AccueilLes relations entre la finance et l’industrie : entre nécessité et antagonisme

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Publié le mardi 17 février 2009

Résumé

La récente crise financière et ses répercutions rapides sur l’industrie témoigne à la fois de l’importance économique persistante des activités industrielles et de la façon dont elles sont affectées par la finance moderne. Ce colloque propose un ensemble de réflexions sur les relations entre l’industrie et la finance alors que cette dernière est devenue plus autonome. Les contributions porteront sur l’examen des liens entre l’industrie et la finance du point de vue de l’analyse et de l’histoire économiques, sur l’évolution de la nature et du rôle de « l’industrie financière » dans le financement de l’économie, sur l’impacte de cette évolution sur la gouvernance des firmes industrielles et sur la régulation de ces relations.

Annonce

Si la part des emplois directs de l’industrie dans les économies les plus développées tend indéniablement à diminuer, si la baisse des coûts de transports et de communications a permis une plus grande liberté de localisation et le développement des activités à destination des économies émergentes, l’activité industrielle tient pourtant encore un rôle essentiel dans nos sociétés. La désindustrialisation repose en réalité sur des transformations profondes dans l’organisation productive du travail qui n’oblitèrent pas cependant l’importance des activités industrielles dans les économies développées. La production industrielle, bien que diminuant en valeur grâce à d’importants gains de productivité, continue en effet d’augmenter en volume. L’externalisation de fonctions alimente la sphère des services aux entreprises qui dépend ainsi fortement de l’industrie. À la fin des années quatre-vingt-dix, la crise de la nouvelle économie a également suscité un certain recentrage sur les activités industrielles traditionnelles.
La crise des subprimes de 2007 et la récente crise financière consécutive de septembre 2008 illustrent aujourd’hui à quel point l’industrie est affectée par la finance moderne et pourquoi il est nécessaire de penser l’industrie en lien avec la finance. Outre les premières répercussions de ces « dysfonctionnements » de la finance sur des secteurs traditionnels comme l’automobile et la construction, des effets récessionistes sur l’activité économique en général et industrielle en particulier sont annoncés.
La compréhension de cette crise et les transformations de la finance et de l’industrie appellent un renouvellement profond de la réflexion. Si les relations entre ces deux activités sont aussi anciennes que les économies capitalistes de marché, la représentation que se font les agents économiques de la relation finance/industrie et son contenu réel se sont fortement modifiés depuis la révolution industrielle. On est ainsi passé d’une conception dans laquelle l’activité financière est un auxiliaire des activités productives à une conception où la finance est devenue toujours davantage une activité autonome, paraissant parfois déconnectée de l’activité « réelle », et cause d’instabilité grandissante.
Selon cette perspective, un ensemble de questions reste aujourd’hui en suspens : l’activité financière est-elle complémentaire de l’activité productive et est-elle destinée à la soutenir pour éviter des décalages temporels qui rendent plus difficiles les décisions d’investissement ? L’activité financière n’a-t-elle pas acquis au contraire une telle autonomie que ses objectifs apparaissent contradictoires avec ceux de l’industrie voire de la société ? Quelles sont les formes de complémentarité, notamment institutionnelles, qui peuvent être mises en évidence entre les deux « sphères » ? Quels mécanismes de régulation peuvent modifier ces relations ? Les liens actuels entre industrie et finance sont-ils plus denses et/ou de nature différente qu’autrefois ? Telles sont quelques-unes des questions auxquelles ce colloque s’efforcera d’apporter des réponses.

Objectifs du colloque

Les contributions sur l’analyse des rapports entre la finance et l’industrie porterons sur des aspects théoriques, empiriques ou méthodologiques et s’articuleront autour de quatre axes principaux :

i) Un premier thème consistera à interroger les rapports entre la finance et l’industrie à partir de l’analyse mais aussi de l’histoire économique contemporaines. À titre d’exemple, Thorstein Veblen, décédé en 1929, quelques mois avant la Grande Crise, a particulièrement insisté sur les facteurs d’instabilité propres au « capitalisme banquier» et sur la dualité entre les critères d’évaluation des activités économiques (pour l’entreprise elle-même et pour la société) selon qu’ils sont sous la conduite du « business » ou « des valeurs industrielles » : selon cet auteur, « making money and making goods » renvoient à des logiques fondamentalement différentes qui s’articulent et s’affrontent au sein même des entreprises industrielles. Les contributions des grands noms de l’histoire de la pensée économique, notamment (de manière non exclusive) celles d’Alfred Marshall, Joseph Schumpeter, John Maynard Keynes et Hyman Minski pourront être convoquées et confrontées sur ce thème. L’histoire économique constitue également un angle d’étude particulièrement pertinent à partir duquel les relations entre les sphères financière et industrielle peuvent être appréhendées. Les crises économiques, industrielles, bancaires et financières ainsi que les mécanismes de transmission de ces crises pourront être envisagés dans leurs singularités aussi bien qu’à travers leur récurrence.

ii) Le second thème porte sur les effets exercés par l’organisation de la « sphère financière » sur le financement des activités économiques. Il s’agira d’interroger les modalités d’articulation des différents mécanismes de financement et d’évaluer la manière dont ces mécanismes affectent, d’une part, les industries traditionnelles et, d’autre part, les industries innovantes. Sur les marchés financiers, le rôle des banques et des nouvelles formes d’intermédiation financière qui impliquent la multiplication des chaînes d’expertises répondent à des logiques propres à « l’industrie bancaire » et son « going plant » (l’ingénierie bancaire), si bien que l’on assiste désormais à l’émergence d’une véritable « économie industrielle de la finance et de la banque ». La sophistication croissante caractérise aussi les instruments de financement, les innovations financières et les techniques bancaires utilisées. Cependant, ces nouvelles formes d’organisation des activités de financement induisent-elles une distance plus grande vis-à-vis des activités proprement productives ? C’est une question cruciale que les participants au colloque devront aborder.
L’État est aussi un acteur dans le financement des activités productives traditionnelles ou innovantes : il conviendra de s’interroger sur la possible évolution de son rôle, probablement destiné à évoluer pour répondre aux effets de la crise des subprimes.
Il s’agira enfin de décrire comment l’innovation technologique et le poids des actifs immatériels (goodwill) dans l’économie fondée sur la connaissance exercent des effets en retour sur l’évaluation des actifs et leur financement. Les actifs immatériels sensés favoriser ou incarner les activités d’innovation semblent en effet de plus en plus gérés sur le modèle des actifs financiers, comme « les portefeuilles de brevets ». Dans ce cas et lorsque l'innovation repose sur des avancées nombreuses et cumulatives, les nouveaux entrants peuvent se trouver pris en otages par les grandes firmes qui disposent de stocks de brevets.

iii) Le troisième thème porte sur la gouvernance des firmes et la performance industrielle. Ce thème renvoie à la question classique du lien entre la propriété et le contrôle des décisions stratégiques des firmes. Les mutations propres à la sphère financière ont des effets sur la nature du contrôle des firmes industrielles. La gouvernance actionnariale sélectionne les projets d’investissement ayant une rentabilité à court terme et un taux de rendement élevé et cette logique entre en contradiction avec les besoins en « capital patient » qui sont intrinsèques à l’investissement. Si les modalités favorisant le capital-risque semblent nécessaires à l’essor de certains types d’activités et d’un certain « type de capitalisme », la diffusion des normes comptables élaborées selon ce modèle n’imposent-elle pas des contraintes insoutenables, notamment dans le cas des industries traditionnelles ? Le contrôle actionnarial a un impact sur l’organisation industrielle elle-même. Il est habituel d’interpréter la désintégration verticale et conglomérale et le développement de l’outsoursing comme une réponse combinée face aux contraintes liées à la concurrence mondiale et aux opportunités liées aux mutations des TIC. Cependant, on peut y voir aussi une substitution de la diversification des risques et une coordination des activités assumées autrefois par l’organisation industrielle intégrée par une diversification et une coordination des actifs assurée désormais par les marchés financiers internationalisés. De même, on peut se demander si le passage à l’économie fondée sur la connaissance et l’importance prise par les actifs intangibles limitent désormais le contrôle par la propriété des actifs physiques au profit d’un contrôle par la détention des « ressources critiques », compétences et capital relationnel. Au-delà des modèles de gouvernance « shareholders » ou « stakeholders », on pourra aussi s’interroger sur la nature du capitalisme industriel français, réputé familial, et sur la formation de ses élites.

iv) Enfin, le dernier axe vise une perspective plus macroscopique, celle des formes de la régulation. Cette perspective pose la question de la singularité historique d’un mode de régulation dirigé « par la finance ». À ce titre, la crise actuelle signe-t-elle la fin de ce mode de régulation et annonce-t-il, comme on l’entend beaucoup dire, un retour de l’État ? En ce cas, selon quelle modalité ce retour peut-il s’opérer ? Est-ce sous la forme d’un État arbitre et porteur des transformations de normes juridiques plus favorables à l’intérêt général ? Est-ce sous celle d’un État producteur ou un d’un État banquier imprimant un retour explicite du politique dans l’économique ? Quels nouveaux périmètres peut-on attendre pour la régulation marchande et la régulation politique, nationale ou internationale ? Plus largement encore, on peut s’interroger sur les possibilités de voir émerger une forme de régulation économique permettant d’inclure les dimensions sociales et environnementales et de rendre compatibles les exigences de rentabilité des apporteurs de capitaux avec de nouvelles normes industrielles et des innovations progressives.

Comité d’organisation :

Véronique DUTRAIVE (LEFI-Lyon 2), Valérie REVEST (LEFI-Lyon 2), Jérôme BLANC (LEFI-Lyon 2), Anne DESHORS (LEFI), Brigitte ESNAULT (LEFI), Virginie Forest (LEFI-Lyon 2).

Comité scientifique :

Jean-Pierre ALLEGRET (GATE, Lyon 2), Richard ARENA (GREDEG, Nice), Bernard BAUDRY (LEFI, Lyon 2), André CARTAPANIS (IEP, Aix-en–Provence), Benjamin CORIAT (CEPN, Paris 13), Véronique DUTRAIVE (LEFI, Lyon 2), Olivier GODECHOT (centre Maurice Halbwachs, CNRS), Christian LE BAS (LEFI, Lyon 2), Olivier PASTRÉ (Paris 8), Dominique PLIHON (CEPN,Paris 13), Valérie REVEST (LEFI, Lyon 2). Yamina TADJEDDINE (Economix, Paris 10).

Modalités pratiques :

Les projets de communication devront parvenir sous la forme d’un résumé de 2 pages maximum (8 000 caractères espaces compris) accompagné de vos coordonnées. Préciser le thème (i, ii, iii ou iv) de l’intervention.

Les propositions sont à envoyer à :
Mail : anne.deshors@ish-lyon.cnrs.fr.
Adresse :
LEFI
ISH
14 av. BERTHELOT
69363 Lyon CEDEX 07

Tél : 04 72 72 64 07, Fax : 04 72 72 65 55

Les langues officielles de la conférence seront le français et l’anglais, les communications écrites pouvant être dans les deux langues. Les organisateurs envisagent la possibilité d’organiser certaines sessions entièrement en anglais en fonction de la nationalité des intervenants.
À l’issue du colloque, une sélection d’articles par le comité scientifique fera l’objet de publications dans des numéros spéciaux de revues, et de la constitution d’un ensemble de working papers destinés à être diffusés dans un réseau européen.

Calendrier :

Date limite d’envoi des propositions : 2 mai 2009

Date de réponse des organisateurs : début juin 2009

Date limite d’envoi de la version finale de la communication : 1er novembre 2009

Les inscriptions au colloque débuteront à partir du 15 juin 2009.

Les frais d’inscription, de transport et d’hébergement sont à la charge des participants hormis les conférenciers invités.

Les informations pratiques seront disponibles, début juin 2009, sur le site du LEFI : http://recherche.univ-lyon2.fr/lefi/.

Catégories

Lieux

  • Lyon, France

Dates

  • samedi 02 mai 2009

Fichiers attachés

Mots-clés

  • finance, industrie, gouvernance des firmes, crises économiques et financières, régulation du capitalisme

Contacts

  • Véronique Dutraive
    courriel : veronique [dot] dutraive [at] univ-lyon2 [dot] fr

Source de l'information

  • Anne Deshors
    courriel : anne [dot] deshors [at] ish-lyon [dot] cnrs [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les relations entre la finance et l’industrie : entre nécessité et antagonisme », Appel à contribution, Calenda, Publié le mardi 17 février 2009, https://doi.org/10.58079/dot

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