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Archives fantômes, fantômes d’archives
Ghost Archives and Shadow Records
L’histoire des villes entre disparitions, dispersions, reconstitutions et restitutions documentaires
Urban history among documentary disappearances and dispersions, reconstructions and restitutions
Publié le mardi 24 mai 2022
Résumé
Ce colloque vise à proposer de nouveaux modes d’intelligibilité, de visualisation et d’utilisation des archives urbaines, à partir de six terrains expérimentaux : Alger, Paris, Jérusalem, Bologne, Quito et Chiang-Maï. Historien·nes, archivistes, historien·nes de l’architecture, de l’urbanisme et de la ville, sont invité·es à présenter des propositions de communications qui croisent ces thématiques des « archives fantômes » et des « fantômes d'archives » dans le cadre urbain, en accordant une attention spéciale à ses potentialités épistémologiques et comparatives.
Annonce
Présentation
Archival City est un projet Tremplin sélectionné par l'I-site Future de l'Université Gustave Eiffel et financé sur la période 2019-2023. Il vise à proposer de nouveaux modes d’intelligibilté, de visualisation et d'utilisation des archives urbaines, à partir de six terrains expérimentaux et non exclusifs : Alger, Paris, Jérusalem, Bologne, Quito et Chiang-Maï.
Archival City organise son colloque de l’automne 2022 sur le thème « Archives fantômes, fantômes d'archives ». Il se tiendra aux Archives nationales (site de Pierrefite-sur-Seine, métro ligne 13 Saint-Denis Université) les 17 et 18 novembre 2022.
Argumentaire
Tout document d’archive est en lui-même le fantôme de quelque chose. Les archives évoquent des institutions, des événements et des personnes que l'on ne peut saisir que par les documents. Ce colloque international entend explorer toutes les significations possibles d’une expression paradoxale mais fertile, tant elle signale les liens entre disparition et conservation documentaire, lacune et complétude des sources potentielles d’une histoire en prise permanente avec les logiques d’oubli et les stratégies mémorielles. Cet appel à communication sollicite une réflexion sur les "fantômes d'archives", en utilisant, du plus fort au plus faible, cette expression selon trois sens différents.
Les fantômes d'archives, au sens technique et archivistique du terme, ce sont les fiches que l'on met à la place de documents ou de dossiers en cours de consultation et que l'on retire ensuite. Métaphoriquement, on peut alors qualifier de "fantômes" toutes les archives qui ont existé et qui ont disparu. Il s'agit d'un ensemble extrêmement vaste, rarement étudié de façon globale : il comprend, à la fois, les collections documentaires qui ont été objets d'une sélection (dans le cadre d'une opération de destruction archivistique contrôlée ou d'une élimination "sauvage"), et celles qui ont été frappées par des sélections involontaires (naturelles ou humaines) ou bien qui ont été égarées. Cependant, ces archives perdues, dispersées ou disparues, laissent des traces, des empreintes, plus ou moins visibles : fantômes qui s’éternisent dans les rayonnages, bordereaux d'élimination, listes et inventaires, descriptions sommaires, collections de copies ou d'extraits, notices. Mettre en place une méthode d’enquête, d’analyse critique et d’exploitation de ces traces visant à la reconstitution voire à la restitution de ces archives mutilées ou détruites est nécessaire pour les archivistes mais aussi pour les historiens, d'autant plus que ces derniers sont aujourd'hui plus sensibles aux enjeux heuristiques liées à la production et à la conservation des documents, et au rôle joué par les archives dans ces processus.
Les archives fantômes, sur un plan historiographique ou épistémologique, ce sont des ensembles documentaires existants, mais qui n'ont pas été rassemblés organiquement par une entité physique ou morale dans le cadre de ses fonctions, ce qui définit a priori un fonds d'archives. Ces documents, qui n'ont pas été conçus spécifiquement pour être conservés, entretenus et rendus accessibles, ne sont pas considérés comme des archives et ne sont pas conservés comme tels. Dans certains cas, ces documents ne sont pas considérés comme dignes d'intérêt, mais survivent pour différentes raisons, et peuvent ainsi devenir des archives a posteriori. Dans d’autres cas, l'intérêt des documents est reconnu par leurs producteurs, mais ces derniers préfèrent ne pas les verser au service d’archives compétent, et les emportent avec eux ou les détruisent. Dans d’autres cas encore, ce sont des raisons opérationnelles, financières ou techniques qui retardent l'archivage, voire l’empêchent définitivement. Enfin, ce questionnement recoupe un sujet d'actualité qui touche les archivistes et les historiens qui travaillent sur la documentation de ces trente dernières années, marquées par la diffusion massive de la technologie informatique qui pose de nouveaux problèmes d'archivage : on peut en effet considérer comme des "fantômes d'archives", dans cette deuxième acception, tous les ensembles documentaires en format digital qui ont été "sauvegardés" par l’inertie de la donnée numérique, mais qui n'ont pas été objet d'un "archivage" proprement dit.
Finalement, d'un point de vue historique et critique, il existe des ensembles documentaires réellemement archivés mais que les intérêts spécifiques des chercheurs ou les rapports de force à l'intérieur du champ de savoir intellectuel ont rendu au cours du temps peu visibles voire invisibles. Ce manque d'intérêt pour certains sujets a pour effet de retarder la réalisation d'instruments de recherche ou de l'empêcher, rendant plus difficile l'étude, voire la conservation même des documents. De nombreux mouvements dans les dernières décennies (postcolonial studies, gender studies) ont essayé de réagir à cette invisibilisation et ont trouvé dans la réflexion sur les archives un champ d'élection. La diffusion de ce "tournant archivistique" a eu le mérite de rappeler que toute constitution d'archives répond à une logique politique de rapports de force. Plus récemment, des chercheurs ont tenté de nuancer cette approche qui tendrait à simplifier un paysage archivistique plus complexe et varié, dans lequel les ensembles documentaires sont créés, transformées, exploitées, par une multitude d'acteurs (personnel politique, fonctionnaires, intermédiaires, historiens, chercheurs, érudits, archivistes professionnels) guidés par des logiques différentes, qu'il faut reconstituer de manière fine, articulée et adaptée aux contextes.
Distinguer tous ces "fantômes" des “archives” à part entière (c'est-à-dire des ensembles de documents classés de manière à pouvoir être retrouvés par un lecteur ou utilisateur, et conservés pour une longue durée), est un programme de recherche qui prends tout son sens aujourd’hui, au moment où les historiennes et les historiens manifestent une nouvelle volonté de procéder à des comparaisons globales et ont à disposition des nouveaux moyens pour le faire. Un classement fin des différentes formes de conservation et d'utilisation des documents mobilisés par les différentes communautés, sociétés, époques, se révèle ainsi être un objectif prioritaire.
Pour atteindre cet objectif, la ville se trouve être un terrain tout spécialement fertile. Depuis les origines, toute ville est un lieu où convergent et se frottent des pouvoirs divers et souvent concurrents. Non seulement la ville est une archive en elle-même (de bâtiments, de rues, de toponymes…), mais aussi, en ville, la mémoire archivistique est plus fréquente, plus dense et plus intense, elle se diffracte donc toujours en plusieurs lieux, ce qui crée des fantômes d'archives au sens plus restreint (inventaires, copies pour des destinataires multiples). Parfois dans la même ville et à une même époque, certaines institutions visent à conserver la documentation alors que d'autres mettent en place des pratiques contre-archivistiques d'oubli qui peuvent avoir des effets paradoxaux (c'est le cas bien connu de la Geniza du Caire). Plus souvent, les différentes institutions qui coexistent et se stratifient dans une ville produisent des documents marqués par des degrés différents d'organisation archivistique. Plus globalement, la richesse archivistique urbaine permet de retracer finement les phénomènes de dispersion, de disparition, de reconstitution et de restitution documentaire, autant de phénomènes que ce colloque cherchera à rendre plus intelligibles, grâce à la comparaison.
La perspective urbaine vise finalement à se positionner comme alternative à la vision traditionnelle selon laquelle les archives ont été considérées comme un miroir de l'État moderne européen, et invite donc à observer les fantômes d'archives sur une période longue et dans différentes configurations essentiellement locales.
Historiens, archivistes, historiens de l'architecture, de l'urbanisme et de la ville, sont invités à présenter des propositions de communications qui croisent ces thématiques des « archives fantâmes » et des « fantômes d'archives » dans le cadre urbain, en accordant une attention spéciale à ses potentialités épistémologiques et comparatives, et en abordante des thématiques comme, par exemple :
- La (re)découverte d’archives urbaines disparues, délocalisées, dispersées.
- La visibilisation d'archives urbaines invisibilisées pour différentes raisons (linguistiques, politiques, archivistiques, technologiques)
- L'étude de la perte ou de l'invisibilisation d'archives urbaines
- La reconstitution de ces archives par leurs "fantômes", ou par d'autres traces conservées
- Les problèmes liés à l'intégration des "fantômes d'archives" au sein d’un corpus de sources d'une recherche en cours ou passée.
Modalités de soumission
Historien.ne.s, archivistes, historien.ne.s de l’architecture, de l’urbanisme et de la ville, sont invité.e.s à présenter des propositions de communications qui croisent ces thématiques des « archives fantômes » et des « fantômes d’archives » dans le cadre urbain, en accordant une attention spéciale à ses potentialités épistémologiques et comparatives. Les propositions de communication (déclaration d'intérêt et propostion résumée 3000 signes maximum) sont à envoyer aux adresses : paul.lecat@univ-eiffel.fr ; carole.lamoureux@univ-eiffel.fr
avant le mercredi 15 juin 2022.
Les propositions en français ou en anglais sont acceptées.
Pour les contributions retenues, un draft devra être envoyé avant le 1er novembre.
Le colloque fera l’objet d’une publication ultérieure au sein d’actes ou d’un numéro de revue spécialisé.
Comité scientifique
Valérie Gouet-Brunet, Thierry Guillopé, Anne Lacourt, Carole Lamoureux, Nathalie Lancret, Paul Lecat, Vincent Lemire, Georges Lomné, Giuliano Milani, Frédéric Moret, Yann Potin, Pijika Pumketkao, Loïc Vadelorge
Catégories
- Histoire (Catégorie principale)
- Sociétés > Géographie > Géographie urbaine
- Sociétés > Histoire > Histoire urbaine
- Sociétés > Études urbaines
- Esprit et Langage > Épistémologie et méthodes > Épistémologie
- Sociétés > Sociologie > Sociologie urbaine
- Esprit et Langage > Épistémologie et méthodes > Approches de corpus, enquêtes, archives
Lieux
- Archives Nationales, 59 Rue Guynemer
Pierrefitte-sur-Seine, France (93)
Dates
- mercredi 15 juin 2022
Fichiers attachés
Mots-clés
- ville, archive, urbanisme
Contacts
- Paul Lecat
courriel : paul [dot] lecat [at] univ-eiffel [dot] fr - Carole Lamoureux
courriel : carole [dot] lamoureux [at] univ-eiffel [dot] fr
URLS de référence
Source de l'information
- Paul Lecat
courriel : paul [dot] lecat [at] univ-eiffel [dot] fr
Licence
Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.
Pour citer cette annonce
« Archives fantômes, fantômes d’archives », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 24 mai 2022, https://doi.org/10.58079/18xl