Dans ce symposium, cette question de la « relation d’enquête » sera abordée sous le prisme de l’image visuelle : avec les intervenants, on s’interrogera sur la manière dont le photographe ou le cinéaste nouent cette relation sur le terrain – ici en particulier le terrain migratoire –, sur les « nouvelles écritures documentaires » auxquelles elle les engage, et sur les implications éthiques et politiques de leur enquête et de ce qu’ils en donnent à voir.

GIS Le sujet dans la cité & Photo Doc. présentent « S’engager avec » Intervention par l’image & éthique de terrain.

Symposium 9 juin 2022 - 8H30 - 17H00

Présentation

Ce que l’on appelle la « question du terrain », c’est‑à‑dire des modalités et de la qualité́ de la relation et du travail engagés avec les personnes rencontrées, relève des « questions vives » auxquelles sont confrontés le chercheur en sciences humaines et sociales mais aussi le photographe, le cinéaste, le romancier lorsqu’ils se donnent pour projet de « mettre en recherche », selon les langages et dans les formes qui sont les leurs, un champ de réalité́, un état ou un aspect de l’expérience humaine saisie en contexte et dans ses singularités individuelles et collectives.

Dans ce symposium, cette question de la « relation d’enquête » sera abordée sous le prisme de l’image visuelle : avec les intervenants, on s’interrogera sur la manière dont le photographe ou le cinéaste nouent cette relation sur le terrain – ici en particulier le terrain migratoire –, sur les « nouvelles écritures documentaires » auxquelles elle les engage, et sur les implications éthiques et politiques de leur enquête et de ce qu’ils en donnent à voir.

Programme

9 juin 2022

8H30 – 9H00. Accueil - Café

9H00 – 9H30. Ouverture

• Martine Janner Raimondi - Professeure des sciences de l’éducation et de la formation, Sorbonne Paris Nord / EXPERICE. Assesseure à larecherche UFR LLSHS Sorbonne Paris Nord. Co-directrice du GIS LE SUJET DANS LA CITE Sorbonne Paris Nord – Campus Condorcet
• Christine Delory-Momberger - Professeure des sciences de l’éducation et de la formation, Sorbonne Paris Nord /EXPERICE. Co-directric edu GIS LE SUJET DANS LA CITE Sorbonne Paris Nord – Campus Condorcet, directrice de la revue Le Sujet dans la Cité, Revue internationale de recherche biographique. Chargée du développement de l’Observatoire des Nouvelles écritures de la photographie documentaire Photo Doc.
• Valentin Bardawil - Réalisateur, producteur et co- fondateur de Photo Doc.

9H30 - 10H45. « Un refuge » ou la possibilité́ d’une rencontre

Photographe et réalisateur : Tomas Bozzato

Discutante : Alexandra Galitzine-Loumpet - Anthropologue

Tomas Bozzato, avec son Afghan box (appareil argentique et laboratoire de rue low tech) est allé à la rencontre des exilé.e.s du Refuge solidaire de Briançon, un lieu d’accueil d’urgence de personnes sur la route de l’exil pour proposer à celles et ceux qui sont venus vers eux de les photographier. Laetitia Cuvelier écrivait des poèmes au dos du tirage photographique qui était ensuite offert aux personnes photographiées.

Le temps long que nécessite ce dispositif, à l’opposé des pratiques actuelles où l’on prend des rafales d’images à chaque instant, laisse la possibilité d’une rencontre où des paroles, des regards, des silences, des éclats de vie s’échangent.

Le petit tirage noir et blanc est le seul véritable original de cette œuvre. Il voyagera au fond des poches, glissé au milieu d’un livre, parfois plié. Viatique pour la poursuite du voyage, talisman protecteur sur la route de l’exil, il gardera le souvenir d’une création partagée empreinte d’humanité.

10H45 – 11H15. Pause café

11H15 – 12H30. Mare Amarum ou le temps fragile du témoignage

Photographe : Stefano Di Luigi

Discutant : Mike Gadras - Postdoctorant pour la Chaire des Territoires de l’USPN

En janvier 2018, Stefano Di Luigi, muni de son appareil photographique et d’une caméra prêtée par un ami, embarque pour trois semaines sur l’Aquarius, le bateau de SOS Méditerranée chargé de prêter assistance aux personnes migrant vers l’Europe. À son retour, il confie ses images et ses mots à Philippe Fontana qui en fera un court métrage documentaire, Mare amarum (Mer amère), mêlant vues fixes et animées.

Mare amarum rend compte du travail mené envers et contre tout par les sauveteurs de l’Aquarius, en donnant un aperçu de la fragilité humaine de part et d’autre du zodiac, de la modestie des moyens mis en œuvre face au nombre de migrants qu’il s’agit de sauver. De ces journées terribles, Stefano di Luigi refuse encore aujourd’hui de parler « Je ne souhaite à personne de voir ce que j’ai vu », et évoque comment « [son] statut de témoin a capitulé devant une situation d’urgence extrême ».

Stefano Di Luigi a été longtemps reporter photographe et s’est rendu sur des terrains sensibles mais les trois semaines sur l’Aquarius l’ont bouleversé et remis profondément en question : « En mer, lorsque l’on est sur un zodiac et qu’on se trouve confronté à ça... on ne peut pas reculer. On pose l’appareil et l’on passe à l’action. Sauf que je n’étais pas préparé, n’ayant ni l’âge des sauveteurs, ni leur entrainement. Sans ma caméra, je n’étais plus rien ; et ce que je pouvais être comme être humain, ça n’était pas assez. »

12H30 – 14H00. Déjeuner

14H00 – 16H00. Représenter les solidarités

Photographe documentaire critique : Philippe Bazin & Christiane Vollaire - philosophe

Discutants : Théophile Lavault - philosophe & Iro Siafliaki - cinéaste documentaire

Le travail de Christiane Vollaire et Philippe Bazin associe philosophie de terrain et photographie documentaire critique depuis le début des années 2000, et il s’est cristallisé sur les effets multiples des processus de globalisation et les ripostes qui leur sont opposées, dans le domaine des migrations autant que dans celui des luttes pour le logement ou contre la corruption et le sabordage des droits par la violence économique.

Après des travaux menés dans des contextes extérieurs (Balkans, Pologne, Egypte, Chili, Turquie, Bulgarie, Grèce), Christiane Vollaire et Philippe Bazin se sont tournés vers le contexte français (camps de réfugiés du Nord de la France), plus particulièrement depuis 2019 (mouvement des Gilets jaunes, revendications dans les quartiers populaires, soutien aux migrants dans la région de Briançon).

Leur travail en Grèce, de 2017 à 2020, se situe à l’articulation de ces deux moments, faisant la jonction, par la question des solidarités, entre contexte national et international. Le terrain en Grèce a commencé́ autour des dispensaires de santé solidaires, puis de l’autogestion ouvrière et des mouvements en cogestion avec les migrants. Ce travail les a ouverts à la profondeur historique de la Grèce du XX^e siècle, saisie entre trois périodes de pouvoir fascisant et la tradition inverse des solidarités sociales et politiques, dont les mouvements présents attestent la continuité́.

Représenter les solidarités signifie donc dire leur présence sociale et politique à partir du texte des 104 entretiens qu’ils ont menés. Mais c’est aussi en donner la représentation par l’image. Ainsi l’association entre philosophie de terrain et photographie documentaire critique pose-t-elle les véritables enjeux de la représentation politique et de ses fonctions esthétiques.

16H00 – 17H00. Autour d'un verre

Modalités de participation

La participation est gratuite mais pour une meilleure gestion de l’événement, l’inscription doit se faire impérativement sous le lien