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La fête

Revue « Études tsiganes » N° 73

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Publié le lundi 30 mai 2022

Résumé

Qu’ils soient musiciens, circassiens ou artistes de scène, les Tsiganes et Voyageurs demeurent des acteurs incontournables de la fête, des spectacles et des arts forains. De la liesse collective émanent des corps-à-corps, des mises à l’épreuve ou des jeux de confrontation auxquels les Tsiganes participent également. Ce sont aussi certains rituels carnavalesques ou mascarades qui mettent à l’effigie dans leurs cortèges ou dans leurs jeux des figures tsiganes qui deviennent alors des emblèmes d’appartenance locale, que cela soit pour les moquer ou les honorer. Ce numéro propose d’étudier le rapport que les populations tsiganes et voyageuses entretiennent avec la fête sous ses multiples facettes.

Annonce

Coordination scientifique du numéro

Gaëlla Loiseau et Grégoire Cousin

Argumentaire

Qu’ils soient musiciens, circassiens ou artistes de scène, les Tsiganes et Voyageurs demeurent des acteurs incontournables de la fêtes, des spectacles et des arts forains. On les sollicite pour animer, par la musique et la danse, mariages, ferias ou fêtes villageoises (Bonini Baraldi F., 2013, Stoichita V., 2008, Pascualino C, 1998). Illusionnistes, prestidigitateurs, montreurs d’animaux, créateurs d’entresorts et d’attractions en tout genre, forains et circassiens ont développé une multitude de manières d’éveiller les sens d’un public désireux de s’extraire de la vie ordinaire (Rosenhaft E. et Sierra M., 2022). Ces temps de fête ritualisés, prenant place dans l’espace public, et proposant des expériences à sensations fortes où le « renversement » devient la norme, nécessitent néanmoins une organisation scrupuleuse qui est la condition même de la possibilité de la fête. Leur mobilité participe aussi de cette capacité non seulement à produire l’événement, mais aussi à apparaître et exister par le prisme de la performance. La vivacité que l’on attribue aux Tsiganes tend à une essentialisation de la capacité à ressentir et exprimer leurs émotions. On discerne donc des processus visant à racialiser les prestations artistiques des Tsiganes et voyageurs mais qu’ils peuvent aussi retourner à leur avantage en jouant avec ces représentations qui les poursuivent.

La fête ne peut se cantonner à un espace-temps événement et de mise en scène. De la liesse collective émanent des corps-à-corps, des mises à l’épreuve ou des jeux de confrontation auxquels les Tsiganes participent également. Ce sont aussi certains rituels carnavalesques ou mascarades qui mettent à l’effigie dans leurs cortèges ou dans leurs jeux des figures tsiganes qui deviennent alors des emblèmes d’appartenance locale, que cela soit pour les moquer ou les honorer (Lougarot N., 2021). En dépit des processus d’essentialisation, l’imaginaire de la fête tsigane reste en effet très opérant dans les industries culturelles qu’il s’agisse du cinéma, de la musique ou de la danse.

Ce numéro propose d’étudier le rapport que les populations tsiganes et voyageuses entretiennent avec la fête sous ses multiples facettes. Plusieurs axes sont proposés aux contributeurs.

Axe 1 : Des rituels et dispositifs festifs tsiganes et voyageurs en mutation

Qu’ils soient instigateurs et organisateurs de dispositifs festifs nous proposons d’analyser aussi bien les formats festifs proposés, mais aussi la place occupée par les Tsiganes et Voyageurs (artistes, fêteux ou industriels forains) qui font recette avec les arts forains. Ce sont tout d’abord un certain nombre de rites de passages qui se manifestent par des fêtes de famille chez les Tsiganes. Les mariages tsiganes consistent bien souvent en des mises en scène des corps des jeunes mariés (Williams P., 1983). Ces cérémonies (du mouchoir ou de l’enlèvement de la mariée) semblent occuper une place importante dans la consécration des identités tsiganes. Ce sont donc aussi les modalités propres de la fête dans les mondes romani qui se déroulent le plus souvent dans l’espace privé des familles, qui seront interrogés, également en tant qu’ils peuvent être traversés par des changements et évolutions. De qui est-ce donc réellement la fête lors de ces temps de partage ?

L’économie de la fête n’est pas épargnée par les crises. Ces dernières années, les prestations circassiennes et foraines ont été remises en question aussi bien par les interrogations concernant le traitement fait aux animaux dans les cirques. Tandis que la fête foraine a subi une forte relégation aux marges des centralités urbaines ces 20-30 dernières années (Le Marchand A., 2011). Après avoir traversé une période de crise lors des confinements liés à la pandémie du Covid 19, ces professionnels doivent aujourd’hui se réinventer. Dans un contexte où les arts forains pourraient être reconnus comme patrimoine culturel immatériel de l’Unesco, quelle place la fête foraine peut-elle dorénavant occuper dans les villes et dans l’espace public ? Quels sont les formats économiques, spatio-temporels choisis par les familles qui exercent aujourd’hui des métiers liés à la fête ou au divertissement ? Comment les valeurs sociétales (protection du monde animal…) influent les choix déontologiques et politiques qui gouvernent aujourd’hui les dispositifs festifs dispensés par les Tsiganes et Voyageurs ?

Axe 2 : Les tsiganes dans la fête populaire

Les tsiganes participent à des moments festifs. Ils peuvent louer leurs talents de musiciens et danseurs. Ils sont d’ailleurs associés dans certaines sociétés à un savoir-faire professionnel de la fête souvent incontournable, que ce soit dans l’animation musicale mais également des rituels et des manières de faire par exemple dans les fêtes mariales du sud de l’Italie ou encore lors de mariage dans le monde paysan transylvain ou en Macédoine. Ils participent aux fêtes religieuses, pouvant être également mis à l’honneur à l’occasion de certains pèlerinages tels que les Saintes-Maries-de-la-Mer. Peut-on faire l’état des lieux de ces places et savoirs reconnus, de leur dynamisme ou de leur disparition ? Ils peuvent aussi faire la fête lors de fêtes villageoises. Comment se positionnent-ils lors de ce type de rassemblement ? Font-ils groupe « à part », se considérant comme étrangers à ces moments de liesse collective, ou bien ont-ils leurs propres usages de la fête populaire, quitte à être dépréciés des non-tsiganes qu’ils côtoient lors de ces temps festifs ? La porosité entre les mondes forains et tsiganes fait entretenir à ces derniers un dialogue complexe avec les fêtes foraines et foires villageoises. Ces moments sont l’occasion de faire jouer en miroir les différentes autochtonies qui composent la société locale.

La figure du Tsigane peut être utilisée pour animer des fêtes locales, sans que les Tsiganes qui y résident localement y soient associés. Quelles représentations de ces figurations stylisées du Tsigane, les voyageurs locaux peuvent-ils se faire ? Participent-ils à ces fêtes, émettent-ils un point de vue critique ou au contraire sont-ils des acteurs ordinaires et détachés de ces figurations ?

Axe 3 : Les imaginaires des fêtes tsiganes dans les industries culturelles contemporaines

Des musiciens tsiganes des cabarets russes de l’entre-deux-guerres, à la démesure et la puissance des imaginaires de la fête tsigane mise en scène par Emir Kusturica dans son cinéma et sa musique en passant par l’image de Birgitte Bardot dansant autour d’un feu accompagné des Gypsy King, la fête tsigane est une image récurrente de l’industrie culturelle européenne. Des circulations de ces imaginaires sont à l’oeuvre à différentes échelles, locales, régionale, nationales et globalisées (Sutre A., 2021, Loiseau G., 2015). Ce sont aussi des formes de réappropriations culturelles à travers le conte, les cirques en roulotte, les théâtres de marionnettes par exemple qui circulent dans des espaces ruraux ou à des échelles très localisées. Certains arts visuels s’emparent également des pratiques festives des Tsiganes pour en faire des objets d’étude, en particulier la peinture et la photographie qui ont largement contribué à documenter les fêtes tsiganes en véhiculant des clichés tels que la danseuse autour du feu. Quels sont les grands schémas de cette production culturelle, au-delà des images classiques du débordement, du flot de la musique ? Quelles relations ces imaginaires entretiennent-ils avec les cultures roms, tsiganes et voyageuses ? Quelle part d’échanges, de fantasmes et d’appropriations ? Nous souhaiterions particulièrement interroger le phénomène d’aller-retour entre les imaginaires produits par l’industrie culturelle et l’évocation de ces images par des artistes tsiganes, pour souligner leur tsiganité.

Modalités de soumission

Merci d’envoyer les contributions à : contributions@etudestsiganes.asso.fr

avant le 4 juillet 2022

La réponse aux propositions sera donnée le 15 juillet 2022, réception des articles le 15 novembre 2022

Équipe de la revue

  • Editeur : Fnasat-Gens du voyage (Fédération nationale des associations solidaires d'action avec les Tsiganes et Gens du voyage)
  • Président : Laurent El Ghozi
  • Directeur de la publication : Laurent El Ghozi
  • Directeur scientifique : Grégoire Cousin et Gaëlla Loiseau
  • Rédacteur en chef : Stéphane Lévêque
  • Chargée de communication : Nacéra Kacimi
  • Documentaliste : Leny Mauduit
  • Abonnements, vente au numéro : Chantal Bonnevalle
  • Conception graphique : Nacéra Kacimi

Conseil scientifique

Ilsen About (CNRS) - Henriette Asséo (EHESS) - Céline Bergeon (Université de Poitiers) - Marc Bordigoni (CNRS) - Elisabeth Clanet - Claire Cossée (UPEC) - Grégoire Cousin (EHESS) - Emmanuel Filhol (Université de Bordeaux) - Iulia Hasdeu (HETS) - Marie-Christine Hubert (Université de Bordeaux) - Cécile Kovacshazy (Université de Limoges) - Gaëlla Loiseau (INRAE) - Martin Olivera (Université de Paris VIII) - Bernard Pluchon - Tatiana Sîrbu (Université catholique de Louvain) - Adèle Sutre (EHESS) - Alain Reyniers (Université catholique de Louvain) - Marie-Claude Vachez

Bibliographie

Bonini Baraldi F., Tsiganes, musique et empathie, MSH et CNRS Éditions, Paris, 2013.

Le Marchand A., Enclaves nomades. Habitat et travail mobiles, Editions du Croquant, Bellecombe-en-Bauge, 2011.

Loiseau G., « Sara “gitanizzata”, Sara globalizzata. Itinerario di una figura istituita dai gagé », in Giacalone F. (a cura di), Pellegrinaggi e itinerari turistico- religiosi in Europa. Identità locali e dinamiche transnazionali, Morlacchi, Perugia, 2015 (p. 317-334).

Lougarot N., Les Bohémiens, des gens sans histoire ? Gatuzain Éditions, Ustaritz, 2021.

Pascualino C., Dire le chant. Les Gitans flamenco d’Andalousie, CNRS Éditions, Paris, 1998.

Rosenhaft E., Sierra M. (dir.), European Roma. Lives Beyond Stereotypes, Liverpool, Liverpool University Press, 2022, 352 p.

Stoichita V., Fabricants d’émotion. Musique et malice dans un village tsigane de Roumanie, Société d’ethnologie, Paris-Nanterre, 2008.

Sutre A., Géopolitique des Tsiganes. Des façons d’être au monde entre circulations et ancrages, Le Cavalier Bleu, Paris, 2021.

Williams P., Mariage tsigane. Une cérémonie de fiançailles chez les Roms de Paris, L’Harmattan, Paris, 1983.


Dates

  • lundi 04 juillet 2022

Fichiers attachés

Mots-clés

  • Roms, tsigane, Europe, fête, divertissement

URLS de référence

Source de l'information

  • Grégoire Cousin
    courriel : gregoire [dot] cousin [at] ehess [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« La fête », Appel à contribution, Calenda, Publié le lundi 30 mai 2022, https://doi.org/10.58079/18yq

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