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Les nouveaux défis de la question sociale

Risques, sécurités, solidarités

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Publié le jeudi 02 octobre 2014

Résumé

Ce colloque a un double objectif : penser la question sociale aujourd’hui en mobilisant et en rendant hommage aux travaux de Robert Castel, dans la dynamique nationale du « Printemps Castel : Quand Robert Castel nous aide à penser le travail social ». En effet, au-delà de son travail devenu incontournable sur la condition salariale et la gestion de la maladie mentale (il contribue largement à faire connaître les travaux d’Erving Goffman en France à la fin des années soixante), ses ouvrages sur la « question sociale » ont profondément renouvelé la compréhension des transformations radicales de l’« État social ».

Annonce

Argumentaire

Objectifs et problématiques du colloque

Ce colloque a un double objectif : penser la question sociale aujourd’hui en mobilisant et en rendant hommage aux travaux de Robert Castel, dans la dynamique nationale du « Printemps Castel » : « Quand Robert Castel nous aide à penser le travail social ». En effet, au-delà de son travail devenu incontournable sur la condition salariale[1] et la gestion de la maladie mentale[2] (il contribue largement à faire connaître les travaux d’Erving Goffman[3] en France à la fin des années soixante), ses ouvrages sur la « question sociale » ont profondément renouvelé la compréhension des transformations radicales de l’« État social ».

Qu’entend-on par question sociale ? En France, les travaux de Jacques Donzelot[4], Pierre Rosanvallon[5], Robert Castel, plus récemment Serge Paugam[6] font ressortir une définition commune: la question sociale renvoie à la question de la cohésion, du lien social et de la manière dont la société s’organise pour mettre en place des processus de solidarité et ainsi éviter l’anomie/la déliaison et les phénomènes de violence. Pour Robert Castel, la « question sociale commence en 1349 » car c’est à ce moment que s'inaugure de manière explicite une nouvelle problématique sociale fondée sur l'impératif catégorique du travail[7]. L'histoire de la question sociale et de ses métamorphoses rencontre ainsi inévitablement celle du salariat et de son corollaire, la désaffiliation. Si l’indigence existait depuis longtemps, le développement du salariat fait apparaître une nouvelle question au sein de la société : l’existence d’individus qui occupent dans la  société  la position de surnuméraires. La figure originelle  du désaffilié est donc celle du  vagabond, c'est-à-dire  de l'indigent  valide. Puis, avec le développement de la société industrielle, le « prolétaire » remplace le vagabond. L’industrie se développant grâce à une utilisation intensive de main d’œuvre, elle fait disparaître les surnuméraires. Mais le prolétaire est à la fois un travailleur libre et sans statut ni protection. Pour Robert Castel, la société salariale moderne se développe pour répondre au problème posé par cette forme de désaffiliation, avec la mise en place d’un ensemble de protections reliées au statut de travailleur. Les trente glorieuses représentent ainsi un âge d’or, pourtant de courte durée puisque, rapidement, le visage du surnuméraire resurgit.

Dans un autre contexte, celle de la mondialisation néolibérale, Robert Castel pense les transformations de la question sociale. En effet, dans ses travaux récents, Robert Castel décrit l'ébranlement du salariat et avec lui le retour de l'assistance, la montée de l’insécurité sociale[8] (de l'incertitude), de la vulnérabilité et de ce qu'il appelait la désaffiliation. Les travaux de Robert Castel ont ainsi contribué à renouveler l'intérêt porté à l'intervention sociale « auxiliaire de l’État social », comme il le soulignait. Les journées scientifiques organisées par le P2RIS, le réseau thématique 3 « Normes, déviances et réactions sociales » de l’AFS et l’ACOFIS visent alors à interroger les nouveaux défis de la question sociale à partir de travaux de recherches en sciences sociales, d’études et de diagnostics, de pratiques professionnelles et d’expérimentations pédagogiques.

Penser les mutations de l’« État social »

Pour Robert Castel, en effet, les nouveaux défis de l’État social sont le produit d’une relation forte entre le développement de l’État social et le développement du travail social. Pour celui-ci, la période qui a suivi la seconde guerre mondiale jusqu’aux années soixante-dix a permis le développement d’importants progrès sociaux, en particulier la généralisation de la sécurité sociale et la couverture des principaux risques sociaux à partir du travail. Dans ce contexte, selon Robert Castel, la mission principale du travail social est de s’occuper de la partie minoritaire de la population qui n’est pas couverte par la protection liée au travail. C’est, en ce sens, que le travail social représente un « auxiliaire de la politique générale d’intégration ».

Cependant, à partir du milieu des années soixante-dix, la « société assurantielle » est remise en question par le développement de ce que l’on appelle alors la « crise économique ». Robert Castel souligne que cette situation de crise déconstruit le rôle protecteur assuré par l’État durant les années de croissance et de progrès sociaux, notamment la garantie des droits sociaux ayant une vocation universaliste et, plus généralement, la protection contre les facteurs d’insécurité. Cette situation de crise se caractérise ainsi par l’installation du chômage de masse et la précarisation des relations de travail. Selon Robert Castel, la « concurrence généralisée » opère donc une grande entreprise de « décollectivation » renvoyant les individus à eux-mêmes, à leurs difficultés et à la particularité de leurs trajectoires.

En fait, Robert Castel souligne que cette décomposition d’un mode de gestion collectif de la question sociale est surtout rendue visible à partir des années quatre-vingt par la critique systématique de l’État social qui émane, au-delà du clivage droite/gauche, d’une grande partie du monde politique et médiatique. Selon Robert Castel, il est reproché à l’État social d’assurer des droits collectifs généralisés encourageant alors les bénéficiaires de ces droits à s’installer dans une « culture de l’assistance ». Dans la pratique, ces critiques sont certes néolibérales (moins d’État) mais également « sociales-libérales » (mieux d’État), ce qui signifie que les interventions de l’État sont ciblées sur des situations particulières.

Robert Castel affirme alors que nous assistons à l’émergence d’un nouveau paradigme, celui de l’« activation ». Autrement dit, la recomposition de l’État s’organise, principalement, à partir de la mobilisation des « usagers ». Dans ce cadre, le développement du précariat (institutionnalisation de la précarité) associé au chômage de masse et à la décomposition de la solidarité collective amène les travailleurs sociaux à accompagner des « valides invalidés ». En outre, les travailleurs sociaux sont tenus de mobiliser et d’activer les personnes vivant des épreuves difficiles. En effet, pour Robert Castel, sous l’impulsion des travailleurs sociaux, les usagers des services sociaux sont incités à faire des projets et à entrer dans une « logique de contrepartie » pour mériter les efforts qui sont faits pour eux. Or, cette dynamique d’activation est ambiguë. D’un côté, ce paradigme est, en effet, positif dans la mesure où il prend en compte la singularité des individus, d’un autre côté, il est aussi contestable, voire obscène puisqu’il fait reposer sur les individus, s’inscrivant dans un processus de désaffiliation, la principale responsabilité de leur propre réhabilitation.

En définitive, en continuum des travaux de l’économiste Karl Polany[9], Robert Castel décortique la « grande transformation du capitalisme ». Néanmoins, il insiste sur les conséquences mortifères de cette transformation sur l’individu, l’organisation du travail, la solidarité[10] et les liens sociaux (déliaison). Pour autant, Robert Castel n’est pas un sociologue hyper-critique puisqu’il est un analyste du changement[11] qui a le souci de faire des propositions pour sortir des rapports de domination propres à la société capitaliste contemporaine. Dans cette optique, pour Robert Castel, le déplacement de la responsabilité des difficultés vécues par les individus, en particulier les « individus par défaut[12] », sur les individus eux-mêmes doit alors être rééquilibré par la référence aux droits universels pour tous les citoyens. Cette dotation des droits est, en effet, indispensable à l’émancipation des individus qui représente une idée centrale de l’œuvre fondamentale de Robert Castel.

Aujourd’hui, en mobilisant les apports de Robert Castel, il s’agit d’analyser les nouveaux défis de la question sociale et les réponses que la société y apporte. Pour cela, cet appel à communication souhaite articuler trois axes thématiques :

Perceptions et construction sociale de nouveaux désordres et de risques sociaux et sanitaires

Les transformations de la question sociale entraînent la production de nouveaux désordres et risques (désordres des inégalités). Lesquels ? A quels représentations et discours donnent-ils lieu ? Quels en sont les acteurs ? Quelles pratiques en découlent et en quoi celles-ci contribuent à la production sociale de ces désordres et risques?

Sécurité / insécurité sociale et civile : représentations et actions

Les transformations de la question sociale ont pour corollaire l’émergence de l’insécurité sociale et civile comme problèmes sociaux et politiques. Quelles sont les représentations dominantes de l’insécurité aujourd’hui ? Quelles actions individuelles et collectives entraînent-elles ? Assistons-nous à des transformations dans les registres d’action politique, sociaux ? Qu’en est-il des pratiques professionnelles des travailleurs et intervenants sociaux ? En quoi les pratiques participent à la production sociale de l’insécurité ?

Anciennes et nouvelles formes de solidarité

Nous assistons à la décomposition des anciennes formes de solidarité. La question sociale est aujourd’hui perçue comme un ensemble de  « problèmes sociaux », associés à des territoires, à des catégories de populations ou à des individus, conduisant à une logique de culpabilisation et de  stigmatisation.  A quelles conceptions et à quelles pratiques donnent lieu les nouvelles formes de solidarité ? Quels sont les effets, pour les travailleurs sociaux et pour les usagers, de ces nouvelles conceptions et pratiques ? (contractualisation, activation, responsabilisation, individualisation, etc.). De manière plus large, comment penser le travail social aujourd’hui ? (rôle et sens du travail social)

Cet appel à communication, volontairement large et transversal, s’adresse aux chercheurs et enseignants-chercheurs professionnels et aux doctorants en sciences sociales ; aux formateurs, praticiens et étudiants de l’intervention sociale qui souhaitent valoriser les résultats de projets de recherche, d’études, d’innovations professionnelles et pédagogiques auxquels ils auraient participé. Ceux-ci devront s’inscrire dans un des axes définis ci-dessus et se référer aux travaux et concepts de Robert Castel. Ils peuvent prendre des formes diverses : communication écrite restituant une recherche, une étude ou un diagnostic ; une expérimentation professionnelle ou pédagogique innovante; un film documentaire ; une présentation photo…. Les communications s’appuyant sur des résultats de recherche empirique et sur des expériences concrètes seront privilégiées

Références

[1] Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, éd. Fayard, 1995.

[2] Robert Castel, L’ordre psychiatrique, Paris, éd. de Minuit, 1977.

[3] Erving Goffman, Asiles. Études sur la condition sociale des malades mentaux et autres reclus (1961) ; traduction de Liliane et Claude Lainé, présentation, index et notes de Robert Castel, éd. de Minuit, coll. Le Sens Commun, 1979.

[4] Jacques Donzelot, L’Invention du social. Essai sur le déclin des passions politiques, Paris, éd. Le Seuil, 1994

[5] Pierre Rosanvallon,  La crise de l’Etat-providence, Paris, éd. Le Seuil, 1981; Pierre Rosanvallon, La nouvelle question sociale. Repenser l’Etat-providence, Paris, éd. Le Seuil, 1995.

[6] Serge Paugam, L' avenir de la solidarité, Paris, éd. PUF,  2013 ; Serge Paugam,  La disqualification sociale, éd. PUF, Coll. Quadrige, 2013 ;  Serge Paugam,  Le lien social, éd. PUF, Coll. Que sais-je ?, 2013.

[7] Robert Castel, Les métamorphoses de la question sociale, Paris, éd. Fayard, 1995, p.

[8] Robert Castel, L’insécurité sociale. Qu’est-ce qu’être protégé ?, Paris, éd. du Seuil, 2003 ; La montée des incertitudes, Paris, éd. du Seuil, 2009.

[9] Karl Polanyi, La grande transformation, Aux origines politiques et économiques de notre temps, éd. Gallimard, (1944) 1983.

[10] Robert Castel, Nicolas Duvoux (dir.), L’avenir de la solidarité, Paris, éd. La vie des idées/Puf, 2013.

[11] Robert Castel, Claude Martin (dir.), Changements et pensées du changement. Echanges avec Robert Castel, Paris, éd. La Découverte, 2012.

[12] Robert Castel, Claudine Haroche, Propriété privée, propriété sociale, propriété de soi. Entretiens sur la construction de l’individu moderne, Paris, éd. Fayard, 2001.

Modalités de soumission

Dans tous les cas, un court texte présentant le projet devra être envoyé au comité de sélection. Les propositions devront indiquer :

  • Nature de la communication (présentation d’une recherche (préciser la discipline), d’une étude, d’un diagnostic ; projet associatif ou de service innovant ; expérimentation professionnelle ou pédagogique ; documentaire ; exposition photo etc.) ;
  • Nom, prénom, adresse électronique et institution d’attache du ou des auteur(s).

Ils n’excèderont pas 1500 signes (espaces compris), devront être rédigés en français et devront parvenir sous format word, à contact@p2ris.fr

au plus tard le 14 novembre 2014.

 Les avis du comité de sélection seront transmis aux auteurs fin novembre.

Comité d’organisation

  • Manuel Boucher (P2RIS, ACOFIS, RT3 AFS, LERS-IDS, CADIS-EHESS)
  • Pierre Chapillon (Doyen UFR SHS - Université de Rouen

Comité scientifique

  • Mohamed Belqasmi (ACOFIS, LERS-IDS, URMIS-UNICE)
  • Manuel Boucher (P2RIS, ACOFIS, RT3 AFS, LERS-IDS, CADIS-EHESS)
  • Stéphanie Boujut (Université de Rouen-Département Carrières sociales, DYSOLA)
  • Michel Chauvière (CNRS)
  • Xavier De Larminat (Centre d'Etudes Sociologiques (CES) Université Saint-Louis - Bruxelles)
  • Konstantinos Delimitsos (RT3 AFS, LASURES, Université de Lorraine)
  • Jacques Donzelot (Université Paris X – Nanterre)
  • François Dubet (Université Bordeaux II, EHESS)
  • Nicolas Duvoux (Université Paris Descartes)
  • Laurent Lescouarch (Université de Rouen-Département Sciences de l’éducation, CIVIIC)
  • Hervé Marchal (2L2S, Université de Lorraine)
  • Eric Marlière (ACOFIS, CERIES, Université de Lille III)
  • Candice Martinez (P2RIS, IDS)
  • Gérard Mauger (CSE, CNRS)
  • Anne Petiau (IRTS Montrouge – Neuilly sur Marne)
  • Régis Pierret (ACOFIS, ITSRA, CADIS-EHESS)
  • Martine Trapon (ENS)
  • Jean-Luc Viaux (Université de Rouen-Département des Sciences de l’homme et de la société, PSY.NCA)

Partenaires institutionnels

  • Conseil Général de l’Eure
  • Conseil Général de Seine-Maritime
  • CREFOR
  • CRES
  • DRJSCS
  • ENPJJ
  • INSEE
  • IREPS Haute-Normandie
  • PJJ
  • Région Haute-Normandie
  • UNIFAF
  • URIOPSS

Lieux

  • Institut du Développement Social de Haute-Normandie et Université de Rouen
    Rouen, France (76)

Dates

  • vendredi 14 novembre 2014

Mots-clés

  • Robert Castel, travail social, risque, sécurité, solidarité

Contacts

  • P2RIS
    courriel : contact [at] p2ris [dot] fr

URLS de référence

Source de l'information

  • Manuel BOUCHER
    courriel : manuel [dot] boucher [at] idsnormandie [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Les nouveaux défis de la question sociale », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 02 octobre 2014, https://doi.org/10.58079/qwt

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