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Anthropologie et éducation

Anthropology in education

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Publié le mardi 08 septembre 2015

Résumé

Le colloque « Anthropologie et éducation » aborde principalement trois thèmes étroitement apparentés, qui ont un caractère central et crucial tant du point de vue anthropologique que du point de vue éducatif. Il s’agit de la transmission de l’écriture et de la scolarisation des apprentissages, de la violence physique et symbolique en éducation et enfin du rapport aux valeurs, successivement à travers l’éducation morale comme intégration sociale et environnementale puis sous l’angle de la représentation des cultures minoritaires dans les politiques scolaires dites de « reconnaissance ». Dans les trois cas, qui correspondent aux trois journées du colloque, l’école est impliquée et sera systématiquement confrontée à d’autres formes d’éducation et d’apprentissage mises en évidence et analysées par l’anthropologie, notamment sous la rubrique des « initiations ».

Annonce

Argumentaire

Le colloque « Anthropologie et éducation » qui se tiendra à la Sorbonne (Amphithéâtre Durkheim) du 16 au 18 septembre 2015, aborde principalement trois thèmes étroitement apparentés, qui ont un caractère central et crucial tant du point de vue anthropologique que du point de vue éducatif. Il s’agit de la transmission de l’écriture et de la scolarisation des apprentissages, de la violence physique et symbolique en éducation et enfin du rapport aux valeurs, successivement à travers l’éducation morale comme intégration sociale et environnementale puis sous l’angle de la représentation des cultures minoritaires dans les politiques scolaires dites de « reconnaissance ». Dans les trois cas, qui correspondent aux trois journées du colloque, l’école est impliquée et sera systématiquement confrontée à d’autres formes d’éducation et d’apprentissage mises en évidence et analysées par l’anthropologie, notamment sous la rubrique des « initiations ».

La transmission de l’écriture et la scolarisation des apprentissages

Du point de vue des anthropologues, l’école est une institution caractérisée par ses liens étroits avec l’écriture et avec l’État. Alain Pierrot, dans son intervention consacrée à l’inculcation de l’écriture, montre qu’elle s’est inscrite dans une configuration éducative qui a d’abord pris explicitement modèle sur la domestication animale : le « dressage ». Ce que Maria-Helena Camara Bastos illustre de façon à la fois exemplaire et complexe à travers l’éducation des esclaves et des affranchis au Brésil : si certains ont pu apprendre à lire et même accéder à l’enseignement supérieur, l’esclavage n’en demeurait pas moins « une pédagogie de la peur ».

Le rapport de domination est devenu plus ambigu, l’école est désormais conçue comme un droit élémentaire mais aussi comme le lieu privilégié de l’apprentissage et de la transmission des savoirs. Et le livre, aux antipodes des méthodes violentes traditionnellement utilisées pour en transmettre l’usage, étend son hégémonie au-delà du champ de l’éducation « formelle », comme le montre Régine Sirota dans le cas des livres d’enfants, qu’elle analyse comme des manuels de civilité contemporain paradoxaux, entre formel et informel.

L’écriture alphabétique et sa lecture sont étroitement associées au savoir livresque mais elles reposent également sur un « implicite corporel » qui n’a rien d’universel : la position assise. L’écriture chinoise en particulier s’en différencie non seulement par ses aspects idéographiques qui impliquent une tout autre démarche de lecture tant dans la recherche du sens que dans les gestes et les postures, comme l’a montré Gladys Chicharro dans ses analyses de l’apprentissage par le corps de l’écriture chinoise à l’école et en dehors et qui examine maintenant le passage du pinceau à l’ordinateur.

C’est également le cas de l’univers de la danse et de la transmission des écritures chorégraphiques : Marie-Pierre Chopin explore ces « écritures de corps » : comme une autre source possible pour la pensée de la transmission. Diane Bedoin aborde elle aussi les enjeux de la gestualité en examinant les rapports à l’école et à l’écrit des jeunes sourds, une forme de diversité culturelle interne à notre société. Tout comme Joël Lebeaume qui, de son côté s’attache à une autre forme de domination culturelle, celle que la culture livresque a exercée dans l’enseignement français républicain sur les apprentissages gestuels techniques, en montrant leur valorisation puis leur exclusion des formations  professionnelles sous les contraintes de la scolarisation.

Violence physique et symbolique en éducation

La confiscation du concept d’apprentissage par celui d’enseignement, qui fait du savoir scolaire sa forme la plus légitime, la plus « normale » non seulement d’un point de vue épistémologique mais aussi en un sens moralisateur et prescriptif se manifeste dans le cas de l’éducation des adultes : Monica de la Fare mettant en évidence les formes de violence symbolique dans l’éducation des classes populaires dans le cas de l’alphabétisation des femmes. La violence en éducation n’est pas pour autant devenue purement symbolique, elle est aussi physique.

En Occident notamment jusqu’au milieu du 20ème siècle, la violence physique du « dressage » et son modèle théorique de la socialisation et de l’apprentissage assimilant imitation et contrainte, se sont imposés dans l’inculcation de l’écriture et dans le traitement de la petite enfance à l’inverse de ce qu’on a pu observer dans les sociétés de tradition orale. Cristina Figueiredo montre que pour les Touaregs, inculquer des savoirs de force est une mission vouée à l’échec, ce qui a conduit cette société à développer des stratégies pour empêcher la scolarisation de leurs enfants.

La violence éducative n’est pas pour autant étrangère aux sociétés orales, elle se manifeste en particulier lors des épreuves de l’initiation dont la logique principale est d’intégrer par ses rites de passage l’individu dans sa communauté comme adulte mais ce sont les adolescents qui subissent des violences physiques. Erwan Dianteill analyse cette contrainte sociale en prenant quelques exemples africains et afro-américains et Serena Bindi, à travers les rituels de soins violents auxquels sont soumises des jeunes filles considérées comme victimes de possessions néfastes au Garwhal (Himalaya indien), décrit la « production genrée du sujet féminin adolescent ». Jean Marc de Grave examine pour sa part une autre forme d’initiation : l’initiation rituelle javanaise et ses transpositions modernes dans des écoles d’arts martiaux et différents lycées et s’interroge sur la violence et sa catégorisation.

Malgré leurs différences, les deux modèles du dressage et de l’initiation partagent les principes de hiérarchie sociale et attribuent à la souffrance une valeur éducative au sens de la mémoire et de l’endurcissement nécessaire, ce qui les expose aujourd’hui à l’objection des droits de l’enfant. Fernanda Ribeiro en portant un regards croisé sur l’interdiction des châtiments physiques faits aux enfants au Brésil, en Uruguay et en France montre la persistance symbolique de la notion de dressage du corps en tant que prérogative parentale. Chantal Medaets, en prenant l’exemple des enfants « confiés », met en évidence qu’ils doivent apprendre prioritairement à contrôler leurs émotions dans une expérience de soumission à l’adulte et Nadège Mézié montre qu’apprendre à tuer dans les situations d’extrême-violence (guerres civiles, génocides) est un savoir-faire à acquérir.

Education et système de valeurs

L’éducation morale est l’objet de l’enquête menée par Aude Michelet en Mongolie. Une forme d’intégration sociale et environnementale très différente est présentée par Isabel Cristina de Moura Carvalho : l’éducation environnementale comme éducation morale, nouvelle configuration éducative contemporaine issue du débat écologique. Luciele Comunello, quant à elle, analyse les modalités d’apprentissages dans une éco-villa dans l’état du Rio Grande do Sul (Brésil), et, en particulier, l’éducation de l’attention et des sens. Ana Paula Marcante Soares, de son côté montre que les discours normalisateurs et prescriptifs des nouvelles moralités écologiques sont partie prenante des conflits environnementaux dans les processus de transformation urbaine de la rive du fleuve qui affectent la transmission et la mémoire des savoirs environnementaux.

Enfin, si les anthropologues se sont d’abord montrés soucieux de comprendre et même de sauver les sociétés orales soumises, par l’intermédiaire de l’école, à l’hégémonie culturelle, à la domination politique, à la colonisation et au développement de l’individualisme, la scolarisation prend une nouvelle signification dans les politiques de reconnaissance quand l’école est repensée comme instrument de survie et de « reconstruction » des identités culturelles minoritaires. Marie Salaün  fait  ainsi état des débats sur l’authenticité auxquels a donné lieu en Polynésie française l’art déclamatoire (Orero) désormais enseigné seulement à l’école et donc sorti de son contexte traditionnel pour être ainsi recontextualisé. Ces processus de reconnaissance et de « survival » posent plus généralement la question de la représentation de sa propre culture, des images de soi et des autres. C’est  dans le domaine des activités graphiques que Clarisse Cohn et Alain Pierrot  comparent de ce point de vue des dessins d’enfants, notamment le dessin de « mon village » réalisés à l’école et en dehors au  Sénégal et au Brésil.

Programme

Mercredi 16 septembre 2015

La transmission de l’écriture et la scolarisation des apprentissages

Matinée

  • 9h30 - 10h30 : Introduction du colloque par  Joël  Lebeaume, Doyen de la faculté,

Erwan Dianteill, Directeur du Canthel, puis Isabel Carvalho (PPGEDU- PUCRS) et Alain Pierrot (Canthel, Paris Descartes)

  • 10h30 - 11h10 : Alain  Pierrot (Canthel, Paris Descartes) : « L’inculcation de l’écriture d’un point de vue anthropologique et  épistémologique »
  • 11h10 - 11h50 : Maria Helena Camara Bastos (PPGEDU-PUCRS) : « Éducation des esclaves au Brésil : vestiges  épars d’une histoire d’exclusion (du XVIIe au XIXe Siècles) »
  • 11h50 - 12h30 : Gladys Chicharro (Université Paris 13) : « Du pinceau à l’ordinateur : l’apprentissage par le corps de l’écriture chinoise à l’école et en dehors »
  • 12h30 - 14h DÉJEUNER

Après-midi

  • 14h - 14h40 : Marie Pierre Chopin (LACES Bordeaux II) : « Transmettre les écritures du corps : une histoire discrète de la pédagogie »
  • 14h40 - 15h20 : Régine Sirota (Cerlis,  Paris Descartes) : « Les livres d’enfants, des manuels de civilité contemporain paradoxaux, entre formel et informel ? »
  • 15h20 - 16h : Diane Bedoin (CIVIIC ESPE Rouen) : « Rapports à l’école et à l’écrit des jeunes sourds : enjeux de la gestualité »
  • 16h - 16h40 : Joël Lebeaume (EDA, Paris Descartes) : « Apprentissages gestuels techniques, leur valorisation puis leur exclusion des formations professionnelles sous les contraintes de scolarisation »

16h40 - 17h PAUSE 

  • 17h - 18h : Discussion générale avec les participants de la journée

Jeudi 17 septembre 2015

Violence physique et symbolique en éducation 

Matinée

  • 9h30 - 10h10 : Erwan Dianteill (Canthel, Paris Descartes) : « Initiation, éducation et contrainte sociale : quelques exemples africains et afro-américains »
  • 10h10 - 10h50 : Serena Bindi (Canthel, Paris Descartes) : « Violence et production genrée du sujet féminin adolescent au Garwhal  (Himalaya indien) »
  • 10h50 - 11H05 PAUSE CAFÉ
  • 11h05 - 11h45 : Jean-Marc de Grave (Univ. Aix-en-Provence) : « L’initiation rituelle javanaise et ses transpositions modernes dans des écoles d’arts martiaux et différents lycées »
  • 11h45 - 12H25 : Monica de la Fare (PPGEDU-PUCRS) : « Éducation d’adultes, formes de violence symbolique dans l’éducation des classes populaires (alphabétisation des femmes) »
  • 12h25 - 14h DÉJEUNER

Après-midi

  • 14h - 14h40 : Cristina Figueiredo (EDA, Paris Descartes) : « ‘Afin qu’ils ne deviennent pas des ânes’ : l’éducation sans violence chez les Touaregs »
  • 14h40 - 15h20 : Nadège Mézié (PPGAS-UFRGS) : « Apprendre à tuer. Des savoirs-faire en situation d’extrême-violence »
  • 15h20 - 16h : Chantal Medaets (Canthel, Paris Descartes) : «  Apprentissages des enfants confiés : contrôle émotionnel et expérience de la soumission »
  • 16h - 16h40 :  Fernanda Ribeiro  (PPGCC - PUCRS) : « L’interdiction des châtiments physiques faits aux enfants. Regards croisés entre Brésil, Uruguay et France »

16h40 - 17h PAUSE 

  • 17h - 18h : Discussion générale avec les participants de la journée

Vendredi 18 septembre 2015

Éducation et système de valeurs

Matinée

L’éducation morale comme  intégration  sociale et environnementale

  • 9h30 - 10h10 : Aude Michelet (LAS- Collège de France) : « Éducation morale en Mongolie »
  • 10h10 - 10h50 : Isabel C. M. Carvalho  (PPGEDU-PUCRS) : « L’éducation environnementale comme éducation morale »
  • 10h50 - 11h05 PAUSE CAFÉ
  • 11H05 - 11H45 : Luciele Comunello (PPGEDU-PUCRS) : « Apprentissages dans une éco-villa dans l’état du Rio Grande do Sul (Brésil) : l’éducation de l’attention et des sens »
  • 11h45 - 12h20 : Ana Paula Marcante Soares (PPGEDU-PUCRS) : « Conflits environnementaux, transmission et mémoire des savoirs environnementaux » (lecture du texte par Nadège Mézié)
  • 12h20 - 13h40 DÉJEUNER
  • 13h40 - 14h40 : Discussion générale avec les participants de la matinée animée par Nadège Mézié

Après-midi

Ecole, politique de reconnaissance et  représentation des identités culturelles :

  • 14h40 - 15h20 : Marie Salaün (Canthel, Paris Descartes) : « Au-delà de l’authenticité ? L’art déclamatoire (Orero) à l’école en Polynésie française : enjeux anthropologiques »
  • 15h20 - 16h : Clarice Cohn (UFSCar) : « Le dessin d’enfants Xicrin à l’école et en dehors »
  • 16h - 16h40 : Alain Pierrot (Canthel, Paris Descartes) : « ‘Le dessin du village’, comparaison de deux exemples  peul (Sénégal) et  guarani  (Brésil) »

16h40 - 17h PAUSE 

  • 17h - 18h : Discussion générale avec les participants de l’après-midi animée par Pierre Clanché (Bordeaux II)
  • 18h00  COCKTAIL

Lieux

  • Amphithéâtre Durkheim - Sorbonne, 1 rue Victor Cousin
    Paris, France (75005)

Dates

  • mercredi 16 septembre 2015
  • jeudi 17 septembre 2015
  • vendredi 18 septembre 2015

Mots-clés

  • transmission, apprentissage, violence, valeur

Source de l'information

  • Marine Christille
    courriel : jnum [at] sciencesconf [dot] org

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Anthropologie et éducation », Colloque, Calenda, Publié le mardi 08 septembre 2015, https://doi.org/10.58079/t7y

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