AccueilIntermédiaires du travail (XIVe-XXe siècle)

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Intermédiaires du travail (XIVe-XXe siècle)

Intermediaries of work (14th-20th century)

Figures sociales du recrutement et de la gestion de la main d’œuvre

Social figures of recruitment and the management of workforces

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Publié le jeudi 11 décembre 2014

Résumé

La question des intermédiaires du travail défraye régulièrement la chronique. Des travaux y ont été désormais consacrés pour l’époque contemporaine, notamment dans le cadre de la globalisation des marchés du travail. Mais, les intermédiaires du travail occupent sans doute une fonction aussi ancienne que le travail lui-même, quelque soit les formes, les législations, les champs d’activité concernés.

Annonce

Argumentaire

La question des intermédiaires du travail défraye régulièrement la chronique : dans le cadre des tensions générées par les migrations internationales, le rôle de ces médiateurs ne cesse de croître et la question des exactions de toutes sortes qu’ils exercent souvent sur les migrants en quête de travail irrigue l’actualité médiatique. Des travaux y ont été désormais consacrés pour l’époque contemporaine, notamment dans le cadre de la globalisation des marchés du travail. Mais, comme le rappelait un numéro de l’International Review of Social History (IRSH-57, 2012) portant sur l’époque contemporaine, les intermédiaires du travail occupent sans doute une fonction aussi ancienne que le travail lui-même, quelque soit les formes, les législations, les champs d’activité concernés. Dans le travail « libre » comme dans le travail contraint, dans le travail salarié comme dans le travail corporé, aux champs, aux mines, dans les manufactures dispersées comme dans les fabriques concentrées, le rôle des intermédiaires entre ceux qui cherchent des bras, qualifiés ou non, et ceux qui proposent leur force de travail comme leurs compétences, est à la fois essentiel et relativement discret. Essentiel car « le » marché du travail, mettant en relation sans intermédiaires et sans asymétries employeurs et potentiels employés, est sans doute historiquement l’une des formes les moins répandues de transaction entre offre et demande de travail. Dans les marchés du travail toujours segmentés, diversement et asymétriquement constitués, le rôle des intermédiaires est donc fondamental. Mais il est aussi relativement discret car il reste le plus souvent en creux des différentes formes de travail et trop fréquemment off the record. Les sources n’en livrent la plupart du temps que des témoignages indirects et l’on peine parfois à saisir exactement les figures sociales de ces intermédiaires qui peuvent d’ailleurs être eux-aussi également engagés dans le travail. Le regard des historiens s’est pour cela rarement focalisé sur ces sujets et a préféré mettre en valeur les deux pôles de la relation de travail. Les sources sont pourtant plus riches de traces des activités de médiation qu’on ne le croit, à la condition de les réinterroger et de prendre en compte les nombreuses indices qu’elles contiennent : elles permettent entr’autre de constater que les rôles de ces acteurs de la médiation en milieu de travail sont multiformes. La question devient dès lors de définir exactement les figures sociales du placement et de l’intermédiation entre employeurs et travailleurs.

Ce programme de recherche, qui devrait engendrer plusieurs rencontres, entend donc exhumer les figures sociales des intermédiaires du travail dans la longue durée de l’histoire européenne pour les comparer ensuite aux figures d’intermédiaires dans le monde.

Notre regard se concentrera lors de la première rencontre sur le cas de la France et de l’Italie, deux pays liés notamment par des migrations de travail de longue durée. Quels rôles ont eu les intermédiaires, depuis l’initiative privée jusqu’à la puissance publique, dans ces remues d’hommes ? Les agents recruteurs des enfants d’Italie du sud, « confiés » par leur famille pour une période pluri-annuelle afin d’aller travailler dans les verreries françaises, ont fait l’objet de débats parfois passionnés dans la 2nd moitié du 19e siècle, via la presse d’abord, qui dénonce là un « nouvel esclavage », avant que des législations étatiques ne prennent ensuite le relai. Mais que sait-on sur ces « esclavagistes » et sur les entrepreneurs de main-d’œuvre impliqués dans ces activités ?

Si l’imbrication de tous ces agents commence à être défrichée pour la période contemporaine, leur rôle est plus flou et leurs figures souvent plus évanescentes avant. Quels sont les modes de recrutement de ces enfants pour les périodes anciennes ? Est-ce là un phénomène nouveau ou, au contraire, une nouvelle façon de considérer un phénomène ancien ? A propos du travail spécifique des enfants ou des adolescents, que sait-on des intermédiaires entre les apprentis ruraux et les maîtres urbains ? Par ailleurs, que sait-on des intermédiaires du travail dans certains secteurs particulièrement sensibles pour les deux pays et pour les relations entre les deux pays : les mines, le bâtiment, l’agriculture ? D’une façon générale, les intermédiaires du travail migrant, qu’il soit de longue ou de moyenne distance, « international » ou interne, sont au cœur de ces rencontres.

En dehors des phénomènes migratoires, notre but est de comparer dans la longue durée le rôle et la figure des intermédiaires du travail à la fois dans des types de relation de travail différentes et coexistantes (corporation, travail domestique, travail contraint, « salariat »), les types de production (agriculture, production, services), comme les périodes : nous sommes en effet convaincus que la présence des intermédiaires du travail n’est pas propre aux périodes autrefois dites de « transition », mais imprègne au contraire la longue durée des relations de travail, dès lors que le travailleur n’est pas son propre employeur. Des intermédiaires du travail sur les grands chantiers médiévaux jusqu’au renouveau actuel de leur rôle dans le cadre des districts industriels, où la nécessité de recruter des travailleurs à domicile a redonné vigueur à des formes d’intermédiations que l’époque proto-industrielle avait déjà connu, en passant par les multiples fattori et caporali du monde agricole, toutes les figures de recruteurs de travail nous intéressent. A travers des exemples concrets, au plus près de leurs activités, sur les lieux de travail ou dans les bureaux de recrutement quels qu’ils soient, nous souhaiterions donc comparer, voire évaluer, les différentes figures d’intermédiaires du travail et les différentes formes prises par l’intermédiation, qu’elle soit individuelle ou collective, privée ou publique, officielle ou underground, légale ou illégale : autant de catégories tranchées qui nous semblent justement devoir faire l’objet d’une partie des discussions.

Qui sont donc les intermédiaires du travail ? Sont-ils hors du processus de travail ou au contraire intermédiaires en son cœur même, comme chefs d’équipe ou « contre-maîtres » ? Comment s’insèrent-ils au cœur des familles ou des communautés de travail ? Comment se construit leur rôle ? Quels avantages en retirent-ils, non seulement sur le plan matériel, mais aussi sur le plan symbolique et immatériel ? Des comparaisons relativement simples peuvent immédiatement être convoquées : quels sont les agents recruteurs des travailleuses à domicile par exemple, dans le contado de Florence au Moyen Âge, le cambrésis proto-industriel ou le district de Prato ? Qui sont les rabatteurs de migrants qui sillonnent les campagnes italiennes de la fin du XIXe siècle ou les contremaîtres qui recrutent les compagnons Place de la Grève à Paris ? Voit-on la persistance de pratiques et de figures sociales relativement similaires sur la longue durée, ou les formes d’intermédiation évolue-t-elle radicalement, alors même que les formes du travail peuvent apparaître en partie similaires ?

Dans quels cas et pourquoi les donneurs d’ouvrage comme les employés cherchent-ils à s’appuyer sur des intermédiaires ? Par exemple parce qu’ils ne connaissent aucunement les communautés qui peuvent répondre à leurs besoins ou encore parce qu’ils souhaitent avoir moins de responsabilité vis-à-vis des travailleurs en augmentant la chaîne productive ? Dans quels cas, au contraire, souhaitent-ils s’en passer et comment s’y prennent-ils alors ? Le rôle d’intermédiaire du travail de la « mère » des compagnons français, comme l’importance de la correspondance entre membres d’un même « devoir » pour assurer le placement de ses membres, a bien été cerné, même si très peu de cas concrets ont finalement été étudiés, mais trouve-t-on des exemples similaires en Italie, où aucun « tour » des villes de la péninsule n’existe ? Dans le même ordre d’idée, entre correspondances, agents recruteurs des compagnies, voire annonces d’offres ou de recherche de travail : quelles sont les formes, nouvelles ou non, et les raisons de cette volonté de développer des contacts directs ? Différentes recherches ont montré la croissance des « petites annonces » liées au travail domestique publiées dans les journaux de la France du second 18e siècle : en trouve-t-on l’équivalent en Italie ? Ces formes font-elles pour autant disparaître les médiations personnelles ? Même question en ce qui concerne le développement d’agences de placement plus impersonnelles, voire institutionnalisées, à partir de la fin du 19e siècle : est-ce que leur essor, dont il faudrait pouvoir mesurer l’impact réel, fait perdre toute importance aux médiations personnelles ? La question de l’information est donc également au cœur des interrogations.

Enfin, un dernier ordre de questionnement a trait aux encadrements institutionnels et juridiques de ces médiateurs du travail : sont-ils, par exemple, des interlocuteurs reconnus des juges de corporatifs, des juges de paix, des prud’hommes qui ont à traiter des conflits du travail ? A quelles époques se soucie-t-on d’encadrer leurs actions ? Réglementations et  dispositifs institutionnels répondent-ils à une logique locale ou nationale ? Quelles formes de mobilisation suscite leur activité ?

Modalités de soumission

À titre exploratoire, des journées d’études auront lieu à l’Université de Paris-Est Marne-la-Vallée les 22 et 23 juin 2015. À partir d'études de cas couvrant l'éventail le plus large possible des types d'activités et des formes institutionnelles du travail, il s'agira de définir les modalités et les perspectives d'un programme de recherche plus ambitieux pour les 2 ou 3 années à venir.

Ancrées dans les réalités concrètes du labeur, toutes les communications devront, en conséquence, déboucher sur des suggestions susceptibles d'affiner le questionnement proposé ci-dessus.

Pour les propositions concernant ces premières journées : merci d’envoyer votre proposition (titre et 1 page de résumé) à intermediaires@u-pem.fr 

avant le 31 janvier 2015.

Le second temps aura lieu au courant de l’année 2016

Comité d’organisation

  • Comité franco-italien d’histoire économique
  • Andrea Caracausi
  • Corine Maitte
  • Manuela Martini
  • Didier Terrier 

Comité scientifique

  • Marco Belfanti,
  • Andrea Caracausi,
  • Gigi Fontana,
  • Corine Maitte,
  • Manuela Martini,
  • Valeria Pinchera,
  • Didier Terrier 

Dates

  • samedi 31 janvier 2015

Mots-clés

  • travail, intermédiaires

Contacts

  • Corine Maitte
    courriel : corine [dot] maitte [at] u-pem [dot] fr

Source de l'information

  • Corine Maitte
    courriel : corine [dot] maitte [at] u-pem [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Intermédiaires du travail (XIVe-XXe siècle) », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 11 décembre 2014, https://doi.org/10.58079/rjf

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