AccueilPouvoirs du son / sons du pouvoir

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Pouvoirs du son / sons du pouvoir

The powers of sound / the sound of power

Esthétique et politique du sonore

Aesthetics and the politics of sound

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Publié le jeudi 05 janvier 2017

Résumé

À l’occasion des 40 ans de la publication du Paysage sonore de Raymond Murray Schafer (The Tuning of the World, 1977) ce colloque entend faire un état des lieux des recherches récentes sur le son en sciences humaines et sociales, en croisant les approches esthétiques et politiques.

Annonce

Date et lieu

Colloque international — Université de Picardie Jules Verne

Amiens, 15, 16 et 17 novembre 2017

Argumentaire 

À l’occasion des 40 ans de la publication du Paysage sonore de R. Murray Schafer, ouvrage majeur et discuté, ce colloque a pour objectif de faire plus largement un état des lieux des sound studies ou études sur le son, en rassemblant des recherches actuellement éparses et cloisonnées. Afin de mettre en évidence le caractère par essence transversal de l’objet et de la question du son, le colloque entend bâtir un pont entre les approches esthétique et politique du son en philosophie, dans les sciences humaines et sociales et à travers le prisme des pratiques artistiques.

L’étroite relation entre politique et esthétique du sonore est établie dès la période antique, à ce titre, la spécificité de la sensation auditive est analysée par Platon dans la République et les Lois puis par Aristote dans les pages séminales du livre VIII de la Politique, et dans les Problèmes (XIX) consacrés aux questions musicales. En découle une place considérable faite à la pratique de la musique dans la cité. Aussi les approches pourront notamment interroger la place du sonore depuis les paradigmes politiques de la formation du citoyen, de sa participation, de la délibération publique, mais aussi de la domination, le son étant doté d’un pouvoir de contrainte dont on tentera de comprendre les ressorts concrets, notamment affectifs.

Le terme « pouvoir » est ici entendu dans son sens le plus large : puissance exercée, efficacité, capacité à susciter des effets : affects, actions, comportements. Aussi la passivité de l’auditeur (« les oreilles n’ont pas de paupières » et ouïr revient non seulement à être passif mais bien plus, à être vulnérable) conduit-elle à une mise en mouvement des corps et des esprits, jusqu’à une attitude d’obéissance (voir la commune étymologie de audire et obaudire). Nous nous intéresserons alors conjointement à la dimension institutionnelle du pouvoir comme instance ou organe de gouvernement et de commandement. Des ouvrages importants plus ou moins récents, dont ceux de Juliette Volcler, Le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son (La Découverte, 2011), de François J. Bonnet, Les mots et les sons. Un archipel sonore (Éditions de L’éclat, 2012), ainsi que les travaux pionniers de Michel Poizat (Vox populi, vox Dei. Voix et pouvoir, Métailié, 2001) et d’autres encore, ont montré le caractère opératoire et efficace du matériau sonore, capable de transgresser le strict domaine du sentir et de s’imposer comme pouvoir. Les thèmes de la voix, de l’oralité, du bruit et de l’ambivalence politique et sociale du fait musical au long de son histoire feront de ce point de vue l’objet d’une attention particulière. Les réflexions autour de la dimension environnementale du son, abordant les notions de territoire, de paysage sonore naturel ou urbain seront également les bienvenues. Il s’agira ainsi de mettre au jour le propre de la sensation sonore en elle-même et en tant que support et instrument de pouvoir mais aussi, peut-être, comme moyen de lui résister.

Tous les courants philosophiques pourront être représentés et cette réflexion collective se veut l’occasion de faire dialoguer entre elles des démarches différentes : philosophie politique et juridique, histoire de la philosophie, philosophie des sense-data, philosophie analytique, esthétique, phénoménologie, etc. En dehors de la philosophie, on privilégiera les approches conceptuelles du son dans les disciplines suivantes : esthétique, littérature, arts (musicologie, études théâtrales, analyse de performances et d’œuvres électroacoustiques), science politique, géographie et études urbaines, psychologie, histoire, sociologie, anthropologie. L’analyse d’œuvres artistiques utilisant le son et réfléchissant sur et avec lui pourra servir d’éclairage sur la question. Les interventions pourront prendre la forme de conférence-concert, performance ou installation sonore envisageant cette articulation entre les paradigmes sonores et politiques.

Quelques axes de réflexion possibles, mais non exclusifs, communs notamment aux champs philosophique, artistique, social, politique :

Ontologie et phénoménologie du sonore

Qu’éprouve-t-on, que sent-on ou que perçoit-on quand on entend, quand on écoute ? Au-delà de la création et de la production d’œuvres sonores, une telle perspective conduirait à prendre en considération la complexité du phénomène de l’écoute : qu’est-ce que connaître par l’oreille ? Que serait une esthétique qui substituerait le paradigme de l’ouïe à celui de la vue ? Comment le pouvoir s’insinue-t-il et s’intériorise-t-il par l’oreille ?

D’un point de vue philosophique, il s’agira dans un premier temps d’articuler les questions ontologiques de la nature, l’essence et le mode d’existence du son dans le monde (événement ? disposition ?) aux questions phénoménologiques qui renvoient aux modalités et aux dimensions nécessaires à sa description, notamment à la notion d’espace phénoménal permettant ou non de cerner la spécificité du son. On se demandera alors quel type d'être est le son, et si son être même est réductible à son être-perçu (hypothèse des sense-data), dans le but de fonder la réflexion sur les modes d'efficience du son, et, en particulier, sur les pouvoirs du son.

À côté des approches théoriques, ou en dialogue avec elles, on pourra envisager comment certaines esthétiques et pratiques sonores (théâtrales, cinématographiques ou plastiques) questionnent la possibilité d’une ontologie ou d’une phénoménologie du son. 

Espaces, territoires et paysages sonores

Le bruit pourtant invisible et intangible possède une capacité à occuper et à délimiter des espaces et des appartenances. Les usages artistiques (plastiques, théâtrales, cinématographiques), scientifiques et politiques de la notion de paysage sonore sont à réinterroger, quarante ans après la publication de l’ouvrage de R. Murray-Shafer, The Tuning of the World (traduit en français sous le titre Le Paysage sonore. Le monde comme musique). Ce concept a néanmoins permis de renouveler l’approche de nombreuses disciplines, notamment l’histoire, mais aussi le design, l’architecture, etc.

D’un autre point de vue, et au-delà du strict concept de paysage sonore, l’on tentera de distinguer entre espace, territoire, communauté, en mettant en évidence le rôle des sons dans l’occupation et la démarcation des espaces réels ou symboliques, en étudiant par exemple des modalités de l’expression publique des idées et notamment le statut des slogans et des chants politiques scandés lors des rassemblements, des hymnes nationaux quant à l’appartenance à une communauté.

Voix et pouvoir

La voix étant considérée comme le paradigme de la participation et de la présence dans l’espace public, qu’entendre aujourd’hui par l’expression « vox populi » ? Que veut-on dire lorsque l’on parle de « sans voix » ? Que signifie ainsi « (re)prendre de la parole », et comment ces expressions traversent les pratiques scéniques actuelles ? Voir à ce titre le succès d’un travail comme celui de Joël Pommerat (Ça ira (1) Fin de Louis).

On pourra interroger d’un point de vue théorique le statut de la musique et plus particulièrement l’art lyrique : comment comprendre le pouvoir qu’il exerce sur ses auditeurs, cette « aimable tyrannie de l’âme », sa dimension essentiellement affective et son rapport à la sphère sociale et politique. De ce point de vue, les perspectives esquissées par P.-J. Salazar, C. Clément, et M. Poizat pourront fournir matière à réflexion. On s’intéressera alors à ce que, parmi les œuvres vocales, l’œuvre opératique dit des sociétés qui la voient naître ou héritent de cette forme.

Indications bibliographiques

Bernard Baas, La voix déliée, Hermann, 2010.

François J. Bonnet, Les mots et les sons. Un archipel sonore, Éditions de L’éclat, 2012.

Esteban Buch, La Neuvième de Beethoven. Une histoire politique, Gallimard, 1999.

Esteban Buch, Nicolas Donin, Laurent Feneyrou, Du politique en analyse musicale, Vrin, 2013.

Judith Butler, Gayatri Spivak, L’État global [Who sings the Nation-State ? Language, Politics and Belonging ] Payot, 2007.

Stanley Cavell, Un ton pour la philosophie. Moments d’une autobiographie [1996 : A Pitch of Philosophy. Autobiographical Exercises], Bayard, 2003.

André Charrak, Musique et philosophie au XVIIe siècle, PUF, 1998.

Michel Chion, Le son. Traité d’acoulogie, Armand Colin, 2e éd., 2010.

Catherine Clément, L’opéra ou la défaite des femmes, Grasset, 1979.

Alain Corbin, Les cloches de la terre. Paysage sonore et culture sensible dans les campagnes au XIXe siècle, Albin Michel, 2014.

Jérôme Dokic et Roberto Casati, Philosophie du son, J. Chambon, 1994.

Martine de Gaudemar, « Philosophie et opéra », Implications philosophiques, 2013.

Lydia Goehr, Politique de l’autonomie musicale. Essais philosophiques, La Rue musicale, 2016

Lydia Goehr, The Quest for Voice. Music, Politics, and the Limits of Philosophy, University of California Press, 1997.

Sara Iglesias, Musicologie et occupation. Science, musique et politique dans la France des « années noires », Éditions de la Maison des sciences de l’homme, 2015.

Douglas Kahn, Noise, Water, Meat. A History of Sound in the Arts, Cambridge, MIT Press, 1999.

Pauline Nadrigny, Musique et philosophie au XXe siècle. Entendre et faire entendre,  Classiques Garnier, 2015.

Martha Nussbaum, « Égalité et amour à la fin du Mariage de Figaro : constituer les émotions démocratiques », Raison Publique, n°13, 2010.

Michel Poizat, Vox populi, vox Dei. Voix et pouvoir, Métailié, 2001.

Michel Poizat, L’Opéra ou le cri de l’ange. Essai sur la jouissance de l’amateur d’opéra, Métailié, 1986.

Michel Poizat, La voix du diable. La jouissance lyrique sacrée, Métailié, 1991.

Raymond Murray-Schafer Le paysage sonore. Le monde comme musique, [The Tuning of the World, 1977] Wild Projet, rééd. 2010.

Pierre Schaeffer, Traité des objets musicaux. Essai interdisciplines, Seuil, 1966.

Philippe-Joseph Salazar, Idéologies de l’opéra, PUF, 1980.

Philippe-Joseph Salazar, Le culte de la voix au XVIIe siècle. Formes esthétiques de la parole à l'âge de l'imprimé, Champion, 2000.

Bernard Sève, L’altération musicale, ou ce que la musique apprend au philosophe, PUF, 2013.

Jonathan Sterne, Une histoire de la modernité sonore, [The Audible Past : Cultural Origins of Sound Reproduction, 2003]La Découverte, 2015.

Jonathan Sterne, The Sound Studies Reader, sous la dir. de J. Sterne, Routledge, 2012.

Peter Szendy, Écoute. Une histoire de nos oreilles, Minuit, 2001.

Salomé Voegelin, Listening to Noise and Silence. Towards a Philosophy of Sound Art, Bloomsbury, 2010.

Juliette Volcler, Le son comme arme. Les usages policiers et militaires du son, La Découverte, 2006.

Modalités de participation

Envoyer d’ici le 31 mars 2017

un résumé d’environ 2500 signes, accompagné d’une bio-bibliographie de 500 signes maximum (espaces comprises) à l’adresse suivante :

colloque.son.amiens@gmail.com

Les réponses seront communiquées au plus tard le 1er mai 2017.

Une publication des actes du colloque est prévue, les communications feront l’objet, le cas échéant, d’une sélection.

Responsable 

  • Céline Hervet

Comité d’organisation

  • Christophe Al-Saleh,
  • Demian Garcia,
  • Céline Hervet,
  • Chloé Larmet

Comité scientifique 

  • Christophe Al-Saleh (Université de Picardie-Jules Verne)
  • François J. Bonnet (INA-GRM)
  • Esteban Buch (EHESS)
  • Estelle Ferrarese (Université de Picardie-Jules Verne)
  • Céline Hervet (Université de Picardie-Jules Verne)
  • Chloé Larmet (Université de Picardie-Jules Verne)
  • Pauline Nadrigny (Université Paris 1-Panthéon Sorbonne)
  • Jean-Louis Pautrot (Saint Louis University)

Lieux

  • Logis du Roy - Passage du Logis du Roy
    Amiens, France (80)

Dates

  • vendredi 31 mars 2017

Fichiers attachés

Mots-clés

  • son, pouvoir, esthétique, politique, philosophie, voix, paysage, territoire, espace, parole

Contacts

  • Céline Hervet
    courriel : celine [dot] hervet [at] gmail [dot] com

Source de l'information

  • Céline Hervet
    courriel : celine [dot] hervet [at] gmail [dot] com

Licence

CC0-1.0 Cette annonce est mise à disposition selon les termes de la Creative Commons CC0 1.0 Universel.

Pour citer cette annonce

« Pouvoirs du son / sons du pouvoir », Appel à contribution, Calenda, Publié le jeudi 05 janvier 2017, https://doi.org/10.58079/wjj

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