AccueilSur les traces d'un inconnu : René Bazin

AccueilSur les traces d'un inconnu : René Bazin

Sur les traces d'un inconnu : René Bazin

On the trail of the unknown: René Bazin

*  *  *

Publié le jeudi 08 janvier 2015

Résumé

Quinze ans après le précédent colloque universitaire consacré à René Bazin (1853-1932), le temps est de venu de faire le point sur l'état et la vitalité de la mémoire du romancier et académicien angevin, l'un des auteurs les plus lus et les plus populaires de sa génération, pourtant aujourd'hui oublié.

Annonce

Argumentaire

René Bazin est mort deux fois. Romancier et académicien français né à Angers en 1853, considéré comme l’une des incarnations du milieu littéraire catholique de la III° République, il est souvent rattaché au groupe des « 4 B », constitué de Paul Bourget, Henry Bordeaux et Maurice Barrès. Principalement connu pour son éloge de la terre et de ses valeurs, qui lui confère une place de choix dans la mouvance agrarienne de l’époque (La Terre qui meurt, Le Blé qui lève), René Bazin s’est aussi illustré dans le roman social (De toute son âme) et patriotique (Les Oberlé). Ses nombreux ouvrages – une cinquantaine au total, mêlant romans, nouvelles, contes, biographies, récits de voyages et essais théoriques – sont à l’origine de son immense succès et de sa très grande popularité, tant en France qu’à l’étranger. Le romancier décède une première fois le 19 juillet 1932, dans son appartement parisien de la rue Saint-Philippe-du-Roule. L’académicien est alors en pleine lumière, célébré par une foule de lecteurs, anonymes ou célèbres. Ainsi, deux ans plus tôt, le 6 décembre 1930, Paul Claudel écrivait à l’écrivain angevin : « Un jour ou l’autre on vous rendra justice et l’on dira que René Bazin a été un des plus grands artistes de la prose française qui aient existé. » Sa seconde mort a lieu dans les années 1960, lorsque son œuvre plonge dans les ténèbres de la littérature et les profondeurs de l’oubli. Ses ouvrages cessent alors progressivement d’être lus et réédités : René Bazin disparait de la mémoire collective. Cette question de la mémoire de l’auteur et de son œuvre, qui a récemment fait l’objet d’un travail universitaire[1] et qui rejoint les préoccupations actuelles de l’histoire culturelle, renouvelle et dynamise la recherche sur l’écrivain angevin.

Ce colloque, organisé conjointement par l’Association des Amis de René Bazin et les Archives départementales du Maine-et-Loire, en partenariat avec l’Université d’Angers et l’Université Catholique de l’Ouest (U.C.O.), s’inscrit dans le prolongement du précédent colloque, « Lire aujourd’hui René Bazin », tenu le 25 mars 2000 à Angers, et dont les actes ont été publiés par l’Harmattan.[2] Seize ans plus tard, il s’agit de faire le point sur l’état de la recherche et la vitalité de la mémoire bazinienne. Aujourd’hui, René Bazin reste pour beaucoup un illustre inconnu et continue d’être confondu avec son petit-neveu, Jean-Pierre Hervé-Bazin, l’auteur de Vipère au poing. Très peu de personnes, exceptés peut-être certains historiens, sont capables de citer une œuvre de celui qui tirait pourtant régulièrement ses romans à plusieurs centaines de milliers d’exemplaires. C’est là le point de départ et la raison d’être de ce colloque : comment expliquer que l’un des écrivains les plus lus et les plus reconnus de son temps passe, en l’espace d’une génération, de la célébrité à l’oubli, de la gloire au mépris ? Pour répondre à cette question, il faut nécessairement lier à l’analyse idéologique de la production littéraire, qui nous conduit aux portes de la littérature, une étude proprement culturelle, fondée sur le triptyque fondamental production-médiation-réception et mettant en lumière un processus complexe de « décristallisation mémorielle ».[3] Le titre de ce nouveau colloque, « Sur les traces d’un inconnu : René Bazin », se veut un clin d’œil et un hommage au grand livre d’Alain Corbin, Le Monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d'un inconnu,[4] dans lequel l’historien tente de reconstituer la vie d’un anonyme du XIX° siècle, un sabotier du Perche, pris au hasard dans les archives normandes. Le destin des deux hommes, qui auraient pu se croiser, est en tous points opposé : Louis-François Pinagot n’a rien fait d’extraordinaire de son vivant, il meurt dans l’anonymat le plus total, il n’a laissé presque aucune trace permettant de reconstituer sa vie, mais il a été tiré des profondeurs de l’oubli ; René Bazin a côtoyé les grands de son époque (écrivains, hommes politiques, papes), il décède auréolé d’un immense prestige, il a laissé derrière lui des dizaines de milliers de documents rassemblés aux archives départementales du Maine-et-Loire,[5] mais il est tombé dans les oubliettes de la littérature et de l’histoire. Un monde retrouvé, un monde perdu : la mémoire est parfois capricieuse et l’inconnu n’est pas forcément celui que l’on croit.

Axes de recherche

Les communications devront s’inscrire dans deux principaux axes de recherche :

  • Des travaux d’histoire littéraire et d’histoire des idées politiques, qui visent à analyser la production bazinienne de manière objective. En effet, la plupart du temps, les études portant sur cette œuvre si riche se sont limitées au domaine romanesque et à certains aspects politiques et sociaux. Elles ont presque toutes envisagé les romans sous l’angle le moins oublié, celui de l’auteur conservateur, défenseur de l’autorité et du régime monarchique, de l’auteur clérical, thuriféraire de Dieu et de l’Eglise, de l’auteur agrarien, chantre de la terre et des traditions paysannes. Il s’agit aujourd’hui de sortir des sentiers battus, de considérer le bloc dans son intégralité, de réaliser, enfin, un examen global de l’ensemble de la production bazinienne, en tenant compte de la diversité et de la complexité de l’œuvre (récits de voyage, biographies, nouvelles, contes, essais). Cette synthèse se veut systémique – elle doit tenter de mettre en rapport les différents thèmes dégagés, de déterminer une unité et une cohérence, de situer la production dans le champ littéraire de l’époque – et impartiale, « sine ira et studio quorum causas procul habeo » pour reprendre les mots de Tacite au début de ses Annales. [6]
  • Une analyse propre à l’histoire culturelle, permettant de comprendre la mémoire tourmentée de René Bazin et le phénomène de « décristallisation mémorielle » dont il a été victime. La terminologie est ici empruntée à Pascal Ory, qui parle de « cristallisation mémorielle » pour désigner ces moments où la mémoire des objets culturels se constitue, où ces objets reviennent à la mode après une époque plus ou moins longue d’oubli relatif ou absolu. La mémoire de René Bazin a ceci de particulier qu’elle suit le mouvement inverse : son œuvre passe d’un immense succès à un oubli total et connaît donc une « décristallisation mémorielle », une période de déconstruction voire de destruction de la mémoire. Il s’agit dès lors de s’interroger non seulement sur la fortune critique contemporaine de l’auteur – c’est-à-dire la manière dont son œuvre est reçue de son vivant –, mais aussi et surtout sur les métamorphoses de sa mémoire, tour à tour célébrée, oubliée et méprisée. Ce premier aspect demande à être complété par une étude propre à l’histoire des transferts culturels, initiée par Michel Espagne et Michael Werner.[7] En effet, dans la mesure où l’essentiel de la production de l’académicien a été traduite en plusieurs langues, il est judicieux de s’intéresser à la réception de l’œuvre et à l’image de l’auteur à l’étranger.

Conditions de soumission

Ce travail de recherche se situe donc au croisement de la littérature (analyse de l’écriture bazinienne, de la génétique textuelle, de la diversité et de la complexité de la production), de l’histoire politique (étude de l’idéologie bazinienne et des liens entre l’auteur et les milieux conservateurs de la III° République), de l’histoire sociale (peinture vivante des conditions de vie des principaux groupes sociaux de l’époque : ouvriers, paysans, industriels), de l’histoire culturelle (mise en évidence du triptyque production-médiation-réception et réflexion sur la mémoire de René Bazin, en France et à l’étranger) et de la sociologie (situation de l’auteur au sein du « champ littéraire » théorisé par Pierre Bourdieu)[8].

Les chercheurs expérimentés et étudiants (master, doctorat) de toutes les disciplines sont donc les bienvenus et peuvent envoyer,

avant le 1er septembre 2015,

leurs propositions d’intervention (titre et résumé de 250-300 mots en français) à

  • Mathias Burgé, professeur agrégé d’Histoire (mathias_burge@yahoo.fr),
  • et Elisabeth Verry, directrice des Archives Départementales du Maine-et-Loire (archives49@cg49.fr).

Après acceptation par le comité scientifique, les interventions pourraient faire l’objet d’une publication. Il est également possible de soumettre des contributions ayant vocation à être directement publiées.

Comité scientifique

  • Mathias Burgé, professeur agrégé d'Histoire, administrateur de l'Association des Amis de René Bazin, auteur du dernier travail universitaire consacré à René Bazin (Mémoire de la décadence, décadence de la mémoire. L'incroyable oubli de René Bazin, Paris 1 Panthéon-Sorbonne) : mathias_burge@yahoo.fr
  • Elisabeth Verry, archiviste, directrice des archives départementales et des services patrimoniaux du département de Maine-et-Loire, enseignante à l'Université Catholique de l'Ouest (UCO) et à l'Université d'Angers : archives49@cg49.fr 

[1] BURGÉ Mathias, Mémoire de la décadence, décadence de la mémoire. L’incroyable oubli de René Bazin, Mémoire de Master 2 d’Histoire culturelle, sous la direction de Pascal Ory, Université Paris I (Panthéon-Sorbonne), 2011, 416 p.

[2] CESBRON Georges dir., Lire aujourd’hui René Bazin, Paris, L’Harmattan, 2000, 307 p.

[3] ORY Pascal, L’histoire culturelle, Paris, PUF, coll. « Que sais-je ? », 2004, 128 p.

[4] CORBIN Alain, Le monde retrouvé de Louis-François Pinagot. Sur les traces d’un inconnu, 1798-1876, Paris, Flammarion, 1998, 336 p.

[5]  Le Fonds René Bazin (série 11 J), comprend plus de 40.000 documents relatifs à la vie et l’œuvre de l’académicien : correspondance, manuscrits des ouvrages, dossiers documentaires pour la rédaction des romans, articles de journaux, cours donnés à l’Université d’Angers... Le fonds est régulièrement alimenté par les descendants de l’auteur et n’a été que très partiellement étudié.

[6] « Sans être porté d’amour ni de haine, puisque je n’ai aucun sujet de les aimer ni de les haïr. »

[7] ESPAGNE Michel et WERNER Michael, Transferts. Les Relations inter-culturelles dans l’espace franco-allemand (XVIII°-XIX° siècles), Paris, Editions Recherches sur les Civilisations, 1988, 476 p.

[8] BOURDIEU Pierre, « Le champ littéraire », Actes de la recherche en sciences sociales, n°89, 1991, pp.3-46." (Angers, mars 2016)

Lieux

  • Archives départementales du Maine-et-Loire - 106 rue de Frémur
    Angers, France (49)

Dates

  • vendredi 11 mars 2016

Mots-clés

  • René Bazin, mémoire, roman, académie française, transfert culturel

Contacts

  • Mathias Burgé
    courriel : mathias_burge [at] yahoo [dot] fr
  • Elisabeth Verry
    courriel : archives49 [at] cg49 [dot] fr

Source de l'information

  • Mathias Burgé
    courriel : mathias_burge [at] yahoo [dot] fr

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Sur les traces d'un inconnu : René Bazin », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 08 janvier 2015, https://doi.org/10.58079/rqa

Archiver cette annonce

  • Google Agenda
  • iCal
Rechercher dans OpenEdition Search

Vous allez être redirigé vers OpenEdition Search