AccueilEcclésiologie : éléments pour l’histoire d’une discipline (XVIIIe-XXe siècle) (2014-2015)

AccueilEcclésiologie : éléments pour l’histoire d’une discipline (XVIIIe-XXe siècle) (2014-2015)

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Publié le mardi 20 janvier 2015

Résumé

Ce séminaire s’intéresse à la genèse historique des catégories qui façonnent en partie notre compréhension spontanée des entités institutionnelles. Aussi, loin de reléguer la longue construction chrétienne de l’objet « institution » dans l’irrationalité, dans le cynisme hiérocratique, ou dans le pur faire-valoir préhistorique d’une rationalité contemporaine, nous nous concentrons au contraire sur l’étude de la forte architecture élaborée au cours des siècles, par ce que l’on peut désigner aujourd’hui sous le nom d’ecclésiologie, et qui par excellence pense ce qu’est une société.

Annonce

Argumentaire

Ce séminaire s’intéresse à la genèse historique des catégories qui façonnent en partie notre compréhension spontanée des entités institutionnelles. Aussi, loin de reléguer la longue construction chrétienne de l’objet « institution » dans l’irrationalité, dans le cynisme hiérocratique, ou dans le pur faire-valoir préhistorique d’une rationalité contemporaine, nous nous concentrons au contraire sur l’étude de la forte architecture élaborée au cours des siècles, par ce que l’on peut désigner aujourd’hui sous le nom d’ecclésiologie, et qui par excellence pense ce qu’est une société. Balayant un champ large, des charismes jusqu’aux élaborations normatives techniques, ces théories diverses de l’institution sont d’une richesse qui reste souvent inexploitée. Il s’agit donc, non seulement d’explorer ces nombreux textes et leurs subtilités, mais aussi de les comprendre à l’aune des conceptions de la société et de la constitution des découpages disciplinaires dont ils sont en partie dépendants.

Ainsi, notre perspective ne se rattache pas à ce qui est habituellement publié sous le nom d’ecclésiologie, comme le volume Exploring Ecclesiology de Brad Harper et Paul Louis Metzger (Grand Rapids, 2009). Le sous-titre fera d’emblée comprendre notre réticence : « An Evangelical and Ecumenical Introduction ». Notre enquête est non pas confessionnelle mais historique et contextuelle, croisant la théologie, la philosophie, l’histoire du droit, la science des rites, la sociologie religieuse et les sciences politiques (qui, en France au moins, minorent souvent l’Église comme type de gouvernement). Si l’ecclésiologie peut paraître comme un objet curieux et exotique, elle est pourtant présente comme terrain nourricier de thématiques qui ont connu un succès certain : la construction juridique, les origines canoniques de l’administration, le problème « théologico-politique », la dynamique conciliaire, le corps mystique, la place de la religion dans la cité ; autant de perspectives qui définissent une rationalité institutionnelle spécifique. Toutefois, c’est bien souvent en minorant l’ancrage ecclésiologique, qu’il soit structurant ou interstitiel, que l’on utilise ces termes.

À l’inverse, ce séminaire entend reconstituer de manière archéologique le soubassement d’une discipline relativement ignorée du public cultivé, ou de l’université laïque. D’où sa dimension érudite, au sens de l’importance du doctrinal, du scholarship, et de la tradition dense dans laquelle il s’insère : comment l’histoire est-elle écrite au regard de tel ou tel présent, comment le présent est-il compris par le prisme de tel ou tel passé ? En effet, la constitution de l’ecclésiologie est d’autant plus importante qu’elle se conçoit par principe sur le temps long, mais elle révèle surtout les nœuds problématiques d’une histoire en prise avec le présent et qui est issue de conflits confessionnels profonds. Tout l’intérêt de la reconstitution critique de cette discipline est de proposer une morphologie religieuse de l’Europe récente qui mette en évidence la dynamique des courants, des écoles, la circulation de leurs idées, et les différents concepts qui servent de lieux de rencontre mais aussi de combats. En effet, c’est bien simultanément que l’ecclésiologie écrit son histoire et se confronte au contemporain (individualisme, sécularisation, démocratisation, séparation de l’Église et de l’État). Notre enquête ne se veut pas encyclopédique, mais elle entend déterminer ces nœuds problématiques, mettre en évidence des lignes thématiques, et préciser leurs congruences ou leurs ruptures. En résumé, il s’agit de mieux faire apparaître les liens entre ces thématiques, leurs milieux, les réseaux, et les paradigmes qui y circulent. Trois gains sont attendus : une libération des schèmes traditionnels de lecture, une meilleure connaissance réflexive de la constitution des découpages disciplinaires (leur histoire compte d’ailleurs en elle-même), un renouvellement dans la lecture de ces doctrines et de ces corpus grâce à cette distance historiographique et critique.

Ce séminaire, qui se poursuivra sur plusieurs années, vient prolonger un programme dont les premiers résultats sont publiés en ligne (http://cem.revues.org/12743) : Les nouveaux horizons de l’ecclésiologie : du discours clérical à la science du social.

Programme 

  • 16 octobre 2014 

I. Une image politique en ecclésiologie : la Cité (de Dieu)

[Lyon, ENS, site René Descartes, 15 parvis René-Descartes, salle du conseil]

Parmi les modèles utilisés pour penser l’Église, la cité est souvent présente, qu’elle soit décrite selon la vision d’une Jérusalem céleste, ou selon les modalités bien concrètes de la vie des chrétiens au sein d’une entité civile réelle. Si le texte d’Augustin a compté dans l’élaboration de ce modèle, il s’agit plus largement d’examiner, autour d’Étienne Gilson (Les métamorphoses de la cité de Dieu, 1952) et de Joseph Ratzinger (Volk und Haus Gottes in Augustins Lehre von der Kirche, 1954), sa postérité doctrinale et historiographique aux xixe-xxe siècles, et la manière dont l’ecclésiologie utilise et transforme ses aspects politiques et sociaux.

9h30-13h :

Introduction, par Dominique Iogna-Prat

1. La Cité d’Augustin et son historiographie aux XIXe-XXe siècles, par Pierre Descotes (ENS, Paris, LEM)

2. Médiévistique et ecclésiologie : l’image de la cité du diable, par Elisa Brilli (LEM, Romanisches Seminar de l’Université de Zurich)

3. L’augustinisme politique, par Blaise Dufal (EHESS, GAS)

14h30-18h :

4. Sur Charles Journet, par Benoît Schmitz (ENS, Paris)

5. Autour des Métamorphoses de la cité de Dieu d’Étienne Gilson, par Florian Michel (Université Paris I)

6. À propos de Saeculum de Robert Markus, par Michel Senellart (ENS de Lyon, UMR Triangle)

Discutant : Thierry Gontier (Université de Lyon – IUF) 

  • 27 novembre 2014

II. L’ecclésiologie au miroir du complexe « théologico-politique » : le cas d’Erik Peterson

[Paris, Faculté de théologie protestante, 83 boulevard Arago, Paris 14e, salle 22]

Les définitions de l’Église comme société ont souvent privilégié une approche hiérarchique, au sens humain du terme, qui insistait sur l’inégalité foncière des membres, la masse des fidèles n’ayant vocation qu’à se soumettre à l’élite cléricale. La profonde originalité d’Erik Peterson (1890-1960) est d’avoir concilié une approche liturgique de l’Église et un sens aigu de sa nature juridique : tout baptisé est pour lui « citoyen de la Cité céleste », uni aux anges dans l’acclamation du Kurios, et précisément en tant que citoyen sujet d’un ensemble de droits et de devoirs par lesquels la Cité trouve son équilibre et surtout sa fin, son eschaton. Comme l’a noté Richard Figuier, « la théo-liturgie eschatologique de Peterson actualise l’irruption incessante du Royaume de Dieu dans le monde en même temps qu’elle en annonce la transfiguration finale ». Au-delà de l’utilité instrumentale de telles élaborations dans le combat anti-schmittien, l’ecclésiologie de Peterson, encore mal connue en France par le fait de traductions dispersées, permet de retrouver dans la modernité une centralité du culte qui avait structuré le discours des Pères et des théologiens monastiques. Elle mérite donc d’être étudiée comme un moment constitutif du revival ecclésiologique du xxe s. dont on a tendance à ne retenir que les figures ecclésiastiques tardives.

10h30-13h :

Introduction, par Alain Rauwel

1. Monotheismus : un raisonnement, par Philippe Büttgen (Université Paris 1 Panthéon Sorbonne – Centre de philosophie contemporaine de la Sorbonne)

2. « Institutio » et « constitutio » de l’Ekklesia : quelques réflexions autour de cette distinction, par Paolo Napoli (EHESS)

14h30-19h :

3. L’idée d’empire : Peterson, Dempf, Voegelin, par Dan Muresan (Université de Rouen)

4. Peterson et Schmitt : deux lectures de la pensée politique d’Augustin, par Thierry Gontier (Université de Lyon – IUF)

5. L’Ekklesia et le royaume : l’Église comme institution pneumatique et forme spirituelle selon E. Peterson, par Jean-Philippe Heurtin (Université de Strasbourg)

Discutant : Jean-Claude Monod (CNRS, ENS Ulm) 

  • 5 mars 2015

III. L’ecclésiologie paradoxale : Michel de Certeau

[Paris, EHESS, 10 rue Monsieur-le-Prince, salle Alphonse Dupront]

Michel de Certeau n’a pas la réputation de relever de l’ecclésiologie : son itinéraire propre l’a amené à suivre « un chemin non tracé », loin des boulevards de l’institution, et sa réflexion la plus déterminante a porté sur une catégorie, la mystique, qui semble plutôt singulariser ses adeptes que les inscrire dans la communauté dogmatique et rituelle. Tout l’effort de Certeau, cependant, l’a conduit à proposer un remembrement du champ religieux qui nous invite à passer au-delà des évidences. En visitant des lieux nouveaux où entendre des discours jusque là négligés, ne suggère-t-il pas qu’il pourrait y avoir d’autres espaces et d’autres modalités pour « faire Église » ? C’est dans cette perspective topologique, dominante aujourd’hui dans la réflexion sur Certeau, que l’on voudrait explorer les potentialités d’une œuvre foisonnante : en ne négligeant pas les conditionnements de l’inscription paradoxale qui fut la sienne, et en relisant ses grands livres (La fable mystique, L’invention du quotidien) sous l’angle de la fabrique de l’ecclésialité.

14h-18h30 :

Introduction, par Alain Rauwel

1. Certeau dans la crise de l’Église, par Denis Pelletier (EPHE)

2. Réflexions sur Le Christianisme éclaté, par Danièle Hervieu-Léger (EHESS)

3. Formalité des pratiques et déplacements ecclésiologiques, par Jean-Pascal Gay (Université de Strasbourg, CARE)

4. L’Église comme non-lieu chez Michel de Certeau, par Alain Rauwel (Université de Bourgogne, CEIFR)

Discutants : Arnaud Fossier, Jacques Le Brun, Diana Napoli, Bénédicte Sère 

  • 9 avril 2015

IV. Ecclésiologies orientales : paradigmes, identité, universalité en Russie (XIXe-XXe s.)

[Paris, EHESS, bâtiment France, 190-198 avenue de France, 13e arrdt., salle 15]

Même si le cycle de recherches entamées dans ces journées d’étude concerne d’abord l’Europe, même si les nationalismes ont joué un rôle décisif dans la pensée ecclésiologique – par exemple dans le cas des autocéphalies – il n’en reste pas moins que celle-ci permet, par sa nature même, de ne pas se limiter aux frontières communes, et de relier des espaces divers. Dès lors, comment ne pas prendre en compte la dernière « nouvelle Rome » en date ? Moscou et la Russie constituent un pôle ecclésiologique que l’on aurait tort de négliger, ne serait-ce parce qu’il permet peut-être de dépasser un binôme trop simpliste entre Occident (Rome) et Orient (Constantinople).

9h30-12h30

Introduction, par Frédéric Gabriel

1. Comment les théologiens russes définissent-ils l’Église ? Modèles allemands et savoirs orthodoxes au XIXe siècle, par Elena Astafieva (CNRS)

2. L’ecclésiologie des Slavophiles russes : le modèle de la Sobornost, Michel Stavrou (Institut Saint-Serge)

14h30-18h

3. « Terza Roma versus seconda » : les théories de Sergej Troickij au sujet des privilèges canoniques du Patriarcat Œcuménique, par Konstantin Vetochnikov (Bibliothèque byzantine du Collège de France)

4. Ecclésiologie russe et césaropapisme au début du XXe siècle, par Laura Pettinaroli (Institut catholique de Paris)

5. Prémisses d’une ecclésiologie de communion dans la théologie russe à la fin du XIXe siècle et au début du XXe siècle, Hyacinthe Destivelle (Pontificio Consiglio per la Promozione dell’Unità dei Cristiani, Rome)

Discutant : Pierre Gonneau (Université Paris-Sorbonne, EPHE) 

  • 28-29 mai 2015

V. Patristique et ecclésiologie

[Paris, EHESS, bâtiment France, 190-198 avenue de France, 13e arrdt., salle 15]

Dès sa structuration érudite à l’âge classique, l’histoire de l’Église est un lieu ecclésiologique de première importance, comme l’avait brillamment démontré Bruno Neveu à propos de Tillemont. Les conceptions souvent polémiques du regimen Ecclesiae sont mises à l’essai de l’histoire, tout autant que l’histoire est soumise au lit de Procuste des présupposés institutionnels. Le long xixe siècle est de ce point de vue un temps de grande activité : que l’on pense à des cas aussi tranchés que l’Histoire universelle de l’Église catholique de Rohrbacher, ultra-apologétique, ou l’Histoire ancienne de l’Église de Louis Duchesne, foudroyée par Pie X. Ce dernier exemple montre que l’Antiquité chrétienne, en tant que réservoir inépuisable de mythes d’origines, bénéficie à la fois d’un intérêt privilégié et d’une vigilance toute spéciale. Au mitan du siècle, la bruyante polémique engagée par Dom Guéranger contre le pourtant très sage Église et Empire au IVe s. d’Albert de Broglie joue un rôle fondateur. Dès ce moment toutefois, un mouvement différent, bien que complémentaire, est à l’œuvre : des théologiens, conscients des apories de la néo-scolastique face aux discours de la modernité, redécouvrent le texte, le vocabulaire, le modus operandi des auteurs patristiques. Moehler et Newman sont ici les « grands ancêtres », d’une fécondité que la journée qui leur avait déjà été consacrée dans le séminaire de 2013-14 n’a certes pas épuisée. On connaît leurs successeurs français du xxe siècle, les Lubac, Daniélou ou Congar ; on mesure peut-être moins la place de l’Allemagne dans cette démarche : Peterson vaut d’être lu autrement que comme le contempteur du théologico-politique déjà rencontré, et un nom comme celui de Karl Adam, fort célèbre il y a quelques décennies, mérite d’être relevé. C’est l’une des ambitions de ce séminaire : regarder autrement les figures statufiées, et restituer leur place aux maillons oubliés de la chaine. 

28 mai, 14h-18h30 :

Introduction, par Alain Rauwel

1. L’Antiquité tardive et le christianisme ancien dans les Histoires de l’Eglise en France et en Allemagne (1801-1914), par Hannah Schneider (Université Montpellier III, CRISES – Centre de Recherches Interdisciplinaires en Sciences humaines et Sociales)

2. Battling over Church-State-Relationship in the guise of Patristic Scholarship: Emperor Constantine in the eyes of the 19th century, par Johannes Wischmeyer (Université de Mayence)

3. Le cardinal Newman et l’Église des Pères, par Mickael Ribreau (Université Paris III)

4. La préexistence de l’Église dans l’historiographie et la théologie, entre Peterson et Daniélou, par Michel-Yves Perrin (EPHE)

29 mai, 9h-12h30 :

5. Ecclesia spiritus, non numerus episcoporum ? L’ecclésiologie de Tertullien (grands thèmes et éventuelle évolution) comme enjeu des débats confessionnels en Allemagne et en France au XXe siècle, par Paul Mattei (Université de Lyon)

6. L’ecclésiologie des Pères dans l’œuvre d’Henri de Lubac, par Jean-Michel Roessli (Université de Concordia)

7. La construction ecclésiologique des Pères chez Yves Congar, par Patrick Henriet (EPHE)

Organisation

  • Frédéric Gabriel (chargé de recherches, CNRS),
  • Dominique Iogna-Prat (directeur d'études, EHESS), 
  • Alain Rauwel (professeur agrégé, université de Bourgogne),

dans le cadre de

  • l’EHESS,
  • du CEIFR (Centre d’études inter-disciplinaires des faits religieux),
  • du CNRS (Institut d’histoire de la pensée classique),
  • de l’ENS de Lyon, et du Labex COMOD (Université de Lyon)

Lieux

  • CéSor - CEIFR salle Alphonse Dupront | EHESS, bâtiment France salle 15 - 10 rue Monsieur-le-Prince | 190-198 avenue de France
    Paris, France (75006 | 75013)

Dates

  • jeudi 16 octobre 2014
  • jeudi 27 novembre 2014
  • jeudi 05 mars 2015
  • jeudi 09 avril 2015
  • jeudi 28 mai 2015
  • vendredi 29 mai 2015

Fichiers attachés

Mots-clés

  • Ecclésiologie, Sciences politiques, Russie, Patristique

Contacts

  • Frédéric Gabriel
    courriel : frederic [dot] gabriel [at] gmail [dot] com

URLS de référence

Source de l'information

  • Frédéric Gabriel
    courriel : frederic [dot] gabriel [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Ecclésiologie : éléments pour l’histoire d’une discipline (XVIIIe-XXe siècle) (2014-2015) », Séminaire, Calenda, Publié le mardi 20 janvier 2015, https://doi.org/10.58079/rtj

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