HomeSocio-poétiques urbaines : construire le discours social de la ville dans la littérature

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Socio-poétiques urbaines : construire le discours social de la ville dans la littérature

Socio-poéticas urbanas: La construcción del discurso social de la ciudad en la literatura

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Published on Monday, December 20, 2021

Abstract

Depuis que Roland Barthes a proposé, dans son article célèbre « Sémiologie et Urbanisme » (1967), de mener l’analyse de la ville du point de vue sémiologique, les écoles critiques ont été nombreuses à se livrer à cette tâche tout en poursuivant, de façon privilégiée, la tradition des études de poétique de l’imaginaire. Malgré une telle richesse, les études se font moins nombreuses quand il s’agit de parler de la construction significative de la ville d’un point de vue social, voire sociopolitique, à partir de ses représentations littéraires. En raison de ce que représentent les villes pour la philologie romane, et en raison des facteurs linguistiques et géographiques qui motivent leurs origines et leurs figurations littéraires différentes tout en préservant des points de convergence, nous croyons que le domaine roman constitue l’espace idéal pour délimiter la portée de ce volume. 

Announcement

Argumentaire

Depuis que Roland Barthes a proposé, dans son article célèbre « Sémiologie et Urbanisme » (1967), de mener l’analyse de la ville du point de vue sémiologique, les écoles critiques ont été nombreuses à se livrer à cette tâche tout en poursuivant, de façon privilégiée, la tradition des études de poétique de l'imaginaire. Ces auteurs[1] et bien d’autres ont mis l’accent sur la compréhension que les lecteurs de la ville, à savoir ses habitants, en ont, de sorte qu’il n’est pas surprenant qu’une école comme la théorie de la réception, intimement liée au processus de compréhension du discours mais en principe éloignée de l’analyse de l’espace, ait finalement porté quelques-uns de ses meilleurs fruits dans ce domaine[2] .

Malgré une telle richesse, les études se font moins nombreuses quand il s’agit de parler de la construction significative de la ville d’un point de vue social, voire sociopolitique, à partir de ses représentations littéraires. Dans ce sens, il est assez clairement établi que la modernisation des sociétés occidentales est étroitement liée à la croissance de l’urbanisation et au développement de l’importance des villes dans leur constitution. C’est-à-dire qu’en façonnant leur évolution urbanistique, les bâtisseurs de la ville modèlent en partie la société qu’elle . Le cas du Paris d’Haussmann est fréquemment cité dans cette perspective d’analyse. Les transformations profondes que, sur l’ordre de Napoléon III, subit le tissu urbain médiéval de la ville, sont liées au développement de l’urbanisme, et cherchent à organiser la salubrité, la circulation, la sécurité, etc. - en somme, tout ce que l’on appelle la modernisation. Mais cet ordonnancement est rapidement interprété comme une stratégie de prise de contrôle sur la population à travers l’espace, comme le suggère la lecture benjaminienne du Paris d’Haussmann dans Le livre des passages. On pourrait penser dans les mêmes termes la transformation de Barcelone que Cerdà projette en 1860, cette ville s’étant soulevée contre la régence de Baldomero Espartero en 1842.

Dans les deux cas, à Paris et à Barcelone, et même dans le projet Gran Vía de Madrid, la privatisation de l’espace et des ressources publiques, autant que la spéculation immobilière, ont été deux éléments fondamentaux du point de vue du financement et qui ont entraîné des déplacements sociaux des habitants originaires de la ville appartenant aux classes sociales défavorisées. Ainsi, dès Walter Benjamin dans les premières décennies du XXe siècle jusqu’à David Harvey au début du XXIe siècle, en passant par Henri Lefebvre dans les années 1960 et 1970, nous voyons qu’il existe une tradition d’interprétation de la ville moderne et contemporaine qui lie les moments de crise économique et la manière dont le capitalisme les surmonte par une transformation urbaine qui n’est pas innocente. Par exemple, Lefebvre lit la Commune de Paris précisément comme une tentative de récupération de la ville par ceux qui en avaient été dépossédés par la grande transformation haussmannienne. Suivant cette même logique, le mai 68 parisien peut aussi être compris comme l’effort des étudiants universitaires, arrachés du centre-ville et envoyés dans une banlieue comme Nanterre, pour retrouver leur espace perdu dans le Quartier latin. Plus récemment, la vague de protestations contre la crise peut être lue comme une réaction contre la spéculation immobilière et la gentrification qui l’avaient en partie provoquée. Les épreuves de force qui ont eu pour théâtre Wall Street et le parc Zuccotti à New York, la place de la République à Paris ou la Puerta del Sol à Madrid, ont également été une confrontation discursive –ce que Roland Barthes appelait “rivalité d’idiolectes” ou de “sociolectes” dans Le plaisir du textequi s’inscrit aussi dans les textualités urbaines.

Cette image de la ville, qui émerge d’une multiplicité de discours, pour certains en perpétuelle tension, contient des fragments qui impliquent l’histoire, la littérature, l’architecture, l’urbanisme, etc., les juxtaposant de telle sorte qu’à partir de l’un d’eux on peut aborder les autres. Sans négliger aucunement le rôle de ces disciplines dans le développement et l’évolution du discours urbain, nous souhaitons prendre la littérature comme point de départ de ce volume parce qu’elle continue d’être intimement liée au fait historique et social. La littérature parvient à traduire plus pleinement l’histoire individuelle et collective à travers, par exemple, un genre aussi malléable et construit par addition que le roman, mais aussi à travers le récit bref, la poésie, le théâtre, l’écriture mémorielle, et même la chanson populaire ou l’opéra. On prendra cependant le mot « littérature » dans un sens large, qui permettra de mettre en valeur toutes les représentations spatiales urbaines significatives, que ce soit dans la fiction ou dans la non-fiction. D’autant plus que par sa nature même, le discours de l’espace urbain imbrique le factuel et le fictionnel ; dans ce domaine, les textes historiographiques et les textes littéraires dessinent une bande de Moebius dans laquelle les deux côtés finissent par n’être qu’un seul : celui du langage et de ses significations.

En raison de ce que représentent les villes pour la philologie romane, et en raison des facteurs linguistiques et géographiques qui motivent leurs origines et leurs figurations littéraires différentes tout en préservant des points de convergence, nous croyons que le domaine roman constitue l’espace idéal pour délimiter la portée de ce volume. Quant à ses limites chronologiques, l’objectif est d’embrasser les relations entre la conscience littéraire de la ville et son discours, y compris les antécédents, que nous situerons autour du XVIIe ou XVIIIe siècle, mais qui restent ouverts à d’autres moments pouvant être justifiés à partir de cette perspective.

Nous invitons pourtant particulièrement à cibler les correspondances entre le discours social de la ville et ses représentations littéraires dans la dernière décennie, à partir des textes qui enregistrent les protestations (manifestations, marches, happenings...) contre les conséquences sociales et économiques de la crise financière de 2008. Cependant, la dimension socio-urbaine étant inséparable aujourd’hui de la dimension éco-urbaine, nous souhaitons également accueillir des contributions sur les prolongements de ces protestations sous forme de discours environnemental, voire d’écritures de justice environnementale, dans les textes littéraires. En effet, les politiques et les praxis des inégalités qui ont dépossédé des groupes fragiles sont peu, ou pas, sensibles à la préservation d’un environnement urbain respectueux de la nature et des modes de vie privilégiant l'entraide. Ces modes de vie sont pourtant fondamentaux dans les quartiers les moins favorisés, et le seront davantage dans un avenir menacé par la crise climatique et par les pandémies qui y sont liées. De plus en plus, les liens se tissent donc entre les demandes de réintégration des lieux et les demandes de changements pour adapter ces lieux aux besoins présents et futurs de tous ; la culture et la littérature enregistrent ces liens, déclinent leurs modalités et imaginent parfois des façons de renégocier nos rapports avec l’environnement urbain[4]. Enfin, les contributions portant sur les approches féministes et de genre, qui mettent en exergue les discours hégémoniques et les résistances à ces discours, ainsi que la visibilité des femmes et des minorités dans l’espace public, seront également appréciées.

Coordination scientifique du numéro

  • Pilar Andrade Boué (Universidad Complutense de Madrid)
  • Ángel Clemente Escobar (Laboratoire CECILLE ULR 4074, Université de Lille)

Modalités de soumission

Les propositions d’articles (titre et résumé de 300 mots environ), accompagnées d’une brève notice biographique, seront à envoyer pour le 31 janvier 2022 à l’adresse suivante :

  • sociopoetiquesurbaines@gmail.com

Après acceptation d’une proposition d’article par le coordinateur d’un numéro, les contributions sont à envoyer au coordinateur et aux rédacteurs en chef atlante.secretariat@gmail.com

Accompagnées de maximum dix mots-clés et d’un résumé de mille signes espaces comprises, elles doivent respecter les normes de présentation. Dans un délai de deux mois, elles sont soumises à expertise par des scientifiques désignés par le comité de rédaction et le comité scientifique. En cas de refus de publication, les rapports d’expertise seront transmis aux auteurs. Les images doivent être fournies en format .jpeg, .tiff ou .png et doivent être d’une résolution minimale de 1500 x 1500 pixels. L’obtention des droits de publication incombe aux auteurs.

Les décisions d’acceptation seront communiquées aux auteurs pour le 28 février 2022.

Les auteurs dont les propositions seront retenues devront soumettre leur article pour évaluation jusqu’au 30 avril 2022, délai de rigueur.

Retour d’évaluation : 31 juin 2022

Réception des textes définitifs : 31 juillet 2022

Notes

[1] Des auteurs tels que Gaston Bachelard (La Poétique de l’espace, 1957) et Gilbert Durand (Structures anthropologiques de l’imaginaire, 1960) en France, ou Antonio García Berrio (La construcción del imaginario de cántico, de Jorge Guillén, 1985) en Espagne, ont favorisé, dans une mesure plus ou moins large et à certains moments de leurs trajectoires, la dimension de l’imaginaire liée à l’espace.

[2] On pense notamment à l’école de Constance, où le successeur de Hans-Robert Jauss, le romaniste Karlheinz Stierle, publie en 1993 son ouvrage La Capitale des signes. Paris et son discours, dans lequel il propose, selon ses propres mots, une « histoire de la conscience de la ville » à partir de l’analyse de textes littéraires écrits entre la fin du XVIIIe siècle et la seconde moitié du XIXe. 

[3] Pour ce qui est des progrès plus récents dans les études sur la ville, les publications et les activités du groupe d’investigation de l’université Complutense de Madrid « La aventura de viajar y sus escrituras » (GILAVE), dirigé par la professeure en philologie romane Eugenia Popeanga, et particulièrement celles qui ont trait à l’analyse littéraire des paysages urbains, ont été fondamentales pour le développement de ces étudesDes publications collectives telles que Historia y poética de la ciudad. Estudios sobre las ciudades de la península ibérica (Revista de Filología Románica, 2002), Ciudad en obras (Peter Lang, 2011), Escrituras del exilio (RFR, 2011) ou La Ciudad hostil (Síntesis, 2015) offrent un large corpus de procédés et de lectures qui procure un point de départ pour l’étude des spécificités de l’espace urbain dans les textes littéraires.

[4] En fait, la littérature s’est occupée des dynamiques environnementales depuis très longtemps, mais c’est seulement maintenant que l’urgence climatique et la prise de conscience qu’elle éveille, ainsi que les inégalités créées par des systèmes économiques prédateurs, nous incitent à regarder d’un œil averti les textes des siècles précédents. Les écrits d’Elysée Reclus, François Vidal ou Constantin Pecqueur, pour ne donner que quelques exemples d’auteurs français, stigmatisaient les conceptions mécanistes de la ville, qui réduisaient celle-ci à une juxtaposition de bâtiments qui rejetait les plus démunis, et préconisaient l’imagination de villes organiques, dont chaque cellule serait en relation avec les autres, et où régneraient l’interdépendance et la coopération. Ces auteurs et bien d’autres sont ainsi des références qui aident à établir une approche diachronique pour des villes en mutation – d’où n’est pas exclue d’ailleurs la jouissance esthétique et sensible. Des villes qui, à des époques passées, exigeaient déjà des réformes éco-sociales, aujourd’hui également nécessaires à plusieurs niveaux pour construire un environnement mieux partagé et plus soucieux des contacts entre l’humain, le non-humain et la nature, au-delà de la logique moderne du surdéveloppement.

Subjects

Places

  • Lille, France (59)

Date(s)

  • Monday, January 31, 2022

Keywords

  • sociopoétique, poétique de la ville, ville, mouvement social, littérature, histoire contemporaine

Contact(s)

  • Angel Clemente Escobar
    courriel : colloqueecrirelinsurrection [at] gmail [dot] com

Reference Urls

Information source

  • Angel Clemente Escobar
    courriel : colloqueecrirelinsurrection [at] gmail [dot] com

License

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To cite this announcement

« Socio-poétiques urbaines : construire le discours social de la ville dans la littérature », Call for papers, Calenda, Published on Monday, December 20, 2021, https://doi.org/10.58079/17xp

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