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Approches socio-économiques de la traduction littéraire

Socio-economic approaches to literary translation

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Publié le mercredi 12 janvier 2022

Résumé

L’objectif de cette journée d’étude est d’explorer le secteur, les professions et les trajectoires professionnelles de la traduction littéraire sous un angle socio-économique.

Annonce

Argumentaire

Le 10 septembre 2021, la traductrice littéraire américaine Jennifer Croft, lauréate de prix prestigieux, a publié dans le Guardian un article intitulé "Why translators should be named on book covers". Elle a simultanément lancé une campagne sur Twitter pour interpeller les éditeurs sur la nécessité de mentionner le nom des traducteurs sur la couverture des œuvres publiées. À ce jour, la pétition en ligne de la Society of Authors a recueilli plus de 2570 signatures, ce qui témoigne de l’intérêt des traducteurs pour cette démarche collective revendiquant leur reconnaissance en tant que créateurs de contenu. À la suite de cette campagne, Pan Macmillan a été le premier grand éditeur à déclarer qu'il créditerait désormais systématiquement les traducteurs en couverture.

De surcroît, quelques semaines plus tard, Croft a partagé sur Twitter une demande de travail qu'elle avait reçue d'un grand éditeur. Le correspondant anonyme de Croft s'excusait de ne pas proposer de budget de traduction mais avançait qu'il serait "génial" qu'elle travaille "gratuitement". La dénonciation par Croft de la sollicitation d'un travail non rémunéré dans le secteur de la traduction littéraire a été retweetée près de 300 fois, likée plus de 4 700 fois et a suscité de nombreuses réponses de soutien comparant la position économique des traducteurs littéraires à des professions allant de la neurochirurgie au droit en passant par la boulangerie et la plomberie.

L'article de Croft dans le Guardian assimile les traducteurs littéraires aux auteurs et les situe plus largement dans les industries culturelles et créatives dans lesquelles le travail non rémunéré est endémique (Brook 2020). Cette forme d’injonction au désintéressement économique façonne aussi le point de vue du correspondant anonyme de Croft sur la pratique de la traduction littéraire. À l’inverse, la réponse de Croft et de ses soutiens suggère que la traduction littéraire s'apparente au moins autant à d'autres secteurs économiques, dans lesquels les travailleurs non seulement jugent normal d’être payés pour leurs prestations - que ce soit sous la forme du salariat ou du rapport marchand – mais perçoivent même, dans certains cas, d'importantes primes basées sur leurs performances ou rémunérations calculées très rigoureusement sur leur temps de travail effectif. Cette revendication fait écho aux récents appels lancés par des traducteurs pragmatiques de premier plan, tels que Chris Durban, Judy Jenner et Michael Schubert, en vue d'assimiler la traduction à un service de conseil professionnel haut de gamme, en passant d'un modèle de facturation au mot à des paiements horaires ou forfaitaires.

L'article et le tweet de Croft pointent la complexité de la traduction littéraire en tant que pratique créative, économique et professionnelle, à la croisée des chemins entre la création littéraire et le secteur des prestations de services linguistiques. Si des travaux portent sur l’identité du traducteur littéraire d'un point de vue sociologique (Sela-Sheffy et Schlesinger 2011), l'aspect économique est peu étudié. Des approches interdisciplinaires novatrices mobilisant l'ergonomie (Ehrensberger-Dow et Hunziker-Heeb 2016) ou encore l’étude des environnements de travail (Risku, Rogl et Milosevic 2019) ont été appliquées à la traduction technique et spécialisée, mais pas à la traduction littéraire. Des chercheurs tels que Waltraud Kolb (2019) ou Claudine Borg (2017) ont appliqué des méthodes de recherche sur l’organisation du travail à l’étude de la traduction littéraire. Pourtant, ces travaux ont tendance à se focaliser sur les traducteurs littéraires en tant qu'acteurs isolés travaillant sur des projets autonomes et non en tant que maillons de la chaîne du livre, le secteur de l’édition pesant près de 93 milliards de dollars en 2021. Seules de rares études (Ginsburgh, Weber et Weyers (2011) et Mirsafian, Pirnajmuddin et Nejadansari (2021)) portent sur les aspects socio-économiques de la traduction littéraire.

L'objectif de cette journée d’étude est d'explorer le secteur, les professions et les trajectoires professionnelles de la traduction littéraire sous un angle socio-économique. Les questions que nous cherchons à aborder comprennent, sans s'y limiter, les aspects suivants :

  • Comment les études sur l’organisation du travail peuvent-elles éclairer les pratiques des traducteurs littéraires ?
  • Dans quelle mesure les traducteurs littéraires partagent-ils les caractéristiques des acteurs du marché du travail artistique et/ou du secteur de la prestation de services linguistiques ?
  • Quel est l’impact des asymétries d’information sur le marché du travail de la traduction littéraire ?
  • Comment le statut professionnel des traducteurs littéraires devrait-il être défini ?
  • Dans quelle mesure les spécificités nationales telles que les régimes fiscaux participent-elles à définir les expériences professionnelles des traducteurs littéraires ?
  • Quels sont les facteurs qui régissent la rémunération sur le marché de la traduction littéraire ?
  • Comment la valeur est-elle déterminée et/ou générée sur le marché de la traduction littéraire ?
  • Quel est l'impact des transformations numériques sur le travail ?

Modalités de soumission

La journée d’étude en ligne se tiendra le lundi 13 juin 2022 (fuseau horaire GMT+1). Les contributions, aussi bien académiques que venant de professionnels de la traduction ou de l’édition, sont les bienvenues en français ou en anglais.

Chaque proposition de participation est attendue avant le 28 février 2022 sous la forme d’un résumé de 200 à 400 mots accompagné d'une courte biographie à envoyer à susan.pickford@unige.ch et olivia.guillon@univ-paris13.fr.

Les contributeurs seront également invités à soumettre leurs travaux pour un numéro spécial de revue courant 2022-23.

Comité scientifique

  • Prof. Susan Pickford, Faculté de traduction et d'interprétation, Université de Genève
  • Olivia Guillon, MCF, UFR de Sciences Economiques et de Gestion, Université Sorbonne Paris Nord

Bibliographie

Borg, Claudine (2017), A literary translation in the making: an in-depth investigation into the process of a literary translation from French into Maltese, unpublished PhD thesis, Aston University.

Brook, Orian (2020), “‘There’s No Way That You Get Paid to Do the Arts’: Unpaid Labour Across the Cultural and Creative Life Course”, Sociological Research Online 25(1), DOI:10.1177/1360780419895291

Chesterman, Andrew (2009), “The name and nature of translator studies”, HERMES - Journal of Language and Communication in Business, 22(42), 13–22.

Ehrensberger-Dow, Maureen and Andrea Hunziker-Heeb (2016), “Investigating the ergonomics of a technologized translation workplace”, in Ricardo Muñoz Martín (ed), Reembedding Translation Process Research, Amsterdam, John Benjamins.

Ginsburgh, Victor, Shlomo Weber and Sheila Weyers (2011), “Economics of Literary Translation. A Simple Theory and Evidence”, http://www.feem.it/Feem/Pub/Publications/WPapers/default.htm

Kolb, Waltraud (2019) “‘It was on my mind all day’. Literary translators working from home – some implications of workplace dynamics”, in Risku, Hanna, Regina Rogl and Jelena Milosevic, eds (2019), Translation Practice in the Field: Current research on socio-cognitive processes, Amsterdam, John Benjamins, 25-41.

Mirsafian, Leila, Hossein Pirnajmuddin and Dariush Nejadansari (2021), “Estimating literary translators' earnings penalty. A cultural economics approach to translator studies”, Target 33.3, 436-463.

Risku, Hanna, Regina Rogl and Jelena Milosevic, eds (2019), Translation Practice in the Field: Current research on socio-cognitive processes, Amsterdam, John Benjamins.

Sela-Sheffy, Rakefet and Miriam Schlesinger, eds (2011), Identity and Status in the Translation Professions, Amsterdam, John Benjamins.

Format de l'événement

Événement uniquement en ligne


Dates

  • lundi 28 février 2022

Mots-clés

  • socio-économie, traduction littéraire, édition

Contacts

  • Susan Pickford
    courriel : susan [dot] pickford [at] unige [dot] ch
  • Olivia Guillon
    courriel : olivia [dot] guillon [at] univ-paris13 [dot] fr

Source de l'information

  • Olivia Guillon
    courriel : olivia [dot] guillon [at] univ-paris13 [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Approches socio-économiques de la traduction littéraire », Appel à contribution, Calenda, Publié le mercredi 12 janvier 2022, https://calenda.org/954429

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