie, s’opposent les risques passionnels ou « nocturnes » qui entraînent l’individu vers sa perte. Toutefois, malgré l’existence de risques « diurnes », formateurs et vitaux, certains, par crainte d’accidents, jugent plus sages de ne pas se hasarder sur le terrain des aléas. Or, en cherchant à se dérober aux méfaits du risque, ne met-on pas également en danger ses bénéfices ? D’ailleurs « le risque zéro, dans son énonciation, est une absurdité, puisque son effectivité annulerait la réalité même de ce dont il est question. Le péril est à envisager en face. » (Dufourmentelle, 2014, 63).

Avec les grandes découvertes et la révolution copernicienne, les humanistes de la Renaissance, réfractaires aux dogmes, se trouvent confrontés à des risques : ils réfutent l’obscurantisme endémique, s’engageant à évaluer et à apprivoiser les aléas. Bien plus, la soif insatiable de savoir pousse des chercheurs comme André Vésale et Léonard de Vinci à se risquer à la dissection de cadavres humains, activité interdite par l’Église à l’époque. Or, pour contribuer au progrès des sciences, il s’agit d’aller au-devant de l’obstacle, en combinant principe d’indétermination et prise de décision. Dans ce sens, le risque participe d’une éthique de l’audace. Les héros des contes témoignent aussi de cet aspect téméraire et valeureux (La Barbe bleue ; Le chat botté ; Ali baba et les quarante voleurs... Les mythes véhiculent également des valeurs incontournables (la fidélité pour Pénélope ; la quête de justice et d’ordre indispensable aux yeux d’Antigone…). Le bon risque s’avère être un « besoin essentiel de l’âme » (Weil, 1999, 1047). Dans ce combat manichéen, les termes grecs rhizikon et rhiza expriment la racine, le fondement, voire l’origine. En d’autres termes, le risque s’inscrit dans la genèse de l’humanité. Weil explique à cet effet la nécessité de l’enracinement : il s’agit de marquer le temps grâce à cet élan décisif qui prône la « participation réelle, active et naturelle à l’existence d’une collectivité ». L’imprévisible devient source de lumière, au détriment de l’étiolement de l’agir.

La liberté, ressort du risque, permet au sujet de contourner « l’abîme du Mal » (Bataille, 1957, 11) pour se voir attribuer un bien ou des moyens de subsistance, comme le rappelle l’emprunt à l’arabe rizq.

Évelyne Accad témoigne de ce « pressentiment de danger imminent » avant son départ pour le Liban. « Et là, par terre, c’était la fin de ma vie de lutte… il y aurait une autre bombe, ce serait la fin… » (2021, 146). Toutefois, au moment où elle réalise sa survie, elle se souvient de l’Éloge du risque de Dufourmantelle : « C’est comme un sentiment très fort de victoire, une conquête de la mort ». (2021, 146-147)

« Le risque est l’expression la plus haute de la personne. […] Au milieu des incertitudes, en face des conflits, il faut oser ; il faut risquer. » (Ricœur, 1936, 9). Face à l’alternative, le sujet audacieux doit s’assumer en tant qu’agent de l’acte décisionnel. Entre l’instant de l’hésitation et le choix qui implique le passage périlleux à l’action échéante, il s’agit de prendre des initiatives ayant des répercussions bénéfiques, pour soi et pour les autres. Le verset du livre de L’Ecclésiaste est significatif à cet égard : « Celui qui observe le vent ne sèmera point, et celui qui regarde les nuages ne moissonnera point. » (11 :4, 1955, 854). N’est-il pas risqué de se résigner à ne prendre aucun risque et à se complaire dans l’inertie ? Dans une perspective existentialiste, l’évitement du risque correspond au dénigrement des lumières de la conscience, voire à l’aliénation, dans un esprit de mauvaise foi. « Vous êtes libre, dit Sartre, choisissez, c’est-à-dire inventez. Aucune morale générale ne peut vous indiquer ce qu’il y a à faire ». (Sartre, 1946, 47).

Ce numéro 03 de la revue Méditations Littéraires invite les contributeurs à une réflexion sur les versants du risque et ses représentations littéraires, philosophiques, artistiques... qui peuvent être abordées suivant différents axes de recherche (liste non exhaustive) :

  • Visages du risque dans la littérature et les arts (roman, théâtre, poésie, contes, peintures, cinéma, etc.)
  • Parcours périlleux et mythologie (grecque, romaine, etc.).
  • Ancrage du risque dans l’Histoire, les religions et/ou les sociétés.
  • Dimensions philosophiques du risque et ses corrélats.
  • Perception et acceptation des risques en psychologie.

Modalités de contribution

Pour ce numéro, les soumissions – en français ou en anglais – devront contenir le titre de l’article, un résumé (Times New Roman ; 12 ; simple), n’excédant pas une demi-page et une brève notice bibliographique de l’auteur.

Ces propositions sont à envoyer avant le 16 octobre 2021,

en un seul document Word, à l’adresse suivante : contact@meditationslitteraires.com

La rédaction communiquera les résultats de la sélection au plus tard le 20 octobre 2021.

Les articles devront être remis avant le 01 décembre 2021 et seront soumis à une double expertise anonyme (double aveugle) après validation du comité de rédaction.

La date prévue pour la publication de ce numéro (électronique et papier) est la fin décembre 2021.

Informations sur la revue

Rédacteur en chef

  • Khalil BABA Enseignant-chercheur HDR (Maroc)

Lieux

  • Oujda, Maroc

Dates

  • samedi 16 octobre 2021

Mots-clés

  • risque

Contacts

  • Khalil Baba
    courriel : prof [dot] khalilbaba [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Khalil Baba
    courriel : prof [dot] khalilbaba [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les versants du risque », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 14 septembre 2021, https://doi.org/10.58079/175r

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