Le soin du corps est au cœur de la promesse des mouvements et régimes fascistes compris au sens large (au-delà des seules Italie fasciste et Allemagne nazie). Il se fonde sur l’exaltation de la « race », qui doit régénérer le peuple et doit servir les ambitions expansionnistes et bellicistes des régimes. La présente journée d’étude se propose de reprendre à nouveaux frais ce sujet fondamental pour la compréhension des fascismes en partant des circulations d’objets. Elle entend ainsi contribuer à une histoire du quotidien et du banal dans une période où les circulations des objets précisément ne vont pas de soi pour les populations en raison des politiques protectionnistes dans la crise des années 1930, puis des pénuries en temps de guerre, et enfin du refus de consommer étranger par patriotisme en contexte d’occupation lors de la guerre. L’objectif de la journée sera ainsi de confronter différentes études de cas permettant d’avancer dans le chantier collectif de l’histoire des circulations dans l’Europe des années 1930 et 1940.

Argumentaire

Le soin du corps est au cœur de la promesse des mouvements et régimes fascistes compris au sens large (au-delà des seules Italie fasciste et Allemagne nazie). Il se fonde sur l’exaltation de la « race », qui doit régénérer le peuple et doit servir les ambitions expansionnistes et bellicistes des régimes. Ainsi ce double objectif idéologique et militaire explique la mise en valeur par la propagande des corps d’hommes et de femmes, qu’ils s’agissent des enfants et adolescents dans les organisations de jeunesse, des travailleurs du agricole ou industriel, ou des loisirs et du sport. Ces principes non seulement guident les politiques intérieurs des régimes fascistes, mais ont des effets sur leurs politiques extérieures et d’occupation. La période est ainsi un moment où le corps qu’il soit celui des vedettes du cinéma, du sport, des hommes politiques (Mussolini, Thorez, Mosley) prend un sens autant esthétique, moral que politique et se situe dans un espace très largement transnational.

Certes ce sujet n’est pas nouveau dans l’historiographie, mais jusqu’à présent il a été exploré principalement à partir des textes et des images de propagande, l’étude d’organisations de masse (comme les Jeunesses hitlériennes), des événements spectaculaires (comme les Jeux Olympiques de Berlin en 1936) ou encore par les œuvres d’art et expositions produites par des artistes officiels ou sympathisants du fascisme. La présente journée d’études se propose de reprendre à nouveaux frais ce sujet fondamental pour la compréhension des fascismes en partant des circulations d’objets. Elle entend ainsi contribuer à une histoire du quotidien et du banal dans une période où les circulations des objets précisément ne vont pas de soi pour les populations en raison des politiques protectionnistes dans la crise des années 1930, puis des pénuries en temps de guerre, et enfin du refus de consommer étranger par patriotisme en contexte d’occupation lors de la guerre. Ce faisant, les questionnements se situeront au croisement de trois champs récemment renouvelés par la recherche :

• l’histoire du corps envisagé moins dans ces célébrations officielles (politiques, artistiques, cinématographiques) que dans ses dimensions les plus intimes : soin du corps au quotidien par des produits d’hygiène, achats de produits de consommation plus ou moins luxueux, etc.
• l’histoire des objets, relancée par un material turn qui propose de partir d’objets concrets pour retracer leur trajectoire complexe : de leur élaboration et production, en passant par leur diffusion et commercialisation, jusqu’à leur achat et usages, ce qui suppose des acteurs variés. Certains objets sont parfois devenus après la Seconde Guerre mondiale porteurs d’une mémoire familiale ou ont acquis par leurs dons dans des musées une valeur patrimoniale/
• l’histoire transnationale, qui étudie les circulations par-dessus les frontières nationales ou à des échelles englobant plusieurs Etats-nations ou infra-nationales et renouvelle ainsi par l’adoption d’une perspective différente les grandes problématiques de recherche

L’objectif de la journée sera ainsi de confronter différentes études de cas permettant d’avancer dans le chantier collectif de l’histoire des circulations dans l’Europe des années 1930 et 1940.

Programme

10 juin 2022

9h30 Accueil à la MSHE

10h Introduction

Panel 1 : L’univers des jeunes

• 10h30 Sylvain Dufraisse (Nantes-Université) : « Loisirs et biens matériels de la jeunesse soviétique sous Staline. A propos de deux enquêtes de 1936 et de 1937 sur le mode de vie des jeunes ouvriers et kolkhoziens ».
• 11h Manon Bienvenu-Crelot (Université Bordeaux-Montaigne) : « L'impact de la guerre sur le(s) corps écolier(s) en Allemagne nazie (1939-1945) : la gestion des pénuries d’objets, d’infrastructures et d’enseignant(e)s de sport dans les écoles ».

11h30 Discussion

Panel 2 : L’univers sportif

• 13h30 Patrizia Dogliani (Université de Bologne) : « Les vêtements sportifs dans l’Italie fasciste ».
• 14h Paul Dietschy (Université de Franche-Comté) « La culture matérielle et corporelle du football de l’Italie fasciste au régime de Vichy ».

14h30 Discussion

15h Pause café

Panel 3 : L’univers des consommateurs

• 15h30 Irene Di Jorio (Université libre de Bruxelles) : « Le gardien italien de la santé des Italiens. Publicité et circulation des préservatifs entre démographie et autarcie fasciste ».
• 16h Marie-Bénédicte Vincent (Université de Franche-Comté) : « Les publicités pour le soin du corps dans le Pariser Zeitung, journal allemand de l’occupation en France (1940-1944) ».
• 16h30 Regina Stein (Stiftung Stadtmuseum Berlin) : « Le mobilier français de la Reichsbank sous le nazisme : une ‘virée shopping’ suspecte sur l’axe Paris-Berlin en point de mire de la recherche de provenance aujourd’hui dans les musées »

17h discussion

Informations pratiques

en mode hybride (entrée libre ou en visio)